La proposition-3

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Malgré la faible alcoolisation de la boisson, Léa avait l’impression d’être déjà soule. Elle s’excusa et fila vers la salle d’eau. Celle-ci était à la mesure du reste du studio, minuscule et seulement éclairée par une lucarne laissée entrouverte pour évacuer l’humidité. Alors qu’elle se soulageait, Léa avisa un élément de décoration inattendu face à elle : un autocollant représentant quelques brins d’herbe qui détonaient sur le carrelage blanc. En partie décollé par les ans, c’était plus sûrement le souvenir d’un ancien locataire qu’un choix de l’actuelle.

Sans savoir pourquoi, Léa trouva la décoration fascinante. Elle lui rappelait quelque chose, mais quoi ?

Oh… oh !

Elle sortit fébrilement son portable et lança plusieurs des vidéos d’Océane jusqu’à trouver la bonne, celle dans laquelle la brune massait le sexe de son partenaire. Derrière la hanche nue d’Océane, on pouvait voir la décoration végétale.

C’était ici. Ils ont tourné ça juste là !

Si cette scène avait eu lieu dans la microscopique salle d’eau, alors le reste devait avoir été tourné dans la pièce à côté. Léa lança toutes les vidéos, y compris celles qu’elle n’avait pas encore regardées, découvrant ainsi les ultimes ébats d’Océane. Savoir que la jeune femme l’attendait juste à côté provoquait une forme d’excitation malsaine qui poussait Léa à continuer.

C’était là, le bureau avait été démonté et mis de côté, mais on voyait clairement le faux bois du plan de travail dépasser du bord du lit sur deux des vidéos.

— Léa, tout va bien ?

— Euh, oui-oui, je répondais à un message.

— Tu veux manger un truc ?

— Oui ?

— C’est une question ? s’amusa Océane.

— Plus ou moins, attends j’arrive.

Son téléphone fébrilement rangé dans la poche de son gilet, Léa se rhabilla en vitesse, grimaçant en sentant sa culotte s’humidifier au contact de son intimité peu après l'avoir remontée.

Océane était allongée au bord du lit, ses fesses bien exposées alors qu’elle fouillait dans un autre carton. Léa se remémora ses mêmes fesses sans le jean, livrées à son regard tandis que son amant la pénétrait encore et encore. C’était arrivé ici, dans cette pièce, sur ces draps.

Soudain, l’espace était devenu intime, le lit une zone tabou. Léa passa ses doigts dessus, puis s’y agenouilla en se rapprochant lentement d’Océane, toujours enfouie sous les paquets de pâtes et les sacs de riz.

— Je suis sûre que j’en avais quelque part, râla la jeune brune.

— Quoi donc ?

— Des gâteaux apéritifs.

— Ne t’embête pas, mange comme d’habitude et je t’accompagne.

— Euh, ça ne va pas être la folie.

— Ta compagnie compensera amplement.

Pour la première fois, Océane se départit de son expression neutre ou simplement aimable. Ses joues prirent un peu de couleur et elle répondit :

— Je rêve ou tu me dragues ?

— Je… te complimente. Si je voulais te draguer, je m’y prendrais autrement.

— Et tu ferais comment ? voulut savoir Océane en attrapant un sac de riz et un poivron qui semblait avoir connu des jours meilleurs.

— Je te parlerais des vidéos que tu m’as envoyées.

— Mmmh, c’est tout ?

— Je te dirais que ça m’a excitée et que le fait de savoir que tu les as tournées ici m’excite encore plus.

— Ce serait… efficace, probablement. Mais pas suffisant.

— Ensuite je te dirais que j’ai bien envie d’en tourner une rien qu’à nous deux.

Léa avait le cou et le visage en feu. Elle s’était laissée emporter par le défi d’Océane, mais à présent qu’elle lui avait prouvé qu’elle pouvait lui faire du rentre-dedans, elle se rendait compte d'être allée trop loin et ne savait plus comment s’en sortir.

Immobilisée, Océan tenait encore son sac de riz après avoir renoncé au poivron. Elle regardait dans le vide, comme si les provocations de Léa ne pouvaient pas l’atteindre.

