Fury : évolution d'un rapport à la violence

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 En 2014, j’avais douze ans. J’étais alors au collège et amateur depuis un moment du jeu-vidéo World of Tanks ; qui, vous l’aurez deviné, consiste en des batailles de chars. J’ai découvert le film à travers le jeu (un char spécial, reproduction de celui du film, avait été mit en vente pour l’occasion). J’ai demandé le DVD à Noël l’année suivante et l’ai eu, j’ai donc pu le voir.

 Ce film raconte l’histoire de Norman, une jeune recrue de l’armée américaine qui rejoint en avril 1945 l’équipage du Fury, un char d’assaut Sherman, après la mort du précédent mitrailleur. Il découvre l’horreur du front et met du temps à s’adapter à ses camarades, détruits par la guerre dont ils ont pris l’habitude. Les péripéties s’enchaînent et ils finissent par former une famille, juste à temps pour prendre part à une mission de la plus haute importance, à l’issue de laquelle Norman est le seul survivant.

 Ce film bénéficie d’un casting exceptionnel et d’une très bonne réalisation de David Ayer. Pour ma part, je l’adore depuis le premier visionnage. En revanche, ce n’est pas pour les mêmes raisons.

 À treize ans, je l’ai regardé de façon très cynique. La violence m’amusait. Il y a une scène dans laquelle les Allemands bombardent une de leurs villes après sa prise par les Américains, tuant autant de civils Allemands que de soldats. Ma sœur, qui regardait le film avec mon père et moi, a demandé pourquoi ils le faisaient. J’ai répondu un truc du style « bah c’est la guerre » en jubilant.

 Aujourd’hui, j’ai dix-neuf ans. La violence ne m’amuse plus, au contraire. J’adhère enfin au propos du film : la guerre détruit ceux qui la font, même s’ils y survivent. J’en viens même à regretter que la bataille finale, si populaire dans les films d’actions, soit autant à l’avantage de l’équipage qui, comme dans la plupart des films, semble protégé par un bouclier scénaristique. Au début, en tout cas, puisqu’ils finissent ensuite par mourir un par un.

 Fury ne raconte pas comment des jeunes Américains héroïques libèrent la France. Non, ces Américains-là sont épuisés et même traumatisés par des mois de combats et ils se battent en Allemagne, contre des Allemands souvent fanatiques, prêts à tout pour défendre leur terre. Parfois, ce sont même des enfants des jeunesses hitlériennes. Les civils fuient les combats, quand ils n’en sont pas les victimes collatérales. Les quelques moments d’accalmie, de rire et même d’amour, sont vite détruits par la violence.

 Si on devait résumer le propos du film en un plan, ce serait un gros plan sur la chenille du Fury roulant sur un cadavre dans la boue. La guerre broie ceux qui la subissent et la fond.

 À vrai dire, j’ai commencé cet article en n’ayant que la moitié du propos. Je voulais parler de mon film préféré, mais il me manquait une réflexion à même d’apporter véritablement quelque chose, comme j’espère l’avoir fait dans les articles précédents. Allais-je essayer de comprendre ce qui en fait mon film préféré ? C’est très personnel, je ne pense pas avoir beaucoup plus à apporter que ce dont j’ai déjà parlé. De plus, la seule généralité à en tirer est que votre film préféré dépend de vous et du contexte dans lequel vous l’avez découvert. En fait je vais plutôt rester dans le thème et finir par une réflexion sur les combats en fiction, qui malheureusement sont souvent édulcorés, parfois même vus comme positifs. Même quand ce n’est pas le cas, et je pense notamment aux combats de L’Attaque des titans, ils sont souvent spectaculaires et donc fascinants. Et voir des gens tuer d’autres gens ne devrait pas l’être, jamais. Je sais bien que l’on fait tous (ou presque) très bien la différence entre fiction et réalité et qu’aimer les films de guerre (ou les jeux-vidéos violents si l’on élargit la question) ne fait pas de vous quelqu’un de batailleur, mais cela me dérange tout de même. Fury n’est pas parfait à ce niveau-là, mais je le trouve tout de même très bon, et rendons à César ce qui lui appartient, L’Attaque des titan compte des combats grandioses, mais aussi un paquet d’autres qui sont absurdes tant les pertes sont élevées pour rien. Et si la mise en scène des combats peut être critiquée, dans les deux cas la grande force de ces histoires est leurs personnages qui, eux, subissent la guerre de plein fouet depuis des années et sont brisés par elle.

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