La Pim attitude

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Brian leva les yeux de son bol de céréales et me regarda d'un air un peu vite. Je lui fis un sourire et il se passa une main dans les cheveux.

-Tu as l'intention de te péter l'autre poignet ou..

-Non, mais comme tu m'as promis que tu m'apprendrais à monter, j'ai bien l'intention de savoir le faire à la perfection avant de repartir.

-Persévérance à ce que je vois.

-Perfectionnisme, répondis-je en repoussant mes cheveux en arrière.

Nous étions tous les deux et nos parents ne tardèrent pas à arriver. Tom était avec son grand-père aux écuries.

-Je ne peux pas ce matin.

-Pourquoi ?

-Parce que John et moi, on a décidé d'aller se promener tous les deux. Maman ? Sarah voudrait monter, tu pourrais peut-être rester avec elle... ?

Mary paraissait enthousiaste. Elle montait à la perfection et elle resta à côté de moi pendant tout le chemin et non pas devant comme Brian. Elle m'emmena sur les routes jusqu'en ville. Il n'y avait pas beaucoup de voitures d'ailleurs.

-Pourquoi tu es partie d'ici Mary ? lui demandai-je alors que je voyais que nous étions bientôt arrivées à destination.

-Quand j'ai eu mon diplôme, j'ai demandé à mes parents si je pouvais aller étudier en Europe pour une année, afin d'améliorer mon français et comme j'avais de la famille outre-atlantique, ils ont accepté. J'ai été à la Sorbonne, pendant un an. Mais je dois t'avouer qu'aussi intéressante était ma vie là-bas, mon pays me manquait. Alors, je suis revenue et j'ai fait mes études à Brown parce que c'était là que j'avais envie d'aller. Ensuite.. j'ai rencontré Alessandro, j'ai été recrutée pour un job à San Francisco à la fin de mes études, deux semaines après mon diplôme, on a déménagé là-bas et quelques mois plus tard, Brian était là. Je n'avais aucune raison de revenir autrement que pour les vacances.

-Ton père m'a dit qu'il y avait toujours un Miller qui habitait ici..

-Tu sais.. nous ne sommes pas les seuls Miller, mon père a un frère qui a déménagé pour être plus près de ses enfants après son divorce. Et je ne connais pas l'avenir, peut-être que l'un de mes garçons sera ravi de venir habiter ici pour perpétuer la tradition des Miller à Crowell. Ou Martin et sa femme...

-Ou mon père et toi.

-J'imagine mal ton père vivre à la campagne. Il s'ennuierait. Et vivre ici à l'année.. c'est déprimant. Pour être parfaitement honnête avec toi... Quand j'étais au lycée, je n'avais qu'une envie, c'était de partir. Je voulais découvrir d'autres gens et..

-Mary !

-Littlebee ! Salut !

Un homme dégingandé avec des cheveux blonds paille s'avança vers nous. Il ressemblait à son fils. Je ne le connaissais pas mais je voyais que la vie avait été éprouvante pour lui. Là, il souriait de toutes ses dents et son visage s'illuminait. Il voulut aider Mary à descendre de son cheval mais elle le fixa d'un air goguenard.

-C'est pas parce que je vis en Californie que je ne sais plus descendre d'un cheval, cowboy. Par contre, si tu pouvais aider Sarah, ce serait bien, elle a une entorse au poignet et n'est pas habituée.

Il fit ce qu'elle lui demandait et je vis le même air un peu penaud que pour son fils, Jay.

-Junior était à la maison hier soir. Je me fais un peu de souci pour lui, tout va bien chez vous ?

-Ça se maintient, répondit l'ami de Mary. Mais toi, tu as l'air d'aller bien ! Le mariage te réussit, tu es rayonnante. Toujours bien la Californie ?

-Toujours. J'ai dit à ton fils hier que s'il avait envie de venir, ça ne me posait pas de souci et toi aussi d'ailleurs. Vous m'appelez et je paye vos billets.

-Je n'ai jamais aimé la charité Mary, tu le sais pertinemment.

-Où tu as vu que c'était de la charité cowboy ? C'est une invitation. Et puis.. tu as peut-être oublié ce que tu as fait pour moi mais moi je ne l'oublierai jamais. Alors, si un jour tu as envie de changer d'air ou de quoi que ce soit, tu m'appelles, Littlebee et je m'en occupe.

Ils se regardèrent avec affection. Comme s'ils étaient dans leur monde. L'homme hocha la tête et embrassa ma belle-mère sur la joue.

-Si tu restes encore un peu dans le coin, j'aimerai rencontrer ton mari, je n'en ai pas eu l'occasion, tu es partie rapidement après la messe de Noël et je n'ai pas osé venir te déranger.

-Toi me déranger ? Tu plaisantes ? Je crois que mes parents partent ce soir pour un dîner chez des amis à Wichita Falls. Tu n'as qu'à venir avec Jay. Martin est là aussi. Dis ouuuui !

Dis ouuui ? C'était donc de sa mère que Tom avait hérité cette petite moue ? Le pire c'est que ça ne m'étonnait même pas.

-J'ai jamais rien pu te refuser Mary.

-Ce soir 20h.

-Okay.

Il hocha un peu la tête et il s'en alla. Je devais fixer bizarrement Mary parce qu'elle rosit légèrement.

-Littlebee et moi on se connaît depuis qu'on a des couches, on est né exactement le même jour. À l'école, on nous appelait les faux jumeaux. Son père est parti avant sa naissance et il a été élevé par son beau-père et sa mère. Quand on était en dernière année de lycée, son beau-père a quitté sa mère et il a arrêté ses études pour s'occuper de sa petite sœur de 4 ans. C'est lui qui l'a élevée.

-Comment ça ? Et sa mère alors ?

-Elle est partie à Boston, d'où elle était originaire, pour se remettre de sa rupture. Elle n'est jamais revenue. Il nous a fallu des mois pour qu'on remarque que sa mère n'était plus là. Il a toujours été très discret et un jour, je ne l'ai pas vu au lycée, je pensais qu'il était malade mais je ne me suis pas inquiétée. On a été réveillé en pleine nuit par des coups à la porte. Il avait sa petite sœur dans les bras, il était paniqué parce qu'elle avait tellement de fièvre qu'elle avait du mal à respirer. C'est ce jour là qu'on a compris qu'ils étaient tous seuls tous les deux. Il est venu chez nous uniquement parce qu'il ne savait plus quoi faire et qu'il n'aurait pas eu les moyens d'appeler un médecin. Il n'avait plus rien si ce n'est sa petite sœur. Il a toujours été fier. Et ça a été très éprouvant pour lui de devoir demander de l'aide. Et ça.. il faut que tu saches que mon père a toujours apprécié les personnes qui estiment qu'il est de leur devoir de se débrouiller avant de se tourner vers les autres. Alors, on les a aidé, du mieux que nous le pouvions. Mon père l'a embauché pour venir l'aider aux écuries le week-end. À la fin du lycée, il n'est pas parti à la fac alors qu'il était brillant. Il a travaillé. Ma mère lui avait proposé de garder sa petite sœur pendant qu'il était à l'université mais il a refusé. C'est une personne très méritante et il est tombé amoureux et on a eu nos enfants la même année.. Mais sa femme était une Cigale quand il était une Fourmi. Elle a dilapidé leur argent, ne lui laissant que des dettes et elle est partie.. Comme ses parents.

-J'imagine qu'il a dû en être très affecté et sa sœur ?

-Elle a 26 ans aujourd'hui. Il a tout fait pour qu'elle aille à l'université, pour la pousser pour qu'elle s'en sorte. Elle travaille à Dallas, maintenant, je crois.

-Mais.. je croyais qu'il avait toujours des rapports avec sa mère ? C'est ce que j'ai cru comprendre hier, par Brian.

-Elle est revenue dans leur vie au moment de la naissance de Junior et il a accepté qu'elle revienne surtout. Il ne voulait pas avoir de regret. Et maintenant.. ils sont tous seuls.

-Tu sais.. je ne sais pas si je devrai te le dire, mais Jay pense qu'il n'a aucun avenir. C'est pour ça que Brian et lui se sont pris la tête hier. J'ai trouvé ça assez triste en fait. Ils n'ont pas eu une vie facile. J'ai l'impression d'être idiote parfois, à toujours me plaindre alors que des gens ont vraiment des vies difficiles. Ma mère est morte, okay, mais on a jamais eu de problèmes d'argent. Je ne sais même pas ce que cela veut dire.

-Tu as une grande chance.

-Ça t'est déjà arrivé à toi ? De ne pas savoir comment tu allais finir ton mois ?

-Oui. Parce que je suis très fière moi aussi et.. j'ai eu de la chance d'avoir un loyer parce que mes parents m'ont acheté un petit truc quand j'étais jeune. Mais il y a tout un moment où j'ai galéré pour avoir un boulot parce que j'avais quitté le mien et j'avais mes deux enfants avec moi et franchement.. oui. Mais.. pas au point de Littlebee.

Nous étions arrivées dans le café de la veille et comme Mary connaissait tout le monde, elle dut serrer la main à un grand nombre de personnes avant de pouvoir s'asseoir. C'était cette fille là, Sky, qui nous servit. Elle avait un air beaucoup moins aguicheur qu'avec Brian.

