Chapitre cinq : Simon

19 minutes de lecture

Je résiste à l’envie de coller un coup de poing dans la porte. La seule fois où j’ai fait ça, je suis passé à travers. C’était une porte intérieure, moins solide que notre porte d’entrée Mais je me rappelle encore la tête ébahie de mon oncle. Je m’étais disputé avec mes cousines et ces pestes m’avaient enfermé en dehors de la chambre. Je n’entendais pas la moquerie, je ne voyais que le refus, comme ceux de mes camarades de classe devant mon visage marqué par ma tâche de naissance. Mon poing avait fait sauter le bois, violemment, en un seul coup bien assené. J’en étais sorti sans aucune douleur, ni rien, seulement la certitude que je pouvais briser beaucoup de choses dans ma vie sans le vouloir. Tout ça parce que je ne me contrôlerais pas.

Je dois l’avouer, mon adolescence n’a été composée que de pertes de contrôle plus ou moins dramatiques. Et Evan a été pris dans la tempête de nombreuses fois, entre les bagarres avec les connards du collège, et mes pétages de plomb chaque fois qu’on me renvoyait à mon visage. Il était là pour tout encaisser, j’ai souvenir de son visage, de la peur que j’ai peint dessus de nombreuses fois. Merde, je veux pas la revoir !

Pourtant, Evan provoque toujours chez moi des réactions explosives, il me fait rire aux éclats, m’attendrit comme un nounours, me donne envie de lui d’une manière insensée. Mais bon sang qu’il m’agace aussi avec ses conneries ! Il est tellement abruti quand il s’y met ! Je sais qu’on n’a pas une vie de couple conventionnelle. On n’est pas romantiques, on est parfois plus proches de deux potes qui vivent ensemble que de deux amoureux. J’essaye de faire en sorte que mes gestes tendres viennent à d’autres moments que lors de nos soirées film et baise, ailleurs que dans un lit. Je me rappelle de nos disputes, de nos batailles. Evan n’a jamais reculé devant moi, même si j’ai presque toujours fait dix à vingt kilos de plus que lui. Et il y avait tous ces autres moments, ceux où on se bousculait, se défiait, jusqu’à finir l’un sur l’autre, jusqu’à ces câlins qui surgissaient juste après.

Je bidouille le tableau électrique pour trouver un fusible identique à celui de mon bureau. Juste avant que le courant soit coupé, j’ai entendu ce petit « ping » signalant l’arrivée d’un joueur et tout de suite après, les plus jeunes ont lancé notre ola traditionnelle, celle qu’on fait quand un membre revient après une longue absence. J’espère que c’est Argentik !

Je peux faire sauter le plomb de la cuisine et Evan pourra dire adieu à ses pâtes, ses mousses et à tous ces trucs qui figent, poussent ou je sais pas quoi au frigo ! Je me ravise, là, ce serait vraiment la blague de trop, et observe les autres plombs. Heureusement, tout est annoté clairement. J’en attrape un et l’abaisse. Je fais l’échange et j’entends le son de Mimile qui redémarre poussivement. Je passe dans la pièce, enfile mon casque et tapote la tour.

« Stresse pas, mon grand, c’est rien. Et arrête de souffler comme si t’étais en train d’agoniser, tu me fais peur.

– Ah, le chef est de retour ! fait une voix dans mon casque. Et t’es pas le seul à revenir d’entre les morts ! »

Pendant une seconde, j’espère entendre Argentik, mais la voix de GarsHell, un des amis d’Ethan, s’élève.

« Désolé, j’étais occupé.

– C’était soirée baise pour tout le monde ou quoi ? s’esclaffe un autre. Dites-le si on vous dérange, on ira jouer plus loin.

