Ch.4 - 1 | La semaine avant la fin du monde

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Erika avait préparé son petit déjeuner et ses affaires comme tous les jours, elle avait nourrit ses chats. Convaincue qu’elle ne parviendrai jamais à rien dans la vie, elle avait pourtant la sensation que quelque chose d’absolument inhabituel était sur le point de se produire. Ce n’était pas un sentiment qu’elle avait l’habitude de ressentir, en fait, c’était la deuxième fois qu’il apparaissait. Elle se souvenait de la première fois comme si c’était hier. Elle avait environ huit ans, elle était presque prête à démarrer sa formation classique.

Dès leur plus jeune âge -environ deux à trois ans- les futurs agents démarraient leur formation physique et psychologique. Puis on les envoyait préparer leur formation dite “classique” -car elle consiste à vivre pendant quatre années comme les personnes de la temporalité classique. En quelques sortes, on les faisait évoluer dans un mini-monde au sein du reverse. Seuls les meilleurs élèves avaient accès à la formation classique, les autres enfants reprenaient ainsi un cursus normal à partir de huit ans, pour ne pas trop les déphaser.

La suite de la formation classique, à douze ans, se faisait en voyageant à travers le monde avec la Guilde des examinateurs -une organisation à la réputation plutôt sulfureuse. Ils se déplaçaient principalement à moto, en bandes, et suivant la section dans laquelle vous aviez été inclus, vous pouviez apprendre à piloter toutes sortes d’engins de la temporalité classique et reverse. La Guilde permettaient de donner tout ce que la formation classique ne donnait pas: une immersion dans les profondeurs du monde du reverse.

On y apprenait notamment les notions psychologiques de base, comme à chaque adolescent du reverse d’ailleurs, sauf qu'avec la Guilde elles étaient directement mises en pratique à travers des exercices -parfois risqués.

Pendant six années vous ne vous posiez jamais, vous étiez en permanence sur les routes. Vous mangiez, dormiez et viviez avec la Guilde et les élèves de votre promo.

A vos dix-huit ans, vous pouviez tenter de passer un concours pour accéder aux Grands-Amphithéâtres du Ministère des Transfert -surnommés “Grands-Amphi”, ou bien choisir une autre voie. Les concours n'étaient accessibles qu’aux personnes ayant suivi une formation classique de huit à douze ans, mais la formation de base (des touts petits) était un vrai avantage pour le concours, car les réflexes moteurs y étaient aussi évalués.

Erika n’avait aucun souvenir de la Guilde. En fait, elle ne les avait tout simplement jamais rencontrés. Un être sorti de nulle part l’avait traînée dans le point zéro, d’où elle avait vécu avec les familles d’intégrés -sans jamais en faire complètement partie. C’était il y a seize ans déjà -dans son esprit c’était toujours d’actualité, bien qu’elle n’en parlait que très peu. Elle se souvenait de toutes les sensations de la vie au sein du point zéro, la dématérialisation lui avait laissé quelques séquelles psychologiques mais son corps était intact à son retour. Un peu trop intact, peut-être, car il ne s’était pas réellement développé durant cette période. Elle avait retrouvé un corps matériel vers ses dix-sept ans et avait passé une année à la rue, complètement déboussolée. Elle avait donc connu le mode de vie des ultra-riches ainsi que le mode de vie des ultra pauvres lorsqu’elle décida de tenter le concours des Grands-Amphi, à ses dix-huit ans. Elle avait été prise grâce à ses excellents réflexes moteurs ainsi que ses connaissances théoriques, mais ses études furent plutôt chaotiques après ça. C’est pourquoi elle avait décidé de sortir relativement tôt des formations des agents: vers vingt ans elle décidait de se faire embaucher dans la sécurité, au ministère.

Elle était simplement fière d’elle, pour avoir survécu, et n’espérait plus aucune surprise de la part de la vie.

Mais ce jour-là, elle ressenti à nouveau cette impression que le temps et l’espace allaient être bafoués, et elle n’était pas sûre d’avoir envie de sortir du lit pour découvrir comment. Elle prépara néanmoins son petit déjeuner, nourrit ses chats -son corps bougeait tout seul- et se mit en route pour le ministère. Elle n’habitait pas loin, elle y allait à pieds.

Sur le chemin, sa bille se mit à chauffer, proche de son oreille gauche. Elle la retira et se senti partir, ses yeux roulèrent vers l’arrière sous le coup de l’émotion. Une passante la rattrapa avant qu’elle ne touche le sol. Lorsqu’elle ouvrit les yeux à nouveau, assise sur un banc public, le monde était plongé dans une stupéfaction qu’elle ne comprenait pas.

