Chapitre IV

14 minutes de lecture

« Nait-on deux fois ? Oui. la première fois, le jour où l'on nait à la vie.
La seconde fois , le jour où l'on nait à l'amour »

Victor Hugor

Trois semaines plus tard, je revenais dans les locaux de la Mutuelle. je venais de passer une semaine loin de de toute préocupation laborale. Il y a bien longtemps que je ne prête plus intérêt à ce milieu de boulot inodorant, fade. J’étais allé à Noirmoutier pendant cette période, avec mon fils. Il n’avait que onze ans. C’est à Barbâtre que tu devais passer quelques jours et je ne pus éviter de ressentir un pincement au cœur à l’idée que quelques jours auparavant tu étais passée par là. Au passage du Gois, que j'emprunte si souvent en été et que je connais bien, je croisais à nouveau ton regard énigmatique fraîchement posé sur les rives ensablées de l’île. Notre conversation d’avant ton départ s’enroulait comme une couleuvre sur chacune de mes pensées vagabondes, aucune ne pouvait échapper à l’étreinte mortelle de ce souvenir.

Naturellement, de retour au travail, c’était bien la promesse que nous déjeunerions ensemble qui m’obsédait. Pas les abrutissantes contraintes de codes informatiques définitivement récalcitrants à mes efforts pour les faire fonctionner.

Je m’apprêtais à boire une belle dose de café quotidienne, guettant à nouveau les boucles blondes de ta chevelure de sorcière, me tenant posté au guéridon de la salle de pause plus longuement que de coutume. J’étais un peu inquiet aussi. Peut-être avais-tu tout oublié ? Cette vague conversation, épisode anodin de deux collègues qui se croisent, vite tombée dans l’oubli.

Mais ce n’était pas le cas. Et quand tu apparus couverte du hâle de soleil de l’été, je crus entendre les trois coups secs qu’un brigadier lointain frappait, pour annoncer le lever de rideau d’une nouvelle pièce, d’une nouvelle tragédie — je ne le savais pas encore — de ma vie amoureuse.

« Tiens salut ! Comment vas-tu? Lançai-je, feignant un air surpris.

— Ça va. Et toi, de retour ? me répondis-tu presque instantanément, te rapprochant de moi l’air de rien.

— Oui. C’est un peu dur j’avoue. Et toi ? Déjà une semaine, je crois ?

— Oui, c’est ça. Tu as vu comme il fait encore beau ? C’est super ! J’adore le soleil.

— Et tes vacances alors ? Bien passées ?

— Oui, ça a été. Le Périgord et Noirmoutier… Barbâtre plutôt. »

Nous pensions l'un et l'autre au déjeuner que nous nous étions promis de prendre ensemble, c'est certain. mais sur l'instant, il nous était impossible de nous risquer à l'évoquer. Moi, je n'osais pas ! Toi non plus ! Après quelques mots, j'indiquai en souriant :

— Bon ! Il faut que je remonte vite ! Trop de choses à faire.

— Oui ! Moi aussi. On est débordées ! À plus tard peut-être !

Je n’étais pas déçu a vrai dire. Dans le fond, te parler, savoir que dorénavant tu n’hésitais plus à venir vers moi, me chargeait d’une certitude étrange. Une fois assis, face à l’ordinateur, je tentai de me replonger dans le travail, un peu inutilement. Ébloui par cette inusable lumière qui venait de s’allumer à quelques mètres de moi, mon esprit n’arrivait pas à se figer. Mon regard traversait l’écran et se perdait bien ailleurs dans un vagabondage incontrôlable. Les sourires de quelques collègues venaient parfois interrompre cette diablerie, et je sentais bien que leurs yeux complices, leur verbe teinté d’une moquerie presque paternelle, déployaient la même patience que si j’avais été dans la peine la plus affligeante. Étonnant comme l’état amoureux peut être traité comme une inconsolable douleur par ceux qui d’aventure le décèlent.

Ce fût dans le courant de l'après-midi que je reçus ton premier message. Ton premier mail. Nous n'avions pas encore échangé nos numéros de téléphone et tu venais de t'emparer du seul moyen de communication dont tu disposais : la messagerie interne.

« Salut R.

