Chapitre 16 : La chambre de la sorcière

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Lorsque Lucie ouvrit les yeux, elle se trouvait étendue dans un grand lit. Un monticule de couvertures diverses l'étouffaient si bien qu'elle voulut se débattre pour s'en dégager, mais aussitôt un éclair de douleur la traversa entièrement. Elle baissa un peu les yeux : son corps était couvert de bandages. Elle songea soudain à Moz, elle l'avait fait sortir du flacon ! Dans son état il ne pouvait pas survivre seul ! Elle devait le retrouver au plus vite, pourvu qu'il ne soit pas trop tard. Utilisant son bras écarlate, qui ne pouvait pas ressentir la douleur, elle repoussa les couvertures et parvint à grand peine à se redresser. Autour d'elle s'étendait une pièce tordue, avec un mur plus grand que les autres et un sol bosselé, éclairée par quelques bougies qui... Qui volaient dans les airs. Lucie cligna des yeux mais il n'y avait aucun doute ; pour que les bougies volent, elle était sans aucun doute dans la demeure de la sorcière. Mélopée. Elle allait donc enfin la rencontrer.

Mais dès qu'elle posa un pied hors du lit, l'ensemble de la pièce lui parut devenir tournoyant. Elle perdit aussitôt tous ses repères : les murs changeaient de forme, le sol ondulait comme la mer et les bougies changeaient sans arrêt de couleur. Où était le plafond ? Où était le sol ? Avançait-elle en avant, ou en arrière ? Lucie fut prise de nausée et tomba en arrière, dans l'épais matelas du lit. Alors, tout sembla redevenir normal, et sa nausée disparut d'un seul coup. Mais elle n'osait plus faire un geste. Elle se sentit immédiatement prisonnière : si elle sortait du lit, elle perdait le sens des réalités. Il lui fallait pourtant trouver un moyen de s'échapper pour retrouver Moz ! Mais chaque mouvement lui arrachait une souffrance sans nom, dans ces conditions il lui serait presque impossible de s'évader.

C'est alors qu'un bruit attira son attention. Une sorte de grincement. Lucie tourna la tête, et constata que la grande porte au fond de la pièce était entrouverte. Elle plissa les yeux : Mélopée était-elle rentrée pour la voir ? Si c'était le cas, pourquoi se cacher ? Et soudainement, l'espace autour d'elle lui sembla menaçant ; les bougies projetaient une lueur fantômatique sur les murs et curieusement, aucun son ne courait sur ces grands murs de bois. Pourtant le silence n'était pas l'apanage habituel des grandes maisons. Des gouttes de sueur incontrôlables perlèrent sur son front, poutant elle faisait tout pour ne pas céder à l'angoisse. Mais dans cette pièce inconnue, sans connaître l'état de Moz et toute endolorie qu'elle était, elle pouvait difficilement rester calme. Tout à coup, un souffle glacé lui parcourut la nuque. Lucie fit volte-face. Rien. Derrière elle il n'y avait que le noir complet. Impossible de dire si la pièce continuait loin en profondeur, où s'il y avait un mur juste devant... N'importe quoi pouvait se trouver dans toute cette obscurité. La jeune femme ramena machinalement les couvertures sur elle de son bras maudit. Elle avait chaud, mais la sensation d'être couverte était rassurante malgré tout. Elle se rendait compte que son imagination commençait à prendre le dessus : il lui semblait voir des formes bouger dans le noir, entendre des sons murmurer à ses oreilles, sentir des frissons sur ses bras... Elle avait l'impression d'être une enfant en proie à des terreurs nocturnes. En dépit de la tension qui montait en elle, Lucie s'en voulait et tentait toujours de garder le contrôle. Elle savait sa peur irrationnelle, il fallait qu'elle se maîtrise pour agir. Mais son corps tressaillait par lui même.

Puis, une bougie s'éteignit d'elle même, et l'obscurité gagna du terrain.

La jeune femme jura d'un murmure. Elle sentait qu'on lui jouait un mauvais tour, mais elle ne pouvait s'en sortir... La situation lui échappait totalement.

Une autre bougie s'éteignit alors... Puis une autre, et encore une.

Bientôt la lumière disparut totalement de la pièce, et le coeur de Lucie s'emballa complètement. Il restait cependant encore une flamme qui tanguait dangereusement dans la pénombre. Mais en l'observant bien, Lucie cligna des yeux : non elle ne rêvait pas, derrière cette maigre source de lumière se tenait une silhouette. Une silhouette affreusement tortueuse et voûtée, que la lueur de la bougie rendait trouble. Lucie, au comble de la tension, aurait voulu dire quelque chose mais sa gorge refusa de laisser passer un seul mot. La silhouette se mouva dans les ténèbres et la jeune femme retint son souffle, avant de voir avec horreur un doigt apparaître au-dessus de la flammèche. Il s'agissait d'un doigt crochu, à l'ongle décharné et à la peau presque verdâtre. Une voix sépulcrale résonna alors dans la pièce, elle semblait s'élever des tréfonds du sous sol et montait de tous côtés autour du lit. La tête de Lucie vibra tandis que ces mots se prononçaient dans les limbes :

  • Qu'es-tu venue chercher, jeune maudite ?

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