Souvenirs d’une vie : Jeanne

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- Voilà ! s'exclama Blaidd victorieux. Encore un café, ma belle, ces œufs au bacon m'ont donné soif, lança l'enquêteur « du weird » à la serveuse du snack bar.

Alyss lui prit le journal et lut l'article en entier.

- Quatre meurtres avec le même M.O., tu n'es pas très vif pour un professionnel. Bordel ça pue ton truc !

- Meilleur brunch au monde ! Après deux heures de marche et une virée sur ton engin de la mort, y'a que ça de vrai ! Quoi t'aimes pas le bacon ?

- Je mange pas de viande ! Suis pas cannibale.

Blaidd leva les yeux engloutissant le reste de son plat, l'air étonné.

- Et les œufs brouillés c'est dégueulasse ! Œuf à la coque, mouillette dorée au grill, beurre et fleur de sel. Là OK on parle la même langue.

- N'insulte pas pas mes œufs, ma jolie, on va pas être copains.

- Cannibale.

- Tu vas sortir de table de suite, ma vilaine.

- Sans chauffeur tu l'as dans le cul mon amour, lança Alyss se penchant langoureusement vers le détective.

À ce moment précis, le duo sentit une brise leur effleurer la joue.

- C'est comme ça que tu cherches, Blaidd ?

- Te bile pas l’androïde, j'ai trouvé. Il glissa le journal vers Eivann 2.0.

Le « synthétique » lut l'article.

- Et tu préfères lever de parfaites inconnues au lieu de passer à l'action.

- Pour info mon poulet, on n'a pas encore couché ensemble.

Eivann 2.0, interloqué, tourna la tête vers Blaidd. Puis s'adressa à Alyss :

- Tu me vois ?

- Oui, pourquoi, t'es l'homme invisible ?

- Non, mais d'habitude seuls cet abruti et Bowen peuvent me voir.

- Mais tu es quoi sérieusement ? demanda l’enquêteur à la jeune femme.

- Ton chauffeur, pour l'instant. C'est quoi cette question ? Puis regardant l’androïde, vous voyez un peu comme il me traite ? Et il me paie pas un rond ! Il a fait la grimace quand je lui ai demandé de partager son café. Je ne vais tout de même pas m'abaisser à faire les poches des serveurs ? Puis, se tournant vers Blaidd : si ?

- Avec lui c'est toujours la même chose. Il faut lui botter les fesses pour qu'il avance et quand on lui donne un coup de main, pas même un merci !

Le limier se leva de table pour payer puis sortit fumer sa cigarette en grognant.

- Je dois vous laisser, il serait foutu de filer en douce. J'ai été ravie. Au fait c'est Alyss, fit-elle en tendant la main au visiteur artificiel.

- Appelle moi Eivann 2.0, dit-il, passant ses doigt au travers de l’avant-bras de la rousse, pour lui montrer qu’il n’est qu’une projection holographique. Bon courage avec l'animal.

- Oh, merci, s'exclama Alyss, l'air réjoui. Elle sortit du restaurant.

L’androïde les observa un instant, avant de disparaître.

Donnant un coup d'épaule amical au détective, elle descendit les marches du snack en direction du parking.

- C’est tout à fait normal qu’on sorte du pub dans lequel bosse ton ex... Lança la jeune femme sourire en coin.

Blaidd baissa les yeux en fouillant dans sa veste.

- Hey. Je suis vraiment navrée. Tu cherches à enquêter sur sa perte de mémoire ? C’est lui Bowen ?

L’homme lève les yeux vers Alyss, surpris.

- Comment tu… ?

- On ne peux pas rejeter quelqu’un comme ça. Même quand on fait semblant de ne pas le connaître, ça se sent quand il y a eu quelque chose entre deux personnes. Et lui, ça se voit qu’il ne te connais pas, mais les regards que tu lui lançais…

- Lecture à froid, langage des corps, tu vas me sortir quoi comme connerie de PNL à la con ? Grommelle Blaidd en avançant vers l’engin de la mort de sa nouvelle coéquipière.

Les deux compères filèrent au commissariat, afin de glaner un maximum d’informations qui leur permettraient d’avancer dans leur investigation.

- Sur les lieux du quatrième meurtre, les flics ont relevé les traces de sang d'un rhésus différent de celui de la victime, Blaidd, lança Alyss en sortant du district de Chiswick.

- J'ai mieux. Une victime a réussi à échapper au tueur, envoya le limier, fier de son petit effet.

- Tu sais que t'es sexy avec ta petite tête de con, tout content de sa personne, lui dit-elle en tirant doucement sur sa cravate mal nouée.

Blaidd resta figé, ne sachant trop que faire, que penser ?

- Que de la gueule, je parie, marmonna-t-il en s'allumant une autre cigarette.

- Ça reste à voir mon poussin, lui lança-elle, se dirigeant vers sa bécane.