Je te propose de déjeuner ensemble demain si tu veux bien, et si tu es disponible, bien sûr. Qu’en dis-tu ? »

Il va sans dire que je répondis presqu’aussitôt. J'eus à coeur, dans les quelques mots griffonés , de laisser ma joie et mon enthousiasme transparaître à l'idée de passer un moment ensemble, et j'écrivis :

« OK. j’ai une idée. On se retrouve demain, un peu avant midi, devant la baie vitrée à l’arrière du bâtiment. Je te suivrai en voiture. Je pense que c’est mieux. D’accord ? »

« ok, ça me va ».

*

* *

Les images de chaque endroit ou nos yeux se sont croisés, ou tes mots et ta voix sont venus percuter le monde qui m'entourait restent à jamais gravés en un éternel et douloureux écho. je me souviens d'un bonheur immense. D'une joie que jamais je n'oublierai !

*

* *

Il est midi. Tu m’appelles. Tu m’indiques où tu es garée et me proposes de me suivre. J’acquiesce.

Nos voitures se suivent et je vois sur ta plaque le numéro qui trahit ce délicieux accent périgourdin riche et sonore. Le restaurant où tu voulais aller est fermé. Un bon restaurant comme tu les aimes. Nous sommes en été. La pizzeria du petit centre commercial fera l’affaire.

C'est notre premier déjeuner ensemble et qu'importe l'endroit. Tu as insisté en disant que tu m'invitais avec cette phrase que tu affectionnais tant. « Tu es mon invité ! ». Je me sens joyeux. J'ai attendu trois semaines pour ce jour de rencontre depuis nos premiers mots échangés sur le canapé de la Mutuelle.

Nous sommes installés dehors. En terrasse. J’ai vu ton regard circulaire et méfiant s’attarder sur toutes les tables occupées. Niort, petite bourgade. Assise sur une richesse institutionnelle ou presque. Qui respire au rythme des compagnies d’assurance que l’hypocrisie démocratique et législative abreuve d’une juteuse manne dans les innombrables contraintes qu’elle soustrait aux libertés de tous. Cette petite ville construite sur une fausse bourgeoisie qui côtoie une certaine indigence dans la plus totale indifférence. Bref. Tes yeux tournent et virevoltent comme ceux d’un agent de police trop zélé. Tout se sait ici. Tu dévoiles cette extrême méfiance qui est la tienne. Exacerbée par ce milieu restreint, limité, confiné.

Ces premiers mots, ces premiers regards, je les retrouve si vite. Nos gestes maladroits à s'installer l’un face à l'autre, les quelques banalités qui peuvent constuire des ponts solides ou au contraire tout faire s'écrouler.

*

* *

J’observe ton visage. Il est beau. Un grain de beauté s’est perdu sur le haut de ton front. Là où les boucles de tes cheveux s’entremêlent en une forêt dense et sombre marquant la frontière haute d’un front immense qui descend très bas ; ou les sourcils, au contraire très fins, s’enroulent en une douce virgule vers un nez aux contours doucement arrondis. Tes joues sculptées par un éternel sourire se creusent légèrement allumant des fossettes malicieuses. Ta large bouche étrangement peu colorée ne laisse au regard que le choix de s’attarder sur une lèvre inférieure presque pulpeuse qui s’efface pourtant devant un long menton noblement saillant.

Tu tiens dans les mains une mèche de tes cheveux blonds et bouclés et ta longue tête légèrement inclinée ne laisse dégouliner les torsades sauvages, luisantes et dorées, que d’un côté. De l’autre, on devine une broussaille translucide qui s’évapore dans le décor flou des tables du restaurant. Tes yeux réduisent à l’esclavage mon regard. La flamme pétillante allumée dans chaque virgule insolente qui me fixe m’empêche d’en distinguer précisément la couleur.

*

* *

Voilà. Nous sommes l’un face à l’autre. Il n’est pas très beau, mais je lui trouve beaucoup de charme. Discret, il déploie une politesse un peu étrange. Avant même de parler des roses, je vais essayer de mieux le connaître. Je me demande quel âge il a ? Est-il marié ? Que fait-il ici ? C’est dommage que le restaurant où je voulais l'emmener n’ait pas été ouvert, les consultants externes sont souvent friands de ces endroits où l’on déjeune bien et sans doute sera-t-il un peu déçu. Il semble s'en foutre un peu pourtant. Bon ! Par quoi vais-je commencer ? Les vacances, je vais lui parler de mes vacances. Il connaît bien Barbâtre et il a oublié de me dire pour les marées. On a été obligé de rebrousser chemin pour finalement prendre le pont.

