La beauté intérieure

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-Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Brian. J'ai une tâche ?
-Non pas du tout, ta mère est choquée parce que je t'ai trouvé en charmante compagnie ce matin, répondit Martin en se faisant taper sa femme. Quoi ? Il faut savoir dire les choses ! Vous étiez tranquillement entrain de dormir en cuiller. C'était mignon et romantique comme tout. Je trouve que vous faites un très joli..
-Vous êtes un peu cons quand vous vous y mettez, fit Brian. On a regardé GoT et elle s'est endormie dans ma chambre. J'ai eu la flemme de la bouger. Et puis honnêtement Maman, si on avait quelque chose à cacher, on aurait été dans la dépendance... 
-Qui a quoi à cacher ? Salut les enfants ! 
Mon père arriva de la cuisine avec un plateau et des tasses de thé. Il n'avait pas entendu ce qu'il s'était passé et tant mieux. Il m'embrassa sur le dessus du crâne.
-J'aime bien ta petite robe Sarah. Elle te va bien. 
-Merci Papounet.
Je lui piquai sa tasse de thé pour le goûter alors que Tom arrivait.
-Maaaamaaaan. J'arrive pas !! Elle est nulle.
Il était énervé et il fronçait les sourcils. Il avait une cravate à la main. 
-Approche Thomas, je vais t'aider, fit mon père. Tu fais exactement comme moi, d'accord.
Mon père sortit sa cravate et la défit. Il lui apprit comment faire un nœud de cravate. Tom réussit du premier coup et il sourit de toutes ses dents.
-Merci John, tu as vu Sarah !!! J'ai réussi tout seul ! 
-C'est super Tom !
Pendant le petit déjeuner, Tom lorgnait du côté du sapin. Je vis un regard entre Mary et Brian. Ils faisaient comme si de rien était, en bon sadiques qu'ils étaient. Ils firent ça jusqu'à ce que Mme Miller, voyant l'impatience de son petit-fils l'envoie auprès du sapin. Comme nous n'avions pas toujours Giulia avec nous à Noël, j'avais oublié à quel point c'était agréable de voir de la joie sur le visage d'un enfant devant un jouet qu'il a souhaité pendant des semaines. Du coin de l'œil, je vis Mary, les yeux écarquillés. Elle tenait un boîtier de chez Cartier en main. Elle ne l'avait pas encore ouvert. Quand elle l'ouvrit, elle embrassa mon père en lui disant qu'il était fou. Mon père lui avait offert ce collier splendide avec des petites orchidées en or gris, pavées de diamants. Il venait de la collection Caresse d'Orchidées de chez Cartier. Mon père avait déjà offert à Mary en guise de cadeau de mariage une paire de boucles d'oreilles de cette collection. Ce collier était une véritable splendeur, je reconnaissais bien là le bon goût de mon père.

Tom m'apporta un cadeau et je vis que Brian me fixait alors que Tom lui apportait celui que je lui avais fait. Je le déballai. C'était une boîte. Quand je l'ouvris, j'entendis le rire de Brian.  Il n'avait pas encore ouvert son cadeau mais il observait ma réaction. J'avais sous les yeux, une paire de boucles d'oreilles en or. Elles étaient pendantes et au bout, il y avait un petit bateau. Je retirai mes puces d'oreilles et je les mis. Je me levai pour me regarder dans un miroir. Elles m'allaient super bien en plus. Le pire c'est que je n'étais même pas fâchée contre lui. Je trouvais ça juste.. amusant comme coïncidence.
-Elles sont superbes, je les a-do-re. 
Brian était juste à côté de moi. Il ouvrit son propre cadeau et il éclata de rire. J'avais commandé pour lui des nœuds papillons dans des boutiques françaises. Il y en avait deux. L'un d'entre s'appelait "Prendre le large" de la maison Le Loir en Papillon.. Il était rayé blanc et bleu clair. Et il avait un voilier sur le côté gauche. Le second venait d'une autre petite boutique parisienne. Il était bleu marine avec des pois verts émeraudes cerclés de blanc. Il était en soie. 
-Ils sont splendides. 
Brian n'avait pas mis de cravate et il noua habilement ce dernier. Il faisait ressortir la couleur de ses yeux. Même sa mère le remarqua et admit qu'elle en avait rarement vu d'aussi beau.
-Vous.. avez un truc avec les bateaux tous les deux, non ?
Nous nous regardâmes Brian et moi.
-C'est trop long à expliquer, fit-il. Un petit délire entre nous, ajouta-t-il en ouvrant un autre de ses cadeaux.
Son visage passa de la surprise à une joie vive. Il sortit une guitare. 
-J'adore le Père Noël, dit-il. Quand il offre des guitares, il les accorde avant. Ce qui est toujours très pratique. N'est-ce pas maman ?
-Il est intelligent, que veux-tu... Tu étais tellement malheureux d'avoir perdu ton autre guitare, je l'ai ajoutée sur ma liste, juste pour toi. 
Mary m'avait offert un sac Yves Saint Laurent, un nano sac de jour. Il était ultra cute. Il était d'une couleur entre le fuchsia et le parme. Elle savait que j'allais l'adorer et en effet, je l'adorais. Elle avait rajouté dedans un porte feuille de même couleur et il y avait un paquet d'enveloppes dedans nouées avec un ruban vert. Il y avait également une petite boîte. Je l'ouvris et je vis un porte clef. Mais pas n'importe quel porte-clef. C'était celle d'une Jaguar. Je me tournai vers mon père. Il croisa mon regard et je sus à ce moment là que mon père était un grand malade. Il venait de m'acheter une voiture. Pour Noël. J'étais à deux doigts de crier de joie. Mais je me retins, notamment parce que j'avais un paquet de lettres. J'avais reconnu l'écriture de mon Grand-Père Evans. Je la décachetai. Ma chère petite Crapounette. Hum. Apparemment, j'avais oublié que mon père n'était pas le seul à me filer des surnoms pourris. Je souris en lisant cette lettre qui m'apprenait que l'assurance et l'essence jusqu'à ma majorité étaient gracieusement offertes par Candice (nouvelle femme et accessoirement ancienne camarade de classe d'Eric) et lui. Il y avait un autre message d'Eric, me disant qu'il avait participé à l'achat de la voiture mais qu'il s'engageait à payer toutes mes contraventions jusqu'à ma majorité, en espérant qu'il n'y en aurait pas une seule. J'avais un chèque de la part de ma grand-mère Theresa qui était ridiculement élevé. Elle avait dû apprendre pour la voiture et comme mon grand-père et elle se détestaient... Je n'allais pas me plaindre bien évidemment. Qui se plaindrait de recevoir un chèque de 10000$ de la part de sa grand-mère ? Personne. Elijah lui m'avait fait une carte. Il m'offrait une semaine en sa compagnie en Espagne pendant mes grandes vacances. Je trouvai ça adorable. Je remis les lettres dans mon sac et je cherchai mon père du regard. Il n'était pas là et comme Tom avait disparu lui aussi avec son oncle Martin, j'allais vers Mary pour la serrer contre moi.

