La fin du désir-2

7 minutes de lecture

Cantonnée jusque-là au canapé du salon, Océane se mit à déambuler dans le petit appartement en penchant la tête pour ausculter les pièces visibles. La voir s’intéresser aussi explicitement à son petit nid gênait Léa autant que cela la flattait.

— C’est grand chez toi, pour un logement étudiant je veux dire.

— Mes parents l’ont acheté pour mon frère, puis l’ont loué jusqu’à l’année dernière, quand je suis venue étudier ici à mon tour.

— La chance… par contre, c’est super mal situé.

— C’était trop cher à côté de la fac.

— Ou alors trop petit. Ouais, je sais.

Léa la laissa faire son petit manège sans rien dire, sachant qu’il n’y avait que quatre pièces : le salon-entrée-bureau-salle-à-manger, la salle de bain, la mini-cuisine et… la chambre. Océane avait fini de repérer les lieux et se tourna vers elle.

— Tu me fais visiter ?

— Tu as pratiquement tout vu.

— Donc pas tout.

— Tu ne veux pas manger ou boire un truc avant ?

— Avant... la visite ?

— C’est ça.

— Non.

Léa secoua la tête et admit sa défaite. Elle passa devant Océane en captant l’étrange mélange de l’odeur naturelle de la jeune femme, de celle plus acide de la sueur et du parfum de sa propre lessive émanant du sweat. C’était la preuve que l’apparition était en réalité humaine, bien tangible et faillible à l’occasion.

Pourquoi ça m’excite encore plus ? Je suis barge.

Elle ouvrit la porte vers le saint des saints et entra pour laisser le passage à son invitée. Faute de place, la chambre était spartiate. Comme chez Océane, le lit occupait presque tout l'espace. Contrairement à chez elle, il y avait une vraie commode et un placard. Les draps étaient changés du jour avec la parure préférée de Léa, la noire et violette. Elle rougit en posant les yeux dessus. Elle avait beau se persuader du contraire, mais elle avait tout prévu. Au cas où.

Océane prit son temps, passant chaque détail au crible avant de donner son jugement :

— Elle est super chouette ta chambre.

— Merci.

— Ça ferait un parfait lieu de tournage, conclut-elle avec un sourire en coin, avant de repartir vers le salon.

Bah voyons !

— Je vais salir tes draps avec mon teeshirt dégoûtant, continua Océane, c’est dommage ils ont l’air tout propres.

— Tu veux prendre une douche ? Vu ce que tu as couru…

— Mmmh, me tente pas. Tu as une baignoire en plus !

— Je préfère prendre des douches, la baignoire est trop petite pour bien se relaxer.

— Femme de peu de foi, les bains sont tellement supérieurs. De toute façon, rien que l’idée de remettre mes vêtements sales après…

— Je peux te prêter des vêtements de rechange. On fait pratiquement la même taille.

Océane se rapprocha pour estimer la différence. Léa avait du mal à se représenter plus grande tant la jolie brune était élancée, mais c’était bien le cas.

— Mmmh, ça devrait aller, jugea Océane. Je te laisse choisir dans ce cas, ça ne t’embête pas si j’y vais tout de suite ?

— Non-non, je n’ai pas encore faim.

Sauf de toi.

— Super.

Obéissant à une règle qu’elle seule comprenait, Océane ôta lentement le sweat au milieu du salon et le posa délicatement sur une chaise, avant de se diriger vers la salle de bain en arrachant son teeshirt sans ménagement. Le tissu encore humide céda avec un claquement sec, faisant voler les cheveux sombres. Le chouchou qui les retenait tomba dans l’opération, révélant l’épaisseur de la longue chevelure lorsqu’elle se déploya en stries sombres sur le dos nu.

Ça c’est un coup bas.

Figée par le spectacle, Léa la regarda déboutonner son jean en marchant juste avant de disparaître à sa vue. La configuration de sa salle de bain l’empêchait de voir la suite, mais c’était pour le mieux. Une sensation bien trop familière emplissait déjà son bas-ventre rien qu’au son des derniers vêtements qui tombaient. Le bruit du rideau, puis celui de l’eau envahirent l’appartement. Comme la dernière fois, Océane n’avait pas fermé la porte.

— Tu ne te douches pas ? voulut savoir la jeune brune.

— Euh non, je me suis déjà lavée avant ton arrivée.

Idiote, pourquoi tu lui dis ça ?

— Ah bon ? Tu te douches le soir ? Chez moi, tu y étais allée le matin, j’espère que ce n’est pas parce que tu n’as pas osé.

— Non-non, t’inquiète. Je me douche toujours le matin d’habitude.

Raaaah, mais tais-toi !

Océane n’insista pas. Heureusement. Léa se tourna vers la cuisine pour se concentrer sur autre chose. Elle avait prévu d’inviter Océane à dîner, convaincue qu’Hugo allait trouver une raison de leur fausser compagnie au plus tôt. Tout n’avait pas tourné comme prévu, mais au moins elle n’allait pas être obligée de congeler ce qu’elle avait passé une bonne partie de l’après-midi à préparer.

Le bruit du rideau tiré attira son attention. L’eau coulait toujours.

— Tu ne viens pas ? demanda Océane.

