Des lignes noires fissurent le vide. Elles serpentent, tracent des formes, esquissent des contours dans le néant blanc.

Les lignes le trouvent soudain. Elles enlacent son corps de leur étreinte froide, le recouvrent, s'infiltrent en lui. Il les sens couler sous sa peau, se frayer un chemin jusqu'à son coeur. Quand elles l'atteignent enfin un poids glacial l'oppresse.

Un fardeau qu'il a oublié depuis longtemps.

Le poids de la vie.

Puis son coeur se remet en route. D'abord ce n'est qu'un frémissement entre ses côtes, qui se répète, de plus en plus fort, de plus en plus vite. Bientôt de véritables coups déchirent sa poitrine. Le silence recule à chaque battement.

Et l'Encre poursuit son oeuvre. Elle prend peu à peu des nuances, se divise en couleurs. Le néant reflue, se recroqueville dans les nuages, dans l'écume des vagues.

Il est au sommet d'une falaise, face à une mer bleu pâle. Au pied du mur de roche, une lande de sable doré suit la courbe déchiquetée de la paroi. Pour l'instant, aucune odeur ni aucun bruit autre que les "boums-boums" chaotiques de son coeur ne troublent le paysage.

Cela ne saurait tarder.

Il sourit.

Le Royaume d'Encre vient de renaître.