Chapitre 16 - 1

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— Une femme doit veiller sur son homme. Tout est de ta faute, tu es négligente et incapable !

Le ton acerbe de mon beau-père ne me surprend pas. Je baisse la tête. Il semble que j'en ai l'habitude.

— Julie ne pouvait pas éviter l'accident de Patrick, riposte Cécile.

— Oh toi, on ne t'a rien demandé !

— Eh bien, je vous le dis quand même !

— Mon chéri, calme-toi, nous sommes à un enterrement, celui de ton fils.

L'homme lui jette un regard noir.

— Tu veux toujours m'empêcher de parler. Qu'est-ce qu'elle a bien pu faire pour provoquer la mort de Patrick ?

— Pourquoi serait-elle responsable ? Notre fils n'était pas toujours facile.

— Tu n'as pas honte de dire ça ? Il a toujours été adorable, gentil, attentionné.

La moue qui se forme sur le visage de la femme s'avère significative. Mais elle se détourne rapidement.

Nous franchissons enfin le portail du cimetière et laissons le couple derrière nous. Il continue de vociférer. Je ne veux plus l'entendre.

Pourtant, il va falloir que je serre les dents. Sans me demander mon avis, ils m'ont informée qu'ils venaient à l'appartement et j'ignore à quoi je vais devoir faire face ; ce début de discussion n'augure rien de bon.


Dans la voiture, sans tourner la tête vers Cécile, je m'adresse à elle presque comme si je me parlais à moi-même :

— Mes relations avec eux ne semblent pas plus faciles qu'avec leur fils.

— En effet.

— Je suis désolée, je t'ai mêlée à des histoires auxquelles tu n'aurais pas dû l'être.

Elle pose sa main sur la mienne.

— Merci d'être là, Cécile.

— ça va aller ? me demande-t-elle alors que nous arrivons devant l'immeuble.

— Bien sûr, dis-je sur un ton un peu trop affirmé. Je verrai bien ce qui va se passer et j'aviserai.

À mon tour, je pose une main sur son bras :

— Pas un mot au sujet du bébé, d'accord ?

— Je comprends. Tu peux compter sur moi.

— On verra plus tard, dis-je évasivement.

Mais déjà, les portières claquent à côté de nous.


— Dans quel état est cet appartement ! continue mon beau-père sur sa lancée. On dirait qu'il a été cambriolé.

— C'est le cas, réponds-je entre mes dents.

— Qu'est-ce que tu dis ?

— Il a été cambriolé.

— Mon Dieu ! Quelque chose a été volé ?

Je marque un temps.

— Je ne sais pas.

— Comment, tu ne sais pas ? Ouvre les yeux !

Cécile intervient sans plus tarder.

— Julie souffre d'amnésie. Elle a oublié une partie de sa vie.

— Je sais ce qu'est l'amnésie. C'est quoi cette comédie encore ?

Un soupir s'échappe de ma bouche, accompagné d'un geste désabusé. À quoi me servirait de répliquer ? Il se moque éperdument de ce que je peux ressentir.

— Les policiers ont été avertis ?

— Evidemment ! rétorque mon amie.

— Et alors ?

— Alors, une enquête est en cours.

Des sons incompréhensibles émanent de sa bouche.

Il entame une lente déambulation dans le logement. Je le regarde fureter dans chaque pièce, attendant qu'il se décide à quitter les lieux avec son épouse. Il entrouvre les portes d'un buffet, observe l'intérieur, manœuvre un tiroir, en extrait un couteau qu'il relâche puis un bloc de papier qu'il laisse tomber d'un air dédaigneux. Soudain, il découvre un stylo, l'examine, le serre avec émotion entre ses doigts et le glisse dans sa poche. La griffe, bien visible, indique que c'est un objet de marque. D'après ses yeux embués, j'en déduis qu'il l'a offert à son fils et qu'il veut le reprendre. Mon amie sursaute, je lui fais signe d'ignorer ; elle ronge son frein, assise sur le canapé.

— La mort de ton compagnon n'a pas l'air de t'affliger ? prononce-t-il sans même me regarder.

J'ai conscience qu'il cherche à m'atteindre au plus sensible.

— Je ne me souviens pas de lui.

— ça t'arrange bien, sans doute !

Il lance ses reproches d'un ton sec. Encore une fois, je préfère le laisser parler.

— Tu n'as même pas essuyé une larme pendant les obsèques.

— Chéri, laisse-là, elle est malade.

— Elle a l'air aussi malade que moi !

Puis, me faisant face :

— Je me demande si tu l'as aimé.

— ça suffit !

— Avec toi, tout le monde est gentil. Regarde-la, tu la crois incapable de mentir ?

— Tu vois le mal partout. Bon, si tu as fini de visiter cet appartement une fois de plus, nous allons partir et laisser Julie se reposer.

Il ramasse encore un livre, en fait défiler les pages et s'en déleste rageusement.

— On y va ? intime-t-il soudain à sa femme, interloquée.

*

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