La démonstration n’était pas finie -en fait, elle venait à peine de commencer. Diane sirotait ce qui lui restait de fierté liquide avant de demander un autre verre, parce qu'elle devait faire perdurer le moment jusqu'à ce qu'elle se perde en son sein. Gill ne pouvait assister à cette scène sans avoir l'impression de voir une adolescente hésitante à l'idée d'aborder un garçon, c'était désespérant -mais c'était lui le copilote, il devait se concentrer.

"À ta gauche, souffla-t-il."

Diane tourna la tête, ainsi que les épaules et la moitié de son sens logique.

"Est-ce que tu viens de pivoter vers la droite ?!

- Pardon, je... Je n'ai pas encore pris le pli."

Elle essayait vraiment. Il le savait. Il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir. Après tout, elle avait commencé son entraînement très tard dans sa vie, l'avait toujours suivie seule, et personne ne serait là pour l'applaudir à l'arrivée. Lui, en comparaison, avait eu la moitié de la planète à ses pieds pour saluer son exploit.

*

Gill se mit à grommeler, depuis la colline où il s'était assis pour admirer les sapins, en contrebas. Le vent sifflait dans les oreilles de Diane: elle sentait ses volutes froides percer, tels des rubans dans les pores de sa peau.

"Prends le sable sous tes doigts, Diane. Tu ne dois pas te laisser refroidir."

Elle prit une large inspiration :

"Le corps humain n'est pas fait pour supporter ça.

- Au contraire. Il est fait pour supporter *cet* amont de dissonance, dit-il. Dépasse-le et tu te blesses. Oublie-le et tu t'engourdis."

Les grains la réchauffaient d'une étrange façon. Elle sentait un élan de nausée la submerger:

"Dinguerie...

- Moi je trouve ça... Confortable, dit-il.

- Ah ? Comment tu le sens ?

- Je me sens... Invisible...

- Certes, répondit-elle en pouffant de rire."