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Olaf regarda l'horizon gris et froid qui s'étendait à ses pieds. Il lui restait encore quelques milliers de kilomètres avant de rejoindre le grand phare où il pourrait livrer son message au veilleur. Mais sa force commençait à lui manquer. La nourriture se faisait rare en ces plaines glaciales et désertiques loin des villages plastiques, le vent soufflait en grande majeur partie du temps, s'engouffrant dans les guenilles de l'homme squelettique, et dont le sang se glaçait immanquablement. Il s'appuya plus lourdement sur son bâton de houx. Il ferma les yeux, prit une profonde inspiration et se décida à descendre la montagne qu'il venait de gravir, en trois jours de marche soutenues et douloureuses. Il remit en place son sac à dos sur ses larges épaules osseuses, où tombait pitoyablement des guenilles de laine. Ses chaussures étaient depuis longtemps, trop fatiguées. Mais Olaf devait terminer son voyage. Il devait descendre la montagne, traverser la plaine Néa, traversé le pic Ecla, suivre le fleuve Elédor, et alors, il ne lui resterait que la vallée, verte et claire. Il pourrait voir la cité de Vestiar s'élever sur ses roches pâles. Il décolla les larmes qui venaient de geler sous ses yeux, et amorçât sa descente d'un pied souple et sur, mais fatigué, quelque peu tremblant. Il devait trouver rapidement de l'eau, il était habitué plus que la plupart au manque des besoins essentiels, mais aujourd'hui cela ferait cinq jours, la glace n'étant pas consommable, recelant de matière nucléaire qui le tuerai en quelques heures. Il lui fallait trouver un village avec une arrivée d'eau installé à la première ère undüs. Ainsi, il pourrait boire longuement et remplir ses gourdes. Il tenta d'avaler sa salive, alors que l'envie le tenaillait, mais sa bouche pâteuse ne lui offrit qu'un air froid et putride qui le fit tousser. Il pensa à Eva, souffrant silencieusement de son absence, ravi qu'elle soit en sécurité.

Du moins l'espérait-il, car en ces heures troubles, peu d'êtres vivants pouvaient se targuer d'être en sécurité. Le froid nucléaire se répandait, tout comme ses molécules qui rendaient rapidement malade au point de mourir, en des souffrances relativement désagréables. La nourriture poussait de moins en moins dans le sol mort. Mais s'il atteignait le phare, alors peut-être que le veilleur l'aiderait, peut-être y avait-il un passage pour trouver une nouvelle terre. Vive et fertile. Sinon, quoiqu'il puisse faire, Eva mourrait. Comme tous les autres. Et tout ce qui vivait ici avec eux. Il leur fallait une porte de sortie. Il ne doutait pas de son existence, mais plutôt de la bonne volonté du veilleur à accéder à sa requête. Sous le soleil grisâtre que lui offrait le ciel triste, il se sentit terriblement seul alors qu'il atteignait la plaine Néa. Sa traversée durait une semaine en moyenne, pour des marcheurs aguerrit. Comme il l'était, seulement, il avait faim, froid et terriblement soif. Cela faisait plusieurs semaines qu'il n'avait croisé âme qui vive. Il aurait donné beaucoup pour un sourire d'Eva dans cette aurore grise, triste à pleurer. Ainsi leur monde s'était éteint, sous les bombes et la haine. La folie avide du pouvoir des certains. On avait tenté de sauver ce qu'on avait pu, mais il était trop tard. Bien trop tard, le mal était fait, la fin, irrévocable. Les arbres tombaient, les sols pourrissaient, le ciel pleurait de l'acide. Rien de réjouissant pour l'avenir. À moins que, à moins qu'il réussisse à convaincre le veilleur. Il le fallait. Pour Eva. Il se souvenait d'un homme qu'il avait rencontré quelques jours après son départ, cet homme, un peu étroit d'esprit, chassant les jeunes hommes pour vendre leur testicules aux sorcières des bois Frondsa. À ces dires, il devait se trouver un village caché à l'entrée de la plaine. Il avança. C'est dans cette ère glaciale qu'il devait évoluer depuis bientôt dix longues années. Eva devait avoir changée, elle devait être si belle, il espérait qu’elle ressemblait à sa mère… Son cœur lui envoya une décharge qui vint lui vriller le bras gauche jusqu'aux bouts des doigts.