-Bonjour Mme Miller.

-Bonjour Sky !

-Il paraît que vous vous êtes mariée, toutes mes félicitations.

-Merci, c'est gentil.

-Qu'est-ce que vous prendrez ?

-Je vais prendre un café.. qu'est-ce que tu veux ma chérie ?

-Je vais prendre la même chose.

-Deux cafés alors. Je vous apporte ça tout de suite.

Mary attendit que la jeune femme soit loin pour se pencher vers moi.

-Je suis vraiment très contente de voir que tu t'es rapprochée de Brian pendant ces quelques jours. Je crois que ça lui fait du bien d'avoir quelqu'un de son âge avec lui pour une fois. Tu vois ? Si tu savais à quel point j'aimerais que mon fils trouve une fille bien comme toi.

-Il sort avec Alexandra..

-Je ne l'aime pas. Je ne vais pas lui dire parce que ça le vexerait mais.. je ne dis pas qu'elle n'est pas bien élevée. Je pense qu'à bien des égards, c'est une fille bien. Mais je n'aime pas du tout la façon dont elle te traite, dont elle vous traite Sophie et toi sous prétexte qu'elle est populaire. J'étais populaire et je ne me suis jamais comportée de cette manière. Je suis persuadée que ton père ne s'est jamais comporté comme ça, pas plus que ta mère. Ce genre de comportement m'horripile et je dois t'avouer que je serai mieux de savoir Brian avec une autre fille. Une fille capable de le tempérer.

-Alexandra est persuadée que tu l'adores.

-Je suis bien élevée et je suis polie, mon fils semble amoureux d'elle alors.. je ne vais pas être désagréable. Sinon, tout va bien avec Marc ?

Je repensai à notre petite "séance" téléphonique et je rougis. Mary se mit à rire alors que la serveuse nous apportait nos commandes.

-Oui, je crois.. on ne s'est pas beaucoup vu mais j'ai beaucoup d'affection pour lui. Je crois que je l'aime. Est-ce que..

-Je n'ai rien dit à ton père, j'ai bien compris que tu ne voulais pas. Comme je l'ai appris par une indiscrétion de mon fils.. je ne voulais pas abuser. Mais tu devrais peut-être le faire de toi-même. Je ne crois pas qu'il soit..

-Mon père désapprouverait.

Mary leva un sourcil.

-Il m'a dit de ne pas tomber amoureuse d'un gars comme lui et typiquement Marc est comme lui.

-Qu'est-ce qu'il veut dire par là ?

-Il pense que je suis d'une part, trop jeune pour m'embarquer dans une relation amoureuse et il ne veux pas que je tombe amoureuse d'un..

-Serial Lover.

-Oui. Et Marc, il est tellement...beau. Il pourrait sortir avec n'importe qui. Je crois que ça le met out pour mon père.

-Il peut sortir avec n'importe qui mais c'est à toi qu'il a demandé, tu sais pourquoi ? Parce que n'importe quelle personne qui te côtoie sait que tu es une magnifique personne et pas seulement physiquement. Il serait peut-être temps que tu apprennes à t'aimer.

Brian m'avait dit exactement la même chose. En avait-il parlé à sa mère ? En tout cas, j'y pensais encore lors du déjeuner. Ils avaient peut-être raison. Brian prononça mon nom et je relevai la tête.

-Pardon ? Tu peux répéter, je ne t'écoutais pas.

-J'étais entrain de négocier pour avoir la dépendance ce soir pour inviter quelques amis.

-Et c'est quoi exactement le rapport avec moi ?

-Je voulais juste savoir si tu voulais rester avec nous. Ils sont sympas. Ils t'accepteraient facilement.

-Oui pourquoi pas.. tu vas inviter Pim ?

-Oui probablement, elle m'a appelé ce matin donc..

Je souris légèrement et j'hochai la tête. Je n'avais pas spécialement envie d'aller avec les amis de Brian mais mon père m'encourageait sur regard. Une fois seule dans ma chambre, j'appelai Ray. J'avais rêvé de lui la nuit précédente. Je tombai sur sa messagerie.

Salut Ray, c'est Sarah. Si je t'appelle c'est pour avoir de tes nouvelles et aussi parce que je voulais te raconter mon rêve. J'étais dans la suite dans laquelle on s'est rencontré et j'étais sur le rebord de la terrasse, celle où tu as chanté et je suis tombée dans le vide. C'était presque un trou noir et j'ai atterri dans la neige, la tête la première. On m'a retournée et c'était toi. Tu m'as aidé à me relever et.. tu connais le film d'animation Anastasia ? Tu vois le moment où elle est dans l'ancien palais du Tsar Nicolaï et que certains souvenirs lui reviennent tout à coup ? Et bien, tu m'as relevée et tu portais un smoking et moi une robe un peu comme la sienne et on a dansé tous les deux. Ensuite, je me suis réveillée. C'était bizarre, mais je me suis réveillée avec le sourire.. alors, je voulais juste partager ce moment avec toi ! Voilà ! Je t'embrasse !

J'avais un mail de Chuck. C'était un message groupé avec les membres du groupe et d'après ce que je pouvais voir, (il y avait quelques Stington dans l'envoi) certains membres de sa famille. Il était en photo avec JK Rowling...avec LA JK Rowling. Je restai bouche bée. Je redescendis les escaliers..

-Tom ? Ça te dit de gagner 20$ ?

Le petit garçon était installé dans les bras de mon père et il lisait Harry Potter. Il releva les yeux, me regarda, il regarda son Harry Potter par la suite. Il était vraiment entrain d'hésiter.

-50$ ? C'est mon dernier prix.

-J'arrive.

Il fit un petit sourire dans la direction de son oncle et il se leva en s'étirant. Il posa doucement son livre sur la table.

-Je l'aurai fait gratuitement, dit-il en me suivant.

Il passa devant moi. Je lui demandai de me prendre en photo devant le gigantesque cousin de Mister Freeze que Tom, son oncle et mon père avait fait quelques jours plus tôt.

-Merci Tom.

-C'était tout ? Tu peux garder ton argent alors.

-Tout travail mérite salaire.

-Mais je suis un enfant, j'ai pas le droit de travailler.

-Alors dis-toi que c'est un cadeau de sœur à petit frère.

Tom sourit de toutes ses dents.

-D'accord. Mais, reprit-il d'un ton sérieux, tu glisseras l'argent dans une enveloppe sous ma chambre.. ma porte de chambre.

L'argent dans une enveloppe ? Sous la porte de sa chambre ? Il se prenait pour James Bond ? Il retourna dans les bras de mon père et reprit son livre.

-Sarah ? Est-ce que tu peux aller me faire un chocolat chaud s'il-te-plaît ?

-Hum.. oui, est-ce que ça intéresse quelqu'un d'autre ?

Ils levèrent tous la main sauf le Colonel. Je me rendis en cuisine où Mme Miller cuisinait en compagnie de Brian.

-Je suis de corvée chocolat chaud.

-Tu peux prendre la chocolatière si tu préfères, Brian, mon petit ange, tu peux lui sortir ?

-Oh non merci, je ne sais pas l'utiliser et j'ai une méthode particulière pour le faire. Est-ce que vous en voudrez aussi une tasse ?

Ils déclinèrent et ils continuèrent leur conversation pendant que je préparais une ganache pour chocolat chaud.

-Mais qu'est-ce que tu fais ? me demanda Brian en me voyant sortir de la crème liquide et une gousse de vanille.

-Tu verras.

Je fis infuser la gousse de vanille dans la crème liquide. Dès que l'ébullition commença, je mis mes morceaux de chocolats noir pâtissier et un peu de sucre. Je mis une pincée de cannelle, une pincée de muscade. Je pris une autre casserole où je fis chauffer du lait. Pendant ce temps, je pris 6 tasses et je mis mis un peu de ganache au chocolat dans le fond des tasses et je complétais avec du lait. J'en déposai une tasse devant Brian et j'apportai mon plateau dans le salon.

-Il est pas comme d'habitude.

-Tu m'as déjà vu faire du chocolat chaud ?

-Non.

-C'est comme ça que ma mère me faisait mon chocolat chaud. Je t'ai fait grâce des chamallows et de la chantilly par dessus.

-Il est pas dégueu ! lança Brian depuis la cuisine.

J'y retournai et il me demanda ce que je comptais faire avec le reste de ma casserole.

-Je le laisse infuser et si vous n'en voulez pas d'autre, on peut le mettre dans des bacs à glaçons au freezer et en refaire plus tard.

Mon téléphone vibra. C'était ma Grand-Mère Evans. La dernière fois que je l'avais vu, elle avait insulté Elijah. Je décrochai tout en me servant une tasse de chocolat.

-Salut Grand-Mère.

-Bonjour Sarah.

-Tu vas bien ?

-Oui, je vais bien. Et toi ?

-Ça va. Que puis-je faire pour toi ?

-N'ai-je pas le droit d'appeler ma petite-fille ?

-Si si, mais tu ne m'appelles jamais, j'ai pensé que tu avais un problème quelconque. Oh en fait, merci pour le chèque. C'était très généreux de ta part. J'aurai dû t'appeler plus tôt, excuse-moi.

