Chapitre 6 : Le flacon magique

5 minutes de lecture
  • Alors Franck Lavallière a eu une fille ! s'exclama l'être invisible de son air moqueur. Je n'en reviens pas, lui qui voulait à tout prix éviter d'avoir des enfants !

Lucie lui lança un regard noir, tandis que les créatures étranges autour d'eux retenaient leur souffle en fixant son bras à la peau craquelée.

  • Tu sais que ton père et moi, on se connaît bien ? continua la voix railleuse. On s'est même rencontrés ici ! Ça pour une coïncidence !

Sous son haut-de-forme mauve, il semblait excité. Mais Lucie n'avait pas l'intention de le laisser continuer à parler sans rien faire : elle ne voulait pas entendre un mot de plus sur Franck Lavallière. Pointant l'être invisible de son bras écarlate, elle se concentra intensément. Lui continuait de débiter un flot de paroles que la jeune femme n'écoutait plus :

  • Quand il est arrivé dans l'auberge, j'ai tout de suite senti qu'il avait quelque chose de spécial, même louche je dirais. Il avait un air pas comme les autres, un air pas commode. Alors moi je suis allé le voir, j'ai commencé à tailler une bavette avec lui et... Argh !

Subitement, Moz retomba sur le sol et en profita pour filer la queue entre les jambes jusqu'aux pieds de sa maîtresse. Le haut-de-forme mauve roula par terre tandis que la voix métallique se mit à gémir de douleur. Lucie avait toujours sa paume écarlate tendue vers lui.

  • Je t'avais prévenu ! s'écria-t-elle. Je n'ai rien à voir avec Franck Lavallière, mais puisque tu as fait du mal à Moz et que tu as voulu "jouer avec moi", laisse moi te montrer ce que ça va te coûter !

L'être invisible semblait toujours agenouillé par terre, maudissant la jeune femme et criant sa douleur. Tout autour, des murmures traversaient les entités observatrices. Les hurlements déchirants finirent par prendre Lucie en pitié ; elle aurait pu en finir, mais elle reposa son bras le long de son corps, mettant fin aux souffrances de son opposant.

  • Ne t'en prends plus jamais à moi ou à mon renard, dit-elle froidement.

Derrière elle, les créatures mystérieuses restaient silencieuses. Ces étranges regards qui la fixaient la mettaient toujours aussi mal à l'aise, et elle tenta de les ignorer tandis qu'elle ramassait sa cape bleue.

Mais soudainement, elle ressentit une pression semblable à une main se refermant brutalement sur son cou. Lucie suffoqua et tenta de se débattre, en vain : ses mains et ses pieds ne rencontraient que du vide. Elle entendit avec horreur la voix métallique et railleuse qui hurlait quelques secondes plus tôt, grondante cette fois :

  • Toi ! Ce n'est pas parce que tu es la fille d'une connaissance que je vais y aller doucement ! Je ne m'attendais pas à ce que tu maîtrises de la magie, j'avoue que ça m'a surpris. Mais ça ne te sauvera pas de moi !

Lucie ne pouvait plus respirer du tout, sa gorge se resserait de plus en plus sans qu'elle ne parvienne à se relâcher de l'emprise qui la tenait. Elle suffoqua, voyait trouble, n'entendait plus rien autour d'elle.

Puis, aussi soudainement qu'elle s'était faite étrangler, l'emprise se relâcha autour de son cou. Lucie tomba à genoux et toussa à pleins poumons, Moz tournant autour d'elle d'un air inquiet. Elle finit par récupérer assez d'air pour lever la tête : un jeune homme aux longs cheveux noirs se tenait dos à elle, il faisait face à l'être invisible et tenait une dague ornée de gravures à la main.

  • Cela suffit, déclara-t-il froidement. Il ne doit pas y avoir de conflits magiques dans ces lieux.

