J’étais surexcitée et mon père le vit. Pendant tout le trajet entre la maison et l’aéroport, il ne cessait de me regarder en soupirant.
-Je crois que c’est la première fois que je pars à New-York avec Duncan et toi. Il arrive quand d’ailleurs ?
-Il est déjà arrivé. Il trouve que le Starbucks de l’aéroport est meilleur et il voulait ramener des trucs à ses sœurs, ma chérie.
-Oh oui. Tu sais quoi ? Je suis en vacances. Tu crois que je peux hurler par la fenêtre ?
-Je ne suis pas certain que notre chauffeur soit d’accord. 

Je me fourrai dans les bras de mon père. Je t’aime. C’est ce qu’il me murmura. Il avait pris des billets en première classe et nous nous rendîmes directement dans le salon réservé. Duncan était déjà là, entrain de manger des pâtisseries.
-Chalut.
-Duncan, ne parle pas la bouche pleine.
-Désolé. Excusez-moi mademoiselle, vous pourriez apporter un Whiskey Irlandais à monsieur, un jus de mangue à mademoiselle et la même chose pour moi ? Merci.
Mon père acquiesça la commande en demandant un thé également.
-Tu comptes me saouler Duncan ?
-Il parait qu’ils ont de bonnes bouteilles, c’est toujours ce que dit Papa. Alors Sarah ? T’es en vacances ???
-Ouuuui. En plus Sophie a accepté de rendre mes livres et de vider mon casier à ma place. Ma best est la meilleure.

-Sophie est une perle. C’est quand qu’elle va sortir avec micro McDust ?
Je lui fis de gros yeux en penchant la tête du côté de mon père.
-Sarah, soupira mon père. Je pense qu’il est évident pour tout le monde qu’il y a un truc entre eux. Même leurs parents en ont conscience. Les parents voient tout. D’ailleurs, qui était le garçon caché dans ton lit ?
-Pardon ?
Je devins rouge et Duncan se mit à rire.
-Je te parle de la personne avec qui tu étais entrain de rire à 3h du matin et qui est resté suffisamment longtemps pour ne pas que tu te réveilles ce matin… C’est le gars des Atlas Wild Child ? Celui qui a chanté avec Tom hier ?
-Oui. En fait, il est venu me parler et on s’est endormi. Il a pas osé sortir ce matin..
-Je m’en doute bien.
-Je ne voulais pas que les garçons tombent sur lui. Toi je m’en fiche. Et puis Mary aussi, d’ailleurs, elle est au courant qu’il était là. Tu sais ce qu’il m’a dit hier ? Que tu avais fait des miracles avec son Grand-Père. Je crois que c’est ça que j’aime dans ton métier Papa. Tu donnes de l’espoir aux gens. Tu répares des familles. Je t’ai toujours admiré pour ça. Je me souviens, une fois, Maman m’a dit qu’un jour peut-être, je tiendrai un bistouri dans ma main et que je ressentirai de l’euphorie. Est-ce que c’est ce que tu ressens ?

-Oui. J’adore ça. Mes patients me confient leur cœur et moi je fais mon possible pour leur rendre en bon état.

J’écoutais deux des hommes de ma vie parler en buvant mon jus. Duncan écoutait mon père religieusement et quelque part, cela me fit mal au cœur. C’était comme si mon cousin était en manque de père. J’avais l’impression que le contentieux entre James et son fils était plus profond que ce que je pouvais en voir.
-C’est quoi au juste le plan ? finit par demander mon cousin, une fois installé dans l’avion.
-On va déposer nos affaires à l’hôtel, ensuite, on passe la soirée avec Grand-Mère. Demain, il y a la remise des diplômes de l’ami de Sarah. Vendredi a lieu son bal de promo, c’est bien ça ?
-Oui, c’est exactement ça.
-Ensuite, dimanche il y a le concert d’Howard Shore.
-Et il y a aussi le concert du père de Chuck. Je crois que c’est lundi soir. Et je ne sais pas quand je pars dans les Hamptons. Voilà.
-Je voulais juste connaître le plan pour ce soir en fait. En ce qui me concerne, j’avais envie d’aller chez Grand-Mère pour le reste de la semaine après être passé à Yale. Histoire de me faire chouchouter en tant que premier représentant mâle de la génération 2.0. Et puis, je crois qu’elle voulait que je l’aide à choisir son appartement à New-York , comme tu n’es pas disponible, John.
-Tu prendras soin d’elle Duncan. Elle a tendance à vouloir être ultra active, elle oublie son âge.
-Amélia est increvable. Elle me fatigue même parfois. Mais je comprends. Je vais faire en sorte qu’elle ne se surmène pas. En plus, son frère est dans les parages et je l’ai rencontré qu’une fois enfant. J’aimerai bien le connaître un peu plus. Surtout que son entreprise est florissante et que j’aimerai bien faire un stage là-bas.
-Il est génial, tu vas voir. Je me souviens quand on était enfant ton père et moi, on partait à vélo pour aller chez lui et il nous accueillait toujours les bras ouverts. Tu sais ce qu’il disait à ses collaborateurs ? Soyez sympa avec eux, ils deviendront vos boss un jour. Si je n’ai pas le temps de le voir, salue le pour moi. Vraiment.
-Je n’oublierai pas. 

Je passai l’intégralité de mon vol, enfin, la quasi totalité de mon vol à dormir. J’étais claquée. Quand je me réveillai, j’étais seule dans ma petite suite. Visiblement mon père avait rejoint Duncan pour me laisser seule. C’était très gentil de sa part. Je les retrouvai dans le bar à l’avant de l’avion avec un verre à la main. Je pris directement celui de Duncan. C’était un soda. Il leva les yeux au ciel et s’en commanda un autre avant de se poser sur le canapé.
-On est bientôt arrivé ?
-Dans 3h ma chérie.
-Han. Okay. Pourquoi y’a pas de douches dans cet avion là ? J’ai lu qu’il y avait une compagnie qui le faisait. On devrait la tester la prochaine fois Papa.
-On verra chérie.
-Tu as l’air d’aller mieux que tout à l’heure, me fit remarquer mon cousin. Tu as bien dormi ?
-C’était pas mal, j’avoue. Le siège est massant. C’est agréable d’être riche en fait.

Ma réflexion fit sourire une dame pas loin de moi.
-Vous parliez de quoi ?
-John voulait savoir comment ça se passe à la maison depuis que Maman est enceinte.
-Et alors ? demandai-je.
-C’est.. fatigant. Papa est fatigant. Tu es sûr que tu ne peux pas faire de détour pour aller les voir John ? Ça ferait super plaisir à Maman de t’avoir. Et Papa t’écoute.
-Ton père est à New-York pendant trois jours.
-Ah bon ? 