— Et si je te répondais que j’adorerais ça, qu’on se filme ou non ? lui lança-t-elle d’une voix bien trop neutre.

Hein ? Non-non-non !

Océane attendait, ses yeux de jais fixés droit devant elle, bien au-delà du carton ou même du sol. Elle regardait vers un abime que Léa ne voyait pas, qu’elle ne voulait surtout pas explorer.

— Je… euh je répondrais que…

Océane lâcha le sac de riz et se tourna sur le côté pour lui faire face, s’éloignant de Léa du même coup.

— Tu répondrais que tu as un petit ami ?

— Déjà.

— Et que tu adorerais le coiffer au poteau.

— Exactement. Quoi ?

— Avec la fille qu’il voulait mais qu’il ne peut pas avoir ?

— Attends, on a toutes les deux un copain.

— Je n’ai personne et, franchement, toi non plus si j’ai bien compris.

— Je veux dire qu’on n’est pas… tu vois.

— Mmh-mmh. Et ?

— Bah rien, c’est tout.

— Et si j’en ai envie quand même ? insista Océane en se redressant.

Elle progressa lentement vers sa proie, comme un félin prêt à bondir. Il aurait été facile de s’écarter, de s’enfuir, mais Léa était immobilisée par le regard noir qui semblait déjà la dévorer.

— Ce serait… on est amies, tenta Léa.

— On se connaît à peine. Les limites ne sont pas encore très claires, tu ne crois pas ?

— Mais ce n’est pas une raison pour faire ça.

— La raison, c’est que j’en ai envie.

Léa était abasourdie. Son ventre se tendait à l’approche d’Océane, elle se tourna sur le dos pour continuer de lui faire face, lorsque celle-ci se retrouva au-dessus d’elle, une main de chaque côté de ses cheveux éparpillés sur le drap.

— Et toi, tu n’en as pas envie ?

Oh si… Non ! Si ?

Les mèches sombres glissèrent de la nuque et vinrent frôler sa joue. Léa était paralysée. La sensation d’humidité contre sa culotte était plus gênante que jamais, son ventre noué jusqu’à lui faire mal, sa poitrine à peine capable de se soulever pour lui donner de l’air.

Océane était un fauve, ses yeux deux billes de basalte qui l'empéchaient de penser, pourtant les choses n’étaient pas aussi claires qu’elles y paraissaient. Elle aurait pu laisser la gravité grignoter les centimètres qui séparaient leur corps, mais elle n’en faisait rien. Elle aurait pu interdire toute chance de repli à Léa enjambant son corps, mais elle s’y refusait. Elle attendait en la fixant.

Elle attend que je dise oui. Elle attend un signe, quelque chose qui lui fasse comprendre que ce n’était pas juste une plaisanterie.

Malgré son apparente assurance, Océane était en déséquilibre au-dessus du vide. Si Léa la repoussait, la chute serait douloureuse pour la jeune brune et probablement fatale pour leur relation. Or, Océane avait besoin de Léa pour contrôler Hugo. La repousser en douceur en prétendant à une plaisanterie serait difficile, mais ce n’était pas le pire.

Est-ce que j’ai vraiment envie de la repousser ?

Les conséquences d’un autre choix lui parvenaient par vagues. C’était elle qui tromperait Hugo et non l’inverse malgré ses tentatives infructueuses dans ce sens. Elle se retrouverait ensuite dans une relation lesbienne, elle qui ne s’était jamais définie autrement que par ses relations aux hommes. Elle ne s’y sentait pas prête. Enfin, elle réalisa tout ce que cela signifiait en termes charnels. Une relation entre femmes. Le sexe entre femmes. Est-ce que c'était ce qu'elle voulait ? Est-ce que ça lui plairait vraiment ? Léa déglutit. Impossible de lui dire oui, d’accepter autant d’inconnues et de contraintes.

— J’en ai envie, s’entendit-elle avouer.

Aaaaaaah ! Mais tais-toi !