-Ce n'est rien. Je suppose que tu as eu beaucoup à faire dans la famille de ta belle-mère.

-Oui, c'est vrai. Et puis.. je ne voulais pas te déranger, comment va ton mari ? Papa m'a dit qu'il s'est fait opérer de la hanche..

-Son opération aura lieu dans deux semaines.

-Ah. J'avais mal compris. Tu as pu voir un peu Éric et.El.. Giulia ?

-Oui un peu, est-ce que tu pourrais me passer ton père ?

-Je vais voir si je le trouve, tu patientes une petite minute ?

Je mis mon téléphone sur attente et j'allai dans le salon.

-Papa, grand-mère veut te parler ?

-Laquelle ?

-Theresa.

-Ah.

-Tu veux lui parler ou je ne t'ai pas trouvé ?

-Je reviens dans cinq minutes Thomas.

Mon père se leva, prit mon téléphone en grimaçant et il s'éloigna.

-Theresa, quel plaisir de vous entendre !

Mary leva un sourcil. Elle était emmitouflée dans un pull de mon père. Cela me fit sourire. Et Brian qui me disait que j'étais anormale de piquer dans son dressing !

-C'est celle que j'ai..

-Oui.

Mary rougit et se cacha avec sa tasse. Elle était mignonne. Elle ne se rendait pas compte à quel point j'avais aimé qu'elle défende mon oncle à Thanksgiving. Mon père revint avec un air excédé sur le visage quelques minutes plus tard, il me lança mon téléphone.

-Elle m'a présenté des excuses.

-Theresa ? Présenter des excuses ? hoquetai-je avant d'émettre un petit rire.

-Mauvaise langue.

Cela ne l'empêcha pas d'éclater de rire avec moi.

-Et elle voulait quoi d'autres ? Je la vois m'appeler uniquement pour te présenter des excuses.

-Elle voulait le nom d'un bon ortho pour le Nouveau.

Le Nouveau était le nom qu'on donnait au nouveau mari de ma grand-mère Theresa.

-Je savais qu'elle voulait quelque chose et..

Mon téléphone sonna de nouveau.

-C'est ta mère. Elle se sont donnés le mot, c'est pas possible.

Je décrochai et je souris. Mon père m'avait toujours dit que ça se sentait quelqu'un qui souriait au téléphone.

-Salut Grand-Mère, ça va ?

-Oui oui, et toi ma chérie ?

-Super.

-Ton père est par là ?

-Papa ?

-Sarah, fit mon père à voix basse, si tu me passes ma mère, je te déshérite.

-Non, il vient de sortir, ajoutai-je en faisant un clin d'œil à Papa et en allant dans le couloir

-Oh.. Ce n'est pas bien grave, tu lui diras de me rappeler alors. Nous serons tous à Aspen la semaine prochaine, j'ai cru comprendre que Brian et toi veniez et j'ai convaincu James de faire le déplacement.

-C'est une bonne idée, je suis certaine que ça va faire plaisir à Valentina de revenir un peu de notre côté du pays. Duncan sera par là, lui aussi ?

-Non, il va avec des amis à Montréal. Tu m'as l'air d'avoir une petite voix, tu ne serais pas entrain de couver quelque chose ?

-Non, pas que je sache, je vais très bien.

-En fait, je t'appelais pour te dire que j'avais croisé un chanteur à la mode à Philadelphie l'autre jour.

-Tu as trouvé un Toy Boy ?

-Arrête de dire n'importe quoi Sarah. C'est un chanteur de ton âge et la dernière fois que je suis venue tu chantais une de ses chansons.. tu sais.. y'a quelque chose comme Sunshine dans le titre.

-Sunshine in Wonderland ?

-Oui, c'est ça, c'était un Clive je ne sais pas quoi.

-Clive Slunder ? ajoutai-je un peu excitée.

-Oui voilà. Il y avait une petite foule à côté de lui et je lui ai demandé un autographe pour toi ma petite chérie. J'ai trouvé ça très gentil de sa part quand il l'a fait. Nous avons même fait une photo ensemble pour toi.

-Tu as bravé une foule d'adolescentes boutonneuses avec des hormones en folie pour me faire signer un autographe ?

Je ne pensais pas que ma grand-mère ferait un truc comme ça pour moi. Elle remonta dans mon estime tout à coup. Et puis.. elle avait fait une photo avec Clive. Il fallait absolument que je vois ça.

-Tu es l'aînée de mes petites filles et j'ai été entrainée par tes cousines.

-T'es géniale Mère-Grand. C'est moi où j'entends l'une des jumelles derrière ? Tu peux me les passer ? Salut les filles !! À qui ai-je l'honneur de parler ?

Abigail et Rebecca avaient l'âge de Giulia. Elles étaient toutes mignonnes. Valentina avait toujours dit qu'elles me ressemblaient. Moi, je les trouvais beaucoup plus jolies que moi. Elles me racontèrent leur Noël en long, en large et en travers jusqu'à ce que ma grand-mère ne reprenne le téléphone en me disant qu'elle avait hâte de me voir la semaine prochaine. Je retournai dans le salon avec un petit sourire sur les lèvres. Tout le monde était dans le salon. Brian était assis avec un livre tout près de sa mère. Tom était toujours blotti contre mon père.

-Abby et Becky te disent bonjour et Mère-Grand veut que tu la rappelles quand tu auras une minute.

-Comment vont les jumelles ?

-Ça va, ça va. Abby m'a dit que son ours en peluche avait un chagrin d'amour et qu'il avait le cœur brisé parce que la poupée de Becky a décidé de se marier avec le nouveau poupon qu'elle a eu à Noël. Et comme tu "répares" les cœurs, elle voulait savoir si tu pouvais quelque chose pour lui. Pour qu'elle puisse lui trouver, je cite "l'amour de sa vie quand il ira mieux".

Natalia trouva cela super. Le Colonel et son épouse ne tardèrent pas à partir pour Wichita Falls où ils étaient attendus pour dîner. Brian embarqua des paquets de chips et des gâteaux dans la dépendance.

-Maman, est-ce que tu sais s'il y a des oreillers surnuméraires dans la dépendance ? Il est probable qu'on s'affale tous comme des.. enfin.. on en aura besoin.

-Il y en a dans la chambre du fond, dans le coffre.

Il sortit dehors et je lui courus après. J'étais pieds nus sur le perron et il se retourna.

-Tu as besoin d'aide... je

-Non merci. Tu peux faire ce que tu fais d'habitude. Et ne reste pas comme une idiote avec les pieds dans la neige, tu vas attraper froid. Rentre.

Il s'enfonça dans le jardin et je retournai dans la maison. J'avais l'impression d'être un peu plus.. molle que d'habitude. Il venait de dire que j'étais idiote et je ne ressentais rien. Je montai dans ma chambre. Je regardai mon téléphone et le saisis. J'envoyai ma photo avec le bonhomme de neige à tous les membres du groupe en réponse à celui de Chuck. Il se prenait en photo avec JK Rowling ? Moi je me prenais avec un bonhomme de neige fait maison. J'entendais déjà le rire cristallin de Ray. J'avais fini le livre que j'avais emprunté à la bibliothèque et je m'y rendis. La porte était entrouverte, je la poussai et la refermai aussitôt, rouge. Je ne m'attendais pas à voir Martin et sa femme en pleine action contre l'une des étagères. Je me précipitai dans ma chambre. Je m'assis par terre de l'autre côté du lit.

-Sarah ? Est-ce que.. Qu'est-ce qui se passe ?

Mary était juste à côté de moi et elle était surprise de me voir comme ça.

-Je.. rien.

-Sarah. Tu peux tout me dire.

-Je viens de surprendre ton frère et sa femme entrain de s'envoyer en l'air dans la bibliothèque. Je suis traumatisée. Et je ne sais pas quoi me mettre pour ce soir. Brian pense que ma garde-robe fait snob.

-Parce que son dressing n'est pas snob par hasard ? Ce genre de réflexion m'agace. Ma chérie, tu n'es pas comme les gens d'ici et je ne vois pas pourquoi tu devrais paraître comme eux parce que Brian te le demande.

-C'est juste que.. maintenant que tu m'as dit que Jay et sa famille étaient fauchés.. ce n'est pas que j'ai des habits qui coûtent ultra cher mais.. je voudrais pas paraître pour une fille snob alors que je ne le suis pas.

-Sarah. Je n'ai jamais vu quelqu'un de ton âge être snob en portant un jean et un vieux sweat de la fac de ses parents. Sois toi-même et c'est tout ce qui compte.

-Mais Brian..

-Brian est constamment lui-même. Il l'est même un peu trop parfois mais... tu veux un conseil ? Envoie-le bouler une bonne fois pour toute, il sera beaucoup plus gentil après.

-Je ne crois pas que ça marche comme ça.

-Je n'hésite pas à lui voler dans les plumes.

-Tu es sa mère. Il n'y aura jamais de représailles de sa part te concernant.

-Maman ?

Je me redressai et je vis Tom dans l'embrasure de la porte.