Duncan semblait déstabilisé.
-Encore une fois, la confiance règne.
-Il voulait te faire une surprise. Passer du temps seul avec toi. James peut être dur parfois, je peux l’admettre bien volontiers mais.. il t’aime comme ce n’est pas possible et il est extrêmement fier de toi. Il te pardonnera toujours tout ce que tu fais. Tu es son unique fils. Je sais que ça va paraître très rétrograde ce que je vais dire mais.. tu comptes différemment à ses yeux que les filles. Tu portes le nom des McAllister et tes enfants, les enfants de tes enfants porteront ce nom.
-Ouais c’est hyper rétrograde, acquiesçai-je. Comment tu peux sortir des trucs pareils ? Genre, je compte moins à tes yeux que Duncan parce qu’il va transmettre ton nom de famille ?
-Non, ce n’est pas ce que je veux dire.

-C’est ce que tu as dit.
-Non, je veux juste dire qu’une relation père-fils est différente d’une relation père-fille. La probabilité que les enfants de Duncan prennent le nom de leur mère uniquement est extrêmement faible, tu veux bien l’admettre Sarah.
-Mouais. 

-Et c’est vrai qu’à la naissance de Duncan, on s’est dit que c’était bon parce qu’un garçon transmettrait le nom de famille à la génération suivante. Je sais que c’est ridicule et que c’est sûrement un reste de patriarcat mais.. le fait est que la relation est différente et qu’on compte toujours plus sur les garçons que sur les filles. Après, j’ai toujours dit que tu valais tous les garçons du monde.
-Oui, je sais. Mais si tu crois que mes enfants ne porteront pas mon nom de famille, tu te plantes. Sauf si je me marie avec un prince. Mais sinon.. ce seront des McAllister. Mais je vois. Tu sais Duncan, James t’adore. Mais ça vous fera du bien de parler un peu loin de tout. 

Duncan hocha la tête, il n’était pas convaincu et je le laissai parler avec mon père. À l’aéroport, mon oncle nous attendait avec une pancarte où y’avait écrit : Maxi, Moyen, Mini McAllister. Il avait retrouvé sa couleur naturelle et je courus vers lui en abandonnant mes bagages aux autres.
-Salut Mini McAllister. Tu as grandi j’ai l’impression ? Nous ferais-tu une dernière poussée de croissance comme les plantes avant de mourir ?
-Heu.. j’espère pas mourir. Duncan est vénère parce que tu lui as pas dit que tu étais là.
James soupira.
-Vous allez devoir mettre les choses à plat tous les deux, hein ?
-Oui. 

Quand il vit Duncan, son visage s’illumina et il le prit directement dans ses bras.
-Tu as bronzé comme un dingue. Je ressemble à du yaourt nature à côté de toi, fils. Je vais devoir faire comme Sarah et aller me brûler dans les Hamptons.
-Pas quand j’y suis, tu vas me coller la honte en courant nu sur la plage.
-Et puis tu vas devoir nous perdre ce petit bidon. Syndrome de la couvade James ?
-Ta gueule, j’ai grave la honte, j’ai été obligé de me racheter des chemises. Mais ma femme trouve ça sexy. Et tant que ma femme me trouve sexy, moi ça me va. Par contre toi, faut que tu manges mec. Ou que tu boives. ou les deux. T’es cadavérique. T’es moche.
Les deux frères éclatèrent de rire et ils se prirent dans leurs bras. Je jetai un coup d’œil à Duncan. Il levait les yeux au ciel et sourit. Il pensait que ça allait être pire que ça.
-Papa ? Je vais devoir aller à Yale demain, tu viendrais avec moi ? demanda soudainement Duncan alors que nous étions en voiture.
-Oui bien sûr. En fait, il l’a pris comment ton mec ?
-Du fait que je le largue ? Heu.. bah, c’est pour ça que je veux que tu m’accompagnes, il va éviter de me faire une crise au moins si tu es là.

Je les trouvai très drôle l’un et l’autre et je rejetai ma tête en arrière dans la voiture. Je regardai la ville de New-York défiler devant mes yeux comme une enfant. J’étais à deux doigts d’ouvrir la fenêtre et de passer ma tête en dehors mais mon père m’aurait fait une remarque. Je n’avais pas envie de me prendre une pique de sa part alors que nous venions juste d’arriver. Mais quand je vis Duncan le faire, je me décidai à faire comme lui. Le vent s’engouffra dans mes cheveux. J’avais l’impression d’être une de ces filles dans les films. C’était ce que j’étais en fait. Pourquoi voulais-je toujours aller contre ma nature profonde ? J’aimais beaucoup faire des voyages spectaculaires, monter dans des voitures de luxe. J’adorai être riche. 

-Heu.. merci pour cette précision Sarah, rit mon oncle.

J’avais parlé à voix haute. Encore une fois.
-C’est vrai. J’adore ça. On peut faire ce qu’on veut, quand on le veut.

-L’argent ne fait pas tout Sarah. Avoir de l’argent et être seul.. quelle triste vie. En ce qui me concerne Sarah, si je pouvais donner tout l’argent que j’ai et avoir un père qui m’aime, je le ferai sans hésiter, ajouta mon oncle.
-James.. murmura mon père.
-Désolé, c’est toujours comme ça quand y’a un enfant en route. On pense toujours à la vie qu’on pourrait avoir, qu’on aurait pu avoir. Et c’est vrai que j’aurais préféré avoir un père qu’avoir des millions.
-C’est parce que tu considères que la famille est sanguine et que c’est pas celle qu’on se construit, déclara son fils. Tu ne considères pas les enfants de Mary comme tes neveux ?
-Bien sûr que si..
-Donc pourquoi tu pleures sur un gros connard qui t’a pourri la vie et taxé ton argent en plus ? Tu es un super père. Je sais ce que je dis, tu es le mien. C’est pas grâce à lui mais grâce à toi. Vraiment Papa.. ne te fais pas de bile sur cet homme qui a disparu de nos vies.

