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Christina et Maggie venaient de passer la petite barrière de la propriété des Montbleu. Après un rapide coup d’œil sur le village, Tatie avait aperçu le mortel entrer dans l’église, elle dit alors à son amie :

— Tu dois t’inquiéter pour ton mari ?

— Ah bon, pourquoi ? Non, ne t’inquiète pas, je suis certaine qu’ils ne sont pas méchants.

— Tu es encore jeune, tu n’as pas encore vu de quoi les humains sont capables envers nous.

— Relaxe, Albert n’est pas seul là-dedans, ils sauront se débrouiller.

Maggie était arrivée en première devant la porte et sans même une hésitation, elle avait toqué. Une jolie femme toute maquillée et bien coiffée leurs avait ouvert. Christina se demandait pourquoi cette femme était aussi bien préparée à une heure si matinale, mais ce n’est pas cela qui la troublait le plus, la véritable question était « pourquoi sourit-elle comme ça ? ».

Avant l’arrivée d’Albert et Maggie dans le village, personne ne rendait visite à la sorcière avant midi, mais les deux loups-garous pique-assiettes avaient changé cette bonne habitude. À l’époque, jamais Christina n’aurait été présentable et souriante à huit heure du matin, devant qui que ce soit venu la déranger, si cela avait eu lieu, le malheureux aurait goûté au balai magique sur son arrière-train (ou pire) avant même d’avoir pu dire « Bonjour ».

Mais madame Montbleu souriait, d’un sourire qui avait l’air honnête de plus. Tatie Christina ne voyait pas cela d’un bon œil, la bonne humeur de la femme en face d’elle ne pouvait signifier qu’une chose, une réjouissance à l’idée d’utiliser ses instruments de torture.

— Bonjour, que puis-je faire pour vous ? demanda la mortelle.

— Bonjour, nous sommes vos voisines et nous venons vous souhaiter la bienvenue au village, répondit Maggie.

Christina de son côté souhaitait surtout ne pas souffrir et si possible, ne pas mourir non plus. Qu’elle idée lui avait prise de suivre son amie directement chez l’ennemi.

— Comme c’est gentil, venez, entrez donc, j’ai du café tout chaud… vous en prendrez bien une tasse ?

— Tant que ce n’est pas dans la figure, murmura tatie.

— Vous disiez ?

— Volontiers, avec ces croissants à la confiture, reprit Maggie en montrant son panier.

— Oh, qu’elle adorable intention.

Tatie était entrée dans la maison de ses cauchemars, le regard fouillant le moindre détail, c’est alors qu’elle remarqua… que l’endroit n’avait rien d’hostile. Il y avait çà et là encore quelque boîtes en carton qui attendaient d’être vidées, mais pas l’ombre d’une arme, en même temps qui mettrait ses armes à vue pensait Christina, mis à part des chasseurs. Cette pensée la réconfortait… un tout petit peu. Il y avait sur un meuble des photos de la famille Montbleu… mais pas n’importe quelles photos… elles étaient en couleur.

Qu’est-ce qui c’était passé à l’extérieur du village pendant tout ce temps, il est vrai que tatie et beaucoup d’autres avaient emménagés en 1914, à l’aube d’une guerre dont personne ne voulait prendre part et depuis cette époque, ni elle, ni aucun autres villageoi n’était parti jusqu’il y a six jours. Thomas, le vieux mage claire-voyant, avait jeté un sort d’oubli sur le territoire, de ce fait toutes personnes regardant dans la direction de ce havre de paix, l’oubliaient instantanément à moins d’être de nature différente.

Les trois femmes étaient à présent dans la cuisine, Mathilde servait le café et Maggie réprimandait son envie de courir dans tous les sens, avec difficulté elle en convenait elle-même. C’est alors que tatie Christina remarqua quelque chose.

— Mais qu’est-ce que cette chose !

— Oh, mon mari me l’a offert pour notre deux-cent-septième mois de mariage. C’est un « Aspi Turbo Clean 2000 à commande vocale», un aspirateur multifonctions, manche réglable avec écran tactile 4K, il aspire certes mais il fait souffleur aussi, il transforme la poussière directement en paillettes invisibles qui sentent la fraise, le tout fonctionnant à l’énergie solaire.

Tatie regardait l’objet sous tous les angles, cette chose lui procurait ce qu’elle n’avait plus ressenti depuis des années, de la curiosité.

— Et ça sert à quoi ?

— Vous savez, à aspirer, nettoyer et plein d’autres choses encore.

— Et votre balai ?

— Plus personne n’utilise de balai de nos jours, mais venez donc vous asseoir et goûtons à ces croissants.

— C’est tatie Christina qui les a faits, dit Maggie en retrouvant son calme et une place dans la conversation.

Madame Montbleu avait mordu dans un croissant et tout à coup… une explosion de saveur lui mit les papilles en ébullitions, le savant mélange de beurre et de sucre pour que cela reste gourmant sans être écœurant, cette touche de cannelle, ce parfum de miel sauvage et… Mathilde frissonna. L’extase lui avait laissé échapper un gémissement de satisfaction, jamais de sa vie elle n’avait gouté un aussi bon croissant.

— Saperlipopette ! C’est divin, ce goût. Oh tatie, vous avez un don !

— C’est juste un croissant, se justifia Christina.

— Oh non, ce n’est pas « juste un croissant », c’est la meilleure chose que je n’ai jamais mangée.

— Et elle sait faire plein d’autres trucs, c’est un vrai cordon bleu notre tatie Christi, reprit Maggie la bouche pleine.

Christina était aux anges, car comme toutes les sorcières elle aimait les flatteries, enfin qui ne les aiment pas.

C’est à ce moment que Sandy, la fille des Montbleu, était entrée dans la cuisine, un sweat à capuche rouge sur le dos. Maggie avait fait un bond, se rappelant l’histoire de la méchante gamine en rouge et de sa grand-mère tueuse de loup-garou. Même si Sandy n’avait rien de menaçant, quand un lycan voit rouge, c’est la panique... Maggie n’avait plus qu’une solution pour survivre, passer inaperçu, action extrêmement difficile quand on a la bouche grande ouverte avec des morceaux de croissant mâchés, mais pas avalés.

— Maman tu n’aurais pas vu la caisse de livres.

— Oh, Sandy, viens je te présente tatie Christina et …

C’est alors que madame Montbleu se rendit compte qu’elle ne connaissait pas le prénom de la deuxième invitée.

— Maggie, femme totalement normale, bégaya la louve-garou en sueur.

— Heureuse de faire vos connaissances, pourquoi « tatie » ?

La sorcière regarda la jeune fille, elle avait quelque chose de … spécial.

— Un jour je vous le dirais, dit-elle sans détourner le regard.

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