-Chapitre 14-

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Tout ça, toute cette histoire ne devait pas se passer comme ça. Je voulais préserver Minho. Je voulais lui éviter de souffrir de cette situation rocambolesque. Je ne voulais pas qu'il perde un peu plus confiance en moi. Et surtout, je ne voulais pas qu'il me voit dans les bras d'un homme, même si cela semblait bête à dire.

Parce que, justement, je craignais qu'il ne puisse pas vraiment l'accepter. Alors, pour réparer l'erreur, j'ignorai délibérément la douleur qui parcourait mon corps (poing de côté et mal aux jambes) tandis que je courais à toute vitesse pour le rattraper.

Je ne fis pas non plus attention aux gens que je bousculais sur mon passage dans les couloirs. S'ils m'insultaient, s'ils me jugeaient ou faisaient des messes basses, je ne m'y attardais pas et en fis abstraction. Minho était tout ce qui m'importait. Il était le centre de mon monde, voilà tout.

Pour certains, j'avais conscience que mon comportement à son égard pouvait paraître un peu exagéré, mais c'était plus fort que moi. Tout mon amour lui revenait. Je voulais le préserver de tout. Je voulais qu'il reste ce petit d'homme innocent que j'aimais tant.

Un jour, pourtant, tu devras le laisser quitter le nid, aimer une autre personne...

J'ouvris la porte en grand et jetais un regard d'ensemble sur ce qui se tramait devant moi. Les gens, comme si de rien n'était, vivaient paisiblement. Je me sentis soudain étrangère à leur joie, à leur sourire et leur familiarité les uns envers les autres. Ils évoluaient avec calme, ignorant tout de ce que mon arrivée parmi eux pouvait amener comme complications.

Comme un automate, j'avançais vers eux, le pas traînant. Ce n'était pas le moment de prendre le temps, je le savais. Pourtant, je ne parvins pas à sortir de cet état de transe. On m'adressa des sourires et des salutations. Je ne les rendis pas.

Cette bonne humeur ne m'atteignait pas. Elle ricochait et ne pouvait pénétrer dans mon corps. J'interpellais plusieurs passants sans qu’aucun d'eux ne puisse m'apporter un élément pour retrouver mon enfant. Enfin, les larmes aux yeux, je parvins néanmoins à arrêter une vieille femme qui faisait visiblement ses courses.

« Auriez-vous vu mon fils ? »

Si mon ton larmoyant l'étonna, elle eut la politesse de ne pas le montrer, se contentant de prendre mes mains dans les siennes à la manière de Lacey.

« Je l'ai aperçu courir en direction de la forêt Luna. Je pensais qu'il jouait à cache-cache avec Finn. »

Je la remerciai brièvement et repartis de plus belle. Mes jambes eurent du mal à me porter mais la perspective que mon fils puisse être en danger, seul et donc livré à lui-même dans cette forêt qui s'assombrissait de plus en plus en même temps que la journée se terminait, me terrifiait.

Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Et s'il était s'était foulé la cheville à cause d'une chute ? Et s'il avait été enlevé par mes parents qui auraient attendus que je baisse ma garde pour me l'ôter, sans que je ne puisse rien faire d'autre que de comprendre au dernier moment mon impuissance ?

Rien que d'y penser, rien que d'imaginer ce qu'ils pourraient lui infliger, je sentis mon sang pulser dans mes veines. Je ne leur laisserai pas. Minho restera l'être qu'il était, il ne sera pas façonné par ces deux monstres. Il ne sera pas l'image parfaite que les Becker souhaitaient donner de leur famille. Il ne sera pas un pantin destiné à décorer et exécuter sans rechigner les ordres donnés.

Mon Minho sera fort. Il s'opposera à eux. Il leur tiendra tête. Il vivra heureux, loin du poison qui s'échappe de la bouche de ces êtres ignobles.

Je m'enfonçais dans la forêt. C'était grand. Je voyais mal un petit bout d'à peine 7 ans pouvoir s'en sortir sans aucune difficulté. On pouvait se perdre facilement, je le savais.