Je tournai les yeux pour ne pas laisser paraitre mon trouble. Disparu de nos vies vraiment ? Il trainait à Los Angeles en ce moment même.. Sauf que mon oncle me vit dans le rétroviseur et il me demanda ce que j’avais.
-Rien du tout.
-Tu mens aussi mal que ta grand-mère. Qu’est-ce que tu as ?
-Je suis fatiguée.
-Comment tu peux être fatiguée alors que tu as dormi dans l’avion ?! s’exclama mon cousin. Balance ce que tu sais. Papa, arrête-toi sur le bas côté.
-Non mais vous êtes relous, j’ai pas envie de vous en parler, c’est tout.
-Tu es contrariée, tu ferais mieux de le dire tout de suite, remarqua mon père.
-Non.
-Sarah.
-Ton père est à Los Angeles, d’accord ? Brian l’a vu au supermarché près de chez nous. 

Les deux frères se regardèrent et James s’arrêta sur une place libre avant de se tourner vers nous.
-Tu es sérieuse Sarah.
-Très sérieuse. Il a dit qu’il avait exactement mes yeux et Elijah lui a demandé de le décrire et il est certain à 90% que c’est lui. 

-Pourquoi tu ne m’as rien dit ?
-Pour que tu ailles lui coller ton poing dans la figure, c’est pas la peine Papa. Je ne voulais pas te chagriner.
-Tu ne comprends pas Sarah, rétorqua mon père. C’est un manipulateur. S’il est venu à Los Angeles, c’est nécessairement à raison. Il ne fait jamais rien au hasard.
-Et bien on a tous hérité de ça alors. Mais… la seule chose que je veux c’est que tu ne le croises pas, parce que cette histoire vous a fait beaucoup de mal et vous fait encore beaucoup de mal. Je crois que c’est aussi pour ça que vous comprenez aussi bien Brian. Mais je n’aime pas vous voir souffrir les gars.
-N’en parlons plus alors. Redémarre James. J’aimerai bien prendre une douche avant de voir Grand-Mère.

Je n’aurais pas dû le dire. Je voyais que leurs deux airs s’étaient assombris. Nous arrivâmes à l’hôtel et apparemment, c’était James qui avait réservé la suite puisqu’il y logeait déjà. J’avais une jolie chambre et j’ouvris ma valise pour prendre mes affaires de toilettes. Je mis mon maillot des Dodgers et un jean. Quand mon père me vit sortir de là, il leva les yeux au ciel mais il ne dit rien. Contrairement à mon oncle qui me fit remarquer que notre Grand-Mère allait mourir de honte. Je le rassurai sur ce point. Elle était increvable. Mais j’eus tout de même droit à ma petite réflexion quand nous allâmes à l’aéroport pour la chercher. Elle glissa son regard perçant sur moi. James et Duncan étaient restés à l’hôtel. 

-Tu aurais pu faire un effort. Nous allons dans un restaurant, pas chez McDonald ou Burger King.
-Grand-Mère.. tu connais les noms de fastfood ? Tu es tellement.; heu.. branché ?
-Ma chérie, je ne suis pas sûre que le terme de « branché » fasse partie du vocabulaire de ta génération. Tu m’aurais dit.. comment dit-on déjà ? Swag ? J’aurais compris.
Mon père éclata de rire devant mon air atterré.
-Grand-Mère, tu as l’oscar de la Grand-Mère 2.0.
-Parce que j’ai déjà été dans un Burger King et que j’ai un smartphone comme tout le monde ? Mon Dieu John, tu n’as jamais dit à ta fille que c’est moi qui t’ait emmené la première fois dans un fastfood ?
-Non, ce n’est jamais venu dans la conversation. Tu es resplendissante Grand-Mère Amélia.

Ma Grand-Mère avait pris un sac avec elle. Elle avait l’intention de dormir sur place.. Je comprenais mieux pourquoi James avait pris une suite aussi imposante. Nous arrivâmes dans le restaurant de l’hôtel
-Sarah.. J’ai appris que tes ennuis au lycée avaient pris fin.
-Oui Grand-Mère, répondis-je en lui prenant le bras. 

-Est-ce que tu as toujours envie de venir habiter avec moi désormais ?
Mon père fronça les sourcils alors que nous étions en voiture.
-Non Grand-Mère.
-Ne t’avais-je pas dit qu’il fallait relever la tête et affronter ses problèmes ?
-Tu es toujours de bons conseils. Tu devrais passer plus de temps du côté Ouest. Tu nous délaisses un peu je trouve. Et puis, moi je te connais mais comme nous allons avoir un nouveau membre dans la famille McAllister, tu devrais passer un peu de temps avec lui.
-Ah oui. Toutes mes félicitations mon petit John. Je suis très contente que les deux garçons de ta femme aient accepté.
-En fait, il n’y a que Thomas qui a accepté Grand-Mère. Brian craint de ramener son géniteur dans sa vie.
-Mais je pensais que son père était retourné en Afghanistan ? marmonna Grand-Mère.
-Quoi ? m’exclamai-je en avançant ma tête entre les deux sièges. Afghanistan ?
-Le père de Brian est militaire Sarah, m’apprit mon père. Et oui, je crois qu’il est toujours là-bas mais je crois qu’il veut se rapprocher de son fils et.. Sarah. Je ne veux pas que cette histoire sorte de cette voiture. Tu ne diras rien à Brian.
-Je sais garder un secret.
-Mais comment tu le sais que le père de Brian est là-bas ?
-Le Colonel a suivi sa carrière de près. Et il est la personne à prévenir en cas de problème. Alors oui, je crois qu’il est toujours au front mais Brian ne veut absolument pas qu’il rentre de nouveau dans sa vie. Il a peur de ce qui pourrait arriver.
-En même temps, tu lui as raconté la désastreuse relation que tu as avec ton père. Tu t’attendais à quoi ? Évidemment qu’il a peur.
-Je sais Sarah. Mais je lui ai évité des années de désillusions.
Je regardai ma grand-mère, elle était silencieuse.
-Pardonne-moi Grand-Mère, j’avais oublié que tu n’aimes pas quand on parle de lui.
-Mon fils est un imbécile mais heureusement, la chair de sa chair rattrape fortement son idiotie.
-Est-ce que tu as eu des nouvelles de lui récemment ? demandai-je.
Mon père me fusilla du regard et m’interdit de lui parler de mon père à Los Angeles.
-Étonnamment, oui, répondit doucement ma Grand-Mère en fixant mon père d’un air inquiet. Il m’a envoyé une lettre pour me dire qu’il était désolé pour toutes ces années perdues.
Mon père stoppa la voiture sur le bas côté de la route.
-Tu plaisantes ? Il a fait quoi ?
-Ne te mets pas en colère John.
-il se fout de nous Grand-Mère, j’espère que tu ne vas pas lui répondre.
-C’est mon fils, évidemment que je vais lui répondre.