La poitrine d’Océane sembla gonfler un court instant et Léa sentit le chatouillis de son soupir sur sa joue. Les lèvres de la brune se rapprochèrent avec la même lenteur, mais Léa s’enfonça en réaction dans le matelas, comme si elle cherchait à lui échapper.

C’est trop tôt !

Océane dévia de sa trajectoire et chercha le côté de son cou. Elle y déposa un baiser si doux que Léa le sentit à peine. Seul une légère impression de fraîcheur lui assura que des lèvres chaudes s’étaient bien posées là. Le second baiser fut près du lobe de son oreille, il la fit frémir. Léa ne savait pas quoi faire de ses mains. Ce corps si différent de ceux qu’elle connaissait, comment le toucher ? Elle leva son bras droit, hésitante sous les assauts des lèvres qui se répétaient en se déplaçant vers sa gorge. La taille d’Océane était fine, son corps souple sous ses doigts. Même à travers le teeshirt de la jeune brune, elle sentit ses côtes saillantes lorsqu’elle remonta lentement.

Les baisers avaient atteint la limite de la peau exposée par la chemise de sa partenaire, aussi Océane entreprit-elle de la déboutonner d’une main. À chaque fermeture pression qui cédait, c’était comme si Léa perdait un peu plus le contrôle sur la situation. Arrivée au niveau du nombril, Océane écarta d’une main le côté gauche du tissu pour révéler le débardeur de Léa. Elle s’acharna ensuite à la bombarder de baisers sur le suplus de chair révélée, toujours avec la même douceur.

Frémissante sous ses assauts, Léa cessa de réfléchir et laissa glisser sa main des reins jusqu’à rencontrer le jean d’Océane. Incapable de continuer, elle la laissa là. Aller plus loin était impensable. Une main brûlante se posa sur la sienne et la guida, dépassant la ceinture pour conquérir le tissu rêche. L’autorisation donnée, la main d’Océane se retira. Celle de Léa continua son exploration, tandis que la bouche de la jeune brune remontait vers son cou.

La fesse d’Océane était plus courbe et plus douce que celle d’un homme. Léa avait envie d’y enfoncer ses doigts, de la malaxer pour en éprouver la substance, puis de la tirer vers elle pour sentir ses hanches contre les siennes. Elle n’osa pas. Ces caresses entre filles étaient déjà assez perturbantes ; c'était comme retourner à son ancienne elle, celle qui ne savait rien du plaisir ou du corps des autres. Il fallait tout recommencer à zéro, accepter l'ignorance et les erreurs.

Ce que son désir lui commandait avait dépassé depuis longtemps les limites de sa raison, la dissonance était trop forte, lui ordonnant l'accalmie. Pourtant, une autre force la poussait à aller plus loin : la bouche d’Océane qui se rapprochait dangereusement de la sienne. Du cou, elle passa à la mâchoire, puis à la joue. Les baisers tombèrent sur sa tempe, son front, l’arête de son nez, sa paupière close, puis Océane se retira.

Ouvrant les yeux, Léa se demanda ce qui avait arrêté la jeune brune. Interdite, Océane la regardait avec un air inquiet.

— Tu pleures ? demanda-t-elle en connaissant d’avance la réponse.

Léa essuya les larmes qui coulèrent plus fort encore. C’était trop, trop d’un coup.

— Je ne sais pas ce que j’ai, je suis désolée.

— C’est de ma faute, je t’ai trop poussée. On arrête si tu veux.

Cette fois, son corps lui obéit lorsqu’elle lui ordonna de hocher la tête. Océane voulut s’écarter d’elle, mais Léa la retint en se crispant sur son teeshirt. En réponse, la jeune brune se laissa glisser jusqu’à elle dans une étreinte qui aurait pu être platonique, en d’autres circonstances. Elles restèrent ainsi un long moment, comme deux amies tristes qui se réconfortaient, sans trop savoir de quoi.

Océane fut la première à briser le silence :

— Tu restes dormir ?

Léa sentit un rire monter, qu’elle laissa s’exprimer en enfonçant son nez dans l’épaule de la jeune brune.

— Allez, répondit-elle. Pourquoi pas.

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