Chapitre 15- Monsieur Capel

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— Il se fait déjà tard, je vais aller dormir, bonne nuit ma sœur, bailla-t-elle en la laissant seule, dans la pièce.

— Bonne nuit Coline.

Elle se mordillait les lèvre avant qu’elle ne parte, mais elle intervînt en lui disant d’attendre. Coline, attentive, se retourna vers elle.

— Est-ce que… tu, tu crois aux âmes qui peuvent se déplacer n’importe où ?

Surprise de sa question, elle adossa son épaule gauche contre la porte et mit du temps à répondre.

— Je sais que sainte Thérèse de Lisieux en parlait, elle disait qu’elle allait continuer d’aider les âmes, sur la Terre comme au Ciel, je suppose que oui, quand on y croit profondément. Pas n’importe où je dirais, mais sur Terre, oui. Attends, tu es en train de me faire penser aussi à sainte Mère Térésa, qui disait qu’elle irait en enfer pour aider les âmes damnées, donc oui, j’y crois. Pourquoi me poses-tu cette question ?

— Oh tu sais, il m’arrive fréquemment de me poser des questions sur Dieu.

Soeur Humbeline voulait se sentir confiante, car elle doutait encore de ces choses « surnaturelles » qui pouvaient bel et bien exister. Mais était-ce vraiment réel pour sa sœur ? Elle aura la surprise quand elle la verra, un jour… Mais en revanche, elle ne s’était pas trompée sur les lettres du père Théophane.

— Moi aussi j’ai une question, comme est-ce que tu as sût que les lettres étaient ici ?

Embarrassée, elle se massa profondément le bras en refermant le coffret.

— Le père Philémon m’en a parlé, mentit-elle en faisant sortir la jeune femme du grenier.

— Je demanderai à mes parents pour les lettres.

— Oui, il est préférable de leur en parler… Reposes-toi bien Coline.

— Toi aussi.

— Oh et dernière petite question.

— Dis-moi ?

— Comment tu régirais si tu apprenais que tu étais tante ? voulait-elle demander.

Au lieu de ça, Soeur Humbeline lui avait dit qu’elle avait oublié sa question et lui souhaita également, une bonne soirée.

* * *

En finissant de faire sa toilette, elle se précipita dans son lit pour lire la suite des lettres en allumant la lampe de chevet.

20/09/1939

Mon bien-aimé,

La première nuit que je viens de passe était terrible. Le sol était très désagréable, j’entendais toutes les cinq minutes les rongeurs, qui grattaient au sol. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit… J’ai passé l’entièreté de la nuit, à rassurer des soldats. Il y en avait un en particulier qui s’agitait beaucoup et qui réveillait tout le monde. Ils lui balancèrent à chaque fois un seau d’eau pour qu’il se calme. Cela m’avait fendu le cœur. Un soir, je m’étais approché de lui et j’avais veillé près de lui en récitant un chapelet. Quand il recommençait à avoir un sommeil agité, je lui saisissais la main en lui racontant que tout ceci n’était qu’un horrible cauchemar. Son visage était rempli de sueur et de terre. Il s’était sortit de son sommeil et s’était tourné vers moi. J’avais ouvert sa main pour lui glisser un chapelet que mon père supérieur m’en avait offert pour tous les soldats.

— Dès que vous voyez des scènes d’horreurs, dites plusieurs fois des je vous Salue Marie et elle viendra à votre secours.

C’était la première fois que quelqu’un venait à son aide alors, il s’était mis à pleurer et à me serrer dans ses bras.

— Merci mon père, avait-il chuchoté.

— Ça va aller mon enfant, je vais veiller au près de vous.

Il avait secoué la tête et s’endormit enfin, dans un sommeil paisible. Le lendemain, les soldats s’étaient posés des questions concernant le soldat Corentin. J’ai appris, il n’y a pas longtemps, qu’il était le frère de mon ami Louis. Ce fut un choc en reconnaissant que j’avais deux amis qui se battaient avec moi.

En parlant du lendemain, le colonel avait pris la décision de m’entraîner au tir. Il avait consacré une partie de la galerie, exprès, pour apprendre à tuer l’ennemi, sur une affiche. Un Allemand était présent et il avait une cible en comportant cinquante points, comme au tir à l’arc. Il avait étalé des armes sur la table pour que je puisse m’entraîner à lancer. Pendant des heures et des heures, le colonel Pommier insista pour que je prenne une arme. Ce fut la panique dans tout mon corps. J’étais tétanisé quand je devais lancer un couteau sur l’affiche. Je m’étais donc échauffé, à lancer des couteaux, puis des haches, qui étaient toutes catastrophiques, mais le colonel ne se décourageait pas. Puis, vînt le moment de prendre le fusil. Il me montra les munitions qu’il fallait mettre. Il me fit une démonstration en posant son œil sur le viseur. Il se positionna comme il me l’avait indiqué et tira, sur le cœur. Je m'étais bouché les oreilles, mais le colonel m’avait saisi par le poignet.

— Vous devez prendre l’habitude jeune soldat. Maintenant, c’est à votre tour.

— Mon colonel, vous le savez mieux que moi, j’en suis incapable…

Il m’encouragea en me tapotant l’épaule et me disait que quand je n’aurais pas tiré sur l’Allemand, je ne quitterais pas d’ici. Puis, il partit, en allant rejoindre sa troupe. J’avais soupiré et je m'étais assis, au fond de la galerie. La lumière me manquait horriblement, et la chaleur aussi… Il faisait tout le temps froid et humide dans ce lieu ténébreux. J’avais fixé l’arme pendant de longues heures, en me demandant pourquoi est-ce que l’homme m’affligeait à faire une chose pareille ? Ô petit Jésus pourquoi ? Pourquoi m’avoir poussé dans ce lieu cruel alors que vous savez que j’en suis incapable ? Au bout de quelques heures, j’avais pris l’arme, saisis d'une terrible angoisse, et me positionnais devant la cible. Je m'étais concentrer jusqu’à mettre le doigt sous la cagette, mais j’en fus horriblement bouleversé. J’avais baissé l’arme et me remis en prière. Quelqu’un était en train de fumer à l’ouverture de la galerie. J’avais tourné la tête et reconnut l’homme brun, qui m’avait poussé l’autre jour. Il sourit d’un rire jaune et avait craché sa fumée sur mon visage. L’odeur me fit tousser et le vit s’approcher de moi, en écrasant sa cigarette.