Mon père se retint de dire ce qu’il pensait et tourna la tête vers l’extérieur. Il était furibond.
-Fais comme tu veux, mais ne le ramène ni dans ma vie, ni dans celle de mes enfants. Et je pense parler pour James en disant qu’il ne veut pas non plus qu’il revienne dans son existence. Je ne veux plus avoir affaire à cet.. homme qui a osé me dire que c’était bien fait que ma femme soit morte.
-Quoi ?
Ma Grand-Mère n’était pas au courant de cet épisode et il le remarqua immédiatement.
-Oublie ce que je viens de dire, nous devons aller à l’hôtel.
-John McAllister.
-Il m’a envoyé une lettre en me disant qu’il m’avait dit que le mariage ne m’apporterait que de la souffrance et du désarroi alors que ça faisait une semaine que ma femme était morte. Alors non, Grand-Mère, je ne veux plus jamais avoir affaire à cet homme. Je lui ai tendu des perches plusieurs fois, je ne recommencerai pas. Je crois avoir suffisamment souffert dans ma vie.
-Mais si vous..
-Non. Il m’a toujours fait comprendre que je n’étais pas assez bien pour lui et ensuite, il nous a abandonné James et moi. Il a abandonné toute sa famille. il t’a aussi abandonné Grand-Mère. Il vous a clairement fait comprendre à l’époque qu’il voulait l’argent de son héritage et ne plus avoir affaire à vous. C’est impardonnable.
-Mais c’est mon fils et je l’aimerai toujours. Comme j’aime sa sœur. Ton frère et toi hériterez de tout à ma mort. Alors laisse-moi au moins leur prodiguer de l’amour.
-Prodigue-leur autant d’amour que tu veux Grand-Mère.. Et même si tu as envie de te réconcilier avec lui, fais-le. Mais ne lui raconte rien de ma vie.
-Et si Sarah a envie de le connaitre un jour.
-J’ai inculqué à ma fille la loyauté. Tu sais, ce qui fait cruellement défaut à mon père. 

Je m’en voulais énormément de les avoir lancés sur le sujet. Mon père était furieux. Grand-Mère était triste et encore une fois, c’était à cause de moi.
-Arrêtez de vous disputer. C’est de ma faute, je n’aurais pas dû en parler. Je passe mon temps à faire des bourdes. Je ne veux pas que vous fassiez la tête, pas à cause de lui. Papa. S’il-te-plaît.
-Je.. tu as raison. Excuse-moi Grand-Mère. Tu fais bien comme tu en as envie du moment que ça te rende heureuse. Je n’y verrai pas d’inconvénient.
-Mon bonheur passe par le tien, mon chéri.

Mon père redémarra mais il était toujours tendu. Même en arrivant à l’hôtel. Mais il savait faire bonne figure. Sauf que ça ne prenait pas avec les membres de notre famille. Et James exigea des explications à la fin du repas. Mon père arrêta un serveur et commanda un verre de cognac.
-Notre père a envoyé une lettre à Grand-Mère pour s’excuser.
-Ah. Je présume que c’était trop difficile de s’excuser auprès de nous aussi. siffla mon oncle. Il doit probablement savoir qu’il n’obtiendra jamais notre pardon. Mais Grand-Mère..

Oncle James posa sa main sur celle de sa Grand-Mère assise juste à côté de lui.

-Je suis content pour toi. Ça faisait des lustres que tu n’avais pas eu de nouvelles de lui et si lui pardonner et renouer avec lui peut faire ton bonheur, tu as mon soutien inconditionnel. Je te demanderai seulement de ne pas mêler cet homme à ma vie de famille. Je n’ai nullement l’intention que mes enfants s’attachent à lui et qu’ils les déçoivent comme il m’a déçu.
-Moi je veux le rencontrer, sortit Duncan.
Mon père et le sien le regardèrent d’un air surpris.
-Oui, je veux voir l’homme qui vous a fait tant de mal. Je veux le juger et réussir à comprendre comment on peut abandonner une famille aussi cool que la notre.
-Je.. suis assez d’accord, dis-je. Tu sais que tu as ma loyauté, Papa. Je ne prendrai jamais son parti mais.. j’ai envie de me faire une opinion par moi-même, un jour..
Mon père avala cul sec son cognac. Il resta silencieux quelques secondes.
-Soit. Mais je t’interdis formellement de lui parler de moi et de tout ce qui peut me concerner. Et je ne veux pas non plus savoir ce qu’il fait de ses journées. Et je t’interdis également de lui faire la moindre promesse ou de lui donner ne serait-ce qu’un centime de dollars.
-Ne sois pas fâché contre moi.
-C’est contre lui que je suis fâché. Toi tu n’as rien fait de mal mon petit ange. Pas plus que toi Grand-Mère. Je comprends que tu.. que vous vouliez savoir de qui vous tenez vos gênes.
-Je veux juste te comprendre plus. C’est pas pour lui. Mais tu as mis des années à me parler de lui et.. je veux comprendre ta blessure.
Mon père m’embrassa sur la tempe. Du chagrin passa dans ses yeux et il finit par sourire.
-Vous savez quoi ? C’est la première fois qu’on est qu’entre McAllister-Johnson avec Grand-Mère. Pas de partie rapporté cette fois. On devrait fêter ça. Excusez-moi, pourriez-vous apporter une bouteille de champagne rosé ? 

Nous avions tous une flûte à la main.
-Je crois qu’on a plusieurs choses à fêter en fait. Déjà Duncan et Sarah qui ont tout déchiré à leurs examens. On a pas encore les résultats mais j’en suis certain. Ils ont réussi à survivre à cette année. Surtout Sarah. Je suis désolé de ne pas avoir été assez présent pour toi et n’avoir pas vu que tu étais en détresse. Je te promets de faire mieux.