-Est-ce que je peux aller aux écuries pour dire bonjour aux chevaux ?

-Oui, tu peux mais tu vas prévenir Brian que tu es dans les écuries. Il y a autres choses  ?

-John avait besoin d'un truc, il voulait que tu le rejoignes tout de suite.

-Oh. Je te suis.

Tom fila et sa mère allait le suivre quand je la retins.

-Mary ? Je sais que Tom adorerait mais ne vous sentez pas obligé de nous faire un petit McAliister dans quelques mois.

-Je ne crois pas que ton père soit un adepte des pauses coquines ma chérie.

-Mon père est médecin. J'ai probablement été conçu pendant une pause coquine à l'hôpital alors.. je m'occupe de Tom quand il reviendra. Mais pas de bébé dans 9 mois.

-Je n'en ai pas l'intention ma chérie.

Elle me laissa et je mis de la musique à fond. Je retirai mon jean et mon pull. Je fis ce que je voulais faire à mon arrivée. Je sautai sur mon lit en culotte et en T-shirt tout en écoutant le dernier album des Atlas Wild Child. Quand l'album était sorti, Sophie et moi l'avions acheté et nous avions dansé comme ça sur mon lit. Je détachai mes cheveux et je chantai. Les garçons me manquaient. J'avais envie de les voir.. en vrai. J'avais envie de faire du piano avec Chuck et de chanter avec Ray. J'avais envie de rire aux éclats avec Owen et Keito. J'avais envie de me balancer sur un canapé avec Clive et de regarder l'intégrale de Lie to Me. Ils me manquaient et j'espérais qu'on pourrait se revoir avant juillet, date où on irait au concert de Howard Shore. Je retirai mon soutien-gorge et le lançai à travers la pièce.

-Tu as une conception étrange du strip-tease. Tu es censé enlever ton soutif en avant dernier.

Je tombai du lit de surprise et je m'écrasai au sol, sur le dos.Je vis Brian au dessus de moi.

-Tu peux arrêter d'arriver sans frapper sérieusement ?

Je me relevai et quand je fus enfin debout, je vis un air narquois sur son visage.

-J'ai frappé, tu n'as pas entendu c'est tout. Et puis, tu aurais pu fermer ta porte. Imagine que je sois entré alors que tu étais entrain de te masturber ! Le trauma.. oh. C'est ce que tu avais l'intention de faire vu la rougeur de tes joues. Je serai curieux de voir ça.. enfin je veux dire, pas de te voir toi. Dans le sens de..

-Tais-toi. Qu'est-ce que tu fous là ?

-Je voulais savoir si tu voulais m'accompagner en ville. Mais je te laisse tranquille. Entre aller faire des courses et se toucher, y'a pas une seule minute d'hésitation.

-J'étais pas entrain de me toucher comme tu dis, j'étais entrain de danser sur le lit et j'avais juste envie de me sentir.. libre.

Il avait toujours mon soutien-gorge à la main et il le jeta sur le lit. Il se rendit dans le couloir.

-Tu peux surveiller Tom le temps que j'y aille ? Je crois que les parents sont entrain de s'envoyer en l'air quelque part. Quant à Natalia et oncle Martin... ils sont entrain de se la donner dans la bibliothèque. Oh en fait...Ta petite culotte est celle assortie à la brassière dégueulasse, non ?

-Dégage, crétin.

Il éclata de rire. Idiot. Je me rendis dans la chambre de Tom. Il était installé dans un fauteuil avec Harry Potter et la Coupe de Feu en main.

-Chaton, on est que tous les deux, alors si tu as un problème, tu viens me voir.

-Hum hum.

Il en avait absolument rien à faire, trop plongé dans la lecture des aventures du sorcier. Je refermai sa porte doucement et je descendis dans la cuisine. De toute façon, ils étaient tous occupés ? Quelle était la probabilité pour que quelqu'un débarque alors que j'étais en slip ? Je pris mon iPod avec moi et je me fis un chocolat chaud en me déhanchant. 'Cause if you liked it then you should have put a ring on it. Je me retournai et je vis l'oncle de Brian. Je devins rouge brique et je tirai un maximum sur mon T-shirt. Pourquoi étais-je descendue comme ça ? Il sourit.

-Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise, je suis désolé. Je pars tout de suite. En fait Sarah ? Quand j'étais plus jeune, je suis sorti avec pas mal de filles et de jeunes femmes et je voulais te dire.. Tu n'as rien à envier aux autres. Tu ne crois pas forcément ton père ou ma sœur quand ils te le disent parce que tu crois que c'est presque une obligation, mais c'est la vérité. Ma femme est mannequin, elle est loin d'être moche alors.. je sais ce que je dis. Tu es une belle fille.

Il prit la bouteille de jus de pommes pétillant du réfrigérateur et il me fit un clin d'œil.

-Oh et.. ne va pas dans la bibliothèque. Si tu as besoin d'un livre..

-J'ai mon ordinateur. Pas de souci. Amusez-vous bien.

Je retournai à ma chambre avec une impression étrange. Je mis un épisode de Private Practice et je levai les yeux. Je me redressai et je me regardai dans le miroir en face de moi. Je m'en approchai tellement près que de la buée aurait pu se former. Qu'avait-dit Brian déjà ? Je me mis à rire. Depuis quand j'écoutais les conseils de Brian qui passait son temps à me rabaisser ? Une petite voix dans mon crâne me rappela qu'il ne l'avait pas fait depuis qu'il était au Texas. Un jour, tu devrais te regarder dans un miroir et au lieu de lister ce qui ne va pas selon toi pour être dans la catégorie belle, regarde ce qui te plaît et réfléchis à un moyen de le mettre en valeur pour cacher ce qui ne te plaît pas. J'attachai ma touffe de cheveux bruns en une queue de cheval. Je ne m'étais jamais observée comme ça. J'avais un visage entre l'ovale et le losange. Mon front était moyen.. Bon jusque là, ça allait. Je tirai sur la peau de mes joues. Mes pommettes étaient hautes. Je me souvins d'un jour où Alexandra m'avait dit que je ressemblais à un frère Bogdanoff. Je grimaçai. Elle avait raison. Elles étaient énormes. Beaucoup trop, on ne voyait qu'elles. Mes lèvres étaient pulpeuses mais ma bouche ? Elle était grande, ridicule, comme celle d'un clown. Je me regardai en 3/4 face. Mon nez était... je ne trouvais pas d'adjectif pour le décrire. Il était concave ? Je trouvais qu'il était un peu retroussé dans le bout. J'aimais bien mon nez.. Et j'aimais bien mes yeux. Ils étaient en amande, assez grand. Mon père me disait toujours que j'avais le même nez  et les mêmes yeux que ma mère. J'aimais surtout leur couleur verte foncée avec une pointe de dorée. Tous les McAllister avaient les mêmes. Mais malheureusement, ils étaient cachés par mes énormes sourcils. Il faudrait que je les épile d'ailleurs. J'étais médiocre. Voilà ce que je voyais dans le miroir. J'étais laide et j'aurais mieux fait de ne pas m'examiner comme ça. Je reculai d'un pas comme pour me soustraire à une vision d'horreur. Je retirai mon haut. Mes seins étaient petits, mais ça je le savais déjà J'enviais depuis longtemps le 95C de Sophie. Mes hanches étaient assez étroites. Je me mis de profil. J'avais sûrement pris du poids depuis mon arrivée au Texas. À force de manger. Et contrairement à ce qu'avait dit Mary, j'avais pris du poids depuis son mariage. J'aurai l'air d'une baleine dans ma robe de cérémonie maintenant. J'observai mes fesses. Je repensai à Brian quand il m'avait dit que j'avais de la cellulite. Je pinçai mes cuisses. En regardant bien, j'avais une petite peau d'orange. J'abandonnai mon slip en coton et je m'installai dans la baignoire. Je me fis couler un bain chaud, réconfortant, moussant. Je me lavais les cheveux quand j'entendis Tom dans ma chambre.

-Tu es encore entrain de prendre un bain ?

-Je me lave les cheveux. Qu'est-ce que tu as ? Tu as un problème ?

-Non. Je voulais jouer à la console mais j'ai besoin d'une autre personne pour jouer avec moi, c'est plus drôle.

-Passe-moi une serviette. Je vais me mettre dans mon peignoir, on va jouer et j'irai m'habiller après.

Quinze minutes plus tard, je riais comme une dingue avec Tom. Quand Brian arriva avec son ami Jay, je riais toujours. La seconde d'après j'étais rouge. J'étais en peignoir, sans rien en dessous, (sinon ce ne serait pas drôle) dans la salle de jeu comme disait Tom. Brian se figea.

-Tu pourrais quand même cacher tes cuisses. Je veux dire, on a pas envie de.. Jay ! Arrête de la mater !

Son ami devint rose et tourna les yeux. Je me levai, resserrai mon peignoir et je laissai les garçons entre eux. Quelques instants plus tard, Brian entra dans ma chambre.

-On va tout préparer avec Jay, on a dit aux gens de venir vers 20h30.

-Vous avez besoin d'aide ?

-Non. Tu ne sais pas cuisiner, alors tu vas nous servir à rien.

-Tu vas.. cuisiner ?

