Chapitre 15 : Le jardin de la sorcière

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Lucie s'avançait lentement mais sûrement sur le pic de la montagne : le terrain n'était plus qu'une interminable montée bordée de nuages. Mais Mélopée était toute proche, pas question d'abandonner.

La jeune femme finit par s'arrêter : une sorte de pierre cubique entravait sa route. Etrange, en plein milieu des montagnes... Mais elle profita de cet obstacle pour prendre le temps de souffler un peu ; mieux valait le contourner que l'escalader : en temps normal, monter sur cette pierre ne lui aurait posé aucun problème mais... C'était sans compter les blessures dont elle était couverte, dont une profonde sur le bras, plus le fait qu'elle n'avait pas dormi de la nuit, qu'elle avait faim et l'épuisement qu'elle devait à la longue marche qu'elle avait accomplie. Définitivement, elle arrivait au bout de ses limites.

Alors qu'elle reprenait avec douleur sa marche et qu'elle commençait à contourner le rocher, Lucie remarqua que celui-ci tremblait anormalement, comme s'il était animé. En effet, sous les yeux ébahis de la jeune femme, les pierres sortaient du sol les unes après les autres, comme par magie, pour s'embriquer parfaitement jusqu'à former un homme de grande taille, fait tout de roche. Le mot emet était gravé sur son front. La jeune femme l'observa, pleine d'apréhension. Le bonhomme tellurique tourna son visage abrupt vers elle, et contre toute attente lui adressa la parole d'une voix caverneuse :

  • On ne passe pas, ici se trouve le domaine de Mélopée la sorcière. Personne n'est autorisé venir sur ses terres.

Au fond d'elle même, Lucie poussa un grand cri de désespoir. N'en aurait-elle jamais fini ? Y aurait-il toujours un mur pour l'empêcher d'aller au bout de son objectif ? Elle soupira :

  • Je dois pourtant lui parler... Je suis victime d'une malédiction à cause d'elle, ça ne me donne pas un laissez-passer ?
  • En aucun cas.
  • Alors comment puis-je accéder à elle ?
  • On ne dérange pas la sorcière. Il faut attendre qu'elle vienne, et non l'inverse.

Lucie bouillonnait, et sa fatigue n'arrangeait pas les choses.

  • Je n'ai pas le temps d'attendre qu'elle vienne me voir ! Elle ne me connaît même pas ! Passez-lui un message de ma part.
  • Pas possible.

La jeune femme pesta. La discussion avec ce tas de cailloux était vaine, aussi décidait-elle de se rendre directement jusqu'à Mélopée, en ignorant les avertissements de son chien de garde.

Mais à peine Lucie fit quelques pas en avant que le bonhomme tellurique lui envoya une baffe sans poser de questions. Elle réussit à positionner ses bras devant son visage avant l'impact pour ne pas trop en souffrir, mais le choc la fit tout de même rouler jusqu'en bas de la pente.

Pleine de terre et d'écorchures, elle se releva un peu sonnée, les bras tous bleuis. En haut du terrain, l'homme de pierre était toujours bien droit et déterminé. Personne ne passerait. Lucie frotta ses vêtements, neufs il n'y a pas si longtemps ; elle ne prendrait pas le risque de repasser devant ce gardien : il aurait pu la tuer si elle n'avait pas eu le bon réflexe. Contournant la montagne, elle décida de passer de l'autre côté car même si cela rallongerait sa route, elle ne prendrait pas le risque de se prendre une autre claque.

Un autre homme de pierre jaillit du sol aussitôt qu'elle remonta la pente. Lucie soupira, les gardiens telluriques entouraient totalement la montagne : celui-là était au moins le sixième qu'elle croisait. Impossible de passer sans se frotter à eux et vu leur aspect, elle doutait fort que son épée leur fasse quoi que ce soit. Elle avait tenté d'utiliser sa magie, mais sans aucun succès : les créatures n'étaient pas sensibles à son sort. Lucie enrageait : elle était à cours de ressources. Elle jeta un regard accablé sur le petit flacon blanc qu'elle gardait toujours précieusement ; si Moz avait été là, il aurait pu trouver comment vaincre ces choses.