-Tu n’as pas à t’excuser, tu as fait tout ce que j’attendais de toi.
-Ensuite, fit mon oncle, on doit bien fêter la venue de nouveaux McAllister dans la famille de notre côté et de ton côté John.
-Oui, alors, fille ou garçon ? demandai-je.
James regarda Duncan qui sourit et acquiesça.
-PETIT MEC. Et on a déjà choisi le prénom.
Il regarda notre Grand-Mère avec un amour débordant.
-Tu vas pouvoir te remettre à la broderie parce que dans quelques mois, un petit Aonghas McAllister va naître.
-Comme ton Grand-Père ?
-Oui. C’est une idée de Val et de Duncan.
-Ça me fait vraiment très plaisir. Merci mes petits chéris. Je suis certaine qu’il adorerait voir la famille s’agrandir de tous les côtés.
-Bon, on trinque ? finit par dire Duncan.
Je me mis à rire et je trempai seulement mes lèvres dedans avant de mettre ma flûte su côté de mon oncle.
-Heu.. Sarah, tu veux me saouler ?
-Non, mais Papa s’est fait un cognac avant. Je veux pas qu’il finisse sa nuit la tête dans les toilettes.
-Sarah, on ne parle pas de ces choses à table.
-Pardon Grand-Mère. Est-ce que tu as trouvé le penthouse que tu voulais ?
-J’hésite encore. J’ai l’impression d’avoir deux coups de cœur. Mais je ne vais pas acheter les deux. J’ai besoin de votre avis mes chéris.
-Je vais partir dans les Hamptons en fin de semaine mais avant.. je veux bien te donner mon avis. Elijah a choisi son appartement parce que je l’ai adoré. J’adore visiter les appartements.

-Nous le ferons alors. 

Elle était fatiguée et nous allâmes rapidement dans la suite avec elle. Sauf que je n’avais pas envie d’aller dormir ou de regarder la télévision. Je faisais de gros signes à Duncan pour qu’il propose qu’on sorte mais il était silencieux. Je lui donnai un gros coup de pied dans le tibia et il sursauta. Je lui montrai ma montre.
-Sarah et moi on va sortir. On va visiter un peu le quartier. On revient pas tard.
-Heu.. d’accord. Arrêtez-vous dans l’armurerie la plus proche et achetez une bombe lacrymo.

Ça c’était de la recommandation paternelle. Je souris et je devais avouer que cette virée New-yorkenne avec Duncan était un véritable plaisir. Nous n’allâmes pas très loin de notre hôtel et nous déambulâmes dans la Cinquième Avenue. Il y avait beaucoup de monde dans la rue. Je n’avais pas l’habitude de sortir aussi tard dans mon petit quartier résidentiel de Los Angeles. Mais là.. on pouvait sentir la vie. Cette artère principale de New York était juste.. impressionnante. Tout était éclairé et splendide. Nous marchâmes longtemps et Duncan m’acheta même un hot dog parce que « rien n’est meilleur qu’un hot dog de New-York ». Je le pris au mot et en effet.. c’était délicieux, régressif. J’aimais tellement passé du temps avec Duncan. Jamais plus je ne devais passer aussi peu de temps avec lui. Tout était magnifique.

Quand nous rentrâmes à l’hôtel, il était tard. Très tard mais j’étais heureuse. Cette balade nocturne, loin de tout m’avait fait réfléchir. Il fallait que j’en profite pendant les quelques jours sans Chuck et Marc pour réfléchir. J’avais de forts sentiments pour Marc. Je l’aimais. J’en étais certaine. Il me manquait dans la semaine et il n’y avait que lui qui comptait. Son avis comptait énormément. Et de l’autre côté, il y avait Chuck. Cet adorable être, si gentil et si prévenant, mais différemment de Marc. Ce gars était capable de me ramener des cadeaux d’un autre pays, comme ça, juste pour me faire plaisir. Et j’avais totalement déconné l’autre jour en sa présence à l’embrasser. Mais d’un autre côté, ne me sentais-je pas avec lui comme une groupie sur qui il aurait jeté son dévolu ? Je savais que pour lui, j’étais son amie. Mais nous avions couché ensemble et ça troublait la relation. J’avais l’impression que je me compliquais la vie. Pourquoi fallait-il qu’il soit aussi sexy ? J’avais l’impression qu’il était ma faiblesse. J’étais quelque peu indécise en réalité. J’adorai être en sa présence. J’étais sûre de m’amuser avec lui, de bien rire et de passer un bon moment. Nous avions passé tellement de temps à fangirler sur les AWC avec Sophie !! C’était un peu comme vivre dans un rêve quand il était là. Mais le rêve et la réalité sont deux choses différentes. C’était Marc ma réalité. Marc avec son sourire en coin, le goût de ses lèvres légèrement nicotiné et caféiné. Sa capacité à me faire sentir belle d’un seul regard et sa manière de m’aimer tout simplement. Marc qui me faisait tellement confiance qu’il avait pleuré devant moi quand il y avait eu l’accident de sa cousine. Certains garçons en auraient profité pour garder pour eux ce qu’ils avaient au fond du cœur, mais pas lui. 

Et sa famille était juste.. extraordinaire. C’était comme la mienne. Je n’oserai plus les regarder en face si je brisai tout pour un rêve. Un rêve qui n’habitait même pas dans mon État et qui passait le plus clair de son temps sur la route ou dans un avion. Ce n’était pas une vie. Je ne le verrai jamais.. Mais qu’est-ce qu’il me prenait ? Il n’était même pas question de sortir avec Chuck. J’avais envie de me claquer. J’étais amoureuse de Marc. Et merde. Mon introspection m’avait brouillée plus qu’autre chose. Nous avions une relation particulière Chuck et moi. Et puis.. ce n’est pas comme si il m’avait demandé de sortir avec lui. Si ça avait été le cas, la situation aurait été différente. Voilà que je me faisais des films, maintenant ! Pourquoi un gars connu qui pouvait avoir toutes les filles jetteraient son dévolu sur une moi, une Californienne mineure de surcroît ? C’était ridicule. J’avais pourtant vu son ex. Cette bombasse. C’était ça le genre de filles avec qui il aimait sortir. Les autres filles n’étaient que distraction. De toute façon, je l’avais vu dans des magazines s’afficher avec des filles au restaurant etc.. il avait sa vie en dehors de moi. Je souris. Pourquoi je me faisais de tels films ? Chuck et moi, il n’y avait rien que de l’amitié entre nous. Rien de plus.  Comment disait-on déjà ? Un Friends with Benefits ? Même si un jour je cassais avec Marc, il ne serait pas pour autant mon petit-ami. Mais qui savait de quoi était fait l’avenir ? Il y a deux ans, je n’aurais pas pensé avoir une relation particulière et intime avec un chanteur que j’adorai et que j’adulai. Et pourtant… j’avais une relation particulière avec tous les Atlas Wild Child. Que ce soit Keito, Owen, Clive ou Ray.. Ce dernier devait avoir raison. C’était mon meilleur ami au masculin. Quand j’étais petite, j’avais Paul. Aujourd’hui j’avais Ray. Qui d’autres qu’un ami pouvait faire une vidéo où il se balance de la peinture pour transformer ma honte en œuvre d’art ? Sophie l’avait fait. Ray l’avait fait. N’était-ce pas la preuve de notre attachement ? Il m’avait parlé de Maëva avant d’en faire part à ses amis proches.. Je pouvais autant lui parler de mes cours que de mes problèmes avec Brian. 