-On se fait des apéros maisons. On a toujours fait ça. Ça nous amusait. On va se mettre dans la cuisine en bas pour les préparations et on fera tout cuire dans la dépendance.

-Je peux venir avec vous ? Après si je suis de trop tu as juste à me le dire, ajoutai-je en baissant les yeux.

Brian me contempla.

-Avoue, tu adores faire cette petite moue pour qu'on te dise oui.

-Quelle petite moue ?

-Cette petite moue qui me dit : accepte et tu seras pas déçu. Et si tu n'acceptes pas, je serai malheureuse mais je vais dignement abandonner la partie.

-Tu peux voir tout ça dans le fait que je baisse les yeux ? Tu es devin ?

-Non. Je t'ai observé, c'est tout.

-Ça fait pervers comme remarque.

-Tu fais la même tête quand tu demandes une rallonge d'argent de poche. Et arrête de dire que je suis un pervers.

-Et si je n'arrête pas d'énoncer une vérité ?

Il esquissa un demi-sourire, croisa les bras et souffla sur sa mèche pour la décaler, ce qui marcha deux secondes avant qu'elle redescende.

-Je te plaquerai sur ce lit et je te donnerai de quoi me dire que je suis un pervers.

Il avait vraiment dit ça ? Sans déconner ?

-Une bonne grosse fessée, ajouta-t-il d'un air très sérieux. Cul nu. Bien évidemment.

J'hoquetai. Le rire commença à le prendre et il hurla de rire à s'en tenir les côtes.

-T'es trop crédule.

Jay arriva derrière et son regard se posa sur mes mollets. Brian lui raconta ce qu'il venait de dire et il rit avec son ami. Ils étaient cons. Je levai les yeux au ciel. Je les poussai dehors tous les deux et je m'habillai avec un jean et un sweat d'Harvard de ma mère. Je descendis les escaliers et j'entendis Mary parler avec l'ami de Brian.

-Salut ma chérie.

-Salut Mary. Tu as besoin d'aide ? Brian ne veut pas du mien.

-J'ai pas envie que tu crames la cuisine de ma Grand-Mère c'est tout. Rien de particulier en somme. Et je ne veux pas servir à mes potes des trucs à la fois, cuit et cru. Mais c'était gentil de proposer.

-Si personne ne m'apprend à faire de la cuisine, je ne vois pas comment je pourrais apprendre.

Brian s'arrêta un instant et continua de casser des œufs pendant que son ami pesait la farine.

-Tu n'auras qu'à tester quand on sera en Californie. En attendant pas touche. Et puis, tu n'auras qu'à employer le chèque de ta grand-mère pour ça. Te payer des cours de cuisine.

-Brian, arrête. Je vais t'apprendre moi ma chérie. Tu veux bien couper ces carottes ?

-Oui bien sûr, c'est tout à fait dans mes cordes.

Je me faufilai entre Mary et Brian en poussant ce dernier d'un coup de hanches.

-Maman ? Tu t'y connais en effeuillage ?

-Tu es vraiment entrain de me demander ça ? Je ne pense pas que tu veuilles connaître la réponse mon chaton.

-C'est pas pour moi. C'est pour Sarah. Elle enlève son soutien-gorge avant d'enlever le reste alors, faudrait peut-être qu'une femme.. expérimentée lui apprenne l'ordre quoi.

Je ne m'y attendais pas du tout et me couteau en céramique ripa sur ma main et s'enfonça dans ma paume.

-Foutrecouille de Malpeste ! m'exclamai-je en lâchant l'objet du crime. C'est de ta faute espèce de débile !

Jay prit ma main et la plaça sous l'eau avant de l'essuyer avec un torchon. La blessure n'était pas profonde mais ça pissait le sang.

-Je vais t'emmener.. commença Mary en me touchant.

Je me dégageai comme si le contact m'avait brûlé et je montai les escaliers pour aller chercher le kit de suture de mon père. Je redescendis dans la cuisine et je m'installai sur le plan de travail. Je saignais beaucoup. Je désinfectai la plaie et je pris du fil, une aiguille. Heureusement c'était la main gauche qui avait été blessée.

-Tu.. vas te recoudre ? hoqueta Brian.

-Bah non banane, je vais jouer à la marelle en string. Évidemment que je vais me recoudre.

-Sans anesthésie ? demanda Jay.

-Je ne suis pas habilitée à me piquer donc.. sans anesthésie.

J'enfilai le fil sur mon aiguille et je me piquai. Je serrai les dents, je n'avais pas envie de pleurer ou de laisser passer une émotion. Mary était figée.

-C'est ridicule. Suis-moi.

-Je ne sais pas où tu vas Mary, mais si tu crois que tu vas m'emmener où que ce soit, tu te trompes, ou alors il faudra me tirer par les pieds.

Je savais ce que je faisais. Je savais faire des points de suture. Je demanderais à mon père de vérifier. Je commençai à voir trouble et je sentis de l'eau sur ma main. J'étais entrain de pleurer. Ça faisait super mal mais ma main ne tremblait pas. Heureusement que j'avais uniquement une entaille de deux centimètres. Au dernier point, j'essuyai mes yeux et je désinfectai l'aiguille utilisée avant de me faire un bandage. Quand mon père entra avec Martin, il s'arrêta au seuil de la cuisine.  Son regard passa de son kit de suture à ma main au torchon ensanglantée.

-Tu t'es recousue ? Montre-moi ça.

-C'est impressionnant, fit Jay en me lançant un regard rempli d'admiration.

Mon père prit ma main, l'observa.

-Tu l'as désinfectée avant ?

-Oui Papa.

-Tu as encore mal ?

-Nan. Ça va.

-Hum

Il me remit mon pansement et embrassa sa femme.

-C'est tout ? Tu ne vas pas l'emmener à l'hôpital ou..

-Elle s'est recousue, à la perfection d'ailleurs. C'est bien ma fille, ajouta-t-il avec une pointe de fierté. Elle pourrait donner des cours à mes internes. C'était même excessif de faire des points. Dans deux jours, y'aura plus rien du tout.

-Tu pourrais m'apprendre les doses pour anesthésier ?

-Fais médecine et on en reparlera Choupi.

Je ris et il s'occupa de ranger. Brian n'avait pas dit un mot. Mais quand il releva les yeux, je vis de la dureté dans son regard.

-Tu pourrais monter me chercher mon gilet s'il-te-plait Sarah ? me demanda Brian.

-Oui. Je vais y aller, de toute façon, je ne sers à rien.

La chambre de Brian était en bordel. Le lit était défait et il y avait un livre dessus. L'Amant de Lady Chatterley. Brian lisait de la littérature érotique ? Sérieusement ? Je lâchai le livre brusquement, qui pouvait savoir le genre de sécrétion que je pouvais trouver dessus ? Je pris son gilet et je vis la lettre adressée à son ancienne maison sur le bureau. Elle était tordue mais elle n'était pas ouverte. Il avait dû hésiter encore et encore..

-Il ne veut pas l'ouvrir.

Je sursautai comme une malade et je me retournai vers l'ami de Brian. Il me fixait avec ses grands yeux noisettes.

-Je lui ai proposé de le faire, mais il ne veut pas. Je ne sais pas s'il va la lire ou la jeter au feu.

-Je..

-Je ne lui dirai pas que tu l'as prise en main, pas de souci. Je sais garder un secret. On ne dirait pas comme ça, mais c'est le cas.

-Je te crois.

-Tu étais impressionnante tout à l'heure quand tu t'es recousue. C'était gore et fascinant en même temps. Je te jure.

-Merci. Enfin, je ne sais pas si c'était un compliment..

-C'était super cool.

-J'aurai préféré ne pas devoir le faire.

Il me sourit et il me laissa passer dans le couloir tout en prenant le chargeur d'Ipad de Brian.

-J'imagine. En tout cas, je suis content d'avoir fait ta connaissance. C'est pas tous les jours qu'on rencontre des filles comme toi.

Je m'arrêtai dans les escaliers et je me retournai pour lui faire face.

-Comme moi ?

-Tu es une fille pas comme les autres.

Il descendit à mon niveau.

-Je veux dire.. regarde ta main...les autres filles en auraient profité pour se pâmer tu vois le genre ? Alors que toi.. tu as pris les choses en main. La vie serait vachement plus intéressante si elles étaient toutes comme toi. Et puis.. je me demande aussi si toutes les filles en Californie sont aussi jolies que toi. Parce que si c'est le cas, c'est là où je veux habiter plus tard.

-Je vous dérange peut-être ?

-Pas du tout Brian, lâcha naturellement son ami alors que j'étais rouge. Tiens ton gilet mon pote.

Il descendit les escaliers et donna une bourrade dans Brian. Ce dernier ne daigna pas me regarder.

-Mary ? Est-ce que tu peux venir une petite minute ?

Elle abandonna son frère et mon père à la cuisine et elle vint vers moi.

-Je n'aurai pas dû te parler comme ça, je n'ai pas été polie et j'en suis désolée. Et aussi.. j'aimerai bien que tu m'aides à me maquiller parce que je ne sais pas faire grand chose, à part étaler le fond de teint sur la tête de Brian.

