DANGER ET DISSONANCE

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Harïa - Ministère de la Défense - Le lendemain matin

Auker suivit de son inévitable Colonel, marchait en direction du bureau de Dreen. Le Colonel disait :

— L'appel a été passé hier soir, très tard, de la cabine de communication publique du village, située à moins de cinq kilomètres de la propriété de Naël Eok.

— Autrement dit, impossible de connaitre l'identité de l'informateur ?

— Difficile en effet ; cependant, s'il dit vrai, nous devons agir immédiatement.

— Pas sans l'accord de Dreen.

Le ton impératif du Général, n'empêcha pas le Colonel de poursuivre :

— Mon Général, nous perdons du temps, il pourrait nous filer entre les doigts.

— Nous sommes contraints d'avoir l'accord du Ministre, il s'agit de son enfant.

Le Colonel tenta de dire :

— Général, j'insiste pour...

Il fut interrompu :

— Rompez, Colonel et attendez mes ordres !

Il n'eut pas d'autre choix que d'obtempérer. Auker le laissant planté là, rejoignit seul le bureau de Dreen.



Dreen fusilla le Général du regard, avant de demander sèchement :

— Je peux savoir d'où vous tenez, ou plutôt de qui vous tenez ses élucubrations ?

— D'une source tout à fait fiable, M. Dreen : le centre d'appel à témoins, installé dans ce bâtiment.

Plus agacé encore, Dreen objecta :

— Et pourquoi n'ai-je pas été averti de ce fait dès hier soir ? C'est à moi que l'information aurait dû être transmise, pas à vous.

Le Général répliqua avec une certaine délectation dans la voix :

— Choisissez mieux vos hommes. Celui-là s'est facilement laissé acheter !

Le père de Naël, furieux, le fusilla du regard. Auker nullement impressionné, reprit :

— L'important n'est pas de savoir qui de nous deux aurait dû être averti le premier. L'important c'est de vérifier l'information en agissant rapidement.

Il ajouta encore :

— Vous êtes en ce moment en difficulté. Si votre gouvernement apprenait que vous n'avez pas agi, par convenance personnelle, vous seriez plus fragilisé encore.

Dreen se laissa aller en arrière, sans quitter des yeux son interlocuteur. Un lourd silence s'installa...


Pendant ce temps, le Colonel furieux, avait rejoint les appartements réservés à la délégation ikosienne.

En arrivant, il alla s'asseoir, puis se releva avant d'arpenter la pièce nerveusement, il tentait de réfléchir et de comprendre, pourquoi le Général ménageait autant les Espariens. Suivre les directives dans ses conditions, lui apparaissait subitement contre-productif.

" Sont-ils si terribles, pour qu'Auker refuse de les contrarier ?" se disait-il. Il alla se rasseoir, tenta de se calmer, et parvint à remettre un semblant d'ordre dans ses pensées enfiévrées.

Il envisagea plusieurs possibilités, mais n'en garda qu'une seule à l'esprit : Il savait qu'en définitive, le Général serait suffisamment habile pour obtenir de Dreen, l'autorisation d'intervenir. Alors pourquoi ne pas devancer cette autorisation ?

Il pensa brusquement, que s'il capturait lui-même X212, le Général le remercierait sûrement.

"Parfois, il est nécessaire de devancer le désir de ses chefs, pour le bien de l'Empire."Pensa-t-il. Sa décision fut prise, pour la première fois de sa vie de soldat, il allait désobéir aux ordres.

Il récupéra son arme, puis quitta rapidement les lieux, direction le centre d'appel. Il allait demander le soutien du Sergent qui l'avait renseigné. Il eut de la chance, celui-ci terminait son service. Il lui fit signe.

Le soldat esparien le rejoignit. Ils sortirent à l'extérieur. Là, le Colonel exposa son idée au Sergent. Celui-ci, hésitant demanda :

— Avez-vous l'aval de votre supérieur ?

Le Colonel assura :

— Le Général est actuellement avec le ministre de la Défense, ils mettent en place un plan d'action. Je crois que partir en avant-garde, pourra être un plus à cette stratégie, pas vous ? Si nous préparons le terrain au mieux, nous en serons récompensés, j'en suis persuadé ; c'est l'occasion pour vous de quitter ce poste où on vous a relégué !

