Prologue :

2 minutes de lecture

À l’ombre de nos amours,

À l’ombre de nos douleurs,

À l’ombre de nos cœurs qui s’enflamment,

Qui nous consument telles des braises incandescentes

À l’ombre de nos étreintes dansantes et nos baisers de sang

À l’ombre de nos colères qui nous heurtent et nous blessent

Joue ma partition, joue-la sur mon corps

Joue cette mélodie, cette musique qui nous révèle

Le Bien, le Mal, le Tout

Tu es mon univers et, moi, je suis la partition de tes ombres.

Recroquevillée sur le lit de son ancienne chambre d’enfant, elle laisse le chagrin ruisseler en perles humides sur son visage.

La dernière phase. Celle où l’épuisement la gagnera, la fera doucement sombrer dans cette torpeur cotonneuse et inconsciente qui l’accompagne ces derniers jours. Mais, cette fois, ce sera différent. Elle enfouit son nez dans la fourrure duveteuse du lapin gris en peluche, inspirant à pleins poumons. Pour ancrer ce parfum dans sa mémoire, pour qu’il l’accompagne lorsque les médicaments qu’elle vient d’ingurgiter la feront basculer. Ses membres s’engourdissent, elle tombe, comme si le couvre-lit en patchwork rose refermait ses bras molletonnés autour d’elle. Elle se sent bien. Mieux. Ses paupières papillonnent, ses lèvres portent le sourire de celle qui n’est déjà plus là. Ce n’est qu’une question de temps. Les battements de son cœur, sourds et espacés, ne font que marquer la cadence de l’inéluctable. Elle resserre encore sa prise autour de Gaspard le lapin et chantonne, doucement : « Where the northwind… meets the sea… There's a river…full of memory…*

Ironique, lorsque l’on sait que tout ce qu’elle veut, c’est effacer sa mémoire, justement. L’or du crépuscule se faufile à travers la fenêtre pour s’accrocher à ses cils et effleurer ses joues livides. Elle aimerait se sentir désolée pour le traumatisme que son corps inanimé ne manquera pas d’infliger à sa famille. Oui, elle aimerait…mais les émotions ne sont plus que les effluves lointains d’une existence à laquelle elle a choisi de renoncer. Elle ferme les yeux, dans le silence à la fois serein et oppressant de la pièce.

Des pas, rapprochés, éperdus, le fracas d’une porte qui s’ouvre à la volée. Des cris, des suppliques, des mains qui la secouent. Non ! De quel droit ? Il est trop tard. Elle se courbe en deux, sous l’effet de la nausée qui lui comprime le ventre.

— Darling! Darling ! Non ! Ne t’endors pas ! Reste avec moi !

Elle reconnaît cette voix, grave et chaude comme le miel, cette voix aux mille histoires, aux mille chansons. Ce soir, cette voix, elle la hait du plus profond de son âme.

*Extrait de « All is found », Frozen2 : La berceuse d’Ahtohallan, La Reine des Neiges 2

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