“Excusez-moi ! Pardon, vous pouvez me dire ce qui se passe ?

- Mademoiselle, vous devriez rentrer chez vous, lui répondit un vieux monsieur qui fermait son stand de nourriture.”

Personne ne lui répondrait. La plupart des gens tenaient leur bille dans leur main, au lieu de l’avoir fixée à leur collier, leur poignet, leur oreille ou leur bague. Certains levaient les mains comme pour plaider leur innocence, une foule de piétons avait envahis le pont sous-marin qui permettait de sortir de la ville.

Erika leva la yeux et vu s’afficher des messages d’urgence sur les panneaux publicitaires:

“Nous vous prions de rejoindre vos proches et d’attendre la mise à jour des billes. Le ministère fait tout son possible pour rétablir les communications dans les plus brefs délais.”

“Le ministère ! s’écria-t-elle.”

Elle couru en sens inverse de la foule pour se rendre sur son lieu de travail. En un sens, on pouvait dire qu’elle n’avait pas cassé sa routine. D’ailleurs, elle n’était même pas encore en retard. Elle se repassait nerveusement dans la tête le message du panneau publicitaire.

“Nous vous prions de rejoindre vos proches…” grommela-t-elle.

“Je n’ai pas de proches…”

“Oh ! Mes chats !”

Comme un goût de déjà-vu, pensa-t-elle. La dernière fois aussi, elle avait dû laisser ses chats derrière elle, elle y avait souvent pensé lors de sa vie au point zéro. Tout lui revenait de manière intense à présent. Pour se concentrer, elle tentait de ne se remémorer que les évènements les plus récents, et non ceux qui dataient d’il y a seize ans.

“Rejoindre vos proches… Mise à jour des billes… Rétablir les communications… Mademoiselle rentrez chez vous…”

Lorsqu’elle dévala la pente du Kern en courant, ses jambes se plièrent automatiquement de manière à amortir tous les chocs de ses mollets. Elle flottait presque au milieu de la foule en panique, et progressait deux fois plus vite que n’importe qui, malgré sa petite taille. Elle sauta et pris appui sur le coin du mur en pierre à sa droite, afin de passer au-dessus d’une moto garée là. Elle atteint bientôt le ministère et saisit sa bille. Les communications étaient peut-être coupées mais pas les pass, n’est-ce pas ?

D’un geste du poignet, elle déverrouilla la petite porte sur le côté du bâtiment -les employés n’utilisaient pas la porte principale.

“Erika !”

C’était Castor, visiblement content et soulagé de la voir.

“Castor écoute je me suis évanouie pendant quelques instants, je ne comprends rien à ce qui se passe, est-ce que tu peux me résumer ?

- Est-ce que tu vas bien ?

- Complètement. Explique-moi tout.

- La majorité des billes ont surchauffé, mais pas toutes. Les billes les plus puissantes sont restées en état de marche et ont indiqué automatiquement le retour d’un agent depuis la temporalité classique. Nous n’avons pas vraiment plus d’information, mais étant donné qu’aucun retour n’était prévu, les gens se sont demandé si ça n’était pas une puissance ennemie, tu vois ?

- S’en est une ?

- Nous ne savons pas !

- Oh ! Et, heu… Heu, que savons-nous ? demanda Rika qui rassemblait ses esprits.

- Nos techniciens sont actuellement en train d’analyser le signal qui est passé au point zéro, ça pourrait prendre un peu de temps. En attendant, on tente de remettre en route les billes.

- Je vois…

- Le protocole d’urgence a été enclenché, étant donné que pour redémarrer les billes nous devons les mettre à jour, et…

- …Et vu que la mise à jour n’avait pas été programmée, le relais ne pourra pas se faire normalement, entre les informations passées et futures transitant au point zéro.

- Chaque seconde qui passe accumule des milliards de bugs, confirma Castor.

- …Rendant d’autant plus compliquée une mise à jour… C’est le serpent qui se mord la queue…

- Les personnes en capacités de le faire sont actuellement en salle de transfert, en train de prêter leur esprit pour remplacer quelques billes, afin que les techniciens procèdent dessus.

- Ils utilisent leurs esprits comme si c’était des billes ?

- C’est génial, non ?

- Qu’est-ce qu’on peut faire, nous, en attendant ?

- Ah oui, heu… Attend, j’ai justement sur moi le protocole d’urgence.”

Castor sorti de sa poche une feuille translucide.

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