– En parlant de jeu, on y retourne ? »

Je veux seulement une soirée tranquille. J’ai balancé des horreurs à Evan, mais putain, il m’a poussé à bout. Ça pourrait sonner comme l’excuse du mec d’Argentik. Alors que personne ne me pousse, je suis seulement fatigué et énervé. Je ne pensais pas que devenir responsable du drive allait s’avérer aussi compliqué. Je n’arrive toujours pas à désigner mon sous-chef. Ahmed est là depuis longtemps et souvent, l’ancienneté prévaut. Mélissa est plus efficace, mais j’ai pas envie de la mettre en difficulté face à l’équipe. Surtout Alex qui ne l’écoutera pas. Il m’écoute déjà à peine moi-même. Et la façon dont il me regarde, comme si m’être pris une bite dans le cul m’empêchait de lui donner des ordres ! Non, vraiment, si on découvre un corps sous une palette de choux de Bruxelles congelés, je serai le coupable tout désigné, je vais pas sacrifier des frites pour ce débile !

Je joue à peine une heure avant que certains joueurs désertent le serveur. Je suis sur le point d’éteindre Mimile quand il me balance une notification. Je clique sur mon calendrier et la notification de rappel s’affiche en plein écran.

Soirée F et B

Oh merde, Evan avait raison.

« Mimile, c’est le genre d’info que t’es censé me balancer avant la soirée, pas après ! »

Je gagne le salon et m’arrête devant la table basse. Une immense vague de culpabilité me fauche. Il y a deux assiettes qui attendent depuis tout à l’heure. Dans chacune d’elle, il y a des suprêmes d’orange marinés, l’odeur de menthe et d’épices bien perceptible, et au centre, une verrine remplie d’une mousse au citron. Enfin je devine que c’est du citron d’après l’odeur et les zestes râpés dessus. C’est un dessert que j’ai adoré lors des fêtes de fin d’année. Depuis, Eve m’en fait régulièrement. La crème a eu le temps de ramollir, peut-être même de tourner. Je suis trop con ! Ça m’aurait pris deux minutes de vérifier mon agenda. Je contemple le désastre. Tu m’étonnes qu’il était en colère. Il avait tout préparé avec attention. La télé est figée sur le début d’un épisode de The Witcher. Evan a beau dire qu’il trouve Cavill sexy, je sais bien qu’il regarde cette série que pour me faire plaisir. La preuve il s’endort une fois sur deux devant. Et se réveille au générique pour glisser ses mains sous mes vêtements. J’attrape les assiettes et vais les ranger dans le frigo. Je sais pas si la mousse est sauvable à ce stade.

Je regarde l’heure. Ça fait une heure qu’il est parti. Je devrais appeler Yass. C’est évident qu’il squatte chez lui. Bordel cette situation me rappelle notre dernière dispute, quand j’étais incapable de lui avouer mes sentiments. Et c’est peut-être encore le cas, les mots d’amour, je sais faire, mais le reste, parler de mes doutes, de mes peurs, je n’y arrive pas. Comme si évoquer mes démons allaient les faire sortir.

J’attends une heure de plus dans le salon avant que la poignée de la porte d’entrée ne s’abaisse furtivement.

« Eve ? »

Il sursaute à ma voix.

« T’es encore debout ?

– Ouais. »

Il vient directement vers moi et s’arrête devant le canapé, jetant un œil sur la table basse vide.

« Simon, je suis…

– Bordel, Evie…

– J’ai été con, pardon.

– C’est moi, je suis désolé. Je croyais vraiment qu’on avait dit mercredi. Et j’ai vu le rappel sur mon ordi. »

Il s’agenouille au pied du canapé.

« T’as besoin d’un rappel pour nos soirées ?

– Ouais, je suis nul, je sais. Mais je suis pas Yass, je retiens pas tout. Et c’est la merde à mon boulot.

– Je savais pas.

– Normal, je t’en ai pas parlé.

– Ah ouais, c’est p’t’être pour ça, espèce de crétin ! »

Je ricane bêtement devant son air scandalisé.

