Chapitre 4 - 1

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Un mois passa, long et lent, au rythme des nuits sans fin et de la lanterne rouge. Le salon plein de clients, la mélancolie des lundis soir sans occupation, les orgasmes simulés, tout s’enchainait, tout se répétait, encore et encore.

Liz s’était habituée. Elle ne cachait plus ses bras, ne faisait plus attention à ses mains, n’essayait plus d’être normale. Et elle n’avait plus peur. La nudité, la luxure, la perversité, tous ces mots lui semblaient maintenant quotidiens et banals, loin de ses angoisses d’enfant et de ses traumatismes passés.

Tout était enregistré, tout était mécanique. Elle était comme un spectre répétant jour après jour les mêmes gestes : elle embrassait, se déshabillait, jouissait et restait nue, immobile sur son lit, sans la moindre expression de plaisir ou de dégout sur le visage.

Un lundi, les sœurs siamoises se vêtirent d’une grande robe noire et visèrent sur leurs deux têtes des chapeaux ornés de plumes et de rubans. Un sac en cuir à la main, elles descendirent dans le salon après avoir confié la maison à Carry. Elles s’arrêtèrent un instant dans la pièce et examinèrent Alice qui lisait assise dans un sofa en plongeant ses doigts dans sa barbe d’un air distrait. Jane finit par demander, autoritaire :

« Alice, tu peux te mettre debout ? »

La jeune femme leva un regard interrogateur sur les propriétaires puis s’exécuta :

« Si ça peut vous faire plaisir. »

Mary et Jane l’observèrent de haut en bas :

« Tourne-toi. »

La prostituée soupira et obéit.

« Oui, comme ça, de profil. »

L’inspection reprit et les quatre pupilles inquiètes se baladèrent sur le corps d’Alice comme des souris stressées, se concentrant par moment sur son ventre. Finalement, les sœurs dévièrent leurs regards et se dirigèrent vers la porte, comme si tout cela n’avait plus d’importance, laissant leur employée sans explication. Elles vérifièrent un instant que leur maquillage était correct puis rangèrent le miroir de poche dans leur sac.

« Ne vous avisez pas de partir. Vous savez très bien que nous vous retrouverons. »

Elles ouvrirent la porte. Une bourrasque s’introduisit aussitôt dans la maison, faisant s’envoler les rubans de leurs chapeaux et carillonner les cristaux du lustre. Sans même se retourner vers Alice, les sœurs annoncèrent avant de partir :

« Nous allons recruter. »

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