Chapitre 26 : Expédition nocturne - (2/2)

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Son absence révéla un puits sombre de section carrée, assez large pour qu’un homme pût passer, même aussi corpulent que Chenlow. À l’intérieur, des arceaux métalliques scellés dans la maçonnerie formaient une échelle. Une très légère odeur d’égout s’en dégageait. Ils regardèrent tous dedans. L’obscurité au-delà d’une dizaine de barreaux les empêchait d’apercevoir le fond.

— Maintenant, il faut y aller, déclara Deirane.

Nëjya et Salomé décrochèrent quelques-unes des torches qui éclairaient le temple.

— Que comptez-vous faire avec ça ? demanda Chenlow.

— Y voir, répondit la Samborren. Il fait encore plus noir que dans un four là-dedans. On va se briser le cou.

— Soyez sérieuses. Reposez ces torches aux murs.

Il prit un cylindre protégé par une gaine de cuir à sa ceinture. Il ressemblait tant à une matraque électrique que Deirane éprouva un moment de panique, lui recouvrant le corps de sueurs froides. Toutefois, il s’en distinguait par un bout plus large que l’autre. Chenlow poussa un bouton. L’extrémité évasée émit une lumière vive.

— Où avez-vous trouvé ça ? s’écria Deirane.

La jeune femme, habituée à ce genre de gadget, ne manifesta aucune surprise. Ces compagnes, sous le coup de l’étonnement, mirent plus de temps à réagir.

— Je ne vois pas beaucoup de solutions, dit enfin Mericia. Soit c’est un objet qui nous vient des feythas, soit il vient de l’Helaria.

— La bonne solution est la deuxième, confirma Chenlow.

Il éclaira l’intérieur du puits. Il aperçut le fond une dizaine de longes en contrebas.

— Naim, as-tu pris une arme ?

La Naytaine hocha la tête.

— Une dague, répondit-elle.

— Tu passes devant et tu ouvres la voie. Je fermerai la marche. Les filles, vous restez entre nous.

La guerrière acquiesça d’un mouvement du menton. Chenlow lui confia la torche. Puis elle commença sa descente. Au bout d’un moment, elle annonça son arrivée en criant. Deirane prit une grande respiration et s’engagea derrière elle, suivie de ses cinq compagnes, l’une après l’autre. Finalement, Chenlow les rejoignit.

Au pied de l’échelle, l’espace étroit les avait obligés à se serrer. Un seul tunnel partait de l’endroit, le trajet était facile. Naim y entra la première, ouvrant la marche. La torche dans une main, elle éclairait le sol devant eux. Dans son autre main, elle tenait sa dague, prête à se défendre. Le reste de l’expédition lui emboîta le pas dans l’ordre proposé par Chenlow un instant auparavant.

Le lumignon de Chenlow n’atténuait qu’à peine la noirceur des lieux. Ajouté à la proximité des murs, cela créait une ambiance oppressante qui n’invitait pas à la discussion.

Ils débouchèrent dans un tunnel plus large, creusé en son centre d’un profond canal. Il n’y coulait qu’un filet d’eau. Chenlow descendit au fond.

— C’est un égout, constata-t-il enfin, bien qu’aucune saleté n’ait jamais circulé dedans.

Il se tourna vers la gauche du souterrain.

— La conduite principale est par là-bas.

À en juger par l’odeur faible, mais prégnante qui en provenait, personne ne mit son affirmation en doute.

— C’est de l’autre côté que je suis incitée à continuer, dit Deirane.

— Alors, allons-y !

Deirane se tourna dans la direction qui les éloignait du collecteur. La marche reprit, dans le même ordre que jusqu’alors.

L’absence de repère leur fit rapidement perdre la notion du temps. Ils avaient l’impression de progresser depuis des monsihons quand l’obscurité leur sembla moins profonde. Afin d’en avoir le cœur net, Naim éteignit la torche. Après un moment d’habituation, ils finirent par se distinguer légèrement. Ils approchaient du but.

Brutalement, les murs s’écartèrent, le plafond remonta. Et ils se retrouvèrent face à une porte monumentale en acier poli qui faisait bien cinq fois la hauteur d’un homme. De part et d’autre, une lampe, très certainement électrique, éclairait chichement la pièce. Après la noirceur des tunnels, elle leur parut éblouissante.

Chenlow admira l’obstacle.

— Une telle quantité de fer pourrait alimenter nos besoins pendant des siècles, s’émerveilla-t-il enfin.

— Je me demande comment on peut ouvrir quelque chose d’aussi massif, s’interrogea Naim.

— Je pense qu’on n’aura pas à le faire nous même, suggéra Deirane.

Elle ne se trompait pas. Un déclic leur annonça que le système de verrouillage, quel qu’il fût, s’était libéré et les battants s’écartèrent sans un bruit vers l’intérieur. Sans hésitation, Dursun se glissa entre eux. Deirane essaya de la retenir, mais la jeune fille était trop leste. Elle l’esquiva sans problème. Elle la suivit donc. Le reste de la troupe entra derrière elle.

Ils découvrirent une pièce impressionnante par sa taille. Contrairement au tunnel, l’endroit était brillamment éclairé. Ils durent se cacher un instant les yeux, le temps de s’habituer à la forte luminosité. Quand Deirane put y voir normalement, elle observa les lieux autour d’elle. Le plafond montait si haut qu’ils se demandèrent comment il ne crevait pas la surface. Les murs étaient si écartés qu’on aurait pu loger un terrain de cam cam, gradins inclus, à l’intérieur. Au centre, Dursun examinait un creux dans le sol qui ressemblait à une immense baignoire, actuellement vide. Il était dépourvu de système d’adduction d’eau ainsi que d’évacuation ce qui rendait difficile la détermination de son rôle exact. Contrairement au tunnel, l’endroit était brillamment éclairé. En dehors de cela, les lieux étaient totalement déserts.

Au fond, face à l’entrée, une ouverture donnait sur un couloir aussi lumineux que la pièce. Nëjya s’y dirigea pour découvrir ce qui s’y cachait. Deirane la retint.

— Arrête-toi, s’écria-t-elle, il a dit de l’attendre ici. Il arrive.

Nëjya s’immobilisa, hésitante. Puis elle finit par rejoindre son amante sur les bords du bassin vide.

Un bruit leur indiqua que quelque chose approchait. Personne ne put identifier sa nature. En tout cas, ce n’était pas des pieds chaussés.

Enfin, un être entra dans la pièce. Il était humanoïde. Mais en dehors de sa forme, il n’appartenait à aucun peuple, ancien comme nouveau. Il était immense, presque de sept perches de haut et son corps était transparent, comme s’il était constitué d’eau. Une eau légèrement trouble aux reflets bleu très pâle. Ou mieux, un joyau liquide. Il ne portait aucun vêtement. Ce qui permettait de constater qu’il ne possédait aucun attribut sexuel, ni mâle, ni femelle.

En le voyant, Deirane éprouva une profonde terreur. Mais rien en comparaison de la réaction de Chenlow. Ce dernier tomba à genoux et posa le front contre le sol, n’osant contempler l’être qui se tenait devant lui.

L’être s’avança jusqu’à eux. Quand il fut arrivé près d’eux, il tendit la main en signe de bienvenue.

— Bonjour Deirane, tonna-t-il, nous constatons que tu n’es pas venue seule.

— Bonjour, répondit la jeune femme par automatisme. Qui êtes-vous ?

Il prit un instant avant de réagir, comme s’il voulait ménager ses effets.

— Nous sommes Matak ! Ton dieu !

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