— Jte l’avais bien dit, t’es qu’une mauviette. Tu seras jamais capable de toucher cette arme, tsss, imbécile, protesta-t-il en prenant une arme à côté de moi.

Puis il tira, d’un seul coup, sur la cible, à côté du cœur. Le bruit de la balle me fit tressaillir de la tête au pied et m’étais retourné, pour ne pas voir. Mais le soldat me montra la réalité en me tournant net, vers la cible.

— On n’est pas dans un conte de fée monsieur le curé ! Faut voir la vérité !

— La vérité ? De quelle vérité parliez-vous ?

Il se mit à rire très fort en posant ses pieds sur la table, ouvrit une bouteille de bière et en but. Ce manque de respect me fit battre maladroitement le cœur.

— La vérité ? Tu veux savoir de quelle vérité je parle ? Je parle de celle où on a déclaré la guerre à des putains d’Allemands ! Maintenant, faut voir que nos vies ne sont plus comme avant !

Ce fut un bouleversement dans mon âme, cet homme n’était pas net à mon égard…

— Et toi ? C’est quoi pour toi la vérité ?

J’avais levé mon regard vers lui et avais jeté l’arme au sol.

— Pour moi la vérité c’est qu’on est en train de tuer des innocents…

— Ah ! Des innocents, tu me fais bien rire ! Ce sont des êtres maléfiques Barthélémy ! Ils n’ont aucune pitié et veulent tous nous voir mort ! Ils ont tués des tas de membres dans nos familles ! Ils nous ont provoqué ? Ok, pas de problème ! On va tous les buter ces enfoirés !

— C’est faux ! C’est nous qui avons déclaré la guerre, pas eux ! On n’avait rien à faire dans cette histoire !

— T’es malin dis donc ptit bonhomme.

— Vous faites ça pour faire vos intéressants alors qu’au fond de vous, vous êtes pété de trouille !

— Et toi alors ? T’en es pas un ?

Je m’étais tût et n’avais pas répondu à sa question. Je n’aurais jamais dû entamer cette discutions…

— Écoute moi bien ptit bonhomme, ça ne va pas le faire entre nous. Si tu ne te bouges pas le cul à ramasser ton arme et à tuer, crois moi, un jour, tu vas prendre cher.

— Je me fiche de mourir ! Je ne veux pas salir mes mains et tuer des innocents !

L’homme s’était énervé et il avait commencé à me plaquer contre un mur.

— Ce ne sont pas des innocents, mais des assassins !

Je m’en étais arrêté là, jusqu’à ce qu’il prit mon arme, la mit dans mes mains et se mit dos au mur.

— Prouves moi que tu peux le faire, tire sur ma jambe.

— P-pardon ?!

— Je ne vais pas te le répéter plusieurs fois, tire !

Anxieux, je penchais mon fusil vers ses pieds et me mis à entendre tous ses cris qui me brûlèrent les tampons. Je n’arrivais pas… je n’arriverais jamais… Pourquoi ? Me diriez-vous, parce que ce jour là, je vous ai vu à travers ce vieil homme. Vous aviez un regard doux et tendre. Les larmes avaient coulé sur mes joues. Voilà pourquoi je ne pouvais pas tuer… Dès que je voyais une personne, je vous voyais aussi, mon bel amour… Vous aviez ce visage si innocent et si pure… Jamais je n’aurai pu tirer sur cet homme… Parce-qu’il a une âme, comme nous tous… J’avais baissé l’arme en disant que je ne pouvais pas… Il m’avait répondu « t’as un vrai souci ptit gars » et avait craché près de moi. « De toute façon, vous ne cherchez que la merde vous, les prêtres ». Avant de partir, par politesse, j’avais demandé son nom. Il s’était tourné vers moi, avait remonté sa tenue et s’était approché dangereusement de moi.

— Si tu veux mon prénom, faudrait déjà que t’arrêtes d’aider Corentin.

J’avais dégluti en remarquant qu’il était prêt à me mettre une bonne raclée. Un indice m’avait sauté aux yeux quand je vis autour de son cou, une plaquette où il y avait marqué « Pour le salut de toutes les âmes ». Je m’en étais souvenu comme si c’était hier, c’était Philémon qui avait gravé cette plaquette pour son père. Il l'avait retrouvé lorsqu'un jour, Philémon devait se rendre à la banque avec sa mère, et à sa plus grande surprise, ils avaient tous les deux, parlés, derrière le comptoir. J’avais levé mon regard vers lui en le poussant délicatement pour me remettre droit.

— Je sais qui vous êtes, monsieur Capel.

Mécontent, il grogna en frappant son poing à côté de moi, contre la galerie et repartit à ses trousses, jusqu’à ce qu’il croisa le colonel. Tout le monde s’était réunit à côté de moi pour nous dire que l’heure était venue d’affronter l’ennemi.

Signé, le père Théophane qui espère vous rejoindre dans le royaume des Cieux.

Soeur Humbeline commençait à avoir sommeil. Elle glissa la lettre sous la pile, referma la boîte et récita ses prières en confiant au Seigneur, le père Théophane.

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