L'autre ramassa son haut-de-forme et le posa sur sa tête. Il répliqua ensuite de son agaçante voix fluette :

  • C'est elle qui a voulu m'attaquer la première avec sa misérable épée ! J'allais l'exécuter dans le calme et le respect de tous, si tu n'étais pas intervenu. Tu crois... Argh !

Lucie avait de nouveau tendu sa paume vers lui ; elle ne pouvait absolument pas le laisser qualifier son épée de "misérable", c'était hors de question. L'être invisible se recroquevilla de nouveau de douleur sous l'influence de sa main écarlate. Mais le jeune homme se saisit du poignet de Lucie et le lui tordit de manière à la plaquer sur le sol ; il s'assit ensuite sur son dos pour la maintenir dans cette position. Lucie protesta mais il ne l'écoutait pas, et elle ne pouvait se débattre.

  • Espèce de petit apprenti de pacotille, maugréa l'être invisible en se relevant. Tu penses que tu vas m'empêcher de tuer cette fille ?
  • Ne me fais pas rire, répondit le jeune homme. Tu ne veux pas t'en prendre à moi.

Derrière son masque mauve, l'autre sembla réfléchir.

  • Si je peux éviter de t'amocher, j'aimerais mieux, en effet.
  • Alors laisse tomber. Je ne le répèterais plus.

L'être invisible siffla.

  • Tu n'as aucune menace à me faire gamin, grinça-t-il. Je n'ai pas peur de toi. Pour le moment je vais simplement te laisser avec ta copine, mais je me vengerais sois en sûr.

Le jeune homme sourit d'un air satisfait lorsqu'il observa le chapeau mauve s'en aller, et la masse d'êtres mystérieux se dissiper autour d'eux. Il reporta ensuite son attention sur Moz qui grondait après lui, sans oser l'attaquer. Le garçon usa de sa main libre pour sortir un petit flacon de porcelaine de sa chemise blanche, il le déboucha et le posa sur le sol. Aussitôt, une étrange fumée s'en échappa et Moz, méfiant, la renifla de loin. Immédiatement, il fut happé par le flocon, se déforma en jappant et disparut dans le récipient. Lucie hurla de toutes ses forces, se débattit et tenta de frapper le jeune homme ; mais il était trop fort et tordait dangereusement le poignet qu'elle ne voulait surtout pas voir cassé. Elle dut donc l'observer impuissante reboucher le flacon et le ramasser. Enfin, il s'adressa directement à elle :

  • Je vais te relâcher maintenant, mais avant tu vas écouter calmement ce que je vais te dire, car je ne le répéterais sous aucun prétexte. J'ai scellé ton renard dans ce flacon magique, mais si je le débouche ton animal en ressortira en pleine forme. Je ne l'ai pas tué, ni torturé, donc n'essaye pas de m'attaquer quand je te lâcherais. Tu ne peux pas amener ta bête à l'intérieur de l'auberge, et avec l'autre mage dans les parages, je doute qu'il soit bien sage de le laisser dormir dehors. Donc tu pourras garder ce flacon sur toi tant que tu seras à l'intérieur, et quand tu ressortiras tu le libèreras ; pour l'instant il n'est pas conscient et ne se sent donc ni seul ni abandonné, alors pas d'inquiétude à avoir. Tu as tout compris ?
  • Non !
  • Tant pis.

Il se redressa dans la foulée et relâcha Lucie. La jeune femme lui lança un regard noir et se releva précautionnesement, tout en frottant son poignet endolori. Elle se tint face au jeune homme qui lui tendait le flacon blanc, et se saisit de l'objet comme s'il s'agissait du plus précieux des trésor.

  • Allez, maintenant rentre à l'intérieur, lui ordonna le garçon en lui faisant signe d'entrer. On doit discuter.

Lucie n'appréciait pas ses manières, mais ne se sentait pas vraiment le choix d'accepter ou non.

Elle observa l'entrée lumineuse du chalet, les êtres masqués, les animaux marchants, les créatures de couleur mystérieuse, et fit un premier pas hésitant vers l'antre de toute cette clique.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Aigrefin ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0