« Minho ! criai-je de toute mes forces, désespérée. Minho ! C'est maman ! Chéri ! Où es-tu ?! »

Les larmes me montèrent aux yeux derechef et je les laissai couler silencieusement. Quand je sentis des gouttes d'eau tomber sur mon visage, je relevai la tête. Les larmes en profitèrent pour rouler dans mon cou et y moururent sans un bruit. Seuls les arbres et le ciel étaient témoins de ma faiblesse. Et le ciel en était tellement troublé qu'il commençait à pleurer aussi.

La pluie, bien que fine pour le moment, glissait sur les feuilles ou s'étalait au sol sans rencontrer le moindre obstacle pour amortir sa chute. En y repensant, je n'étais si éloignée d'une goutte d'eau. Je tombai, parfois ma chute s'arrêtait le temps que je reprenne mon souffle comme cette-dernière. Durant ces courts instants, j'avais le sentiment que plus rien ne pouvait m'arriver. Et puis on me prouvait que ce n'était qu'une impression. Une illusion qui ne durait guère longtemps.

Alors je retombais, et personne n'entendait mes cris désespérés.

Quand je me rouvris au monde extérieur, mon regard buta sur un nuage, une accumulation de matière blanchâtre sans aucune consistance. Un esprit. Pourtant aucun vent froid ne m'avait averti d'une quelconque présence. Mais, il n'y avait aucun doute sur le fait que le père d'Adam et de Sarah se tenait devant moi.

Toujours accompagné de son regard triste, il me dévisageait avec insistance. Rapidement, devant son mutisme, je compris que contrairement à sa fille ou à tous les autres esprits errants, il n'attendait rien de moi pour le moment.

Le vent froid est peut-être un indicateur de l'espoir que ces âmes placent en toi...

Je commençais à le croire aussi. Que faisait-il là dans ce cas ?

« Votre fils est parti par là. »

Sa voix grave me fit frémir. Celle d'Adam lui ressemblait tellement que durant quelques secondes, j'avais eu l'impression de me trouver face à ce-dernier. Et c'était la première fois que cet esprit me parlait.

Comprenant enfin ses paroles, je me ruais dans la direction qu'il m'avait indiquée, passant devant lui et le vieux chêne qui se dressait derrière lui, fier et majestueux. Il n'attendait rien de moi et pourtant, il me venait en aide. Après réflexion, je me fis la réflexion que je lui devais au moins des remerciements.

Mais quand je me retournai pour tenter de l'apercevoir, il fixait l'arbre près de lui comme si ce-dernier était responsable de tous les malheurs de la Terre. Je me retournai et me dépêchais.

Au bout d'un moment, Promesia interrompit la vague d'idées noires qui se balançaient dans ma tête pour m'avertir qu'elle l'avait trouvé. Elle s'empressa de me guider jusqu'à lui. Et quand je le vis enfin sous mes yeux, je me permis de reprendre mon souffle.

Il était assis au sol, le regard perdu dans le vide, les jambes ramenées contre son torse. Il n'avait pas les yeux rougis et ne paraissait pas en colère. Juste hagard, comme s'il était sous l'emprise de la drogue. Calmement, je m'installais à ses côtés, sans mot dire.

Il paraissait tellement fragile que j'avais peur de le briser en le bousculant ou en lui adressant la parole. Je n'étais même pas sûre qu'il avait remarqué ma présence. Nous restâmes silencieux, regardant chacun un point lointain, sans réelle importance. La pluie continuait de tomber et quelques fois, je surpris le regard de Minho s'attarder sur une goutte entrée en contact avec sa peau.

« Tout va changer, hein ? »

Sa voix calme, faussement calme, me plongea dans une mer de culpabilité. Il feignait la sérénité. Mais il avait peur. Je ne pus me résoudre à lui servir un mensonge.

« Oui. »

Il hocha la tête. Ses boucles blondes mouillées se balancèrent au rythme du mouvement. Il soupira et finit par lâcher ses jambes pour les croiser en tailleur. Son regard saphir trouva le mien. Il reprit la parole sans détourner les yeux.

« On reverra Cole ?

-Bien sûr que oui. C'est mon meilleur ami et ton parrain. Il fait parti de la famille maintenant. Il compte autant pour moi que pour toi.

