Chapitre 14- Un départ imminent

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À la fin de la messe, Soeur Humbeline était encore sous le choc Elle essayait de cacher son jeu en remerciant les parents de l’avoir emmené à la messe. Puis, ils commencèrent à parler de la messe, tandis qu’elle, elle repensait à tout ce qu’elle avait vu. Elle revit sa filleule, dans les bras de sa sœur. Elle trouvait cette image marquante, elle le garda au plus profond de son cœur. Elle leva les yeux au ciel pour remercier le père Théophane d’avoir pu assister à toute cette scène. Elle en avait même les larmes aux yeux quand elle y repensait, mais son cœur était à la fois perturbé pour la mort de sa mère. Le père Théophane lui avait dit que c’était grâce à ses prières si Augustine était en vie et que Maïa avait pu trouver l’homme de ses rêves, un bon et gentil homme. Rassurée de savoir que Maïa allait mieux et qu’elle avait appris de ses erreurs passées, ils passèrent sous un pont où un tramway roulait à leur gauche. Les arbres étaient nus, ils marchèrent sur des feuilles mortes et un vent glaciale vînt refroidir le corps de Soeur Humbeline qui referma rapidement son manteau.

* * *

Après le déjeuner, les deux jeunes filles montèrent au grenier et farfouillèrent les vieilles affaires. Elles y trouvèrent de tout et de rien jusqu’à ce que Coline vit une boîte et souffla pour enlever la poussière. Elle ouvrit le petit coffret et aperçut toutes les lettres du père Théophane.

— Venez voir ma Soeur, je les ai trouvées !

Elle laissa la belle lampe qu’elle avait trouvé et se mit à côté de son amie. Toutes les deux, émerveillées de voir que toutes les lettres étaient datées, se mirent à s’asseoir sur un gros coffre pour en discuter.

— Je n’arrive pas à croire, comment ces lettres sont-elles parvenues jusqu’ici ?

— Tes parents connaissaient le père Théophane ?

— Sûrement…

— Il a peut-être dû les donner avant de repartir en France…

— Je n’en ai aucune idée…

Toutes les deux, elles prirent la première page et commencèrent à se plonger dans la lecture.

15/09/1939

Mon bien-aimé,

Pardonnez-moi pour ce long silence, j’aurais dû vous écrire plus tôt, mais la peur mon petit Jésus, la peur règne de partout… Je suis désolé pour mon écriture mal-soigné, mais je n’ai aucun support pour écrire alors j’écris sur mes genoux, boueux. En ce moment je me retrouve dans les tranchées, où ? Je l’ignorais jusqu’à ce qu’on me dise qu’on nous avait placé à Montolieu. J’ignorais totalement cette petite ville et c’est la première fois que je découvrais le sud… Mon départ a été très imminent…

Lorsque le taxi m’avait emmené loin de Besançon, j’avais pu remarquer que nous avions changé de région. Il m’avait déposé en Côte-d’or. C’était la première fois de ma vie que je découvrais ce département. J’ignorais totalement ce qu’il allait m’attendre. Arrivé au village de Clery, il m’avait déposé à la frontière de la Côte-d’or avec d’autres soldats, qui m’attendaient près de la place du village. Des tanks étaient sortis de droite à gauche et avaient presque frôlé le chauffeur qui avait dû s’écarter pour les laisser passer. Ils étaient au moins une vingtaine, nous avions dû attendre longtemps. Il me déposa près de la mairie dont trois sous-officiers farfouillaient leur sacs pour ensuite les monter dans des cargaisons. Mais où emmènent-ils ces pauvres soldats ? Je m’étais rangé dans la file de droite, lorsque ce fut mon tour. J’avais déposé mon gros sac de soixante kilos et il commença à fouiller jusqu’à ce qu’il sortit mon aube, des livres religieux suivi de quelques médicaments que j’avais apporté. Puis, il fit une drôle de tête quand il regarda la Bible et la jeta à mes pieds.

— Nous ne sommes pas venus ici pour apporter la paix jeune soldat, mais pour se battre. Débarrassez-moi de toutes ces affaires, pesta-t-il en laissant place à un autre sous officier.

Quand son majordome s’en alla à la mairie, il continua à fouiller jusqu’à ce qu’il vit un objet en or et regarda le scapulaire et la croix, que je portais autour de mon cou et comprit quel genre de personne j’étais.

— Qu’est-ce donc jeune homme ?, m’avait-il demandé en retournant toutes mes affaires.

