-Chapitre 13-

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L'impression que ma tête explosait, et qu'on y menait des travaux à l'aide de marteaux-piqueurs à l'intérieur, me réveilla. Il ne me semblait pas avoir bu de boissons alcoolisées jusqu'à plus soif la veille au soir pourtant. Étonnement, mon esprit était si embrouillé que je ne parvenais même pas à savoir ce que j'avais fait dernièrement.

Certaines images me revinrent peu à peu, mais pas suffisamment rapidement à mon goût. Je détestais ressentir cette impuissance, celle que l'on devait supporter quand vos souvenirs vous faisaient défaut.

C'est de ta faute. Assume les conséquences de tes actes. Si tu ne l’avais pas laissé entrer dans ta tête, tu ne serais pas dans cet état. Et dire que, toujours à cause de toi, je dois aussi supporter ça. Je savais que ce n'était pas une bonne idée de m'accrocher à une autre âme... J'aurai dû écouter ce qu'ils me disaient tous...

L'étonnement me saisit. Promesia avait choisi de vivre ainsi, dépendant complètement de son réceptacle ? Je pensais qu'elle y avait été contrainte. Je m'imaginais même un combat épique où la force maléfique à laquelle elle faisait face, l'avait condamné à vivre de cette manière-là.

Tu regardes trop de films...

Je soupirai, vexée. Je ne savais rien de cette entité. Et pourtant, elle vivait avec moi, je pouvais même communiquer, interagir avec elle. Mais ça ne changeait rien à la donne. Je ne la connaissais que par de vagues informations qu'il lui arrivait de lâcher par inadvertance. Je détestais ça aussi, cette sensation de ne pas connaître réellement une personne proche.

Un jour peut-être... Et fais-moi le plaisir de réveiller ton prince charmant... Je parviens à percevoir une partie de ces rêves et c'est... dérangeant...

Prince charmant ?

Avec difficulté et tout en douceur, je me redressais en grimaçant. Des étoiles envahirent mon champ de vision durant un cours instant et je dus rester tranquille un certain temps, les yeux fermés. Je restais dans cette position, je crois, bien plus de cinq minutes, tant je me sentais dans un état incertain et fébrile.

Mes forces m'avaient complètement déserté. Je détestais ça aussi. De toute façon, ces-derniers temps, j'avais l'impression de ne rien aimer. Je me contentais de tout critiquer. Je grinçais des dents tandis que cette constatation se fraya un chemin, assez péniblement je devais l'avouer, jusqu'à mon cerveau.

Finalement, je me repris et ouvris les yeux. Je crus un instant, devoir les fermer presque aussitôt sous le coup d'une vive lumière, mais fut rassurée en observant que l'endroit était plongé dans une pénombre bienvenue. Je n'étais pas dans la chambre qu'on m'avait assignée. Je n'étais pas dans un hôpital non plus. Peut-être une infirmerie.

Elle était petite et contenait seulement deux lits, mais en me rappelant qui les utilisait, je me fis la réflexion qu'au vu de la capacité régénératrice de leur corps, les loups de la meute ne devaient pas l'utiliser très souvent, cet espace. Mais ils avaient quand même veillé à ce qu'il soit utilisable à tout moment.

Je me demande s'ils ne l'ont pas aménagé en prévision de notre venue, à nous et Minho...

Ce serait probable. Lacey aurait très bien pu les prévenir de notre nature et des conséquences qu'auraient sur nous, des blessures qui étaient pour eux négligeables. Si c'était bien le cas, si cette hypothèse se révélait vraie, je m'en voudrai d'autant plus.

Parce que ça prouverait à quel point elle avait confiance en nous, à quel point elle était prévenante à notre égard. Je ne lui avais jamais rien demandé, certes. Mais de ce que j'avais cru comprendre, elle pouvait compromettre à tout moment sa position au sein de la meute en nous aidant de la sorte.

Au fond, je commençais à vraiment m'attacher à cette femme. Bien que je savais pertinemment que tôt ou tard, je la décevrais. Je n'étais pas la solution à ses problèmes, il fallait qu'elle le sache au plus vite.

