Chapitre 7 : Destins scellés

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La nuit était tombée quand Lucie et son mystérieux compagnon entrèrent dans le chalet coloré de mille nuances. Des créatures plus étranges les unes que les autres sillonnaient les couloirs du bâtiment : il s'agissait pour la plupart d'êtres totalement inconnus de la civilisation humaine. Vue de l'intérieur, il semblait à Lucie que l'auberge était plus grande qu'il n'y paraissait, avec sûrement plusieurs étages et des tables disséminées un peu partout dans les nombreuses pièces de la demeure. Il sembla d'ailleurs à la jeune femme que le lieu était quand même très fréquenté pour une auberge aussi reculée. Le garçon qui l'accompagnait la guidait dans les couloirs et les grandes pièces comme s'il connaissait les lieux parfaitement. Il finit par lui indiquer une table à l'écart pour prendre place, et tous deux s'assirent face à face, Lucie tenant toujours précieusement le flacon dans sa main. En le regardant de plus près, elle remarqua cependant un détail frappant sur le visage du jeune homme : il avait un oeil rouge et un oeil marron.

  • Bon, fit-il lorsqu'ils furent installés. Ce n'était pas très malin de provoquer ce mage, tu voyais bien que tu n'étais pas de taille.
  • C'est lui qui s'en est pris à Moz, marmona Lucie sans conviction.

Il lui lança un regard plissé.

  • De qui es-tu l'apprentie ? fit-il enfin.
  • Pardon ?
  • Je t'ai vu faire de la magie, mais tu es trop jeune et pas assez puissante pour être une sorcière. Donc de qui es-tu l'apprentie ?

Lucie fut presque vexée d'être trouvée "trop jeune" par un garçon d'à peu près son âge, mais se concentra sur la question de l'apprentie.

  • Je ne suis pas une apprentie, et si je suis venue ici moi-même, c'est parce que je suis justement à la recherche d'une sorcière.
  • Ah je vois ! s'exclama le jeune homme. Dans ce cas je pense que tu es au bon endroit, il y en a beaucoup qui passent par cette auberge. Tu n'auras qu'à les accoster pour leur proposer d'entrer à leur service et je suis sûr que tu en trouveras une qui acceptera. Maintenant je vais te laisser, je pensais que tu étais l'apprentie d'un mage quelconque, mais si ce n'est pas le cas il est inutile que je perde plus de mon temps avec toi.

Sur ces paroles glaciales, il fit mine de se relever.

  • Attend, fit Lucie. Tu es un "apprenti" toi ? Tu peux peut être m'aider.
  • Je suis l'apprenti d'une sorcière reconnue, oui. Mais je ne vois pas en quoi je pourrais t'aider ; ma professeure n'acceptera jamais de deuxième disciple.
  • Non non, fit Lucie en secouant sa main. Je recherche quelqu'un de bien particulier.

L'ombre de la curiosité traversa le regard bicolore du jeune homme.

  • Qui est-ce ?
  • La sorcière Mélopée.

Cette fois, c'est l'hésitation qui ombragea ses yeux marrouges.

  • Mélopée ? Tu n'as jamais entendu parler d'elle on dirait. C'est une des pires personnes que tu pourrais rencontrer.

Lucie montra sa main écarlate, toujours découverte.

  • C'est en partie à elle que je dois ça, alors je sais à quoi m'attendre. Si tu sais quoi que ce soit qui pourrait m'aider, je t'en prie, dis le moi.

Le jeune homme semblait encore réflexif ; il paraissait savoir beaucoup de choses que Lucie ignorait.

  • Tu as été maudite, murmura-t-il.

Lucie fronça les sourcils, c'était la première fois que quelqu'un devinait son sort.

  • Mélopée t'as maudite et tu veux conjurer son courroux ! s'exclama-t-il. Mais... si tu as déjà rencontré la sorcière une fois, je ne vois pas ce qui te pousse à croire qu'une seconde entrevue te sera moins fatale. Ce sera tout l'inverse au contraire, tu te feras tuer ou maudire une deuxième fois ; c'est d'une stupidité...
  • C'est là que tu te trompes, répliqua Lucie. Je n'ai jamais rencontré Mélopée.
  • Alors comment et pourquoi a-t-elle pu te maudire ?

La question resta en suspens un instant avant qu'il ne reprenne :

  • A moins que...
  • C'est à cause de Franck Lavallière, avoua Lucie d'un souffle. C'est de son fait si je suis dans cet état.

Le jeune homme hochait la tête, il semblait comprendre petit à petit :

  • Il s'est fait maudire sur plusieurs générations... Tous ses descendants sont condamnés à porter ce bras rouge.

Lucie sourit à demi : il avait deviné juste. Le bras qu'elle portait était le fardeau que lui devait le simple fait d'être la fille d'un homme maudit. Une souffrance qu'il lui fallait endurer depuis sa naissance et qui lui était d'autant plus insupportable qu'elle était totalement injuste, car elle n'avait pas demandé à naître ainsi ni n'avait jamais rien fait pour offenser qui que ce soit. Un éclair de compassion illumina un bref instant le regard du jeune homme lorsqu'il comprit qu'il avait raison.

  • C'est un genre très rare de malédictions, déclara-t-il ensuite du même ton froid qu'il avait toujours eu. Et je comprends ton ressentiment ainsi que le désir que tu as de changer ton destin. Mais honnêtement tu devrais plutôt renoncer : tu risques d'empirer ton sort alors que tu peux encore avoir une vie décente.

Lucie reçut ses paroles comme un choc. Elle qui espérait de l'aide ou de la compassion... Ce n'était que de froids et décourageants conseils !

  • J'ai fait un long chemin pour venir jusqu'ici, déclara-t-elle avec colère. Ne compte pas sur moi pour faire demi-tour. Je refuse d'avoir un destin prédéfini par des erreurs dont je ne suis pas responsable, et je ne renonçerais jamais à essayer de changer mon sort. Si tu ne comptes rien faire d'autre que d'essayer de me dissuader, tu peux t'en aller car tu risques de perdre ton temps, en effet.

Le jeune homme soupira. Il affichait une expression indéchiffrable, et pourtant assez inquiétante.

  • Il se trouve que je peux t'aider, lâcha-t-il. Car la sorcière pour qui je travaille n'est autre que la soeur de Mélopée : Madame Mélodie.

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