-Vous êtes fous.
-Rien n'est trop beau pour une fille comme toi Sarah. Tu aimes ton sac ?
-Tu plaisantes ? Je l'ADORE.
Mary m'embrassa sur les joues et je vis Brian. Il s'était isolé dans la cuisine. Je devais regarder dans sa direction d'un air étrange parce que Mary se retourna. C'est alors que je vis mon père mettre une main sur l'épaule de son beau-fils. Mary me lâcha et elle s'arrêta quand Brian se fourra dans les bras de mon père.
-Je te remercierai jamais assez pour ça, John. 
-Brian ? fit Mary. Il y a un souci ?
Brian se retourna, il avait des larmes au coin des yeux. Il les essuya et il sourit à sa mère.
-Non. Il n'y a aucun souci. C'est juste que..le cadeau de John m'a ému, c'est tout. 
-Le cadeau de John ? demanda Mary en regardant mon père.
Apparemment, elle n'était pas au courant, pas plus que moi d'ailleurs. Brian lui tendit des papiers. C'était un acte de propriété au nom de Brian et de son petit frère. Mon père leur avait offert une maison à Noël ? Mary regarda l'adresse et sa main trembla. 
-Qu'est-ce qu'il y a ?
-C'est.. comment as-tu su ? fit Mary sans me répondre.

-Je dois t'avouer que le Colonel m'a été d'un grand secours sur ce coup-là. Je n'aurai pas pu retrouver leur maison d'enfance sinon. 
-C'est ta maison d'enfance Brian ? demandai-je en prenant l'acte en main. C'était une bonne idée Papa. Fais pas cette tête Mary. Dans la famille McAllister, quand un bébé vient au monde, un membre de la famille lui offre un appartement, ou une maison. C'est normal chez nous. C'est comme ça qu'on fonctionne. Bienvenue dans la famille McAllister, Brian. 
Je lui rendis son acte de propriété et je pris mon téléphone pour appeler les membres de ma famille pour les remercier, les uns après les autres. Je piquai l'écharpe de Brian pour aller dehors. Mon père, Martin, Brian et Tom étaient entrain de faire un second bonhomme de neige dans le jardin. Dans la cuisine, Natalia était entrain de s'extasier devant le collier de Mary tout en aidant Mme Miller. Le Colonel avait disparu.

-Ton père a fait des folies, me dit Mary.
-C'est parce qu'il est heureux. Tu le rends heureux, alors.. il veut que tu ressentes ce qu'il ressent. Et puis.. une Jaguar Coupé ? Je reconnais bien ta griffe, là-dedans.. Je suis sûre que la voiture, c'était ton idée et la voiture de sport une idée d'Eric..
-Dois-je comprendre qu'il y a ta griffe là-dessous ? répondit-elle en tirant un peu sur son collier qui brillait de milles feux.
-Je lui ai dit que c'était votre premier Noël et qu'il devait faire un truc extraordinaire. J'étais pas au courant. Par contre pour les boucles d'oreilles le jour de votre mariage... Elles faisaient partie de mes favorites.
-Tu n'auras pas le droit de me le piquer celui-là..
-J'en ai pas l'intention. J'ai hérité de pas mal de bijoux. Alors.. j'ai ce qu'il me faut. Mais c'est gentil de proposer.
-Et puis.. si mon fils t'en offre en plus...
-Elles sont jolies, n'est-ce pas ? Je..

