Prologue

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“Ce récit a-t-il traversé les âges ? A-t-il, du long de sa fantomatique existence, brisé le fil qui nous relie au point zéro ? J’aimerais parler de moi mais, comme il m’est impossible de mentir, il me faut d’abord parler de Lauraline.

Lauraline vivait avec sa famille les premiers évènements recensés au point zéro. Aussi, afin de ne pas nous engloutir dans l’infinie confusion temporelle, notre civilisation lui donna l’évènement à l’origine de notre ère: le premier passage de la temporalité “classique” à la temporalité “reverse”.

Une enfant: perdait sa soeur, sa mère et puis son père -elle n’en ressuscita qu’un. Vous trouverez les informations complémentaires dans le Livre du Temps -s’il vous venait à l’esprit d’aller le chercher dans une bibliothèque: il existe encore des formats pas trop chers. La famille entière vécu une dizaine de transmutations totales -au bas mot- avant de se retrouver complètement intégrée dans le point zéro. Les informations nous viennent par bribes, car nous avons retrouvé le fil en question. Ceci dit, il est protégé comme objet de recherche primordiale. Vous ne pourrez pas capter cette fréquence -peu importe à quel point vous débridez votre bille…”

Diane figea son regard au hasard derrière le pupitre du maître de conférence, les yeux semi-écarquillés, feignant la neutralité. Il aurait été dommage que qui que ce soit remarque la gêne qui l’avait envahie quand le professeur Lachlan Layer disait successivement les mots “débrider” et “bille”.

Laurialine -dont tout le monde détestait le prénom- leva la main. Layer sourit d’un air entendu: il savait pertinemment ce qu’il venait de provoquer:

“Oui ? Une question ?

- On a déjà tous vu cette histoire. Elle est disponible à plein-temps au point zéro, nous ne sommes plus des enfants, nous savons, avança Laurialine.

- Une histoire est-elle une fréquence ?

- Je… Je ne sais pas.”

Ce n’est pas qu’il appréciait particulièrement perturber ses élèves, c’est tout simplement qu’il appréciait provoquer des réactions incongrues. Et que les élèves ne pouvaient pas riposter. En fait, personne ne le pouvait. A vrai dire, il adorait déranger.

“L’histoire, telle qu’on vous la donne à la fréquence ab9, est une reconstruction. Je suppose que vos parents vous ont permis de vous endormir en écoutant les aventures de celle qui vous donné votre nom… Laurialine… mais vous devez savoir qu’elle n’est pas de source directe. Ab9 est un fil de synthèse appartenant aux institutions religieuses, il diffuse la même idée en continue et elle n’a pas pour vocation d’être… Comment dire… Informative.”

Un murmure parcourait l’amphithéâtre bondé.

“Monsieur…”

Un jeune garçon assis en bas semblait vouloir crever l’abcès. D’un signe de tête, Layer approuva la prise de parole:

“…Qu’avez-vous fait, lorsque votre fille vous a sorti de terre ?”

La jeune assemblée se mua en un bourdonnement frénétique. Il n’en fallait pas plus pour Lachlan, qui affichait maintenant son large sourire à l’attention des quatre agents postés au fond de la salle. Il se retenait de toute ses forces de faire un signe de tête à leur attention, lorsqu’il répondit:

“Oh, mais vous le savez déjà… Si vous avez suivi les histoires de l’ab9.”

Un des agents porta la main devant sa bouche pour ne pas pouffer de rire. Les trois autres admiraient fixement le magnifique sol en moquette saxony. Diane sentit son rythme cardiaque s’accélérer, alors qu’elle tentait mentalement d’accéder à l’ab9 pour percevoir des traces de perturbations. Rien du tout. Elle se redressa sur son siège et saisi un stylo pour s’occuper.

“Monsieur !”

D’autres mains se levèrent.

“Monsieur, pourquoi accepter de revenir si ce n’est pour nous parler des faits ?

- Vous pensez que c’est pour ça que je suis là ..?”

Il balaya le premier rang du regard. Les élèves le dévisageaient.

“Si je suis devant vous aujourd’hui, c’est pour…”

La bille montée sur la bague de Layer se mit à chauffer.

“…AH ! Saleté…”

Il secouait sa main, tandis qu’un fracas se fit entendre à l’arrivée de Georgina Prieto par la porte de gauche. Layer salua l’assemblée.

“Désolé les enfants !” s’exclama-t-il avant de suivre la secrétaire générale.

- Ce n’est pas ce qu’on avait convenu, lui glissa-t-elle avec la mâchoire serrée.”

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