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« La faiblesse humaine est d'avoir des curiosités d'apprendre ce qu'on ne voudrait pas savoir. » Molière.
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Sitôt assise, que les règles sont déjà posées. Règles du jeu Piastrennes, règles du jeu qu’il tourne bien à son avantage. Qui dit jeu d’alcool, dit réactions moins contrôlées. Qui dit réactions moins contrôlées, dit blessures. Qui dit blessures, dit verbal ou physique. Qui dit verbal ou physique, dit l’Avocate. Qui dit l’Avocate, dit problèmes. Qui dit problèmes, dit oubli. Qui dit oubli, dit déchéance. En bref, l’alcool et les vérités ne font pas bon ménage. Alors il faudra trouver une stratégie pour échapper avec soin aux interrogations du tenancier des lieux, tout en ne finissant pas trop ivre pour lui apporter plaisir à baisser les armes et se retrouver aux côtés d’un corps habillé uniquement de ses cicatrices. Il a tout à y gagner, c’est qu’il est malin, le Piastre. Si je refuse de répondre, je finis alcoolisée et dans ses bras. Si je réponds, il en apprendra bien trop sur Moi, et ça. C’est hors de question de trop lui faire part de notre personne.
Second point noir à ses règles du jeu stupides, les questions. Il sait pertinemment que je me moque d’apprendre de l’Autre, que je ne suis pas très douée pour les conversations quand il ne s’agit pas de rabaisser l’autre. Alors à part s’en tenir à « Vous aimez le bleu ? », « Vous préférez le printemps ou l’hiver ? », « Plutôt chien ou chat ? », les réponses apportées ne me seront pas d’une grande utilité.
Alors pendant qu’il parle, le Pi, je fais la conversation avec l’Autre, afin de déterminer comment jouer, quoi dire ou non, quand boire, quoi lui demander. Qui dit jeu, dit également tricheries, supercheries, et retournements de situation. Et ça, l’un comme l’autre, nous le savons parfaitement. Peut-être est-ce ce qu’il cherche là, d’ailleurs. J’y vois plutôt une manière pour lui de tuer l’ennui et de satisfaire sa curiosité personnelle en apprenant le plus sombre. Le De Machaut est curieux, oui. C’est sans doute là son principal défaut. C’est foutrement déstabilisant d’avoir quelqu’un qui ne lâche pas le morceau face à vous, qui revient à la charge subtilement au quotidien pour obtenir ce que bon lui semble.

- Résultat surprenant ? Mon séant, ouais ! Quand je te dis qu’il est néfaste, le Piaf. Il veut trop en savoir.

Les azurs posés sur la boisson, sont rapidement détournés sur l’Homme à l’évocation de la question. Je vois où il veut en venir. Doucement, mais sûrement, il tentera de faire tomber le voile, faire tomber la muraille qui nous protège, faire tomber le masque, et trouver où la véritable Yulhia, ou l’Avocate.

- Avant que vous ne grogniez de mécontentement, je commence et voici ma question : avez-vous déjà tué ?

Effectivement, le temps manque pour grogner, que je sers déjà les deux verres face à nous. Non pas que je vais éviter cette première question, non. Simplement en prévention.

- À votre question, je réponds par la positive, Pi.
- Et pas qu’une fois !

Les prunelles ne quittent pas le regard du partenaire de jeu, le visage dénué de toute émotion. Question simple. Réponse par oui, ou par non. L’esquive n’était pas nécessaire, et les précisions n’ont pas été demandées. Alors soudainement, l’esprit s’éveille davantage, oubliant les questions gnangnan et inutiles. Les règles sont assimilées, et la curiosité sur certains point éveillée. Curiosité ou simple satisfaction à enfin obtenir une réponse.

- Qu’est-ce qu’on s’en moque de sa petite vie de vieux, à lui.
- Vous m’emmerdez, Piastre, vous savez ô combien je ne suis pas douée pour la formulation des questions…
- Il m’emmerde moi bien plus encore, tss. Qu’il boive, et qu’on le fasse taire !
- Vous m’aviez dit que votre ancienne taverne avait brûlée. Etait-ce accidentel ?

Mise en bouche, mon canard. Rappelons que je sais parfaitement jouer l’ignorante lorsque bon me semble, que je suis dans les faux semblants depuis toujours, et pour toujours. Alors il se rendra bien vite compte que l’excuse du « je suis nulle pour poser les questions », ne tient pas vraiment. Paraît-il que nous avons le don de faire sortir le Pire de chacun.

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