-Sarah ? Mon grand-père veut que j'aille le rejoindre dans les écuries et il veut savoir si ça te dit d'aller y faire un tour, me coupa Brian en arrivant dans la cuisine.
-Maintenant ? J'arrive. Mme Miller, est-ce que vous savez où j'ai mis mon bonnet de Noël ?
-Il est dans l'entrée ma chérie. 
-Merci.
Je m'y rendis et Brian me tendit mon manteau. Je le suivis et j'en profitai pour regarder mon père. Ils étaient entrain de faire un bonhomme de neige presque aussi grand que lui. Je suivis Brian aux écuries. Et quelles écuries ! Elles étaient grandes et il y avait bien une quinzaine de stalles.
-Grand-Père ? Où es-tu ?
-Je suis là, fit la voix du Colonel. 
Il était dans une stalle avec une jument et elle avait un poulain juste à côté d'elle.
-Il est.. superbe, fit Brian. 
Il entra dans la stalle et moi je restai en retrait. Il caressa le petit. Sa robe était noire.. tellement noire que j'avais l'impression qu'il avait des reflets bleutés. Il était superbe.
-T'as fait du beau boulot, Kahina.
Il caressa la jument et il se tourna vers moi. Il avait des étoiles dans les yeux. C'était étrange. Il paraissait dans son élément ici.. et il paraissait aussi dans son élément chez nous. Comme si il était à sa place partout.
-Il a combien de jours ?
-Il est né il y a une semaine. Lui et celui dans la stalle juste en à côté.
Brian se leva, le laissa comme à regret et il ouvrit celle juste à côté. Il appela la jument Vahina et je le vis, enserrant la tête du cheval.
-Ils sont magnifiques, dis-je. C'est quoi la race ?
-Ce sont des Standardbred, répondit Brian. C'est Wild-Flower leur père ?
-Pour le petit de Vahina,oui, mais pour Kahina, c'est Brisefer.
Brian revint vers son grand-père et moi et il regarda le Colonel avec surprise.
-T'es sérieux ?
-Oui. C'est pour ça que j'ai pensé que le petit poulain ne pouvait pas avoir d'autre maître que toi. C'est le dernier de sa lignée.
-Tu.. m'offres un poulain ? C'est un cheval de compétition.
-Oui, je sais.
Brian nous tourna le dos et je sus qu'il pleurait. Parce qu'il ramena sa main du côté de sa tête. Il se tourna et se fourra dans les bras de son grand-père. Je n'avais pas envie d'assister à cela alors j'allais voir l'autre jument. Vahina. Son poulain à elle était dans des teintes cuivrés. Il tourna les yeux vers moi et j'eus l'impression qu'il voulait me parler. J'entrai dans la stalle. Je n'avais jamais fait ça.

-Il ne faut pas que tu aies peur. Tu peux approcher.
Le Colonel me prit par la main et il posa la mienne sur le petit. Il était super doux. 
-C'est bel alezan, n'est-ce pas ?
-Il est magnifique, murmurai-je. Je n'avais jamais touché un poulain.
-Ça te plaît ? poursuivit le Colonel.
-Beaucoup, il est vraiment mignon.
-J'en suis ravi. Parce qu'il est pour toi Sarah.
Mon cœur cessa de battre et je tournai les yeux vers le Colonel. Brian avait disparu mais je l'entendais à côté.
-C'est vrai ? 
-Absolument. C'est ton cheval.
Je me levai d'un bond et je sautai dans les bras du Colonel en le remerciant. Brian refermait la stalle de son poulain et il me fixait d'un air bizarre.
-Par contre, je ne sais pas monter à cheval.
-Je vais t'apprendre, fit Brian. Alors, c'est quoi son nom ? 
-Son.. nom ? Il n'en a pas ? 
-C'est à son propriétaire de le nommer. Le mien je vais l'appeler Dark-River. Parce qu'il a une robe noire et qu'on a l'impression qu'il a des reflets bleutés.. comme une rivière. Dark-River.
Je regardai le cheval.

-Sunset-Heart... parce qu'il me rappelle les couchers de soleil de Malibu et qu'il est beau comme un cœur.

-T'es vraiment une fille toi !! Mais c'est sympa comme nom. 

Je le poussai légèrement et le Colonel nous renvoya dans la maison. J'étais super contente. Je n'avais jamais été autant gâtée à Noël. Brian toucha ma boucle d'oreille.
-Elles te vont bien.

-Je trouve aussi. 

-Je les ai faites faire sur-mesure. 

Pardon ? Je m'arrêtai brusquement, ébahie. 

-T'es sérieux ?

