Il est temps de rentrer

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Il descendit la route en direction d’un port de pêcheur qui se situait plus bas. Du haut des rails de sécurité, il pouvait apercevoir les bateaux à quai. Certains étaient amarrés sur un ponton, à proximité de bungalows, et d’autres étaient suspendus par une poulie sur un renfort en béton coulé à même la roche. Les premières habitations qu’il croisait en chemin semblaient vides, abandonnées. Pourtant, une femme, la quarantaine, sortit de l’une d’entre elles avec un bac de vêtements. Elle prêta un vague regard vers la mer, puis se dirigea vers un filin tendu entre deux piquets sur lequel elle s’attarda afin de fixer les linges. Luc reconnut sa mère dans leur maison de campagne. Haut comme trois pommes, il l’observait étendre ses habits sur un séchoir extérieur, tout en restant de longues minutes à contempler les tissus qui ondulaient sous le vent.

Malgré ses efforts pour se concentrer, la zone extrayait ses souvenirs enfouis, et redessinait l’endroit de son enfance. Les collines, les calanques et les quelques habitations avaient été soigneusement restituées par les annales de son inconscient. En continuant à descendre, il arriva au niveau du jardin. Le temps s’accéléra soudain et les strates du passé se fondirent dans le présent d’hier. Lorsqu’il s’approcha du petit mur en briques qui délimitait le parterre où il aimait tellement jouer, une prairie sauvage entremêlée l’y attendait. Plus de linges sur les piquets rouillés. Les volets en ruine étaient fermés sur une demeure abandonnée. Le soleil tirait sa révérence sur des questions sans réponses, et seul un écho lointain martelait ses pensées en permanences.


Le port arriva à lui comme une distorsion du décor sous l’effet d’un zoom. Cela se produisait chaque fois qu’il quittait son aire de contact. Le processus en cours l’obligeait ainsi à restituer le contexte principal. Le quai sur lequel il se trouvait maintenant était surplombé d’un muret en brique rouge. Il balaya d’un regard la zone résidentielle aux alentours sans y déceler l’ombre d’un mouvement.

« Monsieur !

Luc se retourna, agacé.

— Le régisseur demande si vous avez bientôt fini.

Le jeune garçon arborait un air grave qui contrastait avec son visage doux. Derrière lui, une lueur bleuâtre irradiait d’une porte invisible suspendue dans le vide. Cette vision provoqua en lui un sentiment désagréable. Ils ne lui laissaient jamais le temps de rêver librement.

— Dis-leur que j’arrive. »

L’adolescent parut un moment indécis, puis le quitta précipitamment. Luc le suivit du regard jusqu’à qu’il disparaisse dans l’ouverture. Il jeta un dernier coup d’œil vers le quai désert. Que cherchait-il à se rappeler ? Des bribes de pensées morcelées traversèrent son crâne. Il n’en retint qu’un seul mot. Janice.


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