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Adsa couina de plus en plus régulièrement, tentant vainement de sortir Psymio de sa torpeur. Illo. Oui. Illo a la dérive dans un monde où elle ne comprenait rien. Ni la Règle, ni le grand Ordre. Et son cœur subissait un vide l’incapacitant de tout soutient. Un gros vide. Qui battait dans la peine. Une absence trop présente. En quoi allait-elle croire si elle ne pouvait plus croire en eux ? Où puiser sa force et son courage si ce n’était pour le protéger, le soutenir? Et elle se trouvait stupide d’avoir ces pensées. Lamentable. Se jugeant aussi fort qu’elle s’accusait de sa perte. Adsa couina à nouveau, presque un jappement. P… Illo leva les yeux. Elle ne l’aperçue qu’à peine. Une enfant. Chauve, chétive, nébuleuse. Elle trouva une réponse. Un flash. Elle se devait à l’enfant qu’elle avait été, et qu’elle était encore. Elle pouvait se battre pour elle. Pour Adsa. Et apprendre à vivre la vie comme une aventure incroyable et merveilleuse. Elle le pouvait ! Adsa sentie l’enthousiasme de sa bipède et remua la queue. Illo se releva sur son lit pour en sortir maladroitement et fermer la porte. Elle se rendit alors dans la salle de bain et retira son cataplasme. Devant le miroir elle eut du mal à se reconnaître, son corps avait subit d’étrange modification : ses cheveux blancs avaient blondit, son œil bleu avait foncé, sa peau avait bronzée. Elle vit aussi deux cicatrices épaisses et gonflées. Elle entra dans la douche, actionna la pompe et fit couler l’eau du pommeau. Au contact de l’eau, sa peau à vif lui arracha un cri qu’elle garda entre ses lèvres serrées. Elle les garda scellées l’une à l’autre encore quelques minutes, le temps de lâcher prise, d’accepter. Elle se détendit peu à peu, laissa sa peine salées quelque peu l’eau pluviale, remua lentement son corps, s’étirant les muscles et les tendons.

Les yeux fermés, elle prenait pleinement conscience de son corps, s’ouvrant à lui en lui donnant du soin et de l’amour. Elle sentie le désir naître pour ce corps qu’elle habitait et qui lui était fidèle. Elle se laissa bercer par les battements qui envoyaient le sang à chaque organe qui composait son métabolisme, l’oxygène qui entrait dans ses poumons et nourrissait ce sang et ces muscles. La peau, douce, chaude et sensible qui recouvrait et protégeait cet ensemble parfait. Elle se caressa jusqu’à l’orgasme. Elle put alors pleurer franchement. Ses sanglots étranglés dans sa gorge. Elle se soulageait. Lorsqu’elle sortit du bac, elle se sentait étrangement sereine et légère. Elle lâchait prise. Quelque chose de chaleureux et de frai à la fois gonflait dans son sternum et lui animait un doux sourire. Elle lâchait prise. Elle sortit nue dans la chambre, alla jusqu’au casier. Elle n’y trouva aucune de ses affaires, mais d’autres, neuves. D’autres vêtements, un autre sac remplit du matériel basique de survie, une autre paire de chaussure… Elle était bien sur le plan de son enfance, revenue aux sources. Elle eut un sourire triste, une larme perla, elle n’avait plus rien de lui. Tout resterait impalpable. Un jour, tout ce qu’ils avaient vécut n’aurait plus que la consistance d’un rêve. Il ne lui restait qu’à tenter la vie. En s’habillant un visage vint percer les images brumeuses. Elle connaissait quelqu’un ici. Elle devait le trouver. Ragaillardie par la perspective d’une mission, aussi banale fut elle, elle mit le sac sur son dos, elle claqua deux fois sa langue contre son palais et ouvrit la porte. Ici, la Règle se basait sur la bienveillance et la confiance, elle pouvait filer à l’anglaise. Elle se retrouva en ville et se perdit quelque peu, sans perdre Adsa des yeux. Le Plan avait changé depuis dix ans, le Grand Ordre aussi. Bien qu’elle connaisse les règles, elle devait se montrer prudente, son passe-passe pouvant être révéler par une subtilité dont elle ignorait tout. Elle regardait les gens, leur visage serein, insouciant. Ils faisaient du bon travail. De beaux moutons bienheureux. A quel prix ? Combien de milliers de vies ?

Ses sombres pensées furent chassées par la devanture d’une échoppe. Elle aurait presque sautée de joie ; elle la reconnaissait ! Elle savait où était la maison, elle n’avait plus qu’à s’y rendre et… Son humeur s’assombrit de nouveau. Elle écarta la douleur, prit conscience de chacun de ses pas, de la présence du quadrupède et de la fonction de sa mémoire. La prochaine à gauche, la fontaine, la place, encore à gauche. Oui ! Elle la vit ! Immense et discrète entre les autres murs de sa rue, tout aussi imposants, ses fenêtres blanches, ses volets turquoises et ses pots encore fleuris en cette saison. Elle alla jusqu’aux battants de bois peints comme les volets, sonna à la cloche de bronze tellement énergiquement qu’elle se retourna de honte. Personne ne la culpabilisa et les secondes qui suivirent lui parurent bien longues, seule devant la porte close. Enfin, un bruit lui indiqua qu’on venait ouvrir. Elle ne connaissait pas le jeune homme qui l’invita à entrer, il semblait plus jeune qu’elle, et certainement couvait-il quelques maux, car son teint livide et ses traits tirés trahissaient une fatigue et une souffrance quotidienne, mais ce n’était pas seulement cela, dans ses yeux brûlait une haine qui la fit frissonner. Il resta face à elle dans le hall d’entrée sans bouger, la dévisageant avec peu d’intérêt.

« Merci de me recevoir, je suis venue voir Yavol.

- Retourne à tes expériences et laisse nous, veux-tu ? Ce n’était pas le jeune homme qui avait parlé. Elle tourna la tête vers celui qui s’avançait. Le jeune homme eut un mouvement de recul, presque de dégout, et tourna les talons en frôlant l’autre au passage.

- Yavol, ma chère, mais je crois que nous nous connaissons déjà. » Elle resta silencieuse. Elle le trouvait toujours très beau, très impressionnant et très angoissant. Mais elle n’avait pas d’autres options, elle avait besoin de son aide. Elle n’en garderait pas moins à l’esprit qu’elle était chez l’ennemi.

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