Hier

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Léo retrouvait des couleurs et de l’appétit. Elle ne parlait toujours pas et son corps aux allures de squelette sous son crâne chauve au visage émacié lui donnait l’allure d’un oisillon tombé du nid trop tôt. La dame dont elle aimait la voix mais pas le ton, venait régulièrement constater les améliorations de sa protégée. Grâce à son influence auprès des médias et la promesse de les appeler, les soigneurs avaient cessés de lui administrer des drogues. Elle n’avait plus que quelques centilitres de cana matin midi et soir afin d’éviter les crises d’angoisses. Plus de décoction moléculaires de plantes innommable afin de la garder dans une parfaite léthargie du corps et de l’esprit. Elle atterrissait. Doucement. Surement. Elle avait la possibilité de se promener dans le parc et de passer un peu de temps avec les autres patients dans le foyer. Parfois elle semblait s’intéresser à ce que l’un et l’autre faisait. Mais elle passait le plus clair de son temps à la fenêtre, le regard perdu vers l’immensité du dehors, de l’horizon, d’ailleurs… Elle semblait happer par cet appel silencieux. La Dame lui avait dit que P’tit Gars était en fuite, il aurait mangé le grillage de son box au chenil. La Dame pensait lui faire plaisir, mais pinça une fois de plus ses petites lèvres charnues, ornée de rouge. Le silence de l’enfant la frustrait terriblement. Elle avait passé un accord avec l’infirmier chef pour que l’enfant soit tondue jusqu’à ce qu’elle prononce un mot. L’enfant ignorait cela. L’enfant ne semblait plus accorder d’importance à grand-chose de toute façon. La Dame se lassait, comme de tous ses jouets. Seulement elle devenait de plus en plus contrariée chaque fois qu’elle quittait l’enfant. Elle ne savait dire pourquoi. Le jour de son onzième anniversaire, elle l’était d’autant plus qu’elle n’avait pas daigné ouvrir son cadeau, et en même temps avait mangé la moitié du gâteau, pour le vomir quinze minute plus tard.

Le 17 août il faisait beau pourtant. Léo avait faim oui, seulement d’autre chose. Non de nourriture ou d’objet, elle avait faim de dehors. De courir pieds nus dans les chemins de terre, de manger dans le jardin, de monter aux arbres, de lire, d’apprendre… Et en même temps son cerveau lui semblait fatigué, vraiment fatigué. Les images de ce qu’elle pensait être sa vie paraissaient floues, lointaines, comme appartenant à une autre. La plupart du temps ces pensées flottaient atour d’elle, diverses et variées, l’efflorant sans jamais la saisir. Elle errait. Elle ne se connectait plus aux autres, elle s’y cognait. Une chape cotonneuse limitait ses sens, ses sentiments, ses émotions, ses pensées… Parfois son cœur remuait lentement, elle ne s’y arrêtait pas. Elle était tellement fatiguée, fatiguée de ce monde qui salissait tout, désacralisait tout, pour être moins coupable d’être dégueulasse. Tous biens figés dans leur cage, ils s’empiffraient de conneries pour rendre de la tune qui produisait les conneries. Un beau cercle proprement immonde. Et elle, elle était sortie du cercle, comme les autres fantômes ici. Tous sortis du cercle pour des raisons différentes. Et ça donnait ça. Fallait avouer que ça ne donnait pas envie. Alors qu’elle remontait dans sa chambre après avoir été lavée par les infirmières, elle vit une femme allongée dans son lit à travers la porte de sa chambre entrouverte. En regardant son visage elle crut que son sang se figeait dans ses veines et qu’il refroidissait subitement. Elle continua de monter les marches. Ce qu’elle avait vu dans cette chambre, c’était elle dans dix ans. Un feu délicieux vint inonder ses entrailles, elle aurait vomit de la lave. Elle regarda sagement l’infirmier l’enfermer dans sa cage, un espoir brûlant dans les trippes.

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