-Et si ma vie d'avant me manque ? Parrain, mes copains à l'école, ma maîtresse. »

Les mots me brûlèrent mais je parvins à garder le sourire pour faire bonne figure et tenter de rassurer le petit d'homme. De toute évidence, il était perdu. Tant de changements en si peu de temps, c'était compréhensible.

« Si c'est le cas, je te renverrai là-bas. »

Suite à ces mots, Minho parut retrouver sa joie de vivre et, le visage plein d'espoir, se tourna vers moi.

« Oui ! Comme ça on pourra tout recommencer ! »

Je grimaçais. Il avait malheureusement mal compris ce que j'essayais de lui faire comprendre. J'allais devoir briser ce mince espoir. J'avais horreur de ça.

« Écoute petit d'homme, ce n'est pas si simple pour moi...

-Pourquoi ? demanda-t-il en me fixant avec de grands yeux ronds d'étonnement.

-Je ne peux pas quitter la meute, chéri. C'est compliqué à expliquer... Pour simplifier la chose, je suis liée à Adam. Et je ne peux pas le laisser tomber. »

Alors, je lui expliquai tout, veillant à choisir les bons mots pour ne pas le perdre en chemin. La meute et les lycanthropes, moi et Adam, les fantômes et ma place au sein de cette communauté. Je répondis à ses questions et, une fois que je fus sûre que le principal avait été assimilé, je me sentis mieux.

Presque soulagée. Mais pas tout à fait. Surtout quand je remarquais qu'au fur et à mesure, l'enfant déstabilisé se renfrognait.

« Tu es prisonnière ?

-Quoi ?

-Adam est méchant alors. Il va faire comme les dragons. Il va t'enfermer dans une tour. »

J'éclatai de rire en visualisant la scène. Adam se transformant en dragon et moi, au sommet d'une tour de pierres comme dans les contes de fée. Minho tenta de résister au fou rire mais finit par m'y rejoindre. Hilare, je le pris dans mes bras. Il déposa un bisou sonore sur ma joue et j'ébouriffai ses cheveux.

Il eut beau protester, ses cheveux finirent décoiffés. Ça lui allait mieux que la coupe d'enfant prodige que j'avais pu de nombreuses fois observer dans la cour de son école.

L'épidémie d'enfants parfaits, qui créait une vague d'admiration chez les mères terrifiantes, de par leurs réactions exagérées.

« Tu te trompes Minho, finis-je par dire après avoir recouvré mon sérieux. Je ne suis pas prisonnière du tout. Et Adam est plus gentil qu'il n'y paraît.

-Donc tu l'aimes ? »

Le sourire qui se tenait au coin de mes lèvres mourut. Les images de nos baisers et du moment fraîchement partagé s'insinuèrent dans mes pensées si bien que je finis par avoir le sentiment de les revivre durant un court instant. Si je l'aimais ? J'étais partagée en réalité.

« Disons juste que j'apprécie l'homme que j'ai découvert récemment. Et toi, tu es amoureux ? »

Il rougit furieusement et répondit rapidement.

« Je suis pas amoureux d'Adam moi ! »

De nouveau, je me remis à rire. Minho sembla reconsidérer ses paroles mais ne parut pas trouver l'origine de ma soudaine gaieté. Je le ramenai de nouveau contre moi et le serrai dans mes bras.

Il ne protesta pas, nouant ses mains derrière mon cou pour se rapprocher encore plus de moi. Voilà ce que j'avais manqué en passant mon temps au garage. Des moments de tendresse pour fortifier le lien mère-fils, fortifier la confiance mutuelle. Pour prouver son attachement à l'autre.

Une feuille craqua à ma droite, me faisant vivement tourner la tête.

Des loups. Plus gros que nature. Une meute de lycanthropes. Instinctivement, je me mis alors à chercher le loup d'Adam sans pouvoir le trouver parmi tous les individus présents à quelques mètres de moi. Je ne parvins pas à identifier le loup caractérisant mon Alpha. Un loup au pelage blanc parsemé de nuances de gris et au regard d'ambre qui semblait envouter quiconque l'observait.

Ce n'était pas les loups de la meute que je connaissais.

Mais quand je le compris, il nous avait déjà encerclés, nous fixant avec curiosité de leurs grands yeux, pareils à des billes où des nuances de couleurs se mélangeaient.