-Design by Brian Miller, Made in Crowell, Texas.
-C'est pour ça que tu voulais aller chez le joailler ? demandai-je en penchant la tête.
-En partie oui. 
-Je dirai pas Alexandra que tu m'as dessinée des boucles d'oreilles. Elle serait jalouse. 
-C'est certain.
-Remarque, je ne lui parle pas alors..
-C'est ce que je me suis dit. Tu as offert quoi à Marc ?
-Une batte de base-ball dédicacée par Mike Trout. Enfin, je vais lui offrir.
-Tu déconnes ?
-Non pas du tout. Elle est à la maison. Je suis une super petite-amie, n'est-ce pas ? ajoutai-je avec un grand sourire.
-C'est clair. 
-J'adore le base-ball aussi. Avec mon père, on va toujours voir la saison de base-ball et la saison de hockey. Quand on était petits avec Paul et Sophie, on jouait avec nos pères. Tu as déjà vu Paul lancer une balle ? C'est mon père qui lui a appris. On avait 4 ans. 
-Ah ouais. Vous étiez vraiment proches.
-Tout ça c'est à cause de nos parents. Ils ont tous été dans le même lycée. Ma mère était la meilleure amie de celle de Paul. Le père de Sophie, celui de Paul et le mien se connaissent aussi depuis des lustres. Le père de Paul et mon père sont des amis d'enfance et ils ont connu les Evans et les Harper au lycée... Ils sont tous potes depuis ce temps là. Et pourtant, si tu savais le nombre de fois où ils se sont engueulés, réconciliés autour d'un verre ! Ils sont comme une famille. Et quand ma mère est morte.. c'était comme s'ils avaient perdu leur sœur. Les premiers mois, c'était hyper dur et ils ont tous été d'un très grand réconfort.
-J'imagine. Ça fait rêver n'empêche. Garder toute sa vie ses amis de lycée. 
-Moi j'ai Sophie. Les autres, je m'en fous.
Je reçus une immense boule de neige sur la tête à ce moment là et j'entendis le rire enfantin de Tom. Je lui courus après et pour la seconde fois en deux jours, je me pris tellement de neige que j'en éternuais en rentrant. Les Miller étaient des êtres joyeux et rieurs. Mon père était très détendu. Il avait l'air dans son élément lui aussi. Nous étions entrain de prendre le second dessert sur le canapé et je m'étais fourrée dans ses bras. Tom était assis sur les genoux de son grand-père et quand il décida d'aller sur ceux de mon père. Ce dernier ne me lâcha pas pour autant. Il posa seulement sa flûte de champagne sur la table.

-Tu sais quoi John ? 
-Je suis sûr que tu vas me le dire tout de suite Tom.
-J'ai fait des scones tout seul, comme un grand pendant que Sarah et Brian étaient entrain de se battre avec le glaçage des gâteaux.
-Je suis fier de toi Thomas, un peu moins de Sarah mais..
-Il faut remettre les choses dans leurs contextes, il était entrain de piquer mes bonhommes en pain d'épices alors que je lui ai dit non. Deux fois. Alors je lui ai couru après pour me venger.

-Quand j'avais l'âge de Brian, j'aurai adoré qu'une fille comme toi me coure après.
-Martin !! le reprit sa femme en levant les yeux au ciel alors que je rougissais.
-C'est la vérité cara mia. Sinon Brian, comment va la petite rouquine ? 
-Ça n'a pas changé depuis hier.. tu sais quand tu m'as posé exactement la même question ? 
-Je ne parlais pas de cette rouquine là. 
Je vis Brian faire de gros yeux à son oncle et je me redressai. Mary avala de travers.
-De quelle rouquine il parle ? Brian ?
-Non, je n'ai pas de nouvelles. Tom, tu peux aller me chercher ma guitare, je l'ai mise dans ma chambre. Et prends les partitions dans la bibliothèque, ajouta-t-il alors que Tom sautait par dessus le canapé.
-Alors ? C'est qui cette rouquine ? redemanda sa mère une fois sûre que le petit était loin.
-M'man. Tu ne veux pas savoir qui est cette rouquine.
-Mais je..
-Crois-moi. Tu ne veux pas savoir.
-Brian ! s'exclama-t-elle. On se dit tout. 

Le frère de Mary se pencha vers elle et lui murmura quelque chose à l'oreille. Mary fit une tête pas possible et secoua la tête.
-Ewwww. Je ne voulais pas savoir. Sarah ? Tu veux bien faire ma tourneuse de pages ?
Elle me tendit la main et m'emmena près du piano et elle joua Deck the Halls. Étrangement cela ne me fit pas le même effet qu'avec Brian la veille. D'ailleurs quand elle arrêta, je vis que Tom était revenu avec la guitare de Brian et ce dernier se mit dans un coin. Il la régla et il joua ses partitions sans chanter pour autant. Il avait appris tout seul ? Il était bon. Tom vint près de moi et il me demanda quel était ma chanson de Noël préféré.
-Oh Holy Night de John Sullivan Dwight.
-Je ne la connais pas, tu peux me la jouer ?
-Je.. okay. 
Je m'installai à la place laissée par Mary et je commençai à jouer et à chanter parce que bon, Tom me regardait avec ses grands yeux bleus magnifiques. Quand j'arrêtai, il applaudit en me disant que ça allait devenir sa seconde chanson de Noël préférée. Ensuite, il me demanda si je voulais jouer avec lui aux petites voitures. Nous installâmes son circuit dans le salon. Mon père était entrain de jouer du piano et quand il arrêta, les compliments fusèrent. Mon père était un artiste. Mary et lui jouèrent en duo. Brian était entrain de parler avec son oncle du lycée.
-Bon, sinon, c'est quand que vous nous faites un cousin tous les deux ? Ou une cousine. Une cousine, ce serait cool. 