Résolue, je tentais de me débarrasser des couettes pour me relever, mais je fus stoppée dans mon élan. Je restais alors bêtement assise au bord, l'observant à la dérobée, sans me soucier de savoir s'il était réellement endormi ou non.

Assis, ou plutôt avachi, dans le canapé juste à côté du lit d'appoint, Adam semblait se reposer. C'était donc lui le prince auquel Promesia avait fait allusion. Soudain, sa phrase me revint à l'esprit.

Attends, de quel rêve dérangeant tu parlais ?

Il me sembla entendre l'entité soupirer d'exaspération. Mais je n'eus pas le temps de la questionner d'avantage : l'Alpha bougea en marmonnant des paroles incompréhensibles. Il dort vraiment, compris-je alors. Avec minutie, je me mis à scruter son visage. C'était cliché de dire ça, mais il avait l'air plus jeune quand le sommeil l'étreignait. On aurait presque dit un homme différent.

Ses boucles blondes en bataille s'éparpillaient sur le dossier du canapé et sur son visage reposé. Plus aucune trace d'usure du temps ne figurait dessus. Pas une trace des rides qui se formaient quand il fronçait les sourcils. Rien. Et il paraissait encore plus vulnérable que quand il était éveillé, ou en présence de son Bêta.

Cette impression se renforça encore un peu plus quand je remarquais la ligne humide, qui semblait avoir pris forme à partir de ses yeux et qui coulait encore le long de sa joue. Il avait pleuré. Pleurnichard.

Au moins, lui n'a pas eu la stupide idée de laisser un esprit bourré de rancœur prendre possession de son corps...

Le message était clair, elle n'allait pas me lâcher de sitôt avec cette histoire. Et depuis quand prenait-elle sa défense d'ailleurs ? Un pincement au cœur me fit frémir. Un mot s'imposa à mon esprit. Trahison. Et ça me fit mal de le revoir, après toute ces années d'absence de sa part.

Jalouse.

Répugnée, je tentais de me lever. Je crus, durant un pas, que j'avais recouvré toutes mes forces. Mais ce n'était pas le cas, et je tombais la tête la première au sol. Ma mâchoire percuta violemment le carrelage froid, et ce bruit résonna longuement, trouvant écho dans tout mes os, dans tout mon corps sans épargner la tête.

Ça aurait été dommage de l'oublier celle-là...

Mon sarcasme prit fin aux moments où je constatais que je m'étais non seulement étalée sans aucune discrétion aux pieds du pleurnichard, mais qu'en plus, le bruit avait réveillé ce-dernier.

J'attendis, levant des yeux hagards vers lui. J'attendis que, comme toutes les personnes normales de ce monde, il rit de moi et de la situation embarrassante dans laquelle je me trouvais. Mais rien ne vînt.

Au lieu de ça, il m'aida à me redresser comme s'il avait l'habitude de ce genre de chose avec moi. Je remarquais pourtant, que malgré son air fatigué, épuisé et las, il s'était abstenue de m'aider à me mettre debout. En réalité, je me retrouvais toujours assise au sol, presque agenouillée face à lui. J'ai bien dit presque, évidement que je ne me serai pas abaissé à ce genre de gestes face à lui. Et malgré tout, malgré mes fanfaronnades, je m'inquiétais quelque peu de son état.

Déjà qu'il ne semblait pas très résistant en temps habituel, alors là... On aurait dit qu'il avait fait un tour dans la machine à laver.

« Comment Sarah a-t-elle pu prendre le contrôle sur toi ? »

Son ton tranchant, sec, contrastait fortement avec son attitude et l'impression générale qu'il dégageait. Cela ne sembla pas le déranger pourtant. Son regard s'anima tandis qu'il m'observait d'un nouvel œil, comme si jusqu'alors, il ne m'avait pas vraiment vu.

Je voulus répondre.

Dire la vérité.