Fuis !

Sans réfléchir plus longtemps, et sous l'injonction de mon amie, je détalai avec le petit dans les bras. Minho tremblait. Les loups derrière commençaient à gagner du terrain. Déjà, je parvenais à entendre très distinctement leurs grognements et le bruit de la rencontre du sol et de leurs pattes.

Le petit d'homme commença alors à émettre des sons plaintifs déchirants, comme s'il souffrait d'un mal qui le rongeait. L'inquiétude me gagna mais je ne ralentis pas l'allure pour autant.

L'heure de la chasse était sonnée.

Je le savais dès lors que j'avais commencé à fuir devant ces prédateurs, ce qui était soit-dit en passant très stupide de ma part quand on sait que cela ne faisait qu'accroître leur excitation.

Éloigne Minho au plus vite ! Les loups dégagent une aura étouffante pour lui. Les enfants y sont plus sensibles que les humains mais les effets t'atteindront aussi si tu t'attardes.

Toujours en courant, je reconnus le vieux chêne. L'esprit de Jason Harper se tenait toujours face à lui. Mais son regard triste avait laissé place à une colère sourde. Une irritation dont je ne parus pas être à l'origine. Malgré tout, quand il porta son attention sur moi, je ne pus empêcher les frémissements de parcourir mon corps.

D'un geste de la tête, il m'indiqua l'arbre avant d'observer la forêt, en direction de la horde qui n'allait pas tarder à arriver. Puis l'esprit disparut subitement. Comprenant que je devais me débrouiller par moi-même, je me hâtais de m'en approcher.

Au premier regard, l'arbre était on ne peut plus normal. Il était gigantesque et il n'aurait pas été étonnant d'apprendre qu'il était là bien avant la plupart de ses confrères. Qu'il était le premier à coloniser l'endroit. Qu'il était le premier à avoir été admiré par des âmes poétiques, amoureuses de la nature et de la vie. Mais rien de bien intéressant pour nous sortir de cette impasse.

Seulement, cet avis fut différent quand je remarquais un creux au niveau des racines de l'arbre centenaire, caché par une abondante végétation emmêlée. Sans penser à toutes les petites bestioles qui vivaient là-dedans, je m'y engouffrai avec mon fils.

Une araignée et son corps velu valait mieux qu'un loup mutant aux crocs menaçants.

De là où j'étais, je pouvais également garder un œil sur la meute qui était déjà arrivée. Quelle rapidité ! Composée d'une dizaine de membres assez imposants, ils semblaient conserver une certaine autonomie les uns par rapport aux autres.

Aucun d'eux ne semblait dominer les autres. Il y avait comme une sorte d'égalité qui en ressortait de cet amas de prédateurs. Quand l'un des membres commença à renifler l'air, je compris que la cachette ne pourrait pas éternellement les tromper. J'aurai beau camoufler mon odeur avec celle de la végétation, ça ne pouvait pas bercer leur flair aiguisé.

Le loup commença à avancer tranquillement vers l'arbre, suivant notre piste comme si un panneau lumineux lui avait indiqué le chemin avec une grosse flèche rouge entourée de points rouges clignotant. Puis il s'arrêta et regarda dans notre direction.

Des sueurs froides parcoururent mon échine tandis que ses yeux fixaient l'emplacement même du trou caché. Il poussa un hurlement et rameuta tous ses amis autour de lui. Ils s'approchèrent de nouveau et sentirent l'air.

Ils échangèrent alors des regards entendus et j'aurai pu jurer apercevoir l'ombre d'un sourire orner leurs babines quand ils foncèrent en direction du trou.

Par prudence, je reculai de quelque pas. Ils creusaient pour tenter de passer. Il restait encore un peu de temps pour réfléchir à un plan de secours. Je pourrai essayer de leur faire entendre raison. Je pourrai tenter de les amadouer. J'hésitai sérieusement sur ce que je devais faire.

A part pour un point. Mon fils. Je le protégerai, quitte à faire rempart de mon propre corps.

