Chapitre 3 - 3

3 minutes de lecture

« Il n’y a pas de maladie pour l’instant et vos employées ont une hygiène exemplaire.

— Parfait. »

Debout devant le docteur, les deux sœurs souriaient d’un air satisfait, les mains dans le dos dans une posture qui reflétait l’ordre et la quiétude. Elles finirent par s’assoir à leur bureau :

« C’est toujours un soulagement de savoir que rien de mauvais ne se propage entre ces murs. »

Elles lui désignèrent une chaise mais le docteur Conroy resta debout, droit dans sa blouse blanche, sur le point de prendre la parole. Cependant, Jane le coupa :

« Bien entendu, si vous avez quelques envies, nous vous offrirons avec plaisir une nuit avec une de nos filles. »

L’homme fronça les sourcils, comme blessé par cette proposition :

« Vous savez très bien que tout cela ne m’intéresse pas. »

Mary lâcha un petit rire complice :

« Allons Henry, vous les voyez nus. Ces monstres vous passionnent.

— Ma démarche ici n’est que purement scientifique. »

La femme plissa le front comme pour montrer qu’elle n’en croyait pas un mot et le docteur ajouta en s’approchant d’un pas :

« D’ailleurs, vous savez que je suis toujours dans l’attente de voir votre monstre. »

Jane s’accouda, l’air soudainement ennuyé par le médecin :

« Quel monstre ? Nous n’avons que ça, ici, des monstres.

— Vous savez très bien duquel je veux parler. Celui de la chambre sans numéro. »

La blonde ne prit même pas le temps de réfléchir à cette demande et affirma :

« Et vous, vous savez très bien que ce n’est pas possible.

— J’ai travaillé sur des cas extrêmes et très violents, vous pouvez me faire confiance.

— Et bien sachez que ces cas extrêmes et très violents ne sont rien comparés à ce qui pourrait vous arriver dans cette chambre. »

Jane plissa les yeux :

« C’est un assassin. »

Finalement, le docteur Conroy s’assit et posa sa mallette sur ses genoux :

« J’ai dans ce rangement des produits anesthésiants et des calmants très puissants. Je pense que ce serait…

— Ca le tuerait. »

Un silence s’installa, plein de tension et de non-dits. Finalement, l’homme afficha un regard perplexe :

« Ne serait-ce pas mieux ainsi ? »

Les sœurs restèrent un instant immobiles, certainement à la recherche d’une réponse pertinente. Attrapant une bouteille de whisky, Jane finit par ajouter, sans réelle conviction :

« Il nous apporte de l’argent. Plein de suicidaires nous payent pour aller dans cette chambre et ne jamais en sortir. Ça serait du gâchis que de le perdre. »

Elle avala sa dose d’alcool, observant à travers la transparence floue du verre le visage déconcerté du docteur, puis demanda d’une voix autoritaire :

« Rien d’autre ? »

L’homme soupira, déçu par son nouvel échec. Puis il se redressa :

« Si. C’est à propos de la femme à barbe. »

Mary haussa les sourcils :

« Alice ? Il y a un problème ? »

Le docteur esquissa soudainement un léger sourire, donnant à son visage un aspect sinistre :

« Pour elle, non. Mais pour vous, oui. »

L’homme referma la porte, laissant les sœurs seules dans leur bureau, silencieuses et pensives. La paupière droite de Mary commença alors à tressaillir dans un tremblement nerveux, comme pour réagir à l’angoissante pression que le docteur Conroy venait de déclencher dans son esprit surchargé. Finalement, après quelques secondes de stresse muet, elle craqua une allumette et manqua d’incendier une cigarette, la dixième de la journée. Jane, elle, restait immobile, un regard vague plongé dans l’obscurité de la grande pièce. Elle réfléchissait, sa poitrine se soulevant doucement dans une respiration contrôlée et paisible. Finalement, elle se tourna vers sa sœur :

« Ça ne sert à rien de se mettre dans des états pareils. »

Elle saisit tranquillement la cigarette avant de l’écraser dans le cendrier. Mary ne réagit pas, trop occupée à ne pas céder à la panique.

« Calme toi, ce n’est pas grave. »

Jane attrapa doucement la main de sa sœur et lui adressa un sourire réconfortant :

« On va tout arranger. »

Son regard se posa alors sur la carte de visite de Monsieur Luz et ses lettres d’or. Son sourire s’élargit.

Annotations

Vous aimez lire Bastien Gral ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0