Ma franchise menaça un instant de tout délivrer sans prendre un minimum de précautions. Puis je me rappelais que si la colère prenait le dessus chez lui, ce n'était pas seulement sa fureur à laquelle je risquais d'être confrontée (qui ne m'impressionnerait sûrement pas vu sa nature de gamin pleurnichard caché derrière les jupons de sa mère), mais aussi le fait qu'à tout moment, sa forme animale pouvait prendre le dessus.

Et face à un loup beaucoup plus lourd et solide que moi, je ne pouvais rien.

Bizarrement, tu fais moins la maligne...

Je me mordis faiblement la joue, agacée. Tic nerveux que j'avais hérité de ma mère. Malheureusement, je ne pouvais pas complètement nier certains aspects de la famille Becker.

Je ne voulais pas non plus qu'il interprète mal les choses. Ce qui risquait sûrement d'arriver si je lui annonçais que j'avais laissé sa sœur faire parce qu'elle prétendait pouvoir le sauver d'une sale affaire où il s'était fourré. Je préférais encore feindre l'ignorance.

Ça au moins, je savais faire.

« J'en sais rien, déclarai-je en haussant les épaules. »

Mais la réponse ne lui plut pas.

« Te fous pas de moi ! Tu me dois la vérité Thara ! C'est de ma sœur, de ma meute, de ma famille et de mon âme-sœur dont il est question ! »

Il a raison Thara. Et si tu veux mon avis, tu te comportes comme l'enfant que tu reproches à Adam d'être.

Je soupirai. Ça faisait mal de reconnaître ses torts...

L'Alpha, comme à son habitude, haussa un sourcil. Je me surpris même à trouver que cela lui conférait une certaine prestance, en dépit de toutes les idées que j'avais à son sujet. Je finis par me dire que de toute façon, il aurait su un jour où l'autre quels étaient mes capacités.

« Je peux voir et communiquer avec les esprits depuis que je suis enfant. »

Il m'incita à poursuivre, et je vis luire en ses yeux, une lueur d'intérêt. C'était l'une des rares personnes à ne pas avoir encore fuit quand je lui annonçais ça. Ça ne saurait tarder. Quand il en prendrait pleinement conscience, il fera comme tous les autres. Il pliera bagages et décampera aussitôt.

Promesia intervint de nouveau, à croire qu'aujourd'hui était un jour propice aux discussions. Cela faisait longtemps qu'elle ne m'avait pas autant parlé. Je devais encore avoir l'âge de la fermer face aux bourreaux me servant de parents la dernière fois que c'était arrivé.

Et si tu lui laissais le bénéfice du doute ? Résonna sa voix cristalline.

« Je les ai toujours vu. Mais ce don a réellement pris de l'ampleur à partir du moment où j'ai compris la frontière entre la vie et la mort. Ça peut te paraître bizarre, mais j'ai souvenir du fait que ça a commencé peu après la mort de mon chien. Après son décès, j'ai commencé à voir son esprit errer dans la maison. Il me suivait partout, où que j'aille. «

Me sentant ridicule de raconter une telle anecdote, j’enchaînai rapidement sur autre chose.

« Parallèlement à cela, il m'était devenu impossible de me rendre au cimetière. Mes parents avaient cette habitude de rendre visite à leur famille défunte au moins une fois par mois. Mais là-bas, les esprits qui ne trouvent pas le repos sont nombreux. Comme j'étais petite, j'étais incapable de ne pas montrer que je les apercevais aussi distinctement que je pouvais voir mes parents. Ils m'encerclaient toujours, ils parlaient en se coupant la parole sans aucun respect. Ils me parlaient de la façon dont la mort était venue les cueillir, ce qu'ils attendaient de moi. J'étais terrorisée. Je le suis toujours, mais j'ai rationalisé cette peur, d'une certaine manière. »

Je m'arrêtai pour reprendre mon souffle. Puis je repris, sans même vérifier s'il m'écoutait toujours, par peur de voir quelque chose de déplaisant dans le regard du jeune homme.

