Chapitre 8 : Dernière ligne droite

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Arrivé dans la salle de contrôle, Matthew s'installe au poste de pilotage. Après un bref diagnostique des tableaux de bord, il constate que tous les voyants sont au vert. Tous les instruments importants fonctionnent correctement, la carte est actualisée. Devant lui s'étend toujours le vide monochrome de l'infini, baigné par les lueurs chaudes de Meg Alpha. Excellent !

Les conditions semblent idéales. Un jour parfait pour naviguer dans l'espace. En se frottant les mains, l'homme sourit fièrement.

« Eva... Si tu pouvais me voir. On y est ! ... Musique Litz ! J'ai besoin de rythme !

-Tout de suite. »

Un son tonique de guitare amplifiée rugit brusquement dans toute la pièce. Matthew adore cet instrument, une version améliorée de la guitare électrique primitive, avec des sons plus puissants et des notes plus électroniques. Pris par la cadence, son corps s'active frénétiquement sur les commandes du vaisseau.

L'explorateur commence par calibrer tous les appareils sur l'itinéraire calculé par Litz. La zone de présence de Meg 15 apparaît à présent en bleu sur la carte du système, et la trajectoire à emprunter pour l'atteindre comme un chemin en pointillés. Meg 15 demeure sous les observations minutieuses de Litz. Sur l'un des écrans s'affiche l'image en continu d'un de ses télescopes de la cible prioritaire.

« Système mis à jour, cible et trajectoire verrouillées, annonce Litz. »

Un bruit sourd retentit. Aussitôt, la vue au travers de la vitre se déplace légèrement vers la droite. Le vaisseau s'oriente automatiquement en direction de son nouvel itinéraire. Meg Alpha disparait du champ, mais ses rayons inondent toujours le paysage. Au loin, l'amas diffus des étoiles se dessine. L'homme devine que dans ce décor, Meg 15 se camoufle, encore indiscernable des autres astres. Bientôt, il la verra sortir de la masse, resplendissante de son bleu-vert. Bientôt, il pourra sortir de sa boîte de conserve et poser ses pieds sur un vrai sol.... Bientôt, il sera arrivé chez lui. Cette pensée le motive plus que jamais.

Maintenant que tout est en place, il ne reste plus qu'à partir. Prochaine et dernière destination : Meg 15 ! Enfin...

L'ordinateur affiche comme prévu cinq jours de trajet à vitesse réduite. Frustré par cette attente, Matthew est tenté de démarrer à pleine vitesse. Mais suivant les conseils de Litz, il instaure un rythme de croisière tranquille. Les moteurs ne fonctionneront qu'avec un quart de leur puissance.

« -Systèmes opérationnels. Allumage dans 3...2...1 ! »

L'explorateur active les propulseurs arrière. En une fraction de seconde, une éruption de lumière entraîne le Darwin. Le mastodonte s'élance à travers l'espace, fendant le noir sidéral d’une traînée de particules. Une minute plus tard, le vaisseau atteint l'allure programmée. Jonglant entre les cadrans, Matthew entame sa journée de pilotage détendu.

Les trois premiers jours de voyage se déroulent sans problèmes. Gardant le cap, le Darwin progresse doucement vers son objectif. Parfois, un arrêt s'impose pour la maintenance des systèmes. Mais hormis ces pauses, Matthew ne prend plus le temps de respirer.

Débordant d'énergie, l'homme reste à son poste jusqu'à s'écrouler d'épuisement. Son esprit ne pense plus qu'à la mission, aux milliers de kilomètres qu'il franchit chaque heure pour se rapprocher de sa planète. Il ne souhaite plus qu'une seule chose, mettre un terme à ce périple. Le silence du vide l'insupporte de plus en plus. Il veut voir un ciel, une terre, sentir le vent sur sa peau... Ses yeux nerveux scrutent le cosmos, rêvant de voir Meg 15 se rapprocher. Celle-ci se développe en lui comme une obsession maladive. Elle et toutes ses énigmes. Que va-t-il découvrir là-bas ?... Plus il y réfléchit, moins il s’accorde de répit.