*

* *

Tu te lances … ta voix vient ensorceler l’instant.

« Dis donc ! Tu avais oublié de me dire de surveiller les marées pour traverser le Gois ! On s’est cassé le nez à l’entrée du passage ! Ils se sont tous moqués de moi ! »

Je proteste un peu inutilement et tu poursuis. Tu m’apprends que ton petit séjour à Noirmoutier s’est bien déroulé.Tu évoques de nombreux détails de ce séjour sur l'île qui est si chère à mon coeur comme si déjà tu l'avais deviné. Tu y étais avec une de tes collègues, et un ancien voisin de bureau, devenu un ami. Tu t’amuses de votre erreur .

C’est la deuxième fois que nous nous parlons. Dix ou quinze minutes d’échange avant ton départ. Pendant lesquelles j’avais compris que tu partais pour deux semaines. Quelques jours dans le Périgord. Et puis… Forcément, je gamberge, un séjour avec ton compagnon, sans ta fille, je crois. À Palerme ou quelque part en Italie. Je ne sais plus bien. Tu ne parles pas de ce séjour et mon inquiétude monte. Instinctivement, je ne sais pas où je suis en train de poser mon cœur, et je frémis.

*

* *

Inutile de trop parler de mon séjour en Italie. je ne sais pas pourquoi, je n'ai pas envie de m'étendre sur ça. De toute façon, ça s'est pas bien passé. Je vais parler d'autre chose et surtout j'ai hâte qu'il me parle de lui. Bon, allez, je me lance.

Tu enchaînes.

« J’ai 38 ans. J’ai une fille de 5 ans. Elle s’appelle Manon…

— Joli prénom ! Tu ne vis pas seule ?

— Non, non… je vis en couple. Mais en fait il n’y a plus grand-chose entre nous. Disons qu’on est en colocation. Enfin c’est tout comme… »

— Ah ? »

Mon attention se fige sur tes lèvres. Moment d’observation intense, j’analyse chaque mot, chaque geste. Je scrute chaque mouvement des paupières, je cherche les intentions cachées derrière chaque syllabe que tu prononces. Curieux ! Tu évoques si vite cette situation de couple devenue morne ! Ta vie avec ta fille. Ton compagnon, il rentre toujours tard, s’occupe peu d’elle. sauf pour la réveiller le soir au prétexte de lui dire bonsoir. Un tableau somme toute assez banal, mais sans concession. Tes sentiments sont détruits. Il te faut reconstruire. Tu prépares le terrain. Il semble qu’instinctivement, tu figes le décor à une vie nouvelle, à mon intention, peut-être.

« Oui. Il n’y a plus rien entre nous. Disons qu’on vit sous le même toit....et c'est à peu près tout »

Tu hésites, et reprends après un court instant :

« Je reste pour la petite. Elle ne comprendrait pas une séparation.

— Une séparation ? Vous en êtes là ? Quel âge a-t-elle ? je réagis un peu surpris.

— Cinq ans ! On s’est rencontré à Paris. Et puis j’ai dû venir à Niort, pour le boulot. »

Tu ris tout à coup. Tu me parles du site sur lequel tu l'as rencontré. Une rencontre internet ponctuée par une relation de sept ans. Tu reprends.

« Nous ne dormons pas dans la même chambre. Il rentre tard moi je m’occupe de Manon. »

J’observe tes expressions, à l’affût du moindre indice. Rien ne laisse percer la plus petite souffrance, tout juste une résignation contenue. Sautes d’humeur de ton compagnon, colères soudaines et inexpliquées ; tes peurs aussi, tout ça, tu m’en parles. Tu restes fidèle à ton sourire néanmoins, lequel reste enraciné à tes lèvres. Ton visage dans le soleil d’été se charge tour à tour de lumière et d’ombre. Et tu me racontes, sans complaisance, avec la précision détachée d’un prof d’histoire blasé qui débite des événements dont il n’a rien à faire. Je devine soudainement une grande dureté, presque un désir de vengeance dans ce que tu me dis. Sans doute l’accumulation de blessures cachées, de frustration qui ressurgissent à l’évocation de ce conjoint. J’écoute, simplement. Je suis concentré sur chaque phrase que tu prononces, mais dans le fond, je ne sais pas trop quoi dire.

