Face au roi

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Il ne sut combien de temps s'écoula – une heure, deux heures ? – avant que des gardes ne reviennent le chercher. Ils le firent sortir de sa cellule sans ménagement et le bousculèrent pour le faire avancer. Entouré d'une dizaine de gardes qui marchaient d'un bon pas, il faisait son possible pour suivre leur rythme, mais avec les mains attachées dans le dos, il perdait sans cesse l'équilibre. A chaque fois un garde le rattrapait et le poussait en avant pour le remettre sur ses pieds. Ils ne lui laissaient aucun répit.

Il fut soudain ébloui par le soleil quand ils se retrouvèrent à l'air libre, mais cela ne dura pas et ils furent très vite à nouveau entre des murs de pierre. Ils s'arrêtèrent bientôt devant une large porte et attendirent sans bouger. N'y tenant plus, Frédéric profita de cette pause pour demander où ils l'emmenaient, mais avant d'avoir achevé sa question, il fut réduit au silence d'un coup sur la tête qui le fit tituber. L'un des gardes l'attrapa par le col et le souleva à moitié pour coller son visage au sien.

« Silence, » siffla-t-il sèchement. « Tu ne parleras que si on t'y autorise. Tu as intérêt à te tenir en présence du Roi, si tu ne veux pas être battu. C'est compris ? »

Terrifié, le jeune homme acquiesça d'un signe de tête et l'autre le relâcha au moment où la porte s'ouvrait. Ils entrèrent dans un hall qui lui parut immense. De chaque côté des piliers montaient à l'assaut de la voûte, qui devait se trouver à près de dix mètres du sol. Mais il n'eut guère le temps d'admirer l'architecture des lieux. Une brusque poussée le ramena d'un coup à la réalité, avant qu'il ne se retrouve par terre. Il se redressa péniblement sur ses genoux, et resta ainsi en découvrant qu'il était arrivé aux pieds de celui qui devait être le roi.

Assis sur un trône surélevé, l'homme, aux traits taillés au couteau à peine entamés par quelques rides, était vêtu d'une tunique noire ornée d'argent, une fourrure couvrant ses épaules, et était coiffé d'une couronne, ne laissant aucun doute sur son identité. Le roi le regarda quelques instants d'un air sévère avant de tourner son attention vers le capitaine de la garde, qui attendait tête courbée son bon vouloir. Voyant cela, Frédéric trouva plus prudent de faire de même.

« Alors, Capitaine, qu'as-tu à me rapporter ? »

« Sire, nous avons fouillé tout le château, mais aucune trace des voleurs, à part cet homme que nous avons pris sur les lieux, à demi... »

« Aucune trace, dis-tu ? Auraient-ils usé de magie pour disparaître ? Ne serait-ce plutôt qu'un garde se serait assoupi à son poste ? »

Surpris par la sécheresse de ces remarques, Frédéric leva brièvement les yeux vers le roi, qui était visiblement furieux, puis tournant légèrement la tête il put voir du coin de l'œil que le capitaine était déconcerté par l'accusation.

« J'ai personnellement interrogé les hommes qui étaient de garde, Sire, ils m'ont assuré n'avoir vu personne entrer ou sortir du château la nuit dernière. »

« Peut-on les croire ? »

« Je les crois sincères, Sire. Cependant, j'ai mis la Garde en alerte aux portes de la cité, les personnes qui voudront sortir seront minutieusement fouillées. »

« Si la Garde n'a pas pu empêcher ces intrus d'entrer et de sortir du château, comment espérer qu'elle parviendra à les arrêter à la sortie de la ville ? Cela est insuffisant ! J'exige de savoir comment ils ont pu pénétrer entre ces murs, jusqu'aux appartements de la Reine, sans avoir été inquiétés ! Et qu'en est-il de celui-ci ? A-t-il parlé ? »

« C'est que... nous l'avons trouvé à demi inconscient, il n'était pas en état d'être interrogé. Je vais... »

Mais le roi l'interrompit sans plus s'occuper de lui.

« Toi ! Où sont tes complices ? »

Frédéric releva aussitôt la tête et se trouva totalement démuni face à ce regard qui le fixait durement.