Soudain, des hurlements plus lointains résonnèrent. En même temps, un léger vertige me déséquilibra et mes jambes cédèrent sous mon poids. Je tombai, épuisée. Promesia. Elle avait dû dépasser la limite d'éloignement qui lui été possible de réaliser. J'en eu la confirmation quand, de nouveau, sa voix retentit dans ma tête.

Ils arrivent !

Aussitôt, la horde inconnue recula et s'éloigna afin de mieux apercevoir les arrivants, apparemment pas vraiment programmé vu la posture courbée de mes assaillants.

Jetant un autre regard à l'extérieur du creux de l'arbre, je remarquai que les membres de la meute d'Adam n'étaient pas tous sous leur forme lupine. Ce-dernier faisait parti de ceux-là. Convaincue que le danger était loin dorénavant, je sortis, non sans difficulté. Si je n'avais pas le petit d'homme dans les bras, j'aurai sans doute rampé.

Je suis désolée. J'aurai dû prévoir que...

Je la fis taire en la refoulant au fond de ma tête. Je sentis que cela ne lui plaisait pas du tout mais j'avais plus important à faire que de lui accorder de l'attention.

« Puis-je savoir ce que vous foutez sur ce territoire ? demanda Adam d'un ton glacial. »

Il paraissait plus sûr de lui, ne pus-je m'empêcher de penser. En regardant Brad, se tenant tranquillement à côté de son ami (peut-on encore parler d'ami ?), je remarquai que lui aussi avait quelque chose de changé. Il semblait plus calme, réfléchi et moins opposé au retour de son Alpha.

On aurait presque pu croire que cela le réjouissait vu le sourire qu'il offrait à tous. Un sourire où se mêlait toujours une certaine arrogance, mais cela était-il peut-être propre à cet étrange personnage que j'avais encore du mal à cerner.

Pour toute réponse à la question de l'Alpha, les inconnus grognèrent à l'unisson. L'un d'eux finit pourtant par s'avancer et se retransforma nonchalamment, comme si de rien n'était. Comme si cette situation était normale, sans doute habituelle pour lui et sa bande. L'animal laissa alors place à un homme à la chevelure constituée de mèches blanches et noires.

Une idée s'imposa dans ma tête : il avait un clavier de piano sur la tête. Je ne pus m'empêcher de pouffer en le voyant les secouer comme s'il tenait à ce que tout le monde le voit (ce qui était sûr, c'était que ça ne serait pas passé inaperçu, même sans son geste).

Heureusement pour moi, personne ne le remarqua.

« Nous sommes des Solitaires, expliqua Tête de clavier, et on nous a réquisitionné pour une mission très importante.

-Soit. Mais j'aurai besoin d'une preuve pour vous croire pleinement. Et il ne me semble pas que vous vous soyer présenté en bonne et dû forme comme le veut nos règles de vie. »

L'homme parut alors ennuyé par le fait de converser avec Adam. Et, avec un calme olympien, il reprit le fil de la discussion d'un ton de diplomate.

« Parler avec vous est une perte de temps que je ne peux me permettre. J'aimerai parler à votre Alpha. »

Un grand silence accueillit sa demande. Un silence trahissant un certain étonnement, une certaine gêne mais également un certain amusement face à l'inconscience de l'inconnu. Même Adam parut déstabilisé, mais se reprit rapidement.

« Il est devant vous, grogna-t-il. C'est moi. Adam Harper. »

Tête de clavier ne sembla pas convaincu et haussa un sourcil. Tiens, Adam n'était pas le seul à avoir cette sale manie. Un caractère commun à tous les loups-garous ?

« Permettez-moi de douter dans ce cas, reprit l'homme. On m'a parlé d'un Alpha brun, aux yeux verts. Vous ne semblez pas correspondre à cette description... N'avez-vous pas de miroir chez vous ? Et puis, sans cherchez à vous rabaisser devant de nombreux témoins (je levai les yeux au ciel face à sa phrase qui sonnait horriblement fausse), vous ne paraissez pas très puissant. Votre aura est même assez médiocre en comparaison avec de simples solitaires tels que nous... »

Il se tourna vers Brad.