— C’est un ostensoir…

— En êtes-vous conscient qu’il est lourd ?

— Oui heu, sergent…, avais-je sauté sur le mot.

Je ne connaissais rien sur le monde des militaires… Il m’avait demandé d’inscrire mon nom, tourna la tête pour remettre toutes mes affaires dans le sac et me le tendit.

— Vous entrerez dans le fourgon neuf-cent-quatre-vingt-trois, bon courage soldat, dit-il en me donnant une arme.

Ce jeune soldat m’avait laissé cette opportunité de vous apporter mon bien-aimé, il était conscient que je n’étais pas du tout fait pour combattre… Je sais que vous l’avez aidé mon doux Jésus et je vous rends grâce, car j’ai prévu de célébrer quelques messes, en espérant que le reste de mon groupe puisse l’accepter… En montant dans le camion, un long silence de mort s’était installé. Les militaires ne m’avaient même pas adressés un seul regard, ils étaient tous blâmés. Je m’étais installé près du rideau dont un autre homme avait crié « vous pouvez y aller » et le conducteur fit tourner le moteur. J’avais soupiré, en me disant que la mort m’accueillait à bras ouvert. Quelques-uns reniflaient du nez, tandis que d’autres fumaient. Nous étions une bonne dizaine, à être embarquer dans un endroit qui m’était inconnu. J’avais regardé l’arme avec effroi, j’en avais eu des frissons. Mes mains avaient tremblé lorsque je vis déjà les scènes d’horreur venir en moi. Je ne pouvais pas imaginer un seul instant, tuer des gens comme moi… Puis, je pris mon courage à deux mains pour leurs adresser la parole.

— Que Dieu vous bénisse tous, mes frères.

Ils éclatèrent de rire tandis-que d’autres, m’avaient totalement ignorés.

— Ah ! Qu’il est bien drôle celui-là !

Honteux, je m’étais recroquevillé pour regarder la vue qui s’éloignait de moi. C’était la première fois qu’on se moquait de moi de la sorte… Et moi qui espérais qu’ils étaient tous croyants….

— Tu veux une clope ?, m’avait proposé le soldat en face de moi.

Je refusais gentiment en m’étant demandé si c’était le bon moment de leurs demander où nous allions.

— Vous savez où nous allions ?, avais-je demandé timidement.

— Nous allons à Montolieu, apparemment les boches ont même commencé à envahir là-bas, ces enfoirés !, crachait le soldat à ma droite.

Surpris de son comportement, je regardais tout le monde qui était dans le néant total. Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi est-ce que les hommes sont-ils si ingrats ? Jamais je n’aurais pensé qu’ils s'insulteraient de la sorte, mais je n’ai pas d’autre choix que de me comporter comme eux… La belle vue que j’avais au monastère, me manquait soudainement et mon cœur se mit à pincer quand je repensais à mes frères, qui étaient déjà à de long kilomètres de moi… Qu’est-ce-qu’il va nous arriver mon doux Jésus ?

* * *

Je ne reconnaissais plus du tout ma région, tout avait brutalement changé. Des toits brûlaient, la terre était très boueuse, quelques camions nous suivaient. Mon âme était en train de trembler, mais je vous serrais très fort contre mon cœur. Le soldat à ma droite avait levé les yeux au ciel en me traitant de fou. Je continuais de prier avec mes frères lorsque soudainement, des coups de fusils avaient surgit à notre droite. Les camions avaient commencé à accélérer et nous fîmes projeter à l’avant. Je m’étais bouché les oreilles pour ne pas entendre le bruit des balles surgir dans tous les coins. Le tissu qui recouvrait le toit, commençait à être troué et nous entendions des cris. Soudain, une grande explosion avait surgit entre les deux camions. Un grand tremblement de terre parvînt jusqu’à nous et fit projeter la cargaison dans un champ. Le conducteur qui nous conduisait, reprit le contrôle de son volant et nous remirent sur le bon chemin. Mon cœur hurlait lorsqu’il vit le camion brûlait, des Allemands commencèrent à nous poursuivre en motos et tirèrent sur notre véhicule. Je m’étais blotti dans un coin jusqu’à ce que les autres prennent le relais en les tirant dessus. Je ne pouvais pas voir cette horreur, c’était plus fort que moi, j’en tremblais de toute mon âme. Je m’en souviens, lorsque je disais au frère Bernard, quand j’étais petit, que j’avais peur du noir et que je voyais des monstres… Il m’avait rassuré en me donnant le chapelet.. C’était exactement la même peur que j’avais, je gémissais dans mon coin en attendant que le massacre se termine. Un soldat avait jeté mon arme au sol et m’avait ordonné de tirer. Je ne l’écoutais pas. J’étais resté agripper au grillage qui nous séparait du conducteur. Il avait sifflé et continua de tirer avec les autres. Puis, tout redevînt calme. Les soldats se plaignirent qu’ils avaient brûlés d’autres camions… Étions-nous les seuls à avoir survit à ce terrible accident ? Nous n’en savions rien, mais je rends grâce à Dieu car le conducteur était sain et sauf, ainsi qu’au reste du groupe.

