Le cri d'Adam

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Il ne recherchait pas une telle décomposition. En fait, Adam avait commencé par s'intéresser aux cris des animaux, en hommage au miaulement qui lui avait permis d'éviter le pire à Eve. Mais au fur et à mesure qu'il étudiait le sujet, lui vint l'envie de se trouver un cri bien à lui, tout comme sa femme avait adopté le miaulement, qui lui convenait si bien. Un son qui le représenterait fidèlement, mais il ne le trouvait pas. Le « hi-han » lui paraissait manquer de raffinement, le « meuh » de classe. Le « cocorico » lui semblait trop agressif pour être entonné devant sa moitié, surtout si cette dernière proférait un gentil miaulement.

Enfin, un jour, au beau milieu de la saison chaude, la tribu suivit un troupeau de petits herbivores sur des pentes, des hauteurs et des collines. Les animaux montaient sans doute en altitude pour retrouver de la fraicheur. Ils portaient tout autour de leur corps une toison épaisse qui devait se révéler bien pratique en hiver, mais également pesante au cœur de l'été. Adam ne connaissait pas encore ce genre de ruminants, mais ils lui paraissaient constituer la proie idéale pour des humains : pas très gros, donc peu dangereux, et nombreux. Le jeune homme put assez vite entendre leur cri, alors que les chasseurs leur donnaient la chasse pour la première fois. Une sorte d'appel doux, un « béééh », tout à fait ce qu'il cherchait pour se représenter. Il écouta les différentes nuances de ce son, proféré par différents animaux, dans différentes circonstances, et retint la version douce d'une mère s'adressant à son agneau. Sur le chemin du retour vers le campement, Adam se répéta un grand nombre de fois ce cri dans sa tête, afin de bien se l'approprier. Il aurait voulu pouvoir l'articuler à voix haute, mais il craignait soit d'être pris pour un dingue, soit d'être agressé par un chasseur assoupi par la chaleur, qui se réveillerait en sursaut, et viendrait l'attaquer, croyant s'en prendre à un véritable mouton.

Le jeune homme dut attendre quelques jours avant d'expérimenter son cri personnel. Il en profita pour s'exercer quand il se retrouvait seul, par exemple au moment d'aller chercher de l'eau à la rivière proche. Rapidement il parvint à reproduire le bêlement maternel de manière qu'il considéra satisfaisante. Ne restait plus qu'à attendre le moment où il se retrouverait avec Eve, prévu pour la pleine Lune suivante. Le jeune homme aurait pu dévoiler sa trouvaille avant, il se trouvait d'ailleurs assez vivement tenté de le faire, mais il parvint à se retenir pour faire la complète surprise. Enfin, le jour attendu arriva, et quand Eve, comme à son habitude, lança un premier miaulement, il répondit par son bêlement. Sa moitié fut d'abord surprise, elle ne s'attendait premièrement pas à un cri de la part de son homme, et le son qu'il produisait lui restait inconnu, enfin elle aurait plutôt imaginé un son en rapport avec la voix grave d'Adam. D'un autre côté, ce cri exprimait de la douceur, donc il ne lui paraissait pas franchement désagréable. Avec l'habitude, le bêlement lui apparut d'abord acceptable, puis carrément plaisant. Il arriva même un moment où le son lui aurait manqué si Adam l'avait oublié.

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