Hier

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Léo ne sortait plus de ce brouillard chimique, ou pour se voir administrer une autre dose. Elle aurait voulut hurler, se battre, mais elle n’avait aucune prise, nulle part. Flottante dans les limbes, entre sommeil et rêve éveillé. Tout lui paraissait insaisissable. Au fur et à mesure les choses qui lui importaient le devenaient de moins en moins. Rien ne sembla avoir vraiment compté ni ne devait plus le devoir. Puis les choses se hachèrent. Des éclats plus nets vinrent traverser sa nouvelle réalité cotonneuse. Un visage de femme lui sembla plus familier. Sa voix était belle, rude et cassante, mais belle. Elle avait envie qu’elle chante. Qu’elle grandisse au lieu de s’étriquer. Comme elle. Le visage et la voix semblaient souvent percer ses pensées brumeuses. Pensait-elle encore ? Il y avait quelques éclairs de clarté. Elle ressentait physiquement. Les aiguilles étincelaient parfois d’une incroyable précision dans son champ de vision : leur lueur argenté, le petit trou d’où venait le liquide, leur fine et longue taille… Et surtout, leur petit morsure sur sa peau avant qu’elle ne vienne se glisser dessous déverser le produit. La chambre reprenait parfois ses dimensions, ne l’écrasant ni ne l’égarant, espace ni restreint, ni effroyablement infini. Elle, comme une bulle, ne sentait plus son corps. N’étant plus que conscience, présente dans l’instant, c’est tout. Un calme souverain s’emparait d’elle alors que la chambre, les voix et les visages étaient engloutis dans le silence. Chaque éclat de réel lui faisait prendre conscience qu’elle était de plus en plus à l’aise dans son cocon chimique. Oui, elle l’admettait, elle était bien là. Rien ne se construisait mais rien ne s’écroulait. Les choses étaient vides de sens mais la question ne se posait pas. Les choses étaient fades mais jamais amères ou acides. Rien ne compte vraiment avant un mais. Alors Léo se laissait bercer entre éclats et coton, bulle sans but ni désir. Et c’est fou comme elle respirait.

Dans son corps l’énergie circulait lentement, discrètement, sans encombre. Elle était comme un arbre. Chaque seconde devenait éternité, chaque jour lui glissait entre les doigts. Elle sentait bien parfois l’extérieur la rappeler. Mais non. Elle ne voulait plus. Après tout, il n’y avait rien pour elle. Le monde était bien sombre et elle s’y sentait si seule, si petite, si fragile. Elle voulait rester maintenant, aller plus loin encore même. Car Léo frôlait la mort. Elle le savait. D’une douce et paisible certitude. Elle s’en allait. Peu à peu les faibles lueurs qu’étaient ses pensées s’éteignaient, une à une. Un néant profond et silencieux commençait à l’envelopper alors que quelques dernières étincelles s’échappaient entre ses yeux. Elle se sentait monter en ayant encore une étrange conscience du corps qu’elle laissait derrière elle. Son réceptacle. Alors, une douce chaleur vint la frôler, tendre, puis la pénétra doucement. « Léo, reste, Léo… Je suis là… Reste. » Léo su. Elle ne pouvait plus partir.

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