— Je… quoi ? Non, il faut…

— Bon, tant pis. C’est moi qui sors alors.

— Je t’apporte des vêtements ! se souvint Léa.

Elle se rua dans la chambre en se fouettant mentalement pour sa bêtise. Ce qu’elle avait pris pour une invitation lubrique était en réalité une question tout à fait logique. À force d’imaginer Océane en succube irrésistible, elle avait fini par transférer sur elle tous ses désirs refoulés.

Alors qu’elle avait les mains plongées dans les vêtements de nuit à se demander dans lequel elle rêvait de voir dormir Océane, une sensation de chaleur fit tressaillir le duvet sur sa nuque. Juste derrière ses talons, une serviette humide tomba, preuve de la présence d’une intruse dans sa chambre.

— J’ai pris ta serviette, j’espère que tu ne m’en veux pas ?

— N.. non ?

— C’est une question ?

— Oui.

Avec un rire à faire fondre les glaciers, Océane colla son menton contre son épaule, son corps suivant peu à peu contre le dos et les fesses de Léa. Elle ferma les yeux, se délectant de l’odeur qui accompagnait le contact. Shampoing, savon et surtout l’odeur d’Océane, des cheveux d’Océane, de la peau d’Océane. C’était comme se noyer dans une ivresse chaude sans gueule de bois. Une sensation entièrement conçue pour elle, pour ce moment.

— Qu’est-ce que tu me proposes ? demanda Océane.

— Un pyjama ?

— Je dors nue.

— C’est vrai. Et tu te balades nue assez souvent aussi.

— Ça te dérange ?

Léa ne répondit pas. La réponse serait un aveu.

Ça me dérange parce que ça me met la tête en vrac.

— Tu ne veux pas t’habiller au moins pour manger ?

— Ça dépend du menu, répondit Océane en passant délicatement ses mains autour du ventre de Léa.

Aaaaah !

— J’i… j’imagine, oui. J’ai déjà préparé quelque chose mais…

— En si peu de temps ?

Et allez ! Tu devrais aussi lui parler du lubrifiant que tu as commandé aussi !

— Non, je m’étais dit que Hugo allait partir plus tôt et que… tu sais.

— On allait rester seules.

— Que tu m’avais invitée et que donc, par politesse…

— Tu allais me rendre la monnaie de ma pièce.

— Tu peux arrêter tes sous-entendus ?

Les mains chaudes s’immobilisèrent alors qu’elles allaient se rejoindre sous son nombril, puis Océane les retira et se détacha d'elle :

— Je m’excuse, je pensais que ça te plaisait.

Oui !

— C’est… euh… disons que ça me gêne un peu.

Parce que ça me rend dingue !

— D’accord.

Océane s’assit sur le lit derrière elle et attendit patiemment que Léa lui donne des vêtements. Cette dernière se mordit les lèvres à se les couper.

Mais quelle truffe !

Au contraire d'Océane qui s'était montrée très claire, Léa envoyait tant de signaux contradictoires que personne n’aurait compris. Elle ne lui en voudrait pas de la détester en retour, elle se méprisait elle-même pour sa lâcheté. Sans se retourner, elle chercha ses mots :

— Écoute Océane, je ne sais plus trop ou j’en suis en ce moment.

— Tu veux que je parte ?

— Non ! Non, je veux…

Dire ce que je ressens !

— Je veux du temps.

— Pour t’y retrouver.

— C’est ça.

— Regarde-moi.

Léa se retourna comme une condamnée. Océane était parfaite, au-delà de l’imaginable. Même dans cette position peu flatteuse, son corps était une pure incitation à la luxure. Ses cheveux mouillés étaient plaqués à son crâne et tombaient en longues mèches plates sur ses épaules, s’accrochant à sa peau dorée comme des algues noires, laissant quelques gouttes s’échapper ici et là, qui dévalaient ensuite entre les petits seins pour gagner le ventre ou rebondissaient le long des côtes, jusqu’à se perdre entre ses cuisses et sur le drap.

Les mains d’Océane se levèrent et lui attrapèrent doucement les joues pour la guider vers elle. Léa se laissa tomber à genoux, incapable de résister à la pression pourtant si faible que la jeune femme exerçait pour la rapprocher d’elle. Lorsqu’elles furent à la même hauteur, Océane lui sourit :

— J’ai envie de toi. Il n’y a rien de mal ou de tordu, juste ça. Dis-moi ce que toi tu ressens, parce que chaque fois que tu me regardes, j’ai l’impression que toi aussi tu en as envie.

Ce que je voudrais, c’est te pousser sur ce lit, t’embrasser, puis dévorer ton corps morceau par morceau.

— Je voudrais être sûre de ce que je ressens, mentit Léa.

— On ne peut jamais être sûre. De rien.

— J'ai besoin de... certitudes.

Les mains se détachèrent de son visage pour retomber sur les draps tands que qu'Océane s'écartait à nouveau d'elle. En découvrant son regard déçu, Léa sentit son estomac se tordre. Cette fois, la jolie brune allait laisser tomber, cesser ses propositions et ses taquineries, redevenir la jeune femme au visage neutre qui ne laissait rien paraître.

Mais quelle conne.

Annotations

Vous aimez lire Alice Dubois ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0