Natalia et Martin se regardèrent avec amour.
-Si tout se passe bien, tu en auras un ou une dans six mois, Brian, fit Natalia
Fausse note au piano. C'était donc pour ça qu'elle n'avait pas bu une goutte depuis son arrivée ? 
-Tu es enceinte ? s'écria Mary. Hiiiiiiiiiiiiii ! C'est géniaaaaal ! 
Elle se leva pour serrer sa belle-sœur dans ses bras. Tout le monde trouvait ça génial. Je ne pouvais qu'imaginer la tête du bébé. Il serait magnifique. Il partirait avec un avantage dans la vie.
-Je croyais que tu allais le dire à ta femme.
-Mais non, voyons, sourit mon père.
-Attends John, tu étais au courant et tu m'as rien dit ?
-Secret médical..
-Tu te moques de moi ?
-Oui. Je lui ai demandé hier soir. 
-Je lui ai dit de ne rien dire tant que Martin n'était pas au courant donc.. c'est pas de sa faute.
-Ça paraissait logique, vous n'avez pas bu une goutte, alors que vous n'aviez pas à conduire. 
-Hum.. les McAllister ont l'œil, marmonna Martin. Par contre, autant vous le dire.. ce n'est pas à vous de choisir le prénom. C'est pas un enfant collectif.
-Tu as eu ton mot à dire pour mes garçons, fit Mary.
-Normal, si ça n'avait tenu qu'à toi, tes fils se seraient appelés Aristophane et Apollodore.
-C'est parce que tu n'as aucun goût en matière de prénom. C'est très joli.
-Natalia, autant te le dire tout de suite, n'écoute pas ma sœur en matière de prénom. Sinon, on va finir avec un Homère Miller. 
-Homère, c'est pas un écrivain ?

Tout le monde se tourna vers Tom qui rosit.

-Si mon chéri, répondit Mary.

-C'est bien ce que je me disais. C'est lui qui a écrit...l'histoire avec Ulysse, c'est ça ?

-Oui, comment sais-tu tout ça Tom ?
-Brian me lisait ça quand j'étais petit pour m'endormir. Grand-Mère, est-ce que je peux aller prendre des biscuits, j'ai envie de grignoter ? 
Il ramena tous les gâteaux faits la veille. 
-John, tiens prends un gâteau, c'est Sarah qui les a faits. Elle a dit que c'était l'une des seules choses qu'elle sait faire.
-Merci, mais c'est un mythe. Sarah sait cuisiner. 
-Pas vraiment non.
-Tu sais faire de la Chicken Soup, sans avoir à regarder la recette. Tout le monde ne sait pas faire ça. 
-C'est le seul truc que je sais faire. Ça et les quiches. Mais la plupart du temps je rate les quiches.
-C'est parce que tu en es une ? me demanda Brian, taquin.
Il se prit un coussin de la part de Tom, près à défendre mon honneur en bon petit chevalier qu'il était.
-Probablement oui. C'est tout, ça fait pas de moi quelqu'un qui sait cuisiner.
-Tu n'es pas aussi nulle que ça.
-J'ai réussi à rater un plat tout fait. Il a brûlé et il était froid au centre.

-Tu avais 12 ans. Et puis tu sais faire des tartes. Toutes sortes de tartes.
-Pourquoi tu ne m'as jamais fait de tartes si tu sais en faire ? demanda Tom avec de grands yeux. C'est pas cool. J'adore les tartes !!
-Je ne sais pas. Je t'en ferai une. C'était quoi la dernière déjà ? 
-Caramel chocolat cacahuètes. On prenait 10kg rien qu'en la voyant.

Je souris à ce souvenir. 
-La tarte façon Snickers. La meilleure que j'ai jamais faite. Une tuerie. D'ailleurs, tout le monde l'avait aimé à l'hôpital, elle avait fait un malheur. 
-À l'hôpital.
-Mon père avait une opération de 14h le jour de son anniversaire. Un truc énorme. Du coup, j'ai fait des tartes et je suis allée à l'hôpital. On a mangé notre tarte avec ses collègues et ensuite.. qu'est-ce qu'on a fait déjà ?
-On a joué aux fléchettes dans un bar, et on a été faire du base-ball.
-Ah oui. C'est vrai. Et je n'ai pas été en cours le lendemain.
-Vous avez joué aux fléchettes dans un bar avec votre fille ? demanda le Colonel.
-Un bar rempli de médecins, précisa mon père en souriant. J'ai voulu lui donner une leçon, mademoiselle pense que sous prétexte que je n'ai plus 20 ans, je n'étais pas capable de lancer des fléchettes. Elle a perdu.. 5 fois d'affilée.
-Je t'ai laissé gagner. On a un terrain de base-ball pas loin de la maison. C'est notre tradition le jour de l'anniversaire de Papa. On joue au base-ball. 
-Sarah m'a dit que tu lançais très bien John, sourit Brian.
-Je me débrouille. Sarah lance mieux que moi, ajouta-t-il avec une fierté non dissimulée. 
-C'est parce que tu m'as appris. Tom ! Tu sais lancer au baseball ?
-Non mais je sais tirer au foot, mais pas Brian.
Ce dernier leva les yeux au ciel et lança un coussin sur son frère. Il se fit réprimander par son Grand-Père.
-D'ailleurs Maman..
Tom monta sur les genoux de sa mère et il colla leurs deux têtes. Je pris un bonhomme en pain d'épices. Hum. Pas dégueulasse.
-On a parlé avec Brian et Sarah en venant ici. On veut une petite sœur. 
Je m'étouffai avec un morceau de gâteau. Brian se tapa le front et balança un autre coussin sur Tom. Natalia commença à rire. 
-Ils m'ont dit que c'était à toi que je devais demander. Et à John aussi. Parce que sur ma liste de Noël, c'était pas possible. Alors si vous pouviez nous faire une petite sœur se serait bien. Vous devriez vous y mettre.
-Tout de suite ? demanda mon père avec l'apparence du calme.
-Bah.. non pas tout de suite.
-Tom ? Tu sais comment on fait le bébé ? 
Mary fit signe à son frère que s'il poursuivait plus loin, elle le tuerait.