Mais elle était seule, et complètement déséspérée. Il ne lui restait qu'une dernière chose à tenter, et c'était ce sur quoi elle allait miser. S'éloignant un peu du gardien de pierre, elle se mit brusquement à courir, en espérant bien être la plus rapide à arriver en haut de la montagne. Le bonhomme tellurique commença à marcher pour la suivre, mais il ne semblait pas pouvoir aller plus vite. Les cheveux au vent, mettant toutes ses dernières forces dans sa course, Lucie croyait rêver ; elle y arrivait, c'était aussi simple que ça : il suffisait de courir pour les semer.

Au loin, une énorme bâtisse de dressa : tordue comme une vieille dame, faite de vieux bois centenaire et croulant sous de sombres tuiles disparates ; la jeune femme était persuadée qu'il s'agissait du manoir de la sorcière.

Mais alors qu'elle en apercevait de plus en plus de détails, elle trébucha et s'écroula. Un regard vers ses pieds : deux énormes mains de pierre étaient sorties de terre pour lui saisir les chevilles. Au loin, l'autre gardien se rapprochait.

Lucie frappa furieusement le sol de son poing écarlate et poussa un hurlement de rage. Si près du but, elle se retrouvait bloquée, et s'apprêtait à se faire battre à mort par un géant de pierre ! Quelle fin pitoyable ! Dans un ultime acte de volonté, elle força de toute son énergie pour se dégager, allant même jusqu'à déchirer la peau de ses chevilles, mais sans succès. Tout était fini.

En voyant le bonhomme de roche qui se rapprochait toujours plus, elle pencha la tête vers le ciel en fermant les yeux quelques instants, comme résolue...

Puis elle ouvrit le bouchon du flacon.

Moz surgit avec quelques flamèches, couché sur le sol. Il semblait toujours aussi mal, et Lucie s'en voulut de le solliciter dans cet état. Mais c'était une question de vie ou de mort, et si elle était tuée, son renard serait dans tous les cas resté prisonnier pour toujours dans le récipient.

  • Moz ! Je t'en supplie, s'il te reste un peu de forces, trouve le point faible de cette chose !

Elle avait des larmes plein les yeux, mais elle distingua quand même son compagnon qui se relevait sur ses petites pattes, comme sentant l'urgence de la situation. Tourant son museau vers le bonhomme de pierre, une gerbe d'étincelles jaillit de sa gueule pour pétiller sur le e gravé dans le front du gardien. Lucie n'avait jamais vu Moz faire ça, mais elle n'avais pas le temps de se poser de question : l'homme de roche était à son niveau et s'apprêtait à l'écraser sur le sol d'un gros coup de poings.

Sans réfléchir, Lucie dégaina son épée ambrée et se propulsa en avant d'un seul coup, ses chevilles se tordirent au passage dans un angle horrible. Cependant, elle put atteindre la tête du gardien avant que celui-ci ne frappe et comprimant sa douleur, elle envoya tout son poids dans une estocade frontale. La pointe de son épée s'enfonça tant bien que mal dans la première lettre de l'inscription emet. Le gardien s'immobilisa, puis Lucie resta suspendue un bref instant, déchirée entre ses chevilles tordues et toujours maintenues et son épée plantée dans son poursuivant.

Alors celui-ci se désagrégea et tomba en morceaux.

Lucie s'écroula sur le sol dans un immense soulagement, même si de nombreuses pierres lui tombèrent dessus, achevant de la couvrir de blessures, de poussières et d'hématomes variés. A ses côtés, Moz était étendu sur le flanc et haletait, il fallait raviver ses flammes au plus vite. Mais Lucie ne pouvait plus faire un geste, son corps entier lui faisait mal et était totalement paralysé.

Puis, entendant un vrombissement sur le sol, elle s'arracha un cri de douleur pour tourner la tête sous les gravats et voir ce qu'il se passait : tous les autres gardiens telluriques étaient sortis de terre et s'approchaient maintenant d'elle.

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