« Puis j'ai compris que je pouvais les aider. Et le premier que je suis parvenue à faire passer de l'autre côté, c'est mon chien. J'ai compris qu'il m'était restée fidèle, malgré qu'il ait succombé à sa maladie. Il avait peur que je souffre en son absence. Je l'ai rassuré en lui parlant, en lui caressant plus ou moins la tête. Puis il a disparu dans les airs. Je ne l'ai plus vu dans la maison. J'ai aidé des humains par la suite. En restant tout de même discrète. Et ici aussi, certaines âmes ne sont pas sereines. En particulier, il y en a deux. Ta sœur. Et un homme. »

Le corps d'Adam fut parcouru d'une vague de frissons incontrôlables. Je tentais alors de me relever, ne serait-ce que pour me sentir plus à l'aise. Mes jambes commençaient à s'engourdir avec le froid et la position dans laquelle elles se trouvaient.

Voyant la difficulté que j'avais, il me souleva en me prenant par la taille. On aurait dit que j'étais aussi légère qu'une plume alors qu'avec ma précédente grossesse, j'avais tout de même certaines formes. Formes dont j'étais fière et que j'assumais.

Finalement, cette action le poussa à se redresser lui aussi. Et, sans ôter ses mains de leur position sur mon corps, il me pria de poursuivre tout en fermant les yeux. Il ne me vint même pas à l'esprit de lui demander de les poser ailleurs. Comme si ce geste était des plus banals.

« Je ne continuerai pas, finis-je par déclarer. Tu ne sembles pas en état d'entendre la suite. »

Il rouvrit les yeux et me fixa, sans se départir d'un sourire moqueur.

« Tu t'inquiètes maintenant ? Je pensais que tu étais hermétique à tout sentiment. De toute façon, je sais ce que je fais. Crois en moi un peu. Je suis parvenu à faire front à ma sœur et à la persuader de quitter ton enveloppe charnelle. La suite ne devrait pas me poser de gros problèmes... J'ai vécu des choses bien pires que des révélations auxquelles je m'attends déjà... »

Son sourire triste me força à faire la comparaison avec celui du fantôme de l'homme. Et avant que je ne puisse retenir mes mots, ceux-ci franchir la barrière de mes lèvres.

« Tu lui ressembles beaucoup.

-Mon père, souffla-t-il douloureusement.

-Je savais que tu n'étais pas prêt. »

Je tentais de m'éloigner devant son expression de souffrance mais il tint bon et ne me lâcha pas pour autant. Je me sentis mal. Pourquoi ? N'était-il pas un idiot qui gâchait ses chances ? Je soupirai de nouveau. Puis je me résignai à poursuivre cette discussion, tentant de faire abstraction du malaise que je ressentais et qui m'oppressais de plus en plus.

« As-tu au moins une idée de la raison de l'état dans lequel ils se trouvent ?

-Oui. Mais ça ne te regarde pas. »

Il me lâcha, après s'être brièvement assuré que je tenais bien sur mes jambes. L'égoïste, le crétin de service revenait enfin. Moi qui étais prête à croire qu'il avait réellement changé, j'avais raison de m'être méfié. On dit toujours qu'il faut se méfier des filles, qu'elles ont plus d'un tour dans leur sac. Véridique. Dans ce cas, on pouvait dire alors que les mecs n'échappaient pas non plus à cette règle.

Et ce changement soudain d'humeur plomba le peu de confiance que j'avais cru avoir en lui durant un court instant.

Il commença à s'éloigner, comme si la discussion était finie. Il avait eu ce qu'il voulait, maintenant il s'en allait pour me traiter, auprès de tous, de folle. Ça n'allait pas se passer comme ça.

« Tu veux résoudre ce problème, pas vrai ? Or, que tu le veuilles ou non, tu as besoin de moi. Parce que cette affaire me regarde également. Je suis ton âme-sœur, non ? Une âme-sœur qui peut communiquer avec ces esprits que tu cherches à délivrer. »

Il s'arrêta d'un coup. Touché.

Mue par une brusque impulsion, je me décidai à le rejoindre. Sauf que si mes jambes m'avait porté jusque là, elles n'avaient vraisemblablement pas encore décidé de reprendre entièrement leur travail et de me conduire jusqu'à lui. Je chutais de nouveau.