Il se retourna pour la suivre du regard et mit une main dans sa poche. Continuant de fumer sa cigarette il observa sa nouvelle collègue. Pouvait-il vraiment l'appeler ainsi ? Mais c'est bien utile une arnaqueuse pour obtenir des renseignements d'individus qui, en temps normal, sont payés pour les cacher au monde. Il la trouvait belle dans son Levi's et son T-shirt noué, décoré d'un drapeau britannique qui semblait affirmer seulement une chose : « Je vous emmerde tous ». Un frisson lui parcourut l'échine. Puis un flot de chaleur lui explosa dans la chair. Des serpents soyeux s'enroulaient autour de ses membres fébriles. Un chuchotement indicible lui vint aux oreilles. Le chuchotement s'amplifia : « Blaiiiiiidd ! »

- Hey, mon canard, tu fais quoi là ? Monte, il faut retrouver le môme avant le tueur.

Le faux-blond sursauta.

- Oui, lança-t-il en jetant sa clope, mais tu vas devoir y retourner, reprit-il en montrant le commissariat dans son dos.

- L'adresse du môme, fit-elle.

- Exact.

Le bolide noire s'arrêta à quelques mètres du Royal Botanic Garden.

- Le môme n'a pas dû aller bien loin, lança Blaidd en enlevant son haume.

Alyss fit de même et attendit qu'il descende de la moto. Elle enferma les casques sous l'assise et resta plantée sans rien dire. Le regard dans le vide. L'enquêteur l'observa, intrigué par son mutisme. Il allait lancer une vanne quand la jeune femme s'anima.

- Le parc est grand. Si je voulais me cacher d'un psychopathe, j'irais me perdre là bas. Mais à son âge il n’a pas dû aller bien loin, Waterlily house, pas plus.

- OK, lança le limier, semblant d'accord avec le plan d'Alyss.

Après quelques minutes de marche, ils arrivèrent près de Mediterranean Garden.

- Tu sais que John Williams a vécu ici ?

- Oui. Mais on est hors sujet. Le mec tuait des familles entières. Cinglé.

- Les meurtres de Ratcliff Highway. Pas si hors sujet, la notre rentre dans leur foyer pour buter leur gosse. Mais c'est pas ça, en fait, toi qu'es détective en bizarre et tout le tralala, tu sais que ce genre d'événements produit des points énergétiques surpuissants et je me disais que notre tueur est peut-être une espèce de mage noir qui tue des enfants pour se nourrir de l'énergie du désarroi, et de la haine que peuvent produire des meurtres d'enfants. Et ça produirait des failles entre les mondes... C'est alambiqué je sais.

- Non, lui lança Blaidd, étonné. Il préféra, cependant, en rester là, plutôt que de tenter une pique inutile.

Brusquement Alyss le prit par le bras. Un buisson semblait bouger. Ils s'arrêtèrent pour guetter une éventuelle récidive. Le jeune Benjamin en sortit, apeuré.

- Vous êtes Blaidd, l'expert en phénomènes étranges ?

- Oui, répondit l’enquêteur, hésitant, surpris qu'un enfant de son âge sache qui il était.

- Elle a voulu me tuer, je ne sais pas pourquoi, mais elle a jeté un sort sur mes parents. Ils sont dans le coma !

- Non mon petit, intervint Alyss. Ils vont bien, les policiers ont pris leur déposition ce matin. Par contre, ils doivent être morts d'inquiétude.

- On ne peut pas le ramener maintenant.

- Monsieur Blaidd a raison, je ne peux pas rentrer. Elle va me retrouver et me tuer.

- On rentre à ton appart, lança Alyss en regardant son ami, l'air inquiet.

« Alyss inquiète, ça c'est nouveau, » se dit le limier. Il ne la connaissait que depuis peu, mais elle se comportait comme une fumiste sarcastique et l'inquiétude ne faisait pas partie de son registre. Bon sang ce qu'elle lui ressemblait. Une fois rentrés, Blaidd devrait lui faire cracher le morceau.

On raconte qu'avant le Royal Botanic Garden, l'endroit était un lieu de culte celte et qu'un portail vers les enfers y était scellé. Certains mauvais mages souhaitant ouvrir les portes des abîmes éternelles, y pratiquaient le sacrifice humain, afin d'invoquer les mauvais esprits. Les victimes égorgées et empalées par le coeur étaient exposées en offrande aux démons. D'autres racontent encore que, la nuit, dans le parc, on entend encore les cris des suppliciés. Blaidd savait que ces délires mystiques était de la foutaise. On fait passer de simples extra-terrestres pour des créatures mythologiques. Pour ouvrir une faille entre les dimensions il suffit de posséder la technologie adéquat et non massacrer des gens au nom d’une sombre légende, déformée par des siècles d’oublie.

- Prenez un taxi, je vous suis, lança Alyss en sortant son casque et enfourchant sa moto.

- Bonne idée, ma jolie.

Suok S. pour BLOODY MARY & PSYCHOSIS.

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