Chapitre 17 : Magie contre magie

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Lucie remarqua un détail qui lui avait jusqu'alors échappé : son épée ambrée n'était plus à ses côtés. Et à ce moment précis, elle le regretta amèrement.

La silhouette tordue dans les ténèbres était toujours là, son doigt crochu la pointant encore pardessus la bougie. Les chuchotements de sa voix fourmillaient sur chaque mur, et l'atmosphère de la pièce s'était dangereusement refroidie. Lucie déglutit avec peine.

  • Vous êtes... Mélopée ?

Intérieurement, la jeune femme se détestait pour cette voix qui trahissait sa peur et son incertitude. Elle était venue pour demander qu'on change son sort, pour exiger la justice. Elle devait être forte et faire valoir sa volonté, voire même se montrer l'égale de la sorcière. Au lieu de ça, la voilà qui était recroquevillée dans un lit et qui bégayait pour prononcer ses mots. Pitoyable. Comment allait-elle pouvoir négocier quoi que ce soit dans cette situation ?

  • Donc c'est bien moi que tu es venue chercher, siffla la voix grouillante.

A chaque parole de la sorcière, Lucie croyait ressentir les frissons de cenaines d'insectes lui rampant dessus. Il n'y avait rien de plus désagréable.

  • Je suis... Je m'appelle Lucie Lazulie !

Elle parvenait avec peine à reprendre un peu de contenance. Elle s'était préparée pour ce moment, et avait imaginé tous les aspects possibles de la sorcière, plus question de se montrer impressionnée !

  • Et que me veux-tu, Lucie Lazulie ?

De nouveau, la jeune femme réprima un haut-le-coeur. Elle se savait sous l'influence de Mélopée mais comme un animal appeuré, elle était paralysée : chaque parole qui parvenait à ses oreilles la brisait un peu plus. Si ça continuait ainsi, elle serait totalement soumise aux volontés de son interlocutrice. Mais Lucie refusait cette possibilité, de quoi aurait-elle l'air si tout son parcours ne la menait qu'à se faire transformer en sbire, ou pire encore ? Elle se domina pour appuyer sa main écarlate contre son coeur. Rapidement, sa magie se répandit dans ses doigts et se diffusa dans son corps ; elle n'utilisait que très rarement son sort sur elle-même, mais dans cette situation précise il allait lui être utile. Se redressant pour être bien droite face à la sorcière, elle prit la parole :

  • Je suis venue réparer mon destin.

Plus aucune once d'hésitation ne trahissait sa voix :

  • Il y a longtemps vous avez maudit mon père Franck Lavallière, et je n'ai rien contre ça, en revanche vous avez également puni toute sa descendance. Pas de chance, car maintenant me voilà et je demande justice. Moi, je ne vous ai jamais rien fait et il n'y a aucune raison pour que je subisse votre courroux pour ce qu'a fait mon père. Je vous demande donc de retirer votre malédiction.

Lucie avait prononcé tous ces mots d'une voix fluide et assurée qui portait une détermination peu commune. En tout cas cela fit hésiter Mélopée. La sorcière resta silencieuse un moment, son ombre informe restant figée et son doigt rangé dans l'obscurité.

  • Hmm. Oui tu dis vrai, je reconnais ce bras rougi et décharné.

Cette fois, sa voix semblait venir de derrière et Lucie se sentit submergée d'une nouvelle vague de stress. Mais elle n'en montra rien et resta bien droite tandis que Mélopée continuait.

  • Et en plus tu maîtrises la magie ? Enfin... Quelques sorts du moins. Mais tu penses vraiment que ta petite illusion va te protéger de moi ?

Une menace planait dans sa voix. Manifestement, la sorcière était énervée qu'on tente de lui tenir tête. Mais Lucie était fière d'elle : elle réussissait à rivaliser. Mélopée était sans conteste très douée, mais la jeune femme avait percé à jour les sorts qu'elle utilisait pour les contrer au mieux et parvenait ainsi à garder sa contenance. Mais cela animait grandement la colère de son interlocutrice.

  • Je vois que tu sais créer des illusions haptiques, continua la sorcière. Mais tu n'as pas l'air d'avoir plus d'atouts dans ta manche, je me trompe ?

A la suite de ces paroles, une vague de douleur instantanée envahit le corps de Lucie. Celle-ci hurla à pleins poumons et se tordit sur le lit, certaines de ses blessures se rouvrirent et tous ses bleus la lancèrent. Cependant, par chance son bras écarlate ne ressentait pas l'effet du sort puisqu'il ne pouvait subir aucune sensation. Lucie parvint donc à canaliser ses forces sur cette partie de son corps pour y concentrer d'avantage sa propre magie. La douleur finit par s'amoindrir, sans toutefois disparaître. Mais cela devint assez supportable pour qu'elle se redresse, les yeux brillants avec un air de défi sur le visage.

Lorsqu'elle était enfant, elle avait appris les bases de la magie : toute cette pratique reposait en fait simplement sur la manipulation d'autrui, on pouvait accomplir à peu près n'importe quoi en utilisant suffisamment bien les perceptions des autres. Ainsi les sorts les plus époustouflants ne reposaient souvent que sur l'impression qu'en avaient les témoins. Pour cela les sens étaient évidemment d'une grande importance, et on séparait donc cinq catégories de sorts : les accoustiques qui affectaient l'ouïe, les optiques qui manipulaient la vision, les haptiques qui permettaient le contrôle des sensations du toucher, les gustatifs qui modifiaient le goût et les olfactifs qui influaient sur les odeurs. Lucie était parvenue à apprendre la branche haptique de la magie, qui lui permettait de créer des illusions tactiles. Et vraisemblablement, Mélopée contrôlait également ce type de magie là. Mais il semblait qu'elle avait aussi la maîtrise des sorts accoustiques et optiques puisqu'elle parvenait à faire croire à Lucie que sa voix venait de toutes parts, et que la pièce se déformait. Autrement dit, les sens de la jeune femme étaient à la merci de la sorcière. Pourtant, elle avait réussi à dominer les frissons que lui donnait la voix de Mélopée en se mettant elle même sous illusion, mais cette fois elle ne parvenait pas à conjurer totalement le sort qui attaquait ses nerfs. Son adversaire était sans conteste très expérimentée, bien plus qu'elle ne l'était.

Lucie réfléchit à toute vitesse. Mélopée voulait visiblement la briser car elle ne semblait pas supporter qu'on ose lui faire face, tant que la jeune femme ne s'écraserait pas la conversation serait donc vouée à l'affrontement. Elle songea à se défendre en tentant d'attaquer à son tour les sens de la sorcière, mais elle se douta de l'inutilité d'un tel geste. Cela pourrait même la condamner. Il fallait qu'elle admette que Mélopée était la plus forte à ce jeu là, et qu'elle tente autre chose.

Elle leva ses deux mains en l'air :

  • Vous avez raison. Je ne peux pas me protéger de vous avec mes petits sorts. Inutile d'essayer encore, vous m'avez prouvé que vous êtes la meilleure. Mais je ne suis pas venue vous défier de toute façon. Tout ce que je veux, c'est récupérer un bras normal, et m'en aller.

Alors, pour la première fois la sorcière rit : un son aigu qui grinça dans la pénombre. C'était un rire sinistre, qui ne présageait rien de bon. Lucie déglutit à nouveau, et lorsque la silhouette tordue de Mélopée prit la parole, sa voix brisa sans aucune difficulté l'esprit vaillant de la jeune femme :

  • Tu penses vraiment que tu vas t'en sortir aussi facilement ?

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