La planète, quant à elle, se cache dans l'ombre. Pourtant, Litz a évalué son albédo* à 0,42, une valeur raisonnable. Son éclat devrait la trahir. Ce n'est qu'au bout de quarante-huit heures qu'elle transparaît sous la forme d'un point minuscule au milieu du champ de vision. Désormais visible sans télescope, Matthew passe le plus clair de son temps à la scruter. Sa patience porte ses fruits.

Au matin du quatrième jour, de nouvelles informations tombent. Sous l'oreille attentive de l'explorateur, l'ordinateur de bord énonce ses dernières découvertes.

« Depuis trois jours, j'ai pu étudier Meg 15 avec de plus en plus de détails, en particulier ses données physiques.

-Je t'écoute.

-Après évaluation, j'estime que le corps orbite autour de son étoile à une distance d'environ deux-cent-millions-cent-mille-cinq-cents kilomètres.

-Au-delà des deux-cent-millions... Donc environ aux deux tiers de la zone habitable.

-Affirmatif.

-C’est ce que je pensais…. Au vu de son atmosphère, on aura des températures de surface plus que convenables ! Est-ce que tu as pu tracer son orbite autour de Meg Alpha ?

-Plusieurs théories sont à débattre, mais j'ai pu déterminer une moyenne. Je te l'affiche. »

Sur un écran de bord, la carte laisse place à une simulation en trois dimensions. Cette dernière présente deux sphères : Une grosse, Meg Alpha, et une petite, Meg 15. Selon son schéma, Meg 15 dessine une orbite elliptique légèrement inclinée par rapport à l'équateur de Meg Alpha. Fasciné, Matthew retourne le modèle dans tous les sens.

« -A quelle vitesse Meg 15 se déplace-t-elle ?

-Les calculs de précision sont en cours mais pour le moment, sa vitesse serait de trente-six kilomètres par secondes.

-Plutôt rapide. Combien de jours de vingt-quatre heures dure son année ?

-Environ quatre-cent jours.

- Intéressant... Tu as sa vitesse de rotation sur elle-même ?

-Négatif, mais les recherches se poursuivent. J'aurais cette information une fois que l'on sera plus proche.

-D'accord. La zone de présence que tu as déterminée est-elle toujours valide ?

-Affirmatif, elle coïncide même parfaitement. Nous devrions atteindre Meg 15 en moins de deux jours une fois arrivés là-bas.

-Splendide ! Beau boulot Litz !»

L'homme frétille de joie. Plus que trois jours grand maximum, et le plus dur sera derrière eux.

Malheureusement, le sort ne lui donne pas raison. Deux heures plus tard, un premier problème survient. Une panne touche une partie des systèmes de navigation. Très vite, le Darwin ne peut plus se repérer, ni avancer sans risques. Devant cette situation, l'explorateur n'a pas d'autre choix que d'arrêter les machines. Tout en jurant, il perd la journée à chercher la source des ennuis en examinant les circuits un par un. Finalement, il trouve l'origine du chaos dans un ordinateur du cerveau central. L'incendie a endommagé ses fonctions, ce qui a coupé par sécurité l'alimentation d'une partie des appareils. Une fois celui-ci désactivé et le vaisseau redémarré, l'erreur se corrige d'elle-même.

Retournant à son poste, Matthew prie que plus rien ne le retarde à nouveau. Mais au cours du jour suivant, un câble endommagé quelque part dans l'aile Ouest provoque l’arrêt des purificateurs d’air. Vitaux pour la survie de l'explorateur, ils doivent repartir au plus vite. Encore un effet secondaire de l'incendie... Une fois le problème réglé, le soir tombe déjà. Fatigué physiquement comme nerveusement, Matthew décide de se coucher pour un jour de pause.

*L'albédo est un chiffre compris entre 0 et 1 qui permet d'évaluer la capacité d'un corps non lumineux à réfléchir la lumière. Un corps qui renvoie peu de lumière aura un albédo proche de 0, et un corps qui renvoie beaucoup de lumière aura un albédo proche de 1.

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