Chapitre XXIII

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« Des fragments de nous-même partaient dans tous les sens, comme si vivre signifiait s'éparpiller sans cesse. »

Elena Ferrante - L'amie prodigieuse

Et c'est ainsi que l'année suivant le départ de l'infortuné compagnon, nous continuâmes à vivre une relation encore et toujours inscrite dans la clandestinité. Seuls quelques proches parents et amis savaient que tu continuais à me voir dans le secret de tes week-ends libres. En revanche, collègues de bureau, relations plus lointaines, tous étaient soigneusement tenus à l'écart de ce secret. Du même coup, tu baignais dans la bienveillance sociale que seules les épreuves de la vie savent construire, et celà te convenait parfaitement.

Que dire de cette période ! Bien sûr, elle a été heureuse. Sentir le regard amoureux d'une femme ou d'un homme sur soi est un don du destin. Les premiers jours , les premières semaines , les premières années se dessinent en une courbe exponentielle !

Ta liberté acquise, tu continuas néanmoins à te montrer aussi amoureuse que les premiers jours.

Ne travaillant plus et ayant abandonné toute vélléité de recherche de mission, je venais souvent passer quelques jours auprès de toi. Dans cette petit maison neuve, débarassée de tous les relents de ton ancienne vie.

Je n'avais plus la force de retourner travailler, tout simplement. Non pas que je n'aie pas eu envie de retrouver du souffle à créer, inventer, imaginer, programmer, bien au contraire, mais la turbulence stérile des grandes entreprises me répugnait tellement. Et l'équation travail, bonheur de vivre, m'était de plus en plus difficile à résoudre. Il fallait que je réléchisse à autre chose !

« Le temps, donner du temps pour les autres, l'argent, recevoir de l'argent de ceux qui pensent qu' ils nous rendent heureux. Quelle folie ! », me disais-je.

J'avais pourtant retrouvé une mission à Rennes assez vite. Mais celle-ci avait tournée au fiasco dès les premières semaines. Une coopérative qui collectait des informations sur toutes les exploitations agricoles de l'ensemble de la région ouest et que nous devions consolider en une seule base de donées. Banal ! Mais le contenu de la mission m'importait peu !

Ce qui me pesait plus que tout, c'était ces aller-retours incessants entre Nantes et la capitale bretonne, toute deux équipées d'un périphériques curieusement enclins à faire concurrence à celui de Paris, j'exagère à peine ! Le matin, donc, je devais me taper celui de Nantes, mais aussi celui de Rennes. Rapidement, je mis un terme à cette aberration. Ni ma voiture ni moi-même ne le supportions ! Et je ne te le disais pas, mais il était aussi bien hors de question que je remette le couvert dans une des institutions niortaises. Pour des raisons assez curieuses d'ailleurs. Car bien qu' heureux d'être près de toi lorsque je venais en "clandestin", j'aurais pourtant difficilement supporté de rentrer dans un schéma plus classique d'amoureux actifs.

Je me souviens que dans les premiers jours, tu m'as demandé de tailler la haie de laurier qui entourait cette petit maison somme tout banale. Un amour de passage m'avait déjà conduit à cisailler feuilles et rameaux d'une maison des environs de Nantes. Une demeure en tout point similaire à la tienne. Ces maisons destinées à la location, faite de matériaux bon marché, carrelée de blanc sur presque toute leur surface, et bien sûr, entourées d'une haie de Laurier palme. Ce n'était donc pas la première fois que je me lançais dans cette tâche de jardinage, bien que je me sois bien gardé de te dire dans quelles circonstances j'en avais fait l'apprentissage par le passé.

Ainsi, pendant que tu jouais à la femme abandonnée dans tes bureaux de la mutuelle, je coupais. cisaillais, élaguais, mettais en sac. J'attendais ton retour avec impatience. Et parfois je m'abandonnais à la rêverie allongé sur un transat, ou tout simplement assis sur une chaise, méditant.

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