-Bah oui. Je suis pas idiot. 
-Moi je ne sais pas comment on fait. 
-C'est pas possible que tu ne saches pas comment on fait les bébés parce que tu en as fait un avec tante Talia. Tu ne l'as pas fait par accident. 
-Je suis juste curieux de savoir si tu connais la vraie méthode, continua Martin.
Tom bougea vers son oncle et lui murmura à l'oreille.
-Oui, c'est tout à fait ça. 
-Il t'a dit quoi ? fit Brian en piquant le dernier biscuit et en allant à côté de la cheminée pour prendre la boîte de chocolat posée dessus.
-Tu n'as pas le droit de savoir. Sinon, tu vas vouloir en faire un avec la petite rousse que tu n'as pas présenté à Maman, répondit son oncle en faisant un petit signe de tête à sa mère.
-Vous êtes relous avec Alexandra. Sérieusement. 
Il se leva et quitta la pièce.
-Brian chéri. C'est Noël. Tu as interdiction de bouder, lança Mme Miller.
-Je ne boude pas, je m'éloigne avant de commettre un meurtre. Et je vais me faire un cappuccino. Et puis les hommes ne boudent pas. C'est une réaction purement féminine. 
-N'importe quoi, s'exclama sa mère.

-Bien sûr que si. Si on a un problème entre hommes, on se le dit. Les filles préfèrent se vexer. Regarde Sarah.
-N'importe quoi, arguai-je.
Je levai les yeux au ciel et je me redressai. J'étais assise sur le tapis.
-Bah si. Tu vas aller bouder dans ta chambre, là, non ? 
-Non, j'allai te traîner dans le jardin et te provoquer en duel. 
Il me fixa d'un air ahuri et nous éclatâmes de rire. Je le suivis dans la cuisine et j'attendis qu'il me fasse un cappuccino. Il fredonnait une chanson de Noël et je repris un gâteau. À la fin de la journée, j'avais tellement mangé que je n'en pouvais plus. Je ne savais pas comment j'allais faire pour m'endormir. Mon père frappa à la porte de ma chambre. Il s'installa sur mon lit juste à côté de moi. Il me prit dans ses bras et il allongea ses jambes. J'étais nichée entre ses bras forts. 

-Merci choupi, d'être la fille la plus agréable à vivre que la Terre ait porté.

-Ce n'est pas le cas..
-Si, c'est le cas. Tu t'es comportée avec gentillesse toute la journée. Tu n'as pas boudé parce qu'on n'a pas eu notre Noël traditionnel. Et sache que je n'ai pas la même vision que Brian.
-J'aime bien les Miller. Ils sont super gentils. J'ai eu l'impression.. que je faisais partie de leur famille, tu vois ? Et puis.. toi et moi, on est une équipe. Je l'ai oublié un peu depuis ton mariage, mais je suis ta coéquipière et on ne laisse pas tomber son coéquipier. Tout ce que je veux, c'est ton bonheur. De manière inconditionnelle. Je t'aime Papa et j'aime ton couple avec Mary. Je ferai rien qui puisse gâcher ça. Je te le jure. Même si ça implique de rester mes deux semaines de vacances ici.
-En fait, une seule.
-Pardon ?

-Mary et moi nous avons décidé de vous envoyer à Aspen, Brian et toi le 31 décembre. Vous passerez la fin de vos vacances chez ton Grand-Père. 
Je me dégageai des bras de mon père. Il paraissait.. sincère.
-T'es sérieux ?
-Très sérieux. Ils sont aussi ta famille. C'est normal que tu y ailles...
-Tu rentres quand sur LA ?
-J'ai une opération importante lundi et comme Mary reprend aussi. Nous partons dimanche. Je ne sais pas si Tom revient avec nous ou s'il reste ici, il faudrait lui demander. 
-T'es le meilleur Papa du monde.
-C'est uniquement parce que tu es ma fille. Maintenant fais de beaux rêves ma choupette.