Arrivera l'instant ou je devrai parler de moi. Tes trente-huit ans aveuglent mon jugement. Ils me font un peu peur ! Alors j’enchaine recherchant un sursis.

« Pourquoi Niort ? »

Ton récit reprend. Tes études de droit, ton diplôme d'avocat, ton séjour à Paris, ta rencontre avec ton conjoint, l'arrivée de ta fille. Cette société que tu intègres après le peu de cas que tu fais pour la profession d'avocat. Les difficultés rencontrées à Paris dans le cadre de fonctions d'encadrement, expérience malheureuse. Et puis le départ pour Niort, presque forcée. Tu t'essouffles, abrèges. Ton regard sur moi se fait plus pressant comme pour dire « c'est à ton tour ».

*

* *

J’en ai assez dit ! Peut-être trop d’ailleurs ! Il m’écoute attentivement et me fait juste parler, le salopard ! je ne sais pas pourquoi je raconte tout ça ! Tout est vrai après tout, et je n’ai rien à cacher ! Je l’observe attentivement. J’aime ses yeux que pourtant je distingue à peine. Ils semblent profondément enfouis en lui comme s’il cherchait à ne rien dévoiler de ce qu’il voit et ressent. Et de temps à autre, ils s’ouvrent très grand, la pupille noire se met alors à briller, déversant du même coup toute la lumière qu’il a en lui dans une chaude et rassurante bonne humeur. Ça ne dure qu’un instant, sa joie dégouline sur nous comme une coulée de lave avant de brusquement s'interrompre. Je ne vois plus alors que deux traits sombres et un mystérieux sourire agrippé à ses lèvres. Il me fait un peu frémir. Je me mets à douter qu’il puisse être l’insolent poseur de rose. Ce n'est pas aujourd'hui que je vais en parler, trop tôt ! Allez ! À lui de parler, de tout me dire  !

*

* *

Tu me regardes en penchant la tête, lèves ton regard vers moi. Ou plus exactement tes yeux qui seuls bougent dans un charme irrésistible. Tu penches la tête légèrement dans un mouvement de séduction inconscient.

Tu lâches brusquement,

« Raconte-moi. Dis-moi. Et toi ?

— Eh bien moi ! »

J'hésite un instant.

Quels mensonges vais-je dire encore ! Parler du monstre qui m'habite. De quoi vais-je parler ? Que j'en ai marre d'être ici, à Niort, entouré de pauvres bougres qui ronronnent dans un confort qui m'irrite presque. Que les uns et les autres m'emmerdent avec leurs poules, leurs travaux du week-end, leur salle de bain qu'il faut refaire, la petite qui n'a pas dormi. Finalement, je raconte mon parcours. Comment j'ai atterri à Niort à contrecœur. Mes années à Paris, à Londres. Mes deux séparations. Et puis je parle de mon fils aussi.

« J’ai aussi un petit garçon. Il a 12 ans. Il s’appelle Félix. Je l’ai en garde élargie. C’est pour cela qu’un mercredi sur deux je ne suis pas là ! »

J’ai cinquante-quatre ans et tu en as trente-huit, je le sais maintenant ! Il ne va pas falloir que je m’étende sur mon âge tout de go. Je décide donc d’éluder le sujet. Depuis un moment déjà, je ressens cet âge comme un poids. J’ai franchi le seuil d’une vie ou l’on pense ne plus pouvoir aimer, ou les désirs ne sont plus que des fantasmes, ou les fantasmes ne peuvent plus être que des rêves. Je sais que mes traits et mon allure me donnent encore la désinvolture d’une certaine jeunesse. J’en joue. Avec mon fils de douze ans, je me rapproche de toi. Je divise par deux l’âge qui nous sépare en quelque sorte, artifice bien commode. Mais je ne parle pas de mes deux filles aînées, je ne veux pas t'effrayer déjà.