— Hé gamin, si tu tiens à ta vie, il faudrait d’abord que tu apprennes à tirer, grogna un soldat brun.

— Je ne peux… avais-je-murmuré en restant dans la même position.

— Pff, quel froussard ! Jte jure, relèves-toi, m’ordonna-t-il en me poussant.

Je lui avais obéis et avais repris ma place en frémissant. Ils s’étaient tous moqués de moi, en disant que je portais la poisse. Ce fût de grosses douleurs que je portais dans mon cœur, jamais mes frères n’auraient pu me traiter de la sorte… Timide, je pris le chapelet que mon père supérieur m’avait passé et en écoutant les conseils du frère Bernard, je l’enroulais autour de ma main. Le soldat à ma droite, me donna une frappe sur l’épaule.

— Hé gamin, tu sais que ce bijou ne t’aidera pas à te maintenir en vie ? Jdis ça, jdis rien, mais je veux pas que tu meurs comme mon fils Laurent… Alors tiens-toi tranquille, prends ton arme et tue.

— Mais je ne sais pas tirer…

— Tu apprendras vite, jte promets.

L’homme qui m’avait parlé s’agissait de Siméon. Il m’avait raconté qu’il avait perdu son fils lorsque les Allemands avaient bombardé leur maison en Pologne, avec sa femme. Depuis, il me disait qu’il n’avait qu’une seule envie, c’était de tous les tuer… Je l’avais repris en lui disant que la haine n’engendrait que des problèmes, mais il me pouffa au nez en disant que j’étais un drôle de bonhomme. Je lisais dans son regard qu’il était un homme perdu, mais à la fois gentil, même s’il ne le montrait pas.

Une fois que nous étions arrivés, nous avions posé pour la première fois, nos pieds, dans de l’herbe. On entendait, au loin, des tirs. Des flashs illuminaient de l’autre côté de la forêt. Mes membres commencèrent à doubler de tremblement. Je descendis du camion avec le reste du groupe et le suivait, à pas peureux. Je tenais fermement mon arme ainsi que mon casque. Nous évitions les ronces ainsi que certaines branches. Ils étaient très vigilants au moindre bruit. Ils s’y connaissaient mieux que moi… Siméon m’apprenait en même temps, les techniques pour tirer, très discrètement et je l’avais remercié, même si je ne désirais pas tuer… Arrivés au bout de la forêt, nous vîmes le champ qui était préparé pour nous, un soldat nous avait dit :

— C’est là où tout va se jouer, notre but est de rentrer dans les tranchées sans se faire massacrer par les boches, on est d’accord ?

Ils répondirent tous « ouais… » jusqu’à ce que j’avais remarqué qu’il y avait Joseph dans le lot. Je voulais le saluer, mais ce n’était pas trop le moment. Puis, un autre homme brun m’avait bousculé. Son regard me rappelait une personne que je connaissais parfaitement bien, mais lorsqu’il passa devant moi, je restais soucieux. Je ne sais pas pourquoi je vous raconte ça mon bel-amour, mais je n’avais aucune confiance sur la mission qu’on nous avait ordonné de faire. Nous nous étions approchés dans la brume, lorsque soudainement, un soldat Allemand qui avait réussi à s’échapper de sa ligne de tranchée, courut vers nous en tirant dans tous les sens. Mon premier réflexe avait été de lâcher mon arme et de me plaquer au sol. J’entendis quelques coups de tirs, jusqu’à ce que le corps tomba à côté de moi. J’avais rampé jusqu’à me cogner contre un soldat. Il m’avait regardé d’un air menaçant, m’aida à me relever et me jeta l’arme dans les bras. L’homme qui m’avait percuté tout à l’heure, pouffa de rire en disant que je n’étais qu’un froussard. Je nettoyais les manches de ma tenue et sentis une frappe à l’arrière de mon dos.