Il m'embrassa sur la tempe et il sortit de ma chambre. Le lendemain, en me levant j'étais encore sous le choc. Brian était déjà levé. Il était entrain de prendre son petit déjeuner avec sa grand-mère. J'imaginai que les autres étaient entrain de dormir. Il était pourtant 9h30. Brian mangeait de la bûche de Noël.
-C'est cool que tu sois debout. Je comptais aller faire une balade à cheval. Comme tu voulais apprendre à monter, ce serait l'idéal. En plus, tu as mis un jean, tu n'as pas besoin d'aller te changer.
-Je suis d'accord.
Je l'étais vachement moins quand je vis la taille du cheval. Comment voulait-il que je monte là-dessus ? Il était presque aussi haut que moi ! Brian m'aida. J'étais.. haute. Et j'avais peur. Il m'avait mis un casque sur la tête. J'avais l'impression d'être ridicule. Brian, lui n'en portait pas.
-Il ne faut pas que tu aies peur.
Il se mit en marche et mon cheval le suivit. C'était.. étrange comme sensation. Mais j'adorais. Il me faisait tourner et quand il estima que je me débrouillais suffisamment bien, il me laissa toute seule et je le vis arriver quelques minutes plus tard sur un cheval.
-On va aller se promener pas loin. On va faire un petit trot. 
Brian passa devant moi et mon cheval le suivit. Le paysage enneigé était magnifique. Je trouvais la balade très agréable, jusqu'à ce que mon cheval s'emballe et comme j'étais une novice, je ne pouvais rien faire d'autres que de crier. J'essayai pourtant de l'arrêter. Mais quand je vis une branche devant moi, je sus que j'allais tomber et cela ne manqua pas. La branche me coupa le souffle et je me retrouvai la tête la première dans la neige. Est-ce que je perdis connaissance ? Je sentis quelqu'un me retourner, mais j'étais un peu désorientée. Il me fallut quelques secondes pour me rendre compte que c'était Brian. Il fronçait les sourcils, inquiet.
-Tu vas bien ? 
-Super.
-Tu as mal quelque part ?
Je me redressai et je me rendis compte que j'avais mal au poignet et au coude. Sans oublier que j'étais toute courbatue.

-John va me tuer.
-Mais non. Je vais juste rentrer à pieds.
-Non. On est super loin de la maison. Tu vas monter avec moi et on va attacher ramener Plessy par la bride. 
Brian monta et m'aida à monter juste devant lui. Il siffla et Plessy, mon cheval, arriva. Il l'attacha à la bride du sien. Il me tint d'une main et prit les rênes de l'autre. Je ne savais pas quelle heure il était. Brian était silencieux.
-Brian. Sérieusement. Mon père ne va rien te dire.
-Si ton père ne dit rien, le Colonel va s'en charger, sois-en sûre. En plus, il est tard. Ça fait 3h qu'on est parti.
-C'est vrai ? J'avais pas remarqué, j'aurai pu rester longtemps encore si monsieur avait bien voulu de moi sur son dos. Tu es au courant pour la semaine prochaine ?
-Oui. Ma mère me l'a dit hier soir. Tu dois être contente, j'imagine. Tu vas pouvoir voir Marc... Ils sont bien à Aspen, non ?
Ah oui. J'avais oublié cette donnée. J'avais l'impression qu'on était pas passé par là à l'aller. Je ne reconnaissais rien.

-Je suis passé par un autre chemin, me répondit Brian, preuve que j'avais encore parlé à voix haute..Il est moins beau, mais plus rapide. Et puis j'ai un truc à faire. On va.. Steve !!! 
Le vétérinaire Hipster arriva vers nous. Il portait un chapeau de cowboy cette fois-ci. Un Hispster cowboy ? Bizarre comme mélange. Il nous salua et nous demanda si nous avions passé un bon Noël.
-Ouais c'était cool. Ça te dérangerait de garder Plessy ?
-Il a un souci ?
-Sarah est tombée et elle ne veut pas remonter toute seule, tout de suite et j'ai l'impression que depuis tout à l'heure, il boite un peu. Ce n'est peut être rien, mais je préfèrerai que tu le gardes, au moins jusqu'à ce que je vienne le chercher.
-Je vais chez tes grands-parents tout à l'heure pour voir les poulains, je te le ramène tout à l'heure.
-Merci Steve.
Brian partit au galop en me demandant de m'accrocher. C'était enivrant. Il franchit le portail de la propriété qui était ouvert et se décala sur le côté quand il vit son grand-père en voiture. Ce dernier nous fit un signe. Il arriva près du perron de la maison. Il descendit avec souplesse et tendit ses bras vers moi.
-Dis donc Queen Sarah, tu ne crois pas que je vais rester là à attendre que tu daignes descendre pendant 3000 ans non plus. Alors bouge ton cul, Princesse. 
Je passai ma jambe de l'autre côté et je me laissai tomber. Il me rattrapa et attacha son cheval.
-Tu vas le laisser là ?
-Je vais demander à Tom de le ramener.

-Tom ?
Je regardai le cheval qui faisait 1,60m de hauteur et je pensai à la taille de Tom. 
-Mon frère n'est pas une petite nature comme toi. Il sait monter à cheval, il sera ravi de le monter et de s'en occuper. Tom ? cria Brian en rentrant dans la maison.
Son petit frère apparut avec un bonhomme en pain d'épice dans la main.
-Tu peux ramener Wild-Flower à l'écurie. 
-Est-ce que je peux le nourrir aussi ?
-Oui.