Eva… ce doux nom dont chaque lettre lui rappelait chaque forme de sa forme. Il étouffa un sanglot et avança. Tête baissée, le dos courbé, alors que le sable valsait avec le vent, le fouettant, s'emmêlant dans son turban. C'était sa priorité. Avancer. Même si cela devait l'éloigner toujours un peu plus. Parfois il délirait, lui parlant, l'appelant, son trésor, son amour, dans cet abîme où il criait en vain son nom croyant l’avoir perdu dans les tempêtes de sable. Mais il continuait, il le devait. Il y avait encore de l'espoir, de l'espoir à offrir à Eva. Elle le lui avait promis, elle ferait tout de son côté, elle aussi, pour Eva. Il devait simplement continuer, encore quelques semaines, pas plus de trois mois, qu'était-ce après ce qu'il avait traversé? Peut-être la reverrait-il? Pour l'heure, il lui fallait avancer. Il lui fallait trouver de l'eau. Il marcha longtemps avant de remarquer une anfractuosité dans le plat infini du désert de glace. Il alla droit sur elle et découvrit une trappe. Il l'ouvrit avec une facilité enfantine. Olaf y vit un mauvais signe. Ici, on protégeait ses réserves d'eau. Sinon, on vous la prenait, ainsi que la vie, pour ne pas avoir la mauvaise conscience de vous laisser mourir de soif. Il tenta de voir quelque chose dans le trou noir, mais le sable, la neige et le vent piquaient ses yeux. Il descendit sans plus attendre, se laissant glisser souplement. L'eau était là, dégouttant de toute part, lui arrivant aux genoux. Alors qu'il avança pour voir plus avant, il heurta quelque chose de moue et lourd qui flottait. Plusieurs cadavres barbotaient dans cette eau si précieuse, à présent souillée. Olaf en aurait pleuré s’il y avait eut encore un peu d’eau dans ce corps. Mais toute l'eau ne devait pas être contaminée, le baril d'où elle avait débordée devait être encore propre. Il alluma la petite lampe undüs qu'il portait à son turban. Les corps lui semblèrent d'autant plus réels et proches. Un frisson le parcouru. Il avança cependant. Avancer, toujours. Il poussa les corps de ses longues cuisses sèches et musclées par la marche et la course. Un escalier descendant dans les profondeurs liquides.

Il rebroussa chemin et prit derrière l'entrée. Il arriva à plusieurs enchevêtrements de couloirs… et de cadavres. Il ferma les yeux un instant, se concentra et identifia la source couler. Elle était lointaine, mais audible, aussi, était-il sur de la trouver. Il avança plus ou moins à l'aveugle, la densité de sa lampe au minimum pour ne pas être prit dans un trou d'escalier ou d'élévateur. Le froid devenait de plus en plus mordant. Sa soif l'emportait, bien sur, mais s'il venait à trouver de l'eau, il lui faudrait trouver rapidement un refuge où faire un feu, ou alors il mourrait de froid. Il atteignit sa cible, comme prévu, le chemin fut long, comme deviné, mais enfin il put boire et remplir toutes ses outres. Il eut un sourire alors que l'eau coulait délicieusement dans sa gorge. Elle était glaciale, douloureuse, mais au combien délicieuse pour Olaf, dont les muscles, les tendons, les organes, l'être tout entier se délectait après avoir été si longtemps assoiffés, et forcés encore. Il respira enfin. Le soulagement d'un problème résolut. Il savait pourtant qu'il était loin d'être au bout de ses peines. Le froid avait engourdis la moitié de tous ses membres.

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