Chapitre 16 - 2

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Le commissaire Bergal pianote sur son bureau. Aujourd'hui, l'inspecteur Marty est absent.

— Allez-vous souvent au restaurant ?

Quelle question saugrenue étant donnés mes problèmes !

— Je n'en sais rien.

— Je peux me renseigner auprès de votre banque, elle me fournira tous les détails de vos dépenses.

— Faites !

— Où êtes-vous allés pour vos dernières vacances ?

— Je suis incapable de vous répondre.

— C'est pratique d'avoir perdu la mémoire !

— Croyez bien que j'aimerais beaucoup la retrouver, ça me permettrait d'avancer.

Il pointe alors une sorte de boule devant mon nez :

— D'où vient cet objet ?

Ses doigts pincent une sphère en bois équipée d'une vis.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Si je l'avais clairement identifié, je ne vous le demanderais pas. Cela ressemble à un bouton de porte ou de tiroir. Mais à quel endroit manque-t-il, c'est la question. Vous n'avez rien remarqué ?

Je secoue la tête avec une moue.

— Vous étiez au courant des activités de votre compagnon ?

— Quelles activités ?

Il lâche un soupir d'agacement.

— Vous savez tout de même où il travaillait ?

— Nous en avons parlé avec Cécile et Joël Dumont.

— Ah, vous savez qui est Monsieur Dumont. Et que vous a-t-il dit d'autre ?

— Qu'ils travaillaient dans la même imprimerie.

— C'est tout ?

— Oui. Il aurait dû me parler d'autre chose ?

Il baisse la tête, ouvre un tiroir et en sort un morceau de carton rose froissé qu'il secoue.

— ça ne vous dit rien ?

— ça me fait penser à mon permis de conduire.

— Comme c'est curieux !

Il se moque de moi, on dirait !

— Dites-moi ce que c'est, dis-je sur un ton agacé, à mon tour.

— C'est bien un permis de conduire, mais il s'agit d'un faux.

— Un faux ? Et où l'avez-vous trouvé ?

— Dans la voiture de Patrick Grenas.

Je reste interdite.

— Qu'est-ce que ça veut dire ?

Le policier marque un temps. Que tarde-t-il à me révéler ?

— Ce bout de papier était bloqué dans le logement vide de la roue de secours de son véhicule.

Pendant quelques secondes, il m'observe. Je n'en reviens pas. Est-ce que cela suppose ce que je crains ? Que vais-je encore découvrir ?

— Je vais devoir perquisitionner votre domicile.

— Je comprends.

— Et faire des recherches auprès de votre banque.

— Bien sûr.

*

— Je voulais vous présenter mes excuses, Docteur.

— Pourquoi ?

— Je vous ai accusé de façon injustifiée.

— Ne vous inquiétez pas. Je considère que la révolte et la colère sont saines et salutaires. Vous avez réagi à une situation que vous ne compreniez pas, qui faisait surgir des craintes en vous et cela est le signe que vous reprenez votre vie en main.

— Merci.

J'hésite un instant.

— Que savez-vous à mon sujet ?

— Lorsqu'on vous a trouvée, les pompiers ont contacté le commissariat qui a identifié votre voiture. Par conséquent, votre nom nous a été communiqué. Votre compagnon a été contacté, il a déposé des affaires pour vous très tôt le lendemain matin.

— Sans chercher à me voir ?

— Non.

Je balaie rapidement l'information.

— Donc, vous saviez qui je suis depuis le début.

— C'est exact.

— Pourquoi m'avoir laissé chercher ?

— Les mots sont crus, ils peuvent être imprécis, mal interprétés. Ce que vous découvrez par vous-même est ancré dans la réalité. Vous reconstituez vos souvenirs et nos séances vous épaulent pour les replacez de façon plus fiable… Même si tout cela reste empreint de violence.

— Je comprends.

Le visage paisible, il m'observe. Je poursuis :

— Vous êtes toujours en contact avec les policiers?

— Oui, je dois les tenir au courant de votre état de santé. Ils doutaient de votre amnésie.

— Ils semblent en douter encore. à moins que ce ne soit une tactique pour tester mes réactions.

Son léger rire me conforte dans la dérision de ces subterfuges.

— Ils utilisent des ruses pour obtenir ou provoquer des aveux.

Me regardant en coin, il continue :

— J'en utilise aussi parfois pour aider à retrouver le chemin.

À mon tour, je souris :

— Ah oui, vous manipulez les gens ?

— A bon escient, et toujours avec bienveillance !

Une sirène résonne, s'ensuit l'agitation qui accompagne la prise en charge d'un malade.

— Vous êtes retournée à votre appartement. Comment ça s'est passé ?

Sa question, posée sur un ton très bas, me renvoie au présent.

— C'est très dur. Même si je m'y attendais.

— Expliquez-moi.

— Parcourir ces pièces fait jaillir des sons, des mots, des ébauches d'épisodes. C'est tellement… Je commence à comprendre.

Il ne dit rien.

Alors, je lui relate le cauchemar de mon entrée dans le logement, les sensations si pénibles à la vue de la trace de choc dans le mur.

— Des images bien réelles vous reviennent-elles ?

— Elles sont au bout de mes doigts, je les approche sans les distinguer encore.

— Votre peur s'atténue-t-elle un peu ?

— Je l'apprivoise. Je m'habitue à vivre avec.

— Ne croyez-vous pas que vous l'aviez déjà apprivoisée ?

J'hésite un instant. La douleur enserre à nouveau ma gorge.

— Vous voulez dire, avant mon accident ?

Il hoche la tête.

— Je crains bien que si. D'une autre façon.

— Sentez-vous poindre un début de libération ?

Un lourd silence nous entoure. Des vagues grises traversent mon esprit de façon désordonnée. Je me ressaisis.

— J'avance. Je progresse.

Puis, posant ma main sur mon ventre :

— Notamment, grâce à lui.

— Vous ne craignez pas que cet enfant soit un poids pour vous ? me provoque-t-il.

— C'est l'enfant du hasard, de la vie. De ma vie.

Il me semble attendri.

— Il est la lumière, l'avenir.

*

Tu es la sève douce et chaude qui coule, tonique, qui m'entraîne sans réserve. Depuis quelques jours, une merveilleuse mélodie s'écrit, emplie d'amour, de projets, de rires, d'envie de vivre.

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