« Merci pour le dessert, je crois que j’ai sauvé la salade d’oranges, pour la mousse citron par contre…

– Bah, après des années à bouffer tes trucs périmés, on a l’estomac en béton armé. Tu testeras en premier quand même. »

Il se décale par petits à coups jusqu’à moi. Puis pose ses bras sur mes genoux. Ses cheveux sont humides. Et ça me rappelle notre toute première fois. Je me sens dans le même état. J’ai envie de l’aimer, je l’aime déjà, mais j’ai la trouille. Il glisse son menton sur ma cuisse, et relève les yeux vers moi.

« C’est trop tard pour le film, mais on peut passer à la baise ?

– T’es mouillé.

– Il pleut un peu.

– Tu choisis toujours bien tes moments, me moqué-je. »

J’entoure ses joues de mes mains et le lève jusqu’à moi. Il a le visage hanté et cet air qui me rappelle combien il a besoin de moi.

« Je suis désolé de m’être mis en colère.

– Quand ça ?

– Comment ça, quand ça ? Tout à l’heure ! J’ai été odieux. »

Evan a un sourire douloureux.

« On se connaît trop bien, on sait parfaitement où frapper pour se faire mal. »

Je grimace à ses mots.

« Et tu t’es pas mis en colère, la preuve, on n’a pas fini par terre. »

J’ai un sourire mitigé au rappel de nos bagarres de jeunesse. Il a jamais gagné et il continuait d’essayer. C’était plus de la connerie que de la persévérance. Eve dans toute sa splendeur, qui ne recule jamais.

« C’est quoi le problème au boulot ?

– J’ai dit que j’étais avec toi, avec un homme. On parlait tranquillement, et voilà. Je voulais parler de toi, comme les autres parlent de leurs copines ou de leurs mecs. Depuis, j’ai l’impression que tout le monde me regarde comme si j’étais un monstre.

– Plutôt comme si t’étais un enculé. »

Je me mets à rire.

« Ouais, plutôt. J’ai toujours détesté ces regards sur moi. Je sais bien que je suis pas beau, que je suis gros, que… »

Evan me coupe d’un baiser.

« Moi, je vois pas tout ça. Enfin, je le vois bien sûr, mais j’aime bien.

– Le physique, je m’en tape aussi, vraiment. Le problème, c’est ce qu’il y a à l’intérieur de moi.

– Il peut y avoir des trucs chouettes à l’intérieur de toi. »

J’éclate de rire et il m’embrasse encore. Je lui rends le baiser, puis je l’attire sur mes cuisses. Je me souviens de lui, il y a quinze ans, quand il attendait sans un mot que je le prenne dans mes bras. Je le serre contre moi, et sens son corps se relâcher enfin. J’étais si satisfait de savoir que j’étais le seul à lui procurer ces câlins, cet apaisement, que je me suis complu dans cette façon de fonctionner.

J’ai ce contrôle abject sur lui, sur ses sentiments. Evan a toujours agi, réagi en fonction de moi. Ça doit cesser, je ne veux pas le voir se perdre par ma faute.

« Tu sais, le gars sur mon serveur, commencé-je.

– Argentik, il est pas revenu ? »

Je secoue la tête.

« J’arrête pas d’y penser. Il ne l’a jamais écrit noir sur blanc, mais ça s’entendait dans sa voix, ça se lisait entre les lignes de ses messages. Toutes les fois où son mec l’avait frappé. »

Je regarde Evan et je vois bien qu’il ne comprend pas où je veux en venir.

« Et moi aussi, je l’ai fait, je t’ai frappé. »

Evan quitte mes bras et me fait face.

« Mais ça n’a rien à voir, Simon, rien ! On était ados, on s’est disputés, on s’est foutus sur la gueule, basta !

– Et à la prochaine dispute qu’on aura, il se passera quoi ?

– Mais rien, Simon, il se passera rien ! Tu grogneras, tu iras t’enfermer dans ton antre et je passerai deux heures sur un banc à scroller toutes les âneries possibles sur mon téléphone. Tu savais que le coléoptère le plus rapide peut atteindre la même vitesse qu’un guépard et que l’orgasme du cochon dure trente minutes ? Trente minutes, putain ! »

J’éclate de rire, mais je n’ai pas l’air convaincu. Evan prend un air sérieux.