« Je suis désolé de vous dire cela Alpha, mais votre ruse ne prend pas. A vrai dire, je n'aurai jamais cru qu'une personne de votre rang se serait abaissé à cette machination pittoresque. C'est aussi affligeant que dégradant pour votre image. »

Brad eut un sourire moqueur. Puis il lança à Adam, un regard lourd de sous-entendus. A mon grand étonnement, quand il se tourna vers Tête de Clavier, il arborait un air ferme et résolu.

« Je ne suis pas l'Alpha, articula-t-il comme si son interlocuteur était un demeuré (c'était sans doute le cas au final). Mais je peux vous dire que pour les insultes prononcées à l'égard du véritable Meneur, vous êtes vraiment dans la merde maintenant. »

La réplique me fit sourire tandis que je parvenais à rejoindre enfin Adam. Ce-dernier me lança un regard inquiet, m'observant de la tête aux pieds. Je rougis en comprenant qu'il essayait de savoir si j'étais blessée. Je lui souris bêtement en réponse. L'intrus brisa le moment en ricanant.

« La jolie créature... Tu sais que je pourrai te courir après sans jamais m'en lasser... Et cet air que tu avais, c'était... jouissif... »

Brad explosa de rire.

« Mec, moi, je te dis chapeau, déclara-t-il en fixant l'autre. Je pensais qu'y avait pas moyen que tu t'enfonces plus mais là... »

Tête de clavier ne parut pas comprendre tout de suite de quoi il en revenait mais, quand il reporta son attention sur Adam et croisa son regard, l'expression de son visage changea du tout au tout.

De l'incompréhension à la peur, tout ça en moins de cinq secondes.

J'aurai pu rire en d'autres circonstances, mais je ne me sentais même pas la force de le faire actuellement. Promesia, soit maudite avec tes plans irréfléchis ! A mon tour, j'observais Adam et me rendis compte que s'il avait été dans un dessin animé, la fumée lui serait sortie par les oreilles.

Et encore, dire qu'il était en colère aurait été un euphémisme.

Des jurons attirèrent mon attention sur le reste de la meute.

Tous grimaçaient, se pliaient littéralement en deux. Certains étaient mêmes tombés à genoux, comme si un poids les avait écrasé. Minho geignit également, mais plus faiblement qu'auparavant.

Puis, sans me laisser le temps d'ouvrir la bouche, Adam prit mon visage entre ses mains, m'observant de nouveau sous toutes les coutures. Finalement, son regard glissa jusqu'au petit d'homme.

La surprise m'envahit quand je me rendis compte qu'il s'apprêtait à ébouriffer affectueusement le crâne de Minho. Mais il renonça avant, une expression de doute demeurant sur le visage tandis qu'il m'observait de nouveau.

« Je vais bien Adam. Minho aussi. »

Il acquiesça et m'offrit un sourire maladroit qui me fit sourire à mon tour. Quand il regarda de nouveau Tête de clavier, son regard redevint dur, froid. Les autres paraissaient avoir retrouvé toutes leur force et je surpris même quelques un m'adresser un hochement de tête pour me remercier silencieusement.

« Qui est l'idiot ou l'idiote qui vous a engagé ? Si vous me répondez, je vous laisserez partir sans dommage. Sinon, je ne me gênerai pas pour vous montrer que je suis réellement l'Alpha. »

Tête de Clavier se tourna vers sa troupe.

Il parle sans doute par télépathie. Dis, tu m'en veux toujours ?

« Il nous a contacté en usant des initiales L.A.B., révéla l'homme qui nous observait avec attention, sur la défensive. On n'en sait pas plus à son sujet.

-Quel était l'ordre ? demandai-je en tentant de maîtriser les tremblements de ma voix."

Tandis qu'Adam me dévisageait avec fierté (comment devais-je le prendre ? Je n'étais pas une incapable non plus !), l'autre sembla hésiter.

« Nous devions vous enlever, vous et le petit. Il était dit qu'il ne fallait pas blesser l'enfant. Mais pour vous, on nous a affirmé que les blessures que vous auriez ne nous serait pas reprochée, du moment qu'on vous remettait à lui vivante. »

Craignant que la meute ne revienne sur sa décision, le groupe de solitaires déguerpit sans demander son reste. Je soupirai et regardait le point qu'ils formaient rétrécir, jusqu'à disparaître complètement dans l'amas d'arbres. Brad s'approcha d'Adam, attendant visiblement son ordre.