Une irrésistible attirance s'installe entre nous et nous le sentons. Mes yeux plongent dans les tiens en toute liberté maintenant. Le fil tendu entre nous depuis si longtemps, que nous avons tissé ensemble pendant des mois et des mois sur le fuseau du mystère, aurait pu se rompre mais au contraire, il devient plus fort, plus résistant. Je reste méfiant malgré tout et après tout, cacher n'est pas mentir ! Tu me glisses à ton tour :

« Et tu as quel âge ?

Jouer au jeu de l’âge me va bien. Je le sais, je porte quelques années en moins ; mon visage glabre, mes cheveux châtains et fournis peuvent encore me laisser espérer. La politesse naturelle des gens combinée à la nature de ma chevelure souple et vigoureuse vient souvent couper dix ans dans les spéculations.

Tu ris.

Me dis un chiffre.

Puis un autre.

Je vois tes mains longues et fines jouer des doigts dans un calcul improbable, l’œil tourné vers le ciel. Je tente de détourner la conversation, mais, perspicace et tenace, tu insistes, énumères les chiffres, additionnes, soustraits. Imperturbable, je souris à toutes tes supputations et le laisse dans le mystère. Soudainement, tu en viens à me poser une autre question, qui te brûle les lèvres, je le sens, depuis que je t'ai parlé de mon fils.

« Tu n’as pas d’autre enfant ? »

Je réponds vivement, sans attendre. Mes mains se crispent sur mon mensonge

« Non ! »

Bien sûr ! Deux périodes de dix ans avec deux femmes différentes. Ton instinct féminin réagit aussitôt. Je sens que déjà une suspicion se glisse subrepticement dans ton esprit droit et ordonné. Je me sens tout à coup devenir ce mâle stupide. J’aurais pu, j’aurais dû réagir aussitôt. Rire et annoncer toutes mes paternités. Qui plus est, j’en suis tellement fier. Mais mon instinct masculin m’en dissuade. Les félins tuent la progéniture des femelles pour affirmer leur autorité, mais moi, c’est la mienne que j’efface sans pitié de mon passé pour me fondre à ton univers. C’est pire encore ! Je suis furieux après moi !

Tu te contentes de m’adresser un acquiescement discret, n’insistes pas. Mais déjà les ombres qui balaient imperceptiblement tes yeux dorés me font comprendre que je viens de faire une terrible bêtise.

*

* *

J’en sais plus sur lui ! il a un petit garçon de dix ans dont il s’occupe presque en alternance. Et ces voyages qu’il fait chaque jour, jamais je ne serais capable de m’y astreindre, comme ça doit être dur ! J’ai envie de continuer à parler, cela me fait du bien ! Pourtant, je sens qu’il ne veut pas tout dire. Après tout, c’est sans doute normal, nous nous connaissons à peine. Son regard posé sur moi est une vraie douceur. Je l’ai séduit, je le sais, et je le trouble c’est certain ! Comme c’est bon !

*

* *

Le déjeuner s’est éternisé sous notre nouveau soleil. L’été avait été magnifique cette année-là. Nous commencions à rire ensemble de choses et d’autres. Mais aussi à nous confier l’un à l’autre. C’est ainsi que je te fis part de mon malaise à travailler dans cette société un peu pataude, somnolente, usée par une croissance rapide ou les relents d’ambiance familiale s’alliaient mal à une organisation hiérarchique à peine naissante. Évoquant mille et une choses drôles dans les habitudes de ces salariés aux coutumes mi-paysannes, mi-urbaines. Tu étais d’accord.

Je te fis part de la solitude de mes premiers jours. De septembre à décembre de l’année précédente, je refusais presque tout contact. Je te fis part de mes incessants allers-retours entre Niort et Nantes. Je crois même que j’évoquai ce mois de janvier ou le matin, recroquevillé dans la fièvre d’un dégoût inexplicable, j’annulais tous mes covoiturages pour rester blanc et inerte dans la seule envie de tout abandonner.

Il fallut se décider à revenir vite, ton pointage tyrannique nous happait !

Annotations

Vous aimez lire Armel Alexandre ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0