Tiens, j’avais comme une impression de déjà vu.

Adam me rattrapa en moins de temps qu'il n'en aurait fallut pour que je touche le sol. Il me redressa pour que je puisse retrouver une position normale, sans pour autant desserrer son étreinte. J'étais, comme ainsi dire, collée à son torse. Ni l'un ni l'autre ne chercha à repousser l'autre, même pas moi. Mes mains se tenaient toujours à sa chemise, encore figée dans le mouvement dans lequel elles s'étaient trouvées pour se rattraper dans la chute.

Il ricana.

« C'est cliché.

-Entièrement d'accord. Je pensais pourtant que toute ma vie, j'en serai tenue éloignée mais là... j'ai l'impression de me noyer dedans. On dirait un film à l'eau de rose comme on en trouve souvent à la télévision.

-Vrai. Comme une mauvaise blague de son auteur. Juste pour savoir, tu regardes vraiment ces feuilletons ?

-Non. Je n’ai jamais aimé regarder des idioties. »

Une blague de l'auteur ? Et qu'est-ce que ça changerait si c'était le cas ?

Franchement ? Rien du tout. Ça ne changerait pas ce sentiment de bien-être, de sécurité que je ressentais maintenant. Ça ne changerait pas la donne, la fin de l'histoire. Et ça ne changerait pas le cours du temps. Lentement, Adam tourna mon visage vers lui et, avec mille précautions, il embrassa ma joue avant de s'attaquer à mon front.

Puis, il revint sur l'autre joue et déposa un énième baiser sur mon menton tremblant. Quand ses lèvres effleurèrent les miennes, je crus défaillir. Jamais encore il ne m'était arrivé quelque chose d'aussi lourd en émotions. Alors, consciente de ce que je faisais et du fait que cela pourrait me retomber dessus prochainement, je lui rendis ce baiser fougueux, rempli de promesse.

Nos lèvres dansèrent, tentèrent de dominer celle de l'autre puis semblèrent se chamailler, se chercher impudiquement. Adam grogna. Je n'en fus pas effrayée, au contraire, mon corps y répondit par une succession de frémissements imperceptibles pour qui n'y accorde pas d'importance. Ce n'était pas le cas du jeune homme.

Lentement, sa tête se nicha dans mon cou et je perdis pieds. Plus rien n'avait d'importance autour de nous. Le monde aurait pu s'écrouler que je n'y aurai pas accordé de réelle importance. Ce sentiment de puissance, de connexion déferla en moi.

Et, équivalent à ce que j'avais ressenti en voyant le visage de Minho pour la première fois, une joie puissante m'envahit. Une émotion que j'avais si rarement expérimenté dans ma vie. Seulement deux fois en réalité.

Ma main droite se fraya un chemin, remontant son épaule, dessinant un tracé invisible jusqu'à sa nuque pour finir dans ses cheveux. C'était leur place. Aussi, sans réfléchir, je les tirai légèrement. Adam grogna de nouveau, un bruit purement animal qui me fit vibrer de la tête aux pieds.

Puis, soudainement, brisant la magie pour la recréer d'un simple regard, il se décolla de moi pour m'observer. Ses yeux en disaient longs sur ce qu'il pensait. Il était heureux. Admiratif aussi.

Il était beau.

« Je vais changer, dit-il d'une voix rauque. Mais j'ai besoin de toi à mes côtés. »

Je déglutis, émue. Pourtant, je hochais simplement la tête. Je le voulais aussi. Je voulais l'aider. Je voulais continuer. Avec un air grave, adopté seulement après m'avoir embrassé sur le bout du nez, il poursuivit.

« J'ai besoin de toi. Et j'ai besoin de savoir si tu croies en moi. Si mon esprit peut concevoir ce changement, si mon cœur peut y croire, je peux le réaliser. Mais j'ai besoin de toi. Je veux tout changer. Tout reprendre depuis le début. Ma relation avec ma mère, ma façon de gérer la meute. »

Ma gorge se noua. Sa détermination se lisait sur ses traits. Il paraissait beaucoup plus mature en cet instant. Il paraissait plus... homme. Je ne trouvais même pas la force de lui répondre à quel point ces mots me rendaient heureuses.