« On était des ados, un peu cons, un peu paumés. D’accord, moi, j’ai pas trop changé, mais toi, oui.

– Je sais que c’était il y a longtemps. Mais je veux pas que tu redoutes mes actes, mes paroles, je veux pas que tu vives dans la peur.

– J’ai jamais eu peur de toi, Simon, jamais. J’avais peur pour toi. Je détestais ce que les autres te faisaient. Je détestais te voir vriller à cause d’eux. Mais j’avais la trouille, ouais. T’étais convoqué un jour sur deux chez le proviseur, et je me rappelle de la fois où tes parents ont eu la visite des flics ! J’avais tellement peur de voir disparaître, de découvrir un matin que tu avais été envoyé loin de moi. J’avais si peur de te perdre… »

Il attrape mes mains avec fascination, les caresse puis les tire jusqu’à lui.

« J’ai vu ces mains donner des coups, je les ai vues me protéger aussi, et ok, j’admets, je les ai pas aimées du tout quand je me les suis prises dans la gueule. Mais si tu te rappelles bien, je t’ai rendu les coups. »

Lentement, il guide mes mains sur son corps, leur fait effleurer son visage, son cou, puis sa poitrine.

« Maintenant, je sais que ces mains sont faites pour m’étreindre, pour m’enlacer, pour me caresser. »

Il remonte une main et laisse mes doigts frôler sa bouche. Il hausse les sourcils, sourit avec une mimique évocatrice avant de frôler mon index de ses lèvres.

« Et je sais qu’elles sont aussi là pour… pour latter virtuellement des orques, des zombies et ces putains de campeurs…

– Qui pourrissent le jeu ! m’exclamé-je en même temps que lui. »

Cette fois-ci, je ris franchement. Je ne serai pas comme ce type, comme cette ombre qui bouffe tout dans la vie d’Argentik. Faire du mal à Evan m’est toujours aussi insupportable.

« Je suis désolé, Evie.

– Moi aussi, je suis désolé, Simon, je t’en demande beaucoup en ce moment, et je sais que dealer avec mes insécurités te pèse. Mais t’as pas à te taire. J’ai besoin de toi, de… de mon mec, mais j’ai aussi besoin de mon pote, celui qui me dit quand je fais des conneries. Et j’aime les deux, mon mec et mon pote. Même si j’admets que baiser avec le deuxième est toujours aussi déconcertant. »

Ses mains tremblent un peu sur les miennes.

« Moi aussi, je t’aime Eve, mais crois-moi, je suis pas fier de ce que je t’ai fait.

– T’as encore rien fait, là, s’amuse Evan.

– Oh, ça fait bien longtemps que je l’ai fait. Et c’était un acte d’ado égoïste. Je t’ai rendu dépendant de moi. »

Il grimace au mot, mais je suis certain qu’il l’a déjà pensé.

« Dès que tu es mal, que tu as mal, tu cherches mon contact. Mais je vais t’avouer quelque chose, c’est moi qui ai besoin que tu te refugies dans mes bras.

– Je veux être dans tes bras, et tu veux que j’y sois ? Je vois pas trop le problème, mais je suis un peu con.

– Résumé comme ça, marmonné-je. »

Evan referme mes bras autour de lui.

« Je comprends ce que tu veux dire, Simon. Parfois, ça me peine d’être dépendant de toi. Peut-être qu’une relation, c’est jamais un équilibre parfait, c’est une balance qui s’ajuste en permanence. Mais en ce moment, il y a trop de poids de mon côté pour y arriver. »

Il avance tout doucement vers moi et pose son front sur le mien.

« Mais chaque fois que tu me prends dans tes bras, chaque fois que tu me fais l’amour, mon cœur s’allège. Ok, pas que je cœur, mes couilles aussi, hein ? »

J’explose de rire. Il fallait qu’il flingue ce moment. Je me redresse, le gardant dans mes bras.