— Ah ! Tu m’as bien fait rire ptit gars !, s’était exclamé Siméon.

Aucune joie ne s’était affichée sur mon visage, j’avais essayé de garder mon calme, en voulant oublier le corps, et continuions de marcher dans le champ. Soudainement, je sentis une main m’attraper par le bras et me retournais, en remarquant que c’était Joseph.

— Père Théophane ?! Mais, que faites-vous ici ?!

— Je… voulais-je répondre.

Tout le monde avait entendu mon nom. Des soldats se mirent à rire, tandis que le sergent quitta son rang pour m’attraper par le col.

— Je ne veux plus entendre un seul mot ! Est-ce que c’est clair ?

J’avais hoché la tête en ayant garder mon sang froid et me reposa au sol.

— Avez-vous oublié votre vrai nom jeune homme ?, me l’avait-il fait rappeler en me toisant du regard.

Tout le monde se tût lorsque le sergent reprit son rang. Nous reprîmes notre marche jusqu’à ce que nous arrivions dans une tranchée. Ils nous firent descendre, en gardant nos précautions et marchions dans la ligne. Des soldats étaient très mal au points, jamais je n’avais vue une telle horreur… Des rats grouillèrent à mes pieds, quelques uns toussaient, tandis que d’autres demandèrent à manger. J’avais failli vomir lorsqu’un soldat était mort à mes yeux, la bouche grande ouverte. Sa tête avait explosé et du sang chaud en coulait encore. Je m’étais retenu de ne pas rejeter tout mon déjeuner, mais un soldat le fit à ma place. Nous entrions dans une galerie, où le sergent nous avait demandé de ne pas bouger. Puis, le colonel, que certains chuchotèrent « c’est Philippe Pommier », entrait et tout le monde fit le signe pour le saluer. J’avais essayé au mieux de les imiter jusqu’à ce qu’il nous racontait les plans qu’ils avaient élaborés pour attaquer l’ennemi. Ce fut un drôle de discours que jamais, je n’aurais entendu dans ma paroisse… Il me regarda tout le long de son discours, soucieux, de m’avoir parmi eux. Puis, il s’était approché de chacun de ses soldats, jusqu’à ce que ça soit à mon tour. C’était la première fois qu’il découvrit mon visage. Il avait un visage net, je dirais même, stricte dans son regard. Il prit le scapulaire que j’avais autour de mon cou et le détacha en le gardant précautionneusement.

— Vous, dans mon bureau.

Éberlué, tout le monde l’avait salué en se demandant ce qu’il pouvait bien vouloir me dire. Je me disais la même chose lorsqu’il me dirigea dans son bureau souterraine. Il avait un cadre de deux jeunes filles et le remit comme il faut, en m’invitant à m’asseoir. Au début, je voulais lui demander si je pouvais reprendre le scapulaire, mais il se dirigea sur une autre conversation.

— J’ai appris que vous étiez un prêtre, n’est-ce pas ?

J’avais hoché la tête.

— Je suis aussi médecin, mon colonel.

Surpris, il se racla la gorge et se pencha un peu plus sur mon histoire.

— Vous-avez demandé à vous battre ?

— Non mon colonel, on m’a forcé, mais c’est une joie de secourir des hommes.

Il avait frappé les mains sur son bureau et s’était massé le visage, en soupirant.

— Jeune homme, ici, nous sommes en guerre. Nous sommes pas venus pour secourir ou ni pour apporter la paix. Votre rôle est de tuer l’ennemi. Avez-vous appris à tirer ?

— Jamais…

— Un de mes soldats va vous former, n’ayez pas peur. Dites-moi, Barthélémy, c’est bien ça ?

— Oui mon colonel ?

— Faites attention à votre réputation, votre nom court déjà dans toute la tranchée. Ils savent qui vous êtes, ne vous laissez pas abattre. J’ai moi-même un fils qui est devenu prêtre et qui s’est proposé pour battre… Malheureusement, tous les soldats ont eu le même comportement que les notre, au point, qu’ils ont fini par le tuer…

Il m’avait mis en garde contre tout ce qui allait se passer si je continuais à me comporter de cette manière. Je trouvais ce colonel touchant, même s’il n’osait pas le montrer aux autres. Je rends grâce à Dieu car il y a encore des personnes bienveillantes, malgré le fait qu’ils portent tous de faux masques…

Signé, votre ancien disciple, le père Théophane

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