Tom enfila son bonnet de Noël et après avoir dit à sa mère qu'il revenait, il fila dehors. Brian me fit un sourire narquois et il se rendit dans la cuisine. 
-Nous avons déjà mangé, avec les restes d'hier, prenez ce que vous voulez les enfants. Et j'ai fait de la soupe aussi.
-On peut manger dans le salon ?
-Oui, si vous voulez.
-C'est cool. Brian, tu m'apportes un bol de soupe ? 
-Et si tu te démerdais pour voir ?
-Brian ! Ne parle pas comme ça à Sarah et sois un peu gentil. Elle est à la fois une invitée et à la fois un membre de la famille.
-Donc je dois être sa bonniche, répondit Brian à sa mère.
-Non, ça veut dire que tu lui sors un bol pour la soupe. Comment veux-tu qu'elle sache où c'est ?
Il leva les yeux au ciel et me sortit un bol de soupe. Il me le tendit et je me servis deux louches de bouillons.
-C'est tout ce que tu vas manger ? me demanda Mary en revenant dans la cuisine pour refaire chauffer de l'eau.
-Oui. J'ai pas très faim. 
-Tu devrais prendre quelques légumes au moins ma chérie.
-Oui peut-être. Je ne sais pas encore. 

J'avalai ma soupe mais je n'avais pas faim du tout. Je pris un bonhomme en pain d'épice pour faire plaisir à Mary et je ramenai mes affaires dans la cuisine. J'avais des courbatures de malade. Je ne savais pas que faire du cheval pouvait être aussi douloureux. Surtout que j'avais mal au poignet. 
-Sarah ? Est-ce que tu veux un cappuccino ?
-Avec plaisir, monsieur.
L'oncle de Brian se mit à rire et il me dit de l'appeler Martin qu'il trouvait ça bizarre de se faire appeler monsieur par sa nièce par alliance. Il me tendit un plateau et je le saisis avec la mauvaise main. Je faillis le faire tomber et je poussai un petit cri douloureux.
-Tu as mal ? me demanda-t-il en rattrapant le plateau.
-Non, c'est bon, c'est rien du.. Aaaaaiiiiiie. 
Il venait de saisir mon poignet et je n'avais pas pu retenir cette exclamation douloureuse. 
-John ! Ta fille chérie a un souci..
-Mais non j'ai rien. J'ai juste un peu mal au poignet, ajoutai-je en voyant mon père arriver. 
-Montre-moi ça.
-J'aime pas quand tu deviens Dr Papou sans que je te donne la permission de l'être. Tu le sais, ça.
-Arrête de grogner et montre-moi ton poignet. Immédiatement. 
-Aïe. Tu me fais mal !
-Tu as une entorse au poignet. Comment tu t'es fait ça ?
-J'ai fait la conne, s'tout. 
-C'est tout, me reprit mon père et cesse d'employer un tel vocabulaire, veux-tu ?

-Oui maître.
-Et l'insolence aussi, tu peux faire une croix dessus. Penny ? Est-ce que vous auriez du baume chinois ou quelque chose qui me permettrait de la masser ?
-Est-ce que vous voulez des bandes aussi ?
-Ce serait gentil.
-Je ne sais pas si c'est prudent de laisser un cardio chir' s'occuper de mon poignet.
-Je peux aussi te rapatrier à Los Angeles pour t'emmener voir mon collègue ortho. 
-Il me fait peur ton collègue. Il est pas aussi sexy que le Dr. Torres dans Grey's. 
-Alors laisse-moi faire. Je te rappelle que je m'y connais en anatomie.
-Heureusement que je suis de ton sang et de ta chair parce qu'elle est chelou ta phrase et j'arrêterai pas de traîner avec Eric et Elijah sous prétexte qu'ils me pervertissent.

Mon père me massa avec du baume chinois et il me fit un strapping. Ça allait beaucoup mieux d'ailleurs.
-Comment tu t'es fait ça ? 
-Je suis tombée de mon lit ce matin et j'ai mal atterri. 
Mon père me regarda de son air perçant et j'arrivai, je ne sais trop comment, à soutenir son regard.
-Brian ? Tu peux venir une petite minute ? Comment ma fille s'est fait ça ?
Je regardai Brian mais de toute évidence, il ne vit pas les signaux. Peut-être parce qu'il baissait les yeux et regardait avec insistance le sol.
-C'est de ma faute.
-Rien à voir avec toi.
-Si. Sarah est tombée de cheval ce matin, parce que je suis passé par un chemin et...je n'aurais pas dû, il y a eu un animal sauvage et le cheval s'est emballé. Elle est tombée. Je suis désolé. J'aurais dû..
-Tu es tombée ? 
-Ce n'était rien Papa, grognai-je en fusillant du regard Brian.
-Tu as perdu connaissance ? 
-Non.. 
il se tourna vers Brian.
-Non. Mais elle a été un peu désorientée et elle avait mal au coude. Je pensais que c'était passé. J'aurais dû te le dire. Je suis désolé.
-Je ne suis pas fâché. Et toi, mademoiselle Sarah, au lieu de mentir, tu aurais pu me le dire tout simplement. Je t'aurais fait une bande plus tôt.
-Oui, mais Brian avait peur de se faire engueuler, alors.. je voulais pas que tu sois fâché, c'est tout. Et je pensais que ça allait passer. Je vais pouvoir continuer à faire du cheval, n'est-ce pas ?
-Uniquement si tu fais attention. Brian, je peux te parler une minute en privé, s'il-te-plaît ?
-On va monter, si tu veux.

Mon père hocha la tête et suivit Brian. Je restai comme une idiote dans la cuisine. Je montai à leur suite pour me rendre dans la chambre qu'on m'avait attribuée. Il fallait que je remette à charger mon téléphone. Il