« Tuez-les, lâcha Adam dans un souffle. Je ne peux pas tolérer qu'ils se soient conduis de la sorte sur MON territoire et pour blesser MA famille en plus. »

Brad hocha la tête et, après s'être transformé en courant, courut après le groupe de lâches, rapidement suivit par d'autres membres de la meute qui souhaitait en découdre aussi.

Minho geignit de nouveau, et inquiète, je tentais de lui demander ce qu'il n'allait pas. Adam revint vers moi, soucieux.

« Qui est L.A.B. ? »

Je fermais les yeux. Je le savais. Pour sûr que je le savais. Mais Minho poussa encore une fois un gémissement plaintif.

Adam l'observa avec curiosité.

« Qu'est-ce qu'il a ? demanda-t-il précipitamment.

-J'en sais rien. Il est comme ça depuis tout à l'heure. Ça a commencé à partir du moment où les loups nous ont pris en chasse. Et ça a recommencé tout à l'heure quand tu étais en colère. »

Un frisson parcourut le corps de l'Alpha qui demeura pensif un long moment. Son regard chercha le mien et il finit par reprendre le fil de la conversation.

« Je crois avoir compris. Tu as confiance en moi ? »

Si j'avais confiance ?

Ça dépendait de pas mal de facteurs. Et je ne comptais pas perdre non plus Minho en mettant son destin entre les mains d'un homme, bien qu'il fasse des efforts notables, qui avait un passé lié à l'alcool. Sentant ma réticence, il leva les yeux au ciel et posa sa main sur le dos du petit d'homme.

« Levate capita vestra Minho. Tu es filius lunae. »

Avec une lenteur presque inquiétante, Minho releva la tête et examina Adam à la même vitesse. A cet instant, bien que court, je décelais chez lui une forte ressemblance avec son père. Si bien que je crus le voir en vrai face à moi. La pensée que je ne reconnaissais même pas mon fils m'effleura et s'encra alors dans ma tête.

Le petit garçon qui était dans mes bras à ce moment-là, ce n'était pas Minho. Ce n'était pas le fils que je connaissais et que j'avais élevé.

Adam parut alors le remarquer et soudain, autour de nous, l'atmosphère se modifia. Plus chaleureuse, douce, sereine. Apaisante. Un nuage de douceur qui ne pouvait pourtant pas ôter l'idée malsaine qui était apparue dans ma tête.

Thara calme toi ! Adam essaye d'amadouer et de soigner le petit. Essaye de te laisser faire un peu et accepte cette aura qu'il a dégagé pour t'aider.

Mais ce n'était pas Adam qui m'inquiétait.

« Thara, ça te dérangerait de me confier Minho. J'aimerai parler avec lui. On n’ira pas très loin. Dans la forêt. Je veillerai sur lui. De ton côté, tu devrais rentrer à la maison. Tu as l'air fatiguée et je n’ai pas envie que tu tombes malade ou que tu manques de sommeil."

Je fixais Adam avec attention. Il avait l'air sincère.

Quant à Minho, son regard devenait de plus en plus étrange. Le bleu tirait vers une couleur plus sombre.

Je ne comprenais rien à toute cette affaire, j'avais l'impression que, quoi que je fasse, la situation m'échapperait continuellement. Et j'avais horreur qu'on me rappelle à l'ordre ou pire encore, qu'on me vole mon rôle de protecteur avec mon fils.

Mais je souhaitais qu'il guérisse. Plus que tout au monde. Alors, avec amertume, je hochais la tête et remis dans ses bras le bambin toujours inactif, le regard rivé vers l'Alpha. Je parvins pourtant à trouver la force d'avoir le dernier mot.

« Je te préviens Adam, s'il lui arrive quelque chose, je te le ferai payer. Et je suis sérieuse. Âme-sœur ou non. »

Il sourit et, après avoir déposé un baiser sur mon front, s'éloigna avec le petit.

« Dis-moi Captain, ta maman est pire qu'une mère poule. Comment fais-tu pour respirer encore ? l'entendis-je plaisanter alors que ses pas s'éloignaient de plus en plus. »

Je ne parvins pas à sourire.

Minho...

J'avais un mauvais pressentiment.

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