-Les garçons, si vous faites cramer le dîner, je vous tue ! lança-t-elle avant de m'entrainer dans les escaliers vers sa chambre.

Mary ressemblait tellement à Brian. Je n'arrivais pas à voir ce qui les différenciait, mis à part que Mary avait un visage ovale, une bouche pulpeuse, un petit nez charmant et qu'elle était l'incarnation même de la féminité.

-Je comprends pourquoi mon père est tombé amoureux de toi. Tu prends toujours la vie du bon côté.

-Pas toujours mais j'essaye d'être optimiste. J'ai appris que ça ne servait à rien de s'apitoyer sur son sort. Je croque la vie à pleine dent et quand je fais quelque chose, je le fais à fond. Je pense être quelqu'un d'entier. Peut-être même trop, parfois.

Elle prit de la poudre et elle me l'appliqua. Elle usa ensuite d'un blush. Elle prit une boîte en main puis la reposa pour en prendre une autre. Je devais la regarder bizarrement encore une fois parce qu'elle se sentit obligée de m'expliquer.

-Quand j'avais ton âge à peu près.. Littlebee et moi nous avions été à la fête foraine. Et il y avait une voyante. On a été la voir. Elle était vraiment spéciale. Elle avait l'air d'une vieille folle dans sa petite caravane, mais nous y sommes allés. Elle m'a prédit que je rencontrerai l'amour de ma vie sous un coucher de soleil et que chaque jour de ma vie serait comme un lever du jour sur Bali.

-Elle était poétique, non ?

-Oui sûrement. En tout cas.. quand j'ai rencontré ton père.. J'avais ce blush et il s'appelle Sunset. C'est la couleur que j'ai porté à chacun de nos rendez-vous et... Il est spécial, il est magique. Alors.. je vais utiliser celui-ci, en plus, il est plus adapté à ton âge et à ta carnation.

-Brian m'a dit que la couleur qui ferait ressortir mes yeux, c'était la couleur prune. Ça se voit qu'il a été élevé par toi.

-Oui. Je lui lisais des magazines de modes pour l'endormir le soir. J'ai créé un monstre. Mais il a raison. Le prune est idéal pour tes grands yeux verts magnifiques.

-C'est la seule chose qui est potable sur mon visage alors..

-Arrête de dire ça, c'est faux. Tu as un visage absolument magnifique. Ferme les yeux maintenant et aie confiance.

-D'accord.

Quand je les rouvris, elle avait terminé et je vis mon reflet dans le miroir de sa salle de bain.

-Est-ce que tu te trouves jolie Sarah ?

-Oui.

C'était la vérité. J'étais passée sous les mains expertes de Mary, et je me trouvais jolie, je me trouvais belle. Mes yeux ressortaient énormément.

-Et bien laisse-moi te dire une chose. Je n'ai fait qu'accentuer des traits que tu as déjà. Tu comprends ? Tu es toujours comme ça. Je connais un sacré paquet de mannequins féminins qui tueraient pour avoir tes traits. Mais si pour te sentir belle, pour voir ce que tout le monde voit, tu as besoin de tout ça, ajouta ma belle-mère en désignant sa trousse de maquillage, alors je serai ravie d'être ta camériste.. et je demanderai à mon équipe de t'apprendre.

-J'aime bien l'idée d'être une fille naturelle sans artifice. Et j'aime bien quand tu me maquilles parce que c'est un truc que tu ne peux pas faire avec tes fils. Le shopping et le maquillage. Je peux faire ça avec personne d'autre. C'est un truc de.. mère-fille, je crois. Sophie le fait avec sa mère alors.. je me disais que ça pourrait être notre truc.

-C'est notre truc.

-Par contre, je ne serai pas contre des conseils de tes pros du maquillage, ajoutai-je en sortant de sa chambre.

On sonna à la porte et j'ouvris comme si j'étais chez moi. C'était le père de Jay. Mary arriva derrière moi et l'invita à entrer. Je ne savais pas où était les garçons. Mon père m'apprit qu'ils étaient dans la dépendance et il me transmit un message assez énigmatique (1/4 pas un 1/3 )pour Brian. Je pris mon manteau dans ma chambre et je me rendis dans la dépendance. Il faisait très froid. J'avais encore oublié mes gants. J'ouvris la porte et une délicieuse odeur me chatouilla les narines.

-Salut ! Je peux faire un truc ? Mon père a dit que ce n'était pas 1/3 mais 1/4..Brian est pas là ?

-Il est parti chercher des potes en voiture. Ils ne pouvaient pas venir sinon. Tu peux faire du popcorn au caramel ? me demanda Jay.

-Avec plaisir. Je peux te poser une question ?

-Tu veux savoir pourquoi je n'ai pas parlé à Brian depuis des mois ?

J'hochai la tête et il s'arrêta pour me regarder.

-La dernière fois qu'on s'est vu, on s'est engueulé et je suis têtu. Je ne voulais pas m'excuser. Mais Brian et moi, on s'adore dans le fond. On pourrait ne pas se parler pendant des années, je pense qu'on s'adorerait toujours. Parce que Brian et moi, on est un. Quand on était enfant, on disait qu'on était des esprits frères. C'était le pendant sans aucun romantisme d'âme sœur. D'ailleurs j'ai un truc à te demander.

-Je ne suis pas l'âme sœur de Brian.

-Ce n'est pas ça, sourit son ami. Je sais que.. je ne sais pas comment le dire. On a parfois l'impression qu'il y a plusieurs Brian. N'est-ce pas ? Qu'il a un dédoublement de personnalité ?  Mais c'est pas le cas, il n'a aucun problème mental ou quoi que ce soit. C'est juste qu'il a creusé un fossé entre les différentes sphères de sa vie. Quand il est ici, il y a le Brian avec ses amis et conquêtes du moment et le Brian avec sa famille. Je suis persuadé que c'est la même chose en Californie.

-Comment tu sais ça ?

-Je fais la même chose. Et quand on est tous les deux, on est.. nous. On est tout à la fois, on est entier. C'est pour ça que je dis qu'on est un. Si on fait ça, c'est pour nous protéger. Du moins, c'est ce que m'a dit la Mme Miller. C'était ma psy. Mais parfois, ça se mélange.

Il émit un petit rire et il monta sur le plan de travail.

-Je ne veux pas que tu penses que je suis un taré parce que j'ai été chez un psy ou quelque chose comme ça mais.. je voulais juste te prévenir parce qu'il est probable qu'une fois en Californie, il ne soit plus tout à fait le même qu'ici. Il sera vachement plus froid. Il ne faut pas que tu flippes ou que tu lui en veuilles. Il est plus fragile qu'il en a l'air. Beaucoup plus que sa mère ne le pense en tout cas. Et il fait des trucs super cons quand il n'arrive plus à gérer et il regrette.

-Comme toi avec la drogue ?

-Comme moi avec le cannabis. Mais.. c'est vraiment parce que.. pour la première fois j'ai passé un Noël tout seul avec mon père. Sa sœur travaillait, elle n'a pas pu venir, ma grand-mère est morte et...

-Je comprends. Ma mère est morte. Les premières fêtes toute seule avec mon père, c'était dur.

-Mais ça n'explique pas tout. Je n'aurais jamais dû faire ça. Et quand je suis rentré chez moi, je me suis débarrassé de ma came.

-Tu as eu raison. Ce serait con de devenir accro pour si peu. Et puis.. j'ai demandé à mon père le numéro d'une de ses amies. Pour pouvoir parler. Je ne crois pas être tarée pour autant.

-T'es une fille bien.

Il ramena ma mèche de cheveux derrière mon oreille alors que j'étais entrain de faire du caramel. Heu.. à quoi il jouait au juste ? Apparemment, le blush de Mary avait de super pouvoir. Je tournai les yeux et je vis Brian dans l'embrasure de la porte. Il y avait d'autres personnes avec lui et la fête commença. Brian avait posé son iPad dans une des chambres et il avait branché son iPod sur une chaîne pour diffuser la musique. C'était sympa. Les gens d'ici étaient.. tellement plus naturels et gentils. Je n'avais pas encore vu la fameuse Pim. Les garçons semblaient s'intéresser pas mal à moi, ça me faisait bizarre, j'étais l'étrangère, Brian avait eu raison. La porte s'ouvrit et une fille blonde, grande avec un air pincé arriva. Elle portait une mini-jupe et des bas. Ses low-boots lui donnait une bonne dizaine de centimètres en plus. Elle avait de grands yeux bleus. Une plastique parfaite. Un air arrogant. Cette fille ne m'inspirait aucune confiance.

-Pim !! lança Brian par dessus la musique.

Il l'embrassa sur les deux joues, dans un geste très.. français, manifestement. Je vis la serveuse du café et la fille du boulanger faire la gueule. C'était donc elle la fameuse Pim ? Hum.. Elle avait l'air d'une idiote. Je ne l'aimais pas du tout et vu la façon dont Brian la regardait, je savais qu'elle était du genre d'Alexandra. Une Alexandra du Midwest. Super. Tout le monde la salua et elle s'approcha de moi.

-Salut ! dis-je.

Elle m'observa de la tête aux pieds et pencha sa tête sur le côté. Elle était belle en plus.