Le Sergent scruta le Colonel, il comprenait qu'il n'avait reçu aucunes instructions précises. Cependant, l'analyse du Colonel était juste. Si, à terme, ils capturaient l'Alpha rebelle, ils seraient couverts d'honneur. Le sergent demanda :

— De quoi avez-vous besoin ? 

Le Colonel sourit, il exposa en détails ses desiderata.



Dans le cabinet de Dreen, celui-ci était toujours hésitant. Le Général décida d'être conciliant :

— Je comprends que pour vous, ce soit une décision difficile à prendre. Par ailleurs, il était nécessaire que vous sachiez la vérité. Je vais vous faire une promesse. Si vraiment j'ai raison, et que votre enfant a aidé X212, je passerai ce fait sous silence, ainsi il ne sera pas inquiété !

Dreen soupira, puis décida :

— D'accord, mais c'est à ma façon ! Cela veut dire : pas d'opérations complexes avant que je n'aie parlé à mon enfant. Il n'a jamais su feindre avec moi. Si je lui pose une question directe en le regardant dans les yeux, même s'il me ment, je saurais la vérité.

Le Général fronça les sourcils. Il hésitait et beaucoup. Dreen ajouta :

— Ça n'est pas négociable ! Sinon, quoi qu'il m'en coûte, je ne vous aide pas !

Auker abdiqua donc, il déclara :

— Entendu, mais nous devons agir immédiatement. Il faut nous rendre sur place, vous pouvez disposer d'une navette ?

— Sans problème ! 

Le Ministre se leva, attrapa sa veste et conclut :

— Allons-y !

Ils quittèrent hâtivement le ministère...


Propriété de Naël

Avec inquiétude, l'hermaphrodite lisait les indications du thermomètre. Il soupira ensuite :

— Trente-neuf. C'est ce que je craignais.

Xavier, tout aussi soucieux, demanda :

— Penses-tu que cela pourrait être grave ?

— C'est sûrement une poussée de fièvre due à la percée des dents, mais dans le doute, je préfère appeler le médecin. Il ne pourra pas venir avant ce soir, mais au moins il me donnera quelques conseils, pour la soigner au mieux, d'ici son arrivée.

Naël ajouta :

— Il n'est évidemment pas question que je m'occupe de mes semailles aujourd'hui. Je vais devoir remettre mes serres et mes robots en sommeil. Je tiens à rester auprès de Lita.

Sur cette phrase, il habilla sa fille. Xavier proposa :

— Si tu veux, je m'occupe de tes serres et tes robots ?

Sans l'ombre d'une hésitation, l'être double accepta. L'homme quitta la pièce. Obi entra dans la salle de bain et dit :

— J'ai installé le berceau dans le salon, monsieur.

— Merci Obi.

Il prit la nourissonne dans ses bras et quitta les lieux. Peu après, il la couchait dans son berceau. Ensuite, il appela le médecin, nota ses conseils. C'est après les avoir suivis et surtout appliqués, qu'il s'installait dans le salon, déterminé à veiller sur son bébé, toute la journée.


La navette du Sergent et du Colonel était en vue des monts Obérik. Le Sergent crut bon de dire à ce moment à l'ikosien :

— D'après la personne qui a témoigné, votre fugitif a installé un périmètre de surveillance très élaboré : caméras, alarmes silencieuses et sans doutes d'autres appareils, que notre informateur n'a pas vus. Si c'est exact, l'approche de notre navette sera repérée.

Le Colonel, sans paraître surpris, sortit de sa poche un petit appareil qu'il connecta sur la console directionnelle. Il dit ensuite :

— Voilà le problème réglé.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Une sorte de... brouilleur.

La navette, à ce moment-là, survolait le village. Plusieurs habitants la remarquèrent, alors qu'elle prenait la direction du domaine de Naël. Sunny était de ceux-ci. Il la suivit des yeux, et se dit : "Je n'aurai pas dû appeler hier soir."

Car, l'informateur, c'était lui. Il regrettait à présent, sa réaction de jalousie. Le remords le submergeait. Il se dit avec horreur : "Et s'il faisait du mal à Naël ?"

Alors sans réellement réfléchir, il sauta dans son traîneau, garé non loin de là, démarra et prit la direction de la ferme de Naël.

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