« Euh, moi ? Mais... je ne suis le complice de personne, je... je n'ai rien fait, je... »

« Ne nie pas alors que tu as été pris sur le fait ! Comment es-tu entré ? »

« Je n'en sais rien, je vous le jure... Sire, » répondit-il, paniqué. « On m'a kidnappé, puis drogué, et je me suis réveillé là où vous m'avez trouvé, mais je ne sais ni où je suis, ni comment je suis arrivé là. Je n'y comprend rien, » ajouta-t-il d'un air suppliant.

Mais il ne vit rien d'encourageant dans la posture du roi, qui s'était renfoncé dans son trône pour le toiser pendant qu'il tentait de s'expliquer.

« Voilà une histoire bien improbable qui ne suffira pas à t'éviter la corde, » fit-il d'une voix plus calme mais lourde de menaces. « Ta seule chance serait de dénoncer tes complices. »

Frédéric sentit un nœud se former dans son estomac. Il commençait à réaliser qu'il courait un réel danger s'il ne réussissait pas à être plus convaincant.

« Je vous répète que je ne suis pas leur complice, » insista-t-il en regardant son accusateur droit dans les yeux. « Je voudrais bien pouvoir les dénoncer, mais je ne les connais pas, je ne les ai même jamais vus. »

« Vraiment ? »

« Laissez moi vous expliquer... Sire, » implora-t-il en réfléchissant à toute allure pour se rappeler comment il en était arrivé là. « Voilà... Je m'étais mis à l'abri de la pluie dans l'entrée d'une grotte quand on m'a assommé par derrière. Je suis revenu à moi ligoté et les yeux bandés. Il y avait ces hommes, qui m'ont interrogé avant de me droguer, j'ai cru qu'ils allaient me tuer... »

« Où est cette grotte ? »

« Euh... Je ne sais pas. En fait je me suis perdu, je ne savais pas du tout où j'étais quand je l'ai trouvée... »

Il hésita en voyant le roi s'impatienter, il se sentait comme pris au piège par ces événements qui échappaient totalement à sa compréhension.

« Écoutez, » reprit-il d'une voix mal assurée, « j'ai conscience que mon histoire parait extravagante, mais je vous assure que c'est la vérité. »

Frédéric ne savait pas quoi dire de plus. Il espérait prouver sa sincérité en soutenant le regard de l'autre, mais il n'y vit aucune pitié.

« Tu as raison, ton histoire est extravagante et tu me fais perdre mon temps, » fit-il sèchement. « Remettez-le au cachot, » ajouta-t-il en faisant signe aux gardes.

Alors qu'on l'empoignait, il voulu encore plaider sa cause.

« Mais... je vous jure que... »

« Assez ! Je te donne jusqu'à demain pour retrouver la mémoire sur ce qu'il s'est réellement passé. »

Le ton qu'il avait employé força le jeune homme au silence, qui se laissa emmener sans plus réagir.


Il arriva à sa cellule dans un état second et ne reprit ses esprits qu'au moment où la grille claqua derrière lui. Il se retourna pour faire face au garde qui verrouillait la porte. Celui-ci n'avait pas l'air commode, mais il prit son courage à deux mains et lui demanda d'une voix qu'il ne contrôlait qu'à peine s'il pouvait être détaché. Il le regardait d'un air suppliant pendant que l'autre rangeait ses clés en prenant tout son temps.

Il sursauta et eut un mouvement de recul quand le garde sortit brusquement un poignard pour le pointer sous son nez. En voyant son sourire moqueur, il se reprit et, le cœur encore battant, se tourna après une courte hésitation pour approcher ses mains des barreaux. Il dut subir un moment d'angoisse avant d'enfin sentir la lame entailler la corde qui lui mangeait les poignets.

Quand il fut libéré, il regarda d'un air hébété les marques rougies alors que le sang affluait pour redonner vie à ses mains engourdies. Il leva les yeux en entendant le garde s'éloigner. Il le vit avec désespoir claquer la porte et l'entendit tourner la clé. À nouveau il était seul.


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