-Je ne te connais pas.

-Apparemment. Mais j'ai entendu parler de toi, Pimprenelle.

Elle eut un petit sourire.

-Évidemment. Tout le monde me connaît ici. Brian ? Tu m'apportes un verre ? Ce serait supradorable.

Supradorable ? J'avais envie de rire. Brian revint avec deux verres et il m'en tendit un.

-Sarah est la fille de mon beau-père.

-J'ai entendu parler de lui par contre, apparemment la personne qui m'a rencardé  a jugé le détail des enfants insignifiants. Junior, mais qu'est-ce que tu as grandi !

Elle se jeta au cou de Jay juste à côté de moi. Okay. Je bougeai de place. Je n'avais pas envie d'assister à ça. Je me sentais un peu minable. Exactement comme au lycée. Je l'évitais en me mettant le plus loin d'elle que possible. La fête continuait. La musique était forte et je dansais avec.. c'était quoi son nom déjà ? J'en avais rien à faire. Mais il était gentil. Brian était entrain de faire la même chose avec Pim. À un moment donné, il me prit à part en m'entrainant par la main. Son air sérieux ne me fit pas rire du tout.

-Tu peux.. je peux savoir ce que c'est que ton problème Sarah ? Tu pourrais pas te comporter juste normalement et ne pas chauffer  mes potes ? C'est trop demander ?

-Je te demande pardon ?

-Tu es à deux doigts de twerker avec mes potes et ça ne me fait pas rire du tout. Je suis sérieux.

-Tu es alcoolisé, mon père n'aurait jamais dû t'autoriser à faire de la bièraubeurre, c'était inconscient.

-Ça n'a rien à voir. Arrête d'allumer mes amis.

-Mais j'ai.. Tu sais quoi ? Va te faire foutre. Connard.

Je dégageai mon bras et je passai devant Pimprenelle. Elle fit une remarque en me regardant et les gens autour d'elle se mirent à rire. Leurs rires étaient similaires à ceux des amis d'Alexandra. J'haïssais ce genre de rire. J'avais les larmes aux yeux. Je laissai mon gobelet dans un coin et je m'enfonçai dans une pièce plus calme de la maison. Dans une chambre. Bande d'imbéciles. J'étais certaine que c'était cette connasse de Pimprenelle qui avait mis dans la tête de Brian de telles idées débiles. Je m'assis sur le lit, dos à la porte. J'étais faible. Je pleurais pour un rien. Je tournai les yeux et je vis l'iPad de Brian s'allumer sur un message de Paul. Pas sûr que Marc soit okay. Okay avec quoi ? Je déverrouillai la tablette et je vis mon nom. Ils étaient entrain de parler de moi. Et comment ça s'est passé avec Sarah ? demandait Paul. Étonnamment super bien. Un comme comme si ces derniers mois n'avaient pas existé, mais ça me manque de la faire chier un peu. Évidemment, c'était Brian. Pouvait-il seulement exister sans me faire chier comme il disait ? Paul demandait des détails. Et bien.. je ne sais pas, y'a un truc de différent. C'est con à dire, mais je crois que ça nous a fait du bien à tous les deux. On apprend à se connaître quoi. C'est difficile à dire. Ils continuaient comme ça dans leur discussion. Brian concluait avec un Peut-être qu'on sera les meilleurs amis du monde va savoir. Et Paul avec cette phrase sur Marc.

Ça me faisait bizarre qu'ils parlent de moi, mais en même temps, le nombre de fois où je parlais de Brian avec Sophie, ça tournait presque à l'obsession pour une personne non avertie ! Il y avait des tonnes de conversations ouvertes dont l'une avec... Sophie ? Vraiment ? Ma curiosité prit le pas sur ma politesse. Elle n'était pas longue et parlait d'algèbre. Elle lui demandait de l'aide et il lui répondait ? Alors que moi il me faisait payer ? Décidément.. c'était vraiment parce que je vivais avec lui qu'il était insupportable. J'avais l'impression d'être une espionne. C'était ce que j'étais, ma foi. J'avais un accès illimité à la vie privée de Brian.. mais pourquoi il ne mettait pas de code aussi ? Tout le monde mettait un code sur ses affaires, non ? Avait-il confiance à ce point ? Je vis sa conversation avec Alexandra. Je ne pensais pas qu'ils parleraient d'autres choses que de sexe, mais je me trompais, ils parlaient réellement. Du lycée, de la vie. Ça se sentait dans l'écriture de Brian qu'il était nettement plus intelligent qu'Alexandra, dans les termes employés notamment. Il utilisait toujours le juste mot. Alexandra se confiait beaucoup à lui en réalité. Elle lui racontait ce qu'il se passait chez elle. Je ne savais pas que ces parents ne s'adressaient plus la parole. Est-ce que cela pouvait justifier le fait que ce soit une connasse ? Je ne croyais pas trop en la théorie. Il y eut un autre message de Paul. Je viens de recevoir une photo de Chris. Attends regarde ça.. C'est un bon morceau, pas vrai ? Il y avait une photo de Chris avec un bonnet de Noël, une petite culotte en dentelle blanche, ses mains cachaient ses seins. On aurait dit une pose de mannequin pour la couverture. J'étais à deux doigts de répondre avant de me rappeler que ce n'était pas à moi qu'était adressé le message.

J'entendis un grand rire. Je me retournai vivement. Quelqu'un avait l'intention d'entrer ? Si c'était Brian.. je ne pourrais pas lui cacher que j'avais regardé dans son iPad et il me tuerait à coup sûr. Je vis la poignet de porte s'abaisser et j'entendis la voix de Brian entrain de rire. Je n'avais aucun endroit où me cacher. Il n'y avait pas de salle de bain dans cette chambre, pas de grande armoire. Je ne savais même pas depuis quand j'avais disparu de la fête. Je balançai l'iPad sur le lit et quand la porte s'ouvrit, je m'allongeai au sol. Avec un peu de chance, il prendrait son iPad et il ne me verrait pas. J'entendis la porte se fermer et pourtant il était toujours là. Quand j'entendis qu'il arrivait vers moi, je me glissai silencieusement sous le lit qui heureusement était suffisamment haut. C'était puéril comme situation mais je préférai avoir l'air d'une idiote sous un lit que de me faire taper dessus par Brian parce que je l'avais espionné. Pourquoi avait-il fermé la porte ? J'étais sur le dos et heureusement, je ne dépassais pas. Je tournai la tête sur le côté et je vis.. des escarpins ?

-Je suis juste venu chercher mon iPad. Ça ne se fait pas de disparaître de la fête qu'on donne.

-Je t'en prie, répondit la voix de l'autre pouffiasse de Pimprenelle.

J'entendis la poignée de porte mais elle ne s'ouvrit pas.

-Très drôle Pim. Donne-moi la clef.

Je vis les escarpins s'approcher du lit et s'arrêter juste devant.

-Quelle clef ?

-Pim..

-Tu parles de celle-ci ?

-Apparemment, répondit-il en français.

-Et si tu venais la chercher ?

Pim se débarrassa apparemment de ses escarpins et elle monta sur le lit qui grinça légèrement.

Je vis les pieds de Brian s'approcher du lit et il poussa un petit cri de surprise.

-Pim ! Arrête. Qu'est-ce que tu fais ?

-Oh arrête de faire ton prude Miller. Je sais que tu en as envie.

-Non. Tu te trompes, j'ai une petite.. amie, ajouta-t-il.

Ils étaient sur le lit. Je vis le haut de Pim atterrir au sol.. Ils allaient pas faire ce que je croyais qu'ils allaient faire ? Ce n'était pas possible. Pourquoi je m'étais mise sous le lit déjà ?

-J'ai une petite amie, répéta-t-il d'une voix plus faible alors qu'apparemment le soutien gorge suivait. Arrête.

-Je ne te plais pas ? Je ne te plais plus ?

-C'est pas la question, je n'ai pas envie de..

-La tromperie c'est dans la tête, Brian. Elle n'est pas là, personne ne le saura jamais.

-Je ne veux pas..

-J'en ai envie moi. Tu ne sais pas qu'il faut toujours faire ce que les filles veulent ? Tu as promis à ma Grand-Mère que tu ferais tout pour me faire plaisir et je sais pertinemment quelle partie de toi me fait envie, là tout de suite.

Il allait répliquer mais le bruit fut étouffé par le bruit d'un baiser. Je ne voyais que les pieds de Brian qui dépassait sur le côté droit du lit. J'étais horrifiée. Je sus que j'aurais dû sortir bien avant, mais maintenant que cette conne de Pim avait collé la clef à je ne sais quelle partie de son anatomie, je ne pouvais plus bouger. Y'avait-il une pire situation que ça ? J'espérais que Brian la mettrait dehors rapidement. Mais il pouvait y avoir pire. Je ne le savais pas encore. J'entendis du mouvement au dessus de ma tête et les genoux de Pim touchèrent bientôt terre. Elle gloussa comme une poule et la minute d'après j'entendis un bruit étrange, un bruit de.. succion. Elle était entrain de... ce n'était pas possible. Elle faisait des bruits de hardeuse. C'était profondément gênant, et dégoûtant. J'avais envie de vomir. Elle en profita pour lui enlever ses chaussures et ses chaussettes d'une main. Elle remonta sur le lit et j'assistai à une partie de jambes en l'air, planquée sous un lit.. Super. Le mobilier bougeait légèrement. Je les entendais gémir. C'était donc à ça que ça ressemblait dans la réalité deux personnes qui s'envoyaient en l'air ? Quand j'avais couché avec Chuck, je ne m'étais pas rendue compte à quel point le son était ignoble. Je comprenais mieux pourquoi dans les films, il y avait toujours de la musique pendant la scène de sexe entre les personnages principaux. Parce qu'en réalité, c'était sale. Vraiment sale. Surtout à entendre. Je faillis sursauter quand j'entendis un bruit de chute. Je tournai les yeux et je vis le corps nu de Brian au sol.

