Au moment où Janice prit le bijou, Luc se sentit projeté en moins d’une seconde à quelques centimètres derrière elle. Le temps qu’il se ressaisisse, le corps de sa femme devint translucide – il pouvait percevoir l’horizon à travers elle – puis se volatilisa complètement devant ses yeux. Seul sur le bord de cette route, il fut soudain submergé par un afflux d’images intenses qui le plongea dans une sorte d’anamnèse consciente.

Luc était littéralement bombardé de plans-séquences qui défilaient en simultanées dans ses rétines. Les flashs se succédaient par ordre chronologique. Il se voyait dans les hauteurs avoisinantes. Janice, devenue entre-temps sa femme, se trouvait à la maison avec sa fille. Ensuite, debout sur un talus sablonneux, il se rappelait avoir songé à sa décision prise la veille pendant qu’il se documentait sur les étranges inscriptions gravées sur l’anneau. Vint le jour aussi de son incroyable expérience à la plage, où il s’était promis de ne rien raconter à Janice en raison de leurs futures noces de mariage. Il avait gardé ce secret pendant dix ans. Dix années de bonheur, enrichi par l’arrivée de leur fille, Gaëlle. Le plan suivant évoqua le moment ou il se décida à faire des recherches pour comprendre ce qu’il lui était arrivé.

Il y un fondu sur lui en train de parcourir un site traitant d’archéologie, et un autre ou il consultait un article qui décrivait des fouilles récentes effectuées en Égypte, ainsi que la mise à jour d’idéogrammes non répertoriés taillés sur des morceaux de poteries. Selon les dires d’experts renommés en traduction, ces gravures racontaient l’histoire d’une civilisation disparue bien avant l’empire des Pharaons. Malheureusement, les travaux avaient été arrêtés pour d’obscures raisons. Le gouvernement du pays s’était officiellement emparé de l’affaire sous prétexte que ces découvertes risquaient d’attirer les curieux de tous les coins du monde.

Le plan suivant le montrait en train de parcourir un blogue tenu par un archéologue amateur qui officiait sous l’anonymat d’un pseudonyme et un avatar représentant une pyramide. Ce dernier émettait une hypothèse qui n’était pas du goût des éminents spécialistes en la matière. Selon l’auteur du site, et d’après les photos des vases rassemblés, les signes formeraient une sorte de dialecte qui, lue dans un ordre approprié, invoquerait l’ouverture d’un vortex donnant accès à une autre dimension ou vivait un peuple ancien issu de lointaines galaxies, présent depuis la création de la Terre, et qui détenait une technologie avancée capable de modifier le réel tel qu’on le concevait dans sa continuité jusqu’à son terme. L’auteur affirmait que ces figures hiéroglyphiques avaient été proscrites depuis des millénaires. Cependant, son refus de fournir les sources prouvant ses théories avait attiré le discrédit sur son blogue par les ténors de la profession.

Il y eut une séquence brève ou Luc se perçut en train d’abandonner, découragé par autant de désinformations, avant qu’il se rende compte que l’agencement des symboles sur les épreuves coïncider en tout point à celle gravée dans l’anneau à son doigt.

La scène suivante le vit passer toute la nuit à recopier les phonétiques que l’amateur en fouilles controversé avait pris soin de placer sous les caractères dans le sens suggéré par les clichés. En début de matinée, il disposait d’un ensemble cohérent. Il dormit trois heures agité, et fut réveillé qu'en début d'après-midi par Janice à laquelle il n’accorda que quelques mots confus avant d’enfiler ses vêtements et de filer au plus vite en s’excusant auprès d’elle en lui promettant de tout lui raconter ce soir.