Son regard chercha de nouveau le mien avant que son visage ne plonge en direction de mes lèvres qu'il saisit avec avidité. Comme si sa vie en dépendait. A bout de souffle, il s'éloigna quelque peu pour reprendre la parole. Ses yeux brillaient. Les miens devaient être dans un état quasi similaire.

« Je veux prendre soin de toutes les choses qui comptent vraiment pour moi. Je veux un ''nous''. Un ''nous'' unit. »

Je me figeai. Un ''nous'' ? Qu'est-ce qu'il entendait par ''nous'' ? S'attendait-il à ce que je puisse lui offrir ou former avec lui un couple, une famille heureuse ? C'était impossible. Je n'étais pas le genre de femme à pouvoir lui apporter ça. Et toute les familles que je connaissais, la mienne, la sienne, celle d'une de mes amies (Mégan Ellis), toutes avaient finis de la même façon. Déchirée. Ne connaissant que la souffrance.

Or, je ne voulais plus souffrir. Adam remarqua mon soudain changement d'humeur. Pourtant, cela ne sembla pas entacher sa joie à lui. Il continua à me serrer, à me maintenir contre lui comme si de rien n'était.

« Tu as peur, murmura-t-il dans un souffle.

-En effet. Je sais que nous allons souffrir. Et j'ai déjà donné. Ma vie ne s'était résumée qu'à ça. Une suite de désillusions, de joie vite entachée par un autre problème. Et si ce ''nous'', était aussi une illusion ? »

Il se mit à sourire à pleines dents. Devant mon air interloqué, il s'expliqua aussitôt en rougissant légèrement.

« Laisse tomber. Je suis juste heureux que tu te confies enfin ouvertement à moi. »

Il se pencha au niveau de mon cou et mordilla délicatement le lobe de mon oreille. Mes poings se crispèrent, l'un dans ses cheveux, l'autre sur sa chemise blanche désormais toute froissée. Je soupirai de satisfaction. Il n'attendit pas bien longtemps pour m'imiter, comme un écho.

Comparé à la tension plus sauvage entre nous deux qui existait dans les précédents baisers, cette fois-ci fut plus calme. Ses lèvres, plus posées, dansaient avec les miennes, d'une danse lente, paisible. Lentement, ses mains remontèrent le long de mon dos et à son tour, il dessina une ligne imaginaire pour arriver au niveau de ma gorge, près du premier bouton de mon tee-shirt.

Il le défit, avant de s'attaquer à celui d'en-dessous. Enhardie, et ne voulant pas demeurer inerte, j'enfouis ma tête dans son cou et posai ma main sur les boutons de sa chemise. Je respirai son odeur et poursuivit mon chemin.

Il fit passer mon tee-shirt par-dessus ma tête et le lança en direction du lit. Rapidement, je n'y prêtais plus attention, trop occupée à défaire le dernier bouton de sa chemise que mes mains tremblantes ne parvenaient pas à déboutonner.

Il se permit d'en rire légèrement et s'en chargea lui-même. Son torse se dessina à travers la mince ligne dégagée par la chemise. Je décidai à mon tour de repousser cette barrière de tissu, sans aucun ménagement.

Arrivés à ce stade, chacun de nous deux se permit une pause pour observer l'autre. Je ne savais pas ce qui provoquait cette gourmandise dans son regard mais pour ma part, on pouvait dire que j'étais gâtée.

C'était Noël avant l'heure.

Contrairement à ce que je me serai attendue avec tout l'alcool, il n'avait pas un ''petit bide proéminent''. Il avait encore le torse bien dessiné même. Mieux bâti que tous ceux que j'avais connu jusque là.

Brisant la distance, pourtant infime, Adam me tira de nouveau dans sa direction. Un courant électrique me parcourut en même temps que nos peaux se touchaient. Ce simple contact rendait les choses plus vraies qu'elles ne l'étaient déjà.