« Ok, allons alléger ce cœur. Et ces couilles ! »

Je le porte jusqu’à notre chambre et le jette sur le lit. Je plonge sur ses lèvres, l’embrasse, puis m’arrête.

« Tu n’as pas fumé.

– Ouais, la pluie s’en est mêlé. Et je… »

Il détourne les yeux.

« Eve…

– J’ai résisté, lâche-t-il. C’était un petit défi à moi-même.

– Waouh, bravo !

– Simon, me félicite pas pour ça, bordel ! »

À la vue de son sourire gêné mais ravi, je vais pas m’en priver.

« Tu plaisantes, j’aime trop, tu as le goût du miel et de l’orange. Et j’ai pas eu de dessert.

– C’est ta faute.

– Ouais. Mais j’ai quand même envie de mon dessert. »

Evan a cette petite convulsion contre moi, comme s’il réalisait brusquement qu’il n’était plus dans les bras de son pote, mais dans ceux de son mec et, sans s’en rendre compte, il coince sa langue entre ses dents d’une manière indécente, excité et déconcerté à l’idée de ce qu’il va se passer. Oh oui, j’admets, c’est très perturbant, mais j’adore ça. Encore une fois, je me complais dans l’effet que je produis sur Evan.

« Tant mieux, murmure-t-il en gigotant, parce que j’ai imaginé toute la journée ce que tu allais me faire pour la soirée.

– Hmm… et qu’est-ce que tu veux ?

– Tu sais très bien ce que je veux. »

Il redevient peu sûr de lui et gêné.

« Non, je sais pas, dis-moi.

– Oh merde, Simon. Tu vas pas oser ? »

Je me redresse et l’entraîne avec moi pour lui ôter son sweat et son tee-shirt. Puis, il tire sur le mien pour exiger que je fasse de même.

« Allez, Evie, t’as toujours eu une libido débordante, et je sais que t’as imaginé douze mille scénars. »

Il m’attrape et me bascule sur lui, il ouvre les cuisses jusqu’à ce que je me cale entre ses jambes et que je sente tous les reliefs de son désir.

« Je veux que tu me rendes dépendant de ta bouche, de tes mains, de ton corps, de ta queue. »

Je ne retiens pas un grondement sourd et Evan a un sourire amusé.

« Je veux que tu me pousses à te supplier, à ne plus savoir ce que je veux. »

Il laisse courir ses lèvres le long de ma joue, puis chuchote lentement à mon oreille.

« À être si dépendant de toi que je serai incapable de choisir si je te veux en moi, si je veux te baiser, si je te désire dans ma bouche ou si je veux que tu me suces jusqu’à me rendre dingue. Parce que j’en suis là, Simon… »

Je me redresse et le regarde. Il tend les bras vers moi, son geste m’appelle. Ça, ses mots, et tout mon corps n’est plus qu’un élancement sauvage. J’ai été si aveugle, c’est moi qui suis dépendant de lui, jusque dans l’intimité de notre chambre à coucher. Il me sourit.

« Alors, gros ours, tu te sens prêt à faire tout ça ?

– On peut jamais savoir avant d’avoir essayé.

– Et tu promets de pas rigoler devant Lex Luthor, ok ?

– Lex Luthor ?

– Bah quoi, t’appelles bien la tienne Batman ! »

J’explose de rire, et il m’attire dans ses bras. Non, ce n’est pas de la dépendance, c’est seulement de l’amour. Et je vais le lui prouver. Je l’embrasse et il me répond à sa façon, fouillant ma bouche de sa langue, cherchant toujours plus de contact. Il gigote et se plaque contre moi, impatient.