-Tu vas bien ? demanda Pim en riant.

-Oui oui, ça va. J'ai connu pire.

Il l'embrassa et elle se retrouva sur le tapis. Elle allait tourner la tête et me voir et là, ce serait terminé de ma vie. J'allais me faire tuer mais avant, la dernière image que j'aurai, ce serait celle du pénis de Brian Miller que je ne pourrais que voir une fois qu'il m'aurait trainé par les pieds de sous le lit. Super. Autant se tuer tout de suite. Malheureusement, si je venais à me défenestrer, ça ne changerait rien, puisque c'était une maison plein pied. Au pire, je me foulerais la cheville.

-Non. Regarde-moi Pim. Tu me voulais ? Alors regarde-moi.

Je les regardai de nouveau. Je n'osais plus bouger. Il était entre les cuisses de Pim et lui tenait le visage de sa main droite. Il posa son front sur le tapis, obstruant la vision de la jeune fille. Pim finit par se mettre sur lui et à remuer son bassin pour le chevaucher Je devais vraiment arrêter de regarder. C'était malsain. Mais en même temps.. c'était assez fascinant. Je ne savais pas comment l'expliquer. Je priais pour qu'ils finissent rapidement. Je commençais à avoir des crampes et mal au dos. Pourquoi mon quasi-frère n'était pas un éjaculateur précoce ? Je regardais le dessous du lit quand elle entendit Pim pousser un petit cri rauque. Ce n'était pas trop tôt.

-Vas-y, c'est à toi, lui dit-elle. Est-ce que..

-Ne bouge pas

-Tu n'es pas obligé de penser à moi, pense à ta copine.

-Ne parle surtout pas.

Elle gémit un peu et se mit à rire. C'est alors que Brian croisa mon regard.

-Sarah, dit-il.

La seconde d'après, il avait un orgasme et il ferma les yeux et son visage se déforma sous l'effet du plaisir. Quand il les rouvrit, il me regarda. Son visage entier était détendu et ses yeux brillants.

-Ou alors pense à ta demie-sœur, pervers va.

-Pardon ?

-Non rien. On fait un deuxième round ?

-Non, répondit sèchement Brian en prenant les habits de Pim et en lui tendant pour ne pas qu'elle me voie. C'était déjà le deuxième round. Je vais te demander de partir maintenant. Pas seulement de ma chambre, mais de chez moi.

-Wow, goujat jusqu'à la dernière minute à ce que je vois. J'attends que tu sois rhabillé pour ouvrir la porte. Tu n'as pas aimé ?

-C'était très agréable, je ne dis pas le contraire, mais ça ne se reproduira jamais Pimprenelle.

-On avait aussi dit ça la première fois, y'a deux ans. Et pourtant.. nous voilà. J'avais oublié à quel point tu étais.. bon. J'avais un bon souvenir, mais là ? Tu m'étonnes que tu as toujours une copine sous la main avec ta..

-Je suis habillé, tu peux partir, l'interrompit-il sèchement.

-Ne la joue pas comme ça. De toute façon, je dois rentrer chez mes grands-parents. Mais merci, on se voit demain.

Elle ouvrit la porte et je roulai sur le côté du lit. Je me redressai et je fis face à Brian. Il avait l'air effrayé parce que je pouvais dire. Je regardai le lit et la poubelle de chambre qui désormais était utilisée. J'allais sortir à mon tour quand il m'attrapa par la main.

-Sarah..

-Ne me touche pas ! persiflai-je.

Il enleva sa main. Il baissa les yeux et quand il me fixa, je vis de la douleur dans son regard bleu acier.

-Je t'en supplie, ne le dis pas Alexandra.

-Dire quoi à Alexandra ? Que tu t'es tapée cette petite pute de Pimprenelle ? Non je ne lui dirai pas. Tu sais pourquoi ? Parce que ce n'est pas ce qu'il s'est passé. Et que je ne mens pas.

-Pardon ?

-Tu.. tu te rends compte de ce qu'il vient de se passer Brian ?

-Tu étais sous le lit pendant que je couchais avec une fille.. oui, je m'en rends compte, sinon on aurait pas cette discussion.

-Je ne parle pas de ça. Tu te rends compte que tu viens de te faire agresser sexuellement ?

-Arrête de dire n'importe quoi..

-Juste pour savoir, si une fille, visiblement alcoolisée comme tu peux l'être, t'avait répété par au moins trois fois qu'elle ne voulait pas coucher avec toi.. tu aurais agi de la même manière ? Tu aurais couché avec elle alors qu'elle t'avait clairement dit non ? Si la réponse est oui, alors cela signifie que je n'ai rien compris à la notion de consentement et si la réponse est non, ça veut dire que tu viens de te faire agresser sexuellement.. Alors, non, je ne vais pas le dire à Alexandra. Mais toi, tu devrais le dire à ta mère parce que c'est le genre de choses dont il faut parler.

Il resta interdit. Il était dégrisé apparemment.

-Sarah.. je ne voulais pas mais j'en avais envie. J'étais consentant.. mais je ne voulais pas me l'avouer. Sinon, je l'aurais repoussée sur le côté et je serai parti. Mais.. Je n'en suis pas fier.

-Aucune victime ne se sent fière Brian. Tu ne veux pas te l'avouer, mais tu es une victime. Je ne peux pas faire les choses à ta place et je le regrette. Tu devrais en parler à ta mère ou à Papa. Je suis sérieuse. Peut-être que je vois le mal partout, mais cette fille.. je ne peux pas la blairer et je ne veux plus la voir, tu m'as bien comprise ? Fais en sorte qu'elle ne me croise pas, ou je peux t'assurer que je lui colle ma main dans la figure.

Il sourit.

Je fus interrompue par Jay. Pim venait de partir. Brian hocha la tête et retourna avec son ami. Mais avant de quitter la pièce, il me lança un regard reconnaissant. J'en étais chamboulée. Je ne m'attendais pas du tout à ça. Je n'avais plus envie de m'amuser. Plus du tout. Je repris mon manteau et je vis Jay arriver vers moi.

-Tu vas faire un tour ?

-Non je pense que je vais rentrer, je suis fatiguée et j'ai sommeil.

-Je vais te raccompagner.

-Non c'est bon, j'ai la pelouse à traverser. Mais c'est gentil. Tu diras à Brian que je suis rentrée.

Je lui fis un bisou sur la joue et je sortis. Il faisait froid mais cela me fit du bien. Je poussai la porte de la maison, ils étaient tous entrain de rire dans le salon.

-Papa ? Je voulais juste te dire que j'étais là.

-Il y a un souci ?

-Ta fille est une marmotte qui a besoin d'un quota de sommeil et je suis claquée. Je vais aller me coucher. Je pense que Brian va rester toute la nuit. Bisous tout le monde.

Une fois dans ma chambre, j'avais un goût amer dans la bouche. Je ne me sentais pas bien du tout. Je me sentais mal pour Brian surtout. Je pensais ce que j'avais dit. Il n'avait pas donné son consentement. Et s'il se sentait honteux, j'étais persuadée que ce n'était pas vis à vis d'Alexandra ou du moins pas seulement. Je fus réveillée au milieu de ma nuit par une main posée sur moi. Il était 4h du matin à mon réveil. Je me tournai et je vis Brian.

-Huuum ?

-Je voulais juste te dire un truc. Je ne pensais pas que tu prendrais ma défense comme ça..

-Mais de quoi tu parles ?

-Quand tu as dit que tu referais le portrait de Pim.

-Elle s'est moquée ouvertement de moi. Toi tu passes en second plan. Tout ne tourne pas autour de toi Miller.

-En tout cas, c'était sympa. Tu n'étais pas obligée.

-Non, en effet, on est obligés d'en parler maintenant ? Tu n'as pas des invités ?

-Si, si, ils sont presque tous partis. Je voulais juste te remercier.

Il avait une haleine alcoolisée, je la sentais. Il était proche de moi.

-Tu peux reculer ? demandai-je en m'enfonçant dans mes coussins.

Il me fixa une seconde. Il se pencha, m'embrassa sur la joue, me remercia, me souhaita une bonne fin de nuit et et il partit de ma chambre en fermant doucement la porte. Je venais d'assister à quoi là ? C'était bizarre. Vraiment bizarre. Mais j'étais trop fatiguée pour m'y attarder, ça pouvait bien attendre demain. 


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