Sans que j'en comprenne la logique ou le lien, mon cerveau me rappela les paroles que j'avais entendues dans ma tête la dernière fois. Ceux qui ne venaient pas de Promesia. Aussi, je m'approchais de son oreille.

« Tu le pensais vraiment ? Ce que tu m'as dit quand j'avais Minho dans les bras ? Murmurai-je en souriant. »

Il frémit. Grisant. C'était grisant. Pourtant, il ne répondit pas, se contentant de rester crispé. Inquiète, je m'éloignais et, disposant mes mains de part et d'autre de son visage, le forçais à m'observer. Il rougissait. Furieusement même.

Je me mis à sourire, sans pouvoir me refréner. Je ne pus m'empêcher de déposer un rapide baiser sur les lèvres, comme un remerciement silencieux.

A vrai dire, j'ignorai si, au moment de le faire, j'avais vraiment une idée derrière la tête ou si j'avais accompli ce geste instinctivement.

Tu es amoureuse, ma belle... Y a pas de mode d'emploi, pas d'explications pour ces choses-là...

Je l'ignorai. D'une certaine manière. Hilare, Adam, reposa mes mains derrière sa nuque. L'une remonta discrètement dans ses cheveux où elle décida de masser (jouer est sans doute plus approprié comme mot) le crâne de l'Alpha.

« C'est marrant comme parfois tu sembles en conflit avec toi-même, lâcha-t-il en soufflant sur une mèche qui était retombée devant ses yeux. »

L'expression employée me fit sourire tant, vu selon un certain angle, elle paraissait véridique. Cela n'échappa pas à Adam qui reprit la parole avec légèreté.

« Je te fais rougir et je te fais sourire par la suite, dans la même journée ? Ma foi, c'est bon signe je trouve. »

Je ne pus m'empêcher de lever les yeux au ciel, faussement exaspérée par son assurance feinte. Il était encore fragile, quoi qu'il tente de faire. Je le sentais. Il avait peur lui aussi. Aussi, quand il s'approcha pour m'embrasser encore, je ne le repoussai pas.

Mais ses lèvres eurent à peine le temps de faire une valse que la porte s'ouvrit soudainement. Minho se tenait sur le seuil de la porte. Il nous observa un instant avant de finalement rougir comme une tomate. Sans attendre plus longtemps, il repartit en trombe. Cela me doucha instantanément. Adam, compréhensif, ne chercha pas à me retarder et s'amusa même de la vitesse à laquelle je me rhabillais.

Je remis brièvement de l'ordre dans mes cheveux, sachant pertinemment que sans miroir, cela ne changerait pas grand chose.

« Il faudra que je m'habitue à ça aussi.

-Quoi donc ? Demandai-je en luttant contre un bouton, à croire que ces maudits boutons avaient une dent contre moi aujourd'hui.

-A être discret quand je te désire plus tout. A savoir me retenir de ne pas te sauter dessus même si je sens que je te veux plus que de raison. »

Je m'immobilisais un moment, tentant de retrouver mes esprits et de remettre ce putain de bouton. Il ricana et s'approcha. Avec une rapidité contrastant avec ce qu'il voulait vraiment, il le ferma à ma place.

« Tu es sublime quand ton instinct maternel prend le dessus, lâcha-t-il dans un souffle qui se perdit. »

Là-dessus, il me tira à lui pour m'embrasser. Un baiser à en perdre la tête et le fil de ses pensées en même temps. Puis il s'éloigna, tentant de résister le mieux possible à ses désirs. Je souris, touchée par sa compréhension. Avant de partir, je tournais mon regard vers lui et y décelais une lueur de peur.

Et je compris. Il craignait que, une fois de retour, j'avais changé d'avis à son sujet. Certes, il était faible, pleurnichard, égoïste et tout le reste et pourtant...

Et pourtant tu l'aimes comme une folle... T'en as mis du temps à le comprendre...

« Je reviendrai, lui assurai-je en souriant. Sois sage d'ici là. »

Alors que je m'éloignais, je l'entendis rire et me répondre, toujours hilare :

« Oui Maman ! »

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