Je me redresse, m’agenouille entre ses jambes et tends les mains vers lui. Il frissonne d’anticipation avant même que je pose les doigts sur lui. Je veux effacer les coups de notre adolescence. Alors, j’effleure son ventre puis je plaque ma main entière contre sa peau. Lentement, je remonte jusqu’à son cou et j’englobe sa joue de ma main, je laisse glisser un doigt sur la courbure de son nez. Je redescends le long de son bras, et enserre son poignet avec délicatesse. Des ados paumés, oui, mal dans sa peau pour ma part, mal-aimé pour Evan. Je tire sa main et l’incite à la poser sur mon entrejambe.

Il inspire à la sensation de ma queue dressée dans mon caleçon et me regarde.

« Ouais, ça me fait ça de t’avoir contre moi. »

Sa main fait un aller-retour puis s’insinue dans le vêtement.

« C’est réel, murmure-t-il.

– Bah, heureusement, oui ! »

Il explose de rire, abaisse franchement mon caleçon.

« C’est réel, imparfait, et je veux la sentir. »

Je glisse lentement mes mains vers ses fesses.

« Bientôt.

– Non, maintenant ! »

Il se redresse, me bascule en arrière et m’arrache mon sous-vêtement en urgence. Je saisis ses cheveux, je voudrais vraiment être doux, mais je sens ma poigne se refermer sur ses mèches légères. Je ne sais pas si je le guide ou si je le retiens, mais quelques secondes plus tard, ses lèvres entourent mon sexe et ma main le pousse à venir plus loin. Il voulait la sentir, et bien voilà ! Il se recule un instant.

« Plus… Je veux plus. »

Je pivote en un instant et lui retire aussi son sous-vêtement. Lex Luthor m’a l’air très en forme. Je souris un instant devant le massacre de son pubis. J’attrape le lubrifiant et je lui écarte lentement les jambes. Il inspire plus vite. Nom de dieu, c’est vrai, il y a cette impression d’irréalité qui nous colle à la peau. Dans tous nos gestes maladroits et imparfaits, et en même temps, je suis exactement à l’endroit où je veux être. Evan gémit et sa langue glisse sur mon sexe, puis sa bouche le saisit à peine.

L’une de mes mains revient sur ses cheveux, l’autre aux doigts lubrifiés frôle son intimité. Je l’attire sur moi, le tire et l’incite à me prendre en bouche et en même temps, je reproduis le mouvement dans son corps. J’étouffe chacun de ses gémissements d’un mouvement de hanche. Mon corps joue dans le sien, le contraint à tout accepter. Le contraint ? Oh non ! Evan agrippe mes fesses, me pousse dans sa bouche, ses jambes s’écartent pour me donner un accès entier à son cul. Il se lâche, avide de tout, de moi. Dépendant.

Et soudain, ce mot ne me semble plus avili, mais doux, tendre et empli de confiance. Il sait qu’il peut être lui-même dans mes bras et que je l’aimerais quoi qu’il fasse. Mon dieu, j’espère qu’il le sait. Mes doigts se serrent sur ses cheveux, les autres s’enfoncent en lui. Il y a ce que je sens, mon sexe en lui, et ce que j’ai sous les yeux. La vision est si indécente, si excitante. Il s’agite, bouge les hanches dans une tentative de réclamation, mais ses cris et ses demandes demeurent étouffés. Ainsi que son orgasme brutal. Il tremble contre moi pendant quelques secondes, puis sa bouche tente de m’amener au sommet. Mais je m’éloigne pour le retourner sur le ventre.

« Merde, Simon, j’ai déjà joui… Je peux pas… »

Mon sexe frôle son cul, puis s’insère entre les deux rondeurs, tentateur.

« Oh bordel, viens ! »

Il s’agenouille, creuse les reins et se trémousse d’impatience le temps que j’attrape du lubrifiant. Je ne perds pas de temps à y aller doucement, je sais combien il est prêt pour moi. Je m’enfouis en lui et un râle primal m’échappe. C’est réel, immensément réel.

Très vite, je me cogne contre lui presque violemment. Et il murmure mon prénom à chaque mouvement. Comme s’il voulait lui aussi éprouver le réel et l’imparfait.

« Simon… Simon, je veux te voir. »

J’aurais presque pu jouir à ses mots. Je m’amuse de son impatience, mais je le suis tout autant. Je me dégage, le laisse se tourner lentement sur le dos, hébété et en sueur. J’adore l’avoir ainsi, le corps perdu dans trop de sensations. Et son regard sur moi est tout ce qu’il me faut. Il ouvre les cuisses, tend les bras. Je me joins à lui, profondément d’un long mouvement, il resserre ses bras autour de mon cou. Et c’est réel. Et si bon. Trop bon pour que je puisse me retenir encore.

Je reste dans les bras d’Evan. Je suis trop lourd, mais il aime la pesanteur de mon corps sur le sien, dans le sien. Il embrasse ma tempe, mon front puis trouve mes lèvres.

« Ça me va, dit-il doucement.

– Quoi ?

– D’être dépendant de toi. »

Il bouge les hanches avec lenteur pour éprouver la sensation de mon désir qui s’éteint en lui. Il agrippe ma tête, la ramène vers lui.

« Je voudrais rester pour toujours comme ça.

– Ça va être compliqué.

– C’est imparfait et pourri la réalité, je tiens à le signaler. »

Je le libère, bascule sur le côté et contemple le désastre laissé par nos ébats.

« Ajoute salissant aussi. »

Il ricane et porte la main à son entrejambe.

« Ouais. Mais vraiment bon. »

On devrait se lever pour prendre une douche, mais on laisse encore un peu durer ce moment. Il se tourne vers moi.

« Parle-moi de ton boulot.

– Tu sais, c’est pas seulement à cause de nous, avant, déjà, c’était pas la joie. J’ai cette espèce de gamin abruti qui se croit plus intelligent que tout le monde et dont le principal but est d’en faire le moins possible. Alors, je sais, c’est un boulot de merde, mais je l’ai toujours fait consciencieusement. Le collègue que je devrais nommer sous-chef n’a pas envie de s’embêter à donner des ordres et ma collègue la plus compétente est la cible des commentaires à la con du gamin. Rajoute à ça que j’ai annoncé être en couple avec un mec de but en blanc, sans réfléchir, et tu as un beau merdier ! »

Evan caresse mon torse, ses doigts plongent dans la toison qui le recouvre et jouent avec.

« Ben, tu sais, j’aime bien que tu n’aies pas à réfléchir pour parler de moi.

– Moi aussi.

– Je peux pas faire grand-chose, hein ? Je veux dire, je peux pas venir leur péter les genoux avec mon rouleau à pâtisserie ? »

Je ricane et il se rapproche jusqu’à se plaquer contre moi. Je l’enlace sans hésiter.

« Je crois pas, non.

– Dommage. Je suis désolé que tu aies à vivre tout ça.

– Merci. »

Il monte sa main jusqu’à ma joue, l’étreint longuement, faisant remonter dans ma mémoire le souvenir de cette tâche de naissance envahissante qui attirait tous les regards sur moi. Et toutes nos étreintes d’adolescents, entre tendresse et embarras. J’ai toujours éprouvé un apaisement à avoir Evan dans mes bras. Il ne cherche pas à me proposer des solutions, il se contente de caresser ma joue et de poser ses lèvres sur ma peau.

« Je t’aime, Simon.

– Je t’aime aussi, Eve. Et tu colles !

– À qui la faute ? »

Il explose de rire, se lève en grommelant et quitte la chambre. Je prends quelques secondes avant de le rejoindre et le trouve sur le pas de la porte en train de s’acharner sur l’interrupteur de la salle de bains.

« Bordel, Simon. Pourquoi y’a pas de lumière ?

– Parce qu’il y a un crétin qui est parti avec un fusible. Et c’était ça ou la cuisine ! Avance, j’ai pas besoin de lumière pour savonner toutes les parties de ton corps. »

Il a encore ce frisson qui lui fait cambrer le dos. J’englobe ses fesses de ma main et le pousse à entrer.

Annotations

Vous aimez lire Kaneda DKaaen ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0