Brian.. Ça allait lui faire du bien de ne plus m’avoir dans les pattes pendant un petit moment. Quand je le reverrai, il serait avec Jay et le Brian du Texas que j’affectionnais particulièrement allait revenir. Et puis j’allais revoir mon cheval aussi. Est-ce que je pourrais le monter ? 

J’étais dans mon lit et j’appelai Brian.
-Huuuum ?
-Brian, tu dors ?
-Laisse-moi deviner.. hum.. il est 1h du mat et j’ai cours demain matin. À TON AVIS BANANE ??
-Ah oui. J’avais oublié. Excuse-moi. Je voulais juste savoir si tu pensais que je pourrais monter Sunset Heart au Texas. 

-Heu.. tu déconnes ? Tu m’appelles alors qu’il est quoi.. 4h chez toi pour me demander ça ? T’es totalement givrée.
-Désolée.
-En général, on ne monte pas un cheval avant quelques années. Et puis, il n’a pas été éduqué encore. Je ne pense pas que tu pourras te balader avec longtemps avant.. 4 ou 5 ans ?
-Wow, c’est long.

-C’est un animal. Il faut le respecter et l’habituer petit à petit. Tu devras passer du temps au Texas pour qu’il s’habitue à toi. Mais t’inquiète Grand-Père élève des cheveux de course, il le fait très bien. 

-Oh. Très bien. J’ai hâte d’être au Texas en fait. On va bien s’amuser tous les deux.
-Je crois aussi Sarah. C’est tout ce que tu voulais voir avec moi ?

-Oui. enfin, non. j’ai dit à mon père que son père était à Los Angeles et je crois qu’il est en colère maintenant, tu pourrais l’appeler pour voir s’il va bien ou s’il est fâché contre moi ?
-T’es sérieuse ?
-S’il-te-plaît ?

-Ouais, je le ferai. Maintenant raccroche.
-Une autre chose avant. Bonne nuit Brian. Prends soin de Sophie quand je serai pas là.

-Oui. Je le ferai. 

Il raccrocha et je me sentais mieux tout à coup. Il me rappela sur le coup.
-J’ai oublié, Sarah. Bonne nuit à toi aussi. Amuse-toi bien à New York et dans les Hamptons. En fait, je veux bien une carte postale. 

Et il raccrocha de nouveau. Je me mis à rire. Il était fou. 

Le lendemain, j’étais claquée mais après 8h du matin, j’arrivai plus à dormir. Ma Grand-Mère le vit tout de suite et m’en fit la remarque très gentiment.
-C’est le décalage horaire. J’ai un peu de mal. J’ai appelé Brian, il veut une carte postale. On fait quoi aujourd’hui ? Enfin, ce matin ? Parce qu’à 15h j’ai la remise des diplômes de Ray.
Ma Grand-Mère eut un petit sourire et me demanda si je voulais l’accompagner pour voir les appartements, le temps que mon père aille à sa conférence le matin, et que les autres McAllister - pas encore levé- partent à Yale ranger les affaires de Duncan.
-J’en serai ravie.

C’était la vérité. Passer un peu de temps avec une femme comme Amélia McAllister était très enrichissant. Et les appart qu’elle me montra étaient dignes de la femme qu’elle était. C’était des lieux absolument époustouflants et j’eus un coup de cœur, évidemment. À la 4è visite. Un splendide duplex Il donnait sur le dernier étage et depuis le salon, il y avait une vue profonde sur Central Park et une terrasse gigantesque. Un sentiment de bien être me prit face à l’immensité que j’avais devant les yeux. Je me tournai pour avoir une vue sur l’appartement.
-Sarah ?
-C’est celui-ci Grand-Mère. Déjà parce qu’il y a une chambre en bas et s’il t’arrivait quoi que ce soit pendant ton séjour à New-York, tu n’aurais pas de marches à monter et puis.. je crois que c’est celui-ci. J’ai l’impression d’être chez moi. 

Je me tournai de nouveau vers le majestueux Central Park.
-Oui. C’est exactement ce qu’il nous faut. J’imagine déjà Noël ici avec la neige recouvrant les arbres en face de nous, le sapin derrière. Oui. C’est parfait. Je n’ai pas besoin d’aller voir le reste en ce qui me concerne. 

Mais je le fis quand même et chaque pièce m’extasiait. Et quand je vis l’accès sur le toit avec un petit jardin, je poussai un petit cri admiratif.
-Je veux venir habiter ici plus tard. Je te jure. J’aime trop. 

Je fermai les yeux et j’entendis à peine les bruits de la circulation.
-Fais une offre.
-Très bien.
Je ne m’attendais pas à ce qu’elle réponde ça.
-Sarah, mon trésor. Tu es ma descendante et si tu te sens ici chez toi pourquoi devrais-je hésiter ?
-Mais les autres.. s’ils n’aiment pas ?
-Et bien tu en hériteras à ma mort.
-Ne parle pas de ta mort, je n’aime pas ça, Grand-Mère Amélia. Mais je pense que l’hiver, tu seras très bien ici, et tu pourras même aller te promener en bas de chez toi. Et tu as le Musée Guggenheim pas loin et la 5th Avenue ! C’est parfait.
-Je vais faire une offre. C’était ce que je voulais savoir. Tu es plus efficace que la génération juste au dessus de toi ! Maintenant, j’ai cru comprendre que vous alliez à un concert lundi soir John et toi. Allons te chercher une robe.
-J’ai déjà prévu une..
-Sarah. Quand on est invité à un concert de musique classique aussi renommé, on ne porte pas une robe que l’on a déjà mise.
-Oh. Je ne savais pas.
-Tu as encore beaucoup à apprendre. 

Ma grand-mère était intraitable avec moi. Elle n’hésitait pas à dire ce qu’elle pensait. Trop courte, trop moulante, trop vulgaire, tu as l’intention d’aller faire la poule de luxe ma chérie ? Je ne savais plus où me mettre face aux vendeuses. Ma Grand-Mère était intransigeante. Même sur l’étoffe. Voilà pourquoi, je n’aimais pas faire du shopping avec elle. Elle ne voulait pas du mignon mais de l’élégant. On pouvait très bien être bien habillée dans autre chose que de la soie, mais ma Grand-Mère ne le considérait pas. C’est sûrement pour ça qu’elle me traina chez Saks et que je sortis de là, vers 13h avec une robe de soirée qui coûtait affreusement chère pour une robe. D’accord je venais de dire à ma grand-mère de mettre des millions de dollars dans un appartement mais ce n’était pas pareil. Certains vêtements peu chers, étaient vraiment super pour avoir un super look. Mais je devais avouer que cette robe me donnait des airs de princesse que j’aurais difficilement eu avec une robe chinée ou trouvée chez Forever21 ou American Apparel que j’aimais particulièrement. Après, il est vrai que depuis que j’avais Mary avec moi, j’avais pris goût au shopping… surtout dans les locaux de Eighteen ! Nous déjeunâmes dans un petit restaurant où je mangeai le meilleur cheesecake de toute mon existence. Étonnamment, je pensais à Brian. Il l’aurait adoré.
-À qui penses-tu ?
-À Brian. Il adorerait cet endroit. Il est amateur de très bonne cuisine et il cuisine très bien.

-Hum. Ce sera un très bon parti plus tard. Quand il sera plus vieux. Les femmes vont se presser à sa porte.
-C’est déjà le cas. Il a beaucoup d’admiratrices.
-Et tu n’en fais pas partie, je présume.
Je secouai la tête. Elle était sérieuse ? Comment pouvait-elle penser que je faisais partie de cette bande de nouilles ?
-Brian est un garçon tout à fait charmant. Tu pourrais le trouver charmant sans pour autant admettre quelque chose d’inavouable. Les jeunes d’aujourd’hui vous interprétez beaucoup trop tout ce qui vous dites.
-Je.. je me méfie du sous-entendu que tu peux avoir dans ta question.. Mais sinon, oui, je pense pouvoir admettre que Brian est brillant et séduisant.
-Alors pourquoi sors-tu avec le fils de Benjamin McDust, alors que tu as un jeune homme séduisant à proximité de toi  ?
-Et après ce sont les jeunes d’aujourd’hui qui interprètent ? Voilà pourquoi je ne voulais pas répondre à ça grand-mère. Je ne vais pas sortir avec Brian parce que c’est.. Brian et puis en plus de ça, il me taperait sur le système à longueur de temps, et le jour où je ne pourrais plus le voir, on ferait comment à la maison ? On ferait divorcer nos parents ?
-Ma petite chérie, tu te compliques beaucoup trop la vie et je disais juste ça pour t’amuser.
-C’était pas drôle. Et je suis sûre que tu le penses vraiment avec ton petit air de Grand-Mère feuillage. Brian est comme mon frère. Ce serait incestueux.
-Le « comme » qui change toute la donne. Il ne deviendra pas un McAllister. Et j’aime bien cet enfant. Enfin.. à défaut de l’original. Trouve-toi un petit Brian à me ramener.
-Pourquoi tu ne veux pas de Marc ?
-Sarah McAllister McDust, ça ne va pas du tout en nom de famille. Il y a beaucoup trop de « Mc »
-Tu es sérieusement entrain de décréter que ma relation avec Marc ne va pas parce qu’il a pas le bon nom de famille ? Alors que penses-tu de Sarah McAllister Harper ?
-C’est déjà beaucoup mieux. Mais il ne me semble pas que tu sois bicurieuse comme ton cousin Duncan.
-On dit bisexuelle Grand-Mère Amélia.
-Je trouve ça beaucoup moins beau comme terme. Voilà pourquoi je ne l’emploie pas. Excusez-moi garçon, apportez-moi l’addition.

Elle lui laissa un joli pourboire et nous rentrâmes à l’hôtel. Grand-Mère avait rendez-vous avec une de ses copines et je devais me préparer pour la remise des diplômes de Ray. J’avais tellement hâte de lui faire la surprise. Il ne savait pas que je venais et je me demandais comment j’allais bien pouvoir faire pour ne pas qu’il me remarque avant. Cependant Clive avait tout prévu. Il m’appela et me dit de venir le rejoindre une vingtaine de minutes avant la cérémonie pas plus. Le temps du trajet, mon père me raconta sa conférence du matin avec des étoiles dans les yeux. Il aimait tellement son métier.
-Ton discours pour TED demain est terminé ?
-Oui bien sûr. Je ne stresse pas si tu veux tout savoir. Je suis un enseignant, j’ai l’habitude d’expliquer et de parler aux gens. Je suis honoré d’avoir été choisi. J’ai été aux toutes premières conférences dans les années 80, avec mon grand-père.
-J’ai hâte de te voir sur scène parler de ce que tu sais faire le mieux.. faire du bien aux gens.
-Ce que je sais faire le mieux ce sont les Tequila Sunrise ma chérie.
Notre chauffeur de taxi se mit à rire.
-Je vous assure monsieur. Je sais les faire les yeux fermés, continua mon père en souriant largement.
-C’est demain dans la matinée, c’est bien ça ? Tu me réveilles, hein ? J’ai vraiment vraiment envie d’y assister. J’adore les conférences TED. Je veux être la première à t’applaudir pendant que McAllisterisera l’assemblée. 

Mon père m’embrassa sur la tempe et nous arrivâmes devant l’établissement privé qui servait de lycée à Ray. Clive nous attendait à l’intérieur. Je le pris dans mes bras et il serra la main de mon père.
-Ça va bientôt commencer. Suivez-moi.
-Les autres garçons sont là.
-Heu non. Owen avait un contrat de publicité et Keito.. Il est parti à un concert de métal et il s’est bousillé la voix, en plus d’attraper un sale rhume.
Il avait réservé trois places dans le fond et nous nous assîmes. Voir tous ces futurs diplômés, c’était étrange. Ils étaient assis en rang d’oignons devant, avec des chapeaux bleus foncés. Il y eut un discours du major de promo. Ce n’était pas Ray. Il est arrivé 3è et il était dégoûté. Moi je trouve ça plutôt bien sachant qu’il est resté 6 mois en cours effectif. J’étais d’accord avec Clive. Quand ce fut son tour d’avoir son diplôme. Clive se leva, siffla et applaudit et je fis la même chose. Les gens se retournèrent vers nous et un grand sourire barra le visage de Ray. C’était très mignon comme cérémonie et j’ai particulièrement apprécié quand ils ont lancé leurs chapeaux en l’air comme le voulait la tradition. Je me tournai vers mon père alors que nous nous levions mais je le vis happer par une dame qu’il connaissait manifestement. Je tendis l’oreille et je compris que c’était une ancienne patiente. Ou un truc comme ça.
-Papa, je vais avec Clive.
-Oui oui..
Je suivis le garçon dans la foule qui marchait vers l’extérieur de la salle où un buffet avait été installé. Nous étions dans les premiers à sortir et nous attendîmes sur le côté. Des gens vinrent vers Clive pour lui faire signer des autographes. J’étais sûre qu’il avait accepté uniquement parce que c’était des filles ultra mignonnes. Quand Ray arriva à son tour, il me prit dans ses bras très fort.

-Je suis sûr que tu es derrière tout ça Slunder !
-J’avoue. Mais tu n’es pas content ?
-Rien n’aurait pu me faire plus plaisir. Tu viens aussi à mon bal de promo, hein ?
-Je t’arrête tout de suite McClunsky. C’est ma cavalière. Demande à une des filles de ton lycée de t’accompagner.
-Tu n’as personne pour aller avec toi au bal de promo ? Tu déconnes ? Ray ! Tu as pas géré. Demande à n’importe quelle fille sans cavalier ! Elle dira oui ! C’est genre ma hantise.. arriver au bal de promo sans cavalier. Laisse-tomber, la honte suprême.
-Hum. Tu as raison. Je reviens.

Il partit à 3 mètres de moi vers une fille à lunettes.
-Giselle, je sais que c’est un peu tard, mais est-ce que tu accepterais d’être ma cavalière pour le bal de promo de demain ?
La fille rougit et acquiesça doucement.
-Est-ce que tu peux me donner ton adresse pour que je vienne te chercher ? J’ai un doute.. tu as bien déménagé en cours d’année.. ?
La pauvre semblait sur le point de s’évanouir. Clive esquissa un sourire.
-C’est toujours comme ça avec Ray, il faut toujours lui rappeler de faire les choses. 

Mon ami revint vers nous et me prit la main.
-Viens je vais te présenter à mes parents. Tu les as vus Clive ?
-J’ai vu Maman McClunsky près de l’arbre, là-bas.

Ray lui sourit et il nous entraina vers un couple qui riait. 

-Maman ?
Une femme se retourna et je reconnu le regard de son fils. Elle était super belle et elle avait l’air gentille.
-J’aimerai te présenter Sarah..
-Oh, LA Sarah dont tu me parles souvent.
-Oui.
Elle me serra la main et elle me présenta son mari aussi. Ils avaient l’air très gentils. Un homme aux cheveux blancs et plus petit se retourna.
-Sarah, permets-moi de te présenter mon Grand-Père. Christian Dommel.
La réaction normale aurait été probablement de le saluer et de lui tendre la main. Mais je n’étais pas normale.
-Le Christian Dommel, le Dieu de la chirurgie cardiaque ?
-Heu.. ouais. C’est lui.. 

Son grand-père me sourit et là, je lui serrai la main avec véhémence.
-Mais pourquoi tu m’as pas dit que tu étais le petit-fils de Christian Dommel ?
Ray ne savait plus où se mettre.
-Comment je pouvais deviner que tu connaissais mon Grand-Père ! balbutia Ray. Tu me fais limite flipper Sarah.

Je lui fis un petit sourire.
-Heu.. je dois te rappeler le métier de mon père ? J’ai été bercée en écoutant vos travaux. C’est un honneur de vous rencontrer.
-Quel est votre nom jeune fille ?
-Je m’appelle Sarah..
-McAllister ! 

Il s’était exclamé et je me retournai : mon père arrivait vers nous.
-Dommel ?
Ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre. Ray et moi étions.. sur le cul très probablement. Mon père appela la mère de Ray par son prénom et serra la main du père de Ray.
-Je me disais bien que votre tête me disait quelque chose mon garçon, sourit largement mon père.
-Vous vous connaissez ? demandai-je ébaubie.
-Le Professeur Dommel est mon mentor, mon maître à penser et il m’a tout appris.
-Aaaaaaaaaah ! Je me disais bien qu’un McAllister chirurgien ça me disait quelque chose. J’ai entendu parler de vous comme le génie que j’ai eu le privilège de former.
Je me rappelai alors une petite phrase de Ray, quelques jours après notre rencontre alors que nous étions au cinéma pour voir le Seigneur des Anneaux. Un chirugien qui s’appelle McAllister ? Ça me dit quelque chose. Si j’avais creusé un peu plus à l’époque… je n’aurais pas été aussi surprise.
-Le monde est vraiment petit, s’exclama le mentor de mon père.
-C’est avec Ray que je vais dans les Hamptons la semaine prochaine Papa.
Je vis au regard de mon père qu’il était soulagé de connaître sa famille. Et visiblement, en entendant leur conversation, il se trouvait que mon père avait choisi cet hôpital pour le professeur Dommel mais ce dernier était parti à New-York après le mariage de sa fille, et mon père, alors en couple avec ma mère, avait préféré rester à Los Angeles.
-Tu sais ce que ça veut dire ça, Sarah ?
-Non ?
-Qu’on était fait pour se rencontrer tous les deux.
Je lui souris et l’embrassai sur la joue. Il avait raison. Lui et moi étions fait pour nous rencontrer. C’était certain. Mon père avait l’air vraiment ravi d’être là.
-Oh, attendez les enfants. Rapprochez-vous que je vous prenne en photo, fit le père de Ray.
Ray glissa son bras par dessus mes épaules, Clive fit la même chose avec Ray et il me pinça la joue. J’allais à tout jamais être sur une photo que Ray garderait toute sa vie, qu’il montrerait à ses enfants et à ses petits-enfants.. J’étais fière, j’étais heureuse et rien ni personne ne pourrait m’enlever ça. Un chaleureux rayon de soleil nous effleura et mon ami tourna les yeux vers moi. Nous avions notre place au soleil et je savais au fond de mon cœur que ce n’était qu’une étape dans notre relation. Alors que son doux regard me scrutait, je fis un pacte avec moi-même. Quoi qu’il pouvait se passer dans ma vie, je garderai toujours un contact avec cet être de lumière. Je lui fis signe que je voulais lui parler. Il se pencha vers moi.
-Je t’aime Ray.
-Moi aussi je t’aime.
Il m’embrassa sur la tempe et je sus à ce moment là que nous venions de passer un contrat tous les deux. Jamais plus nous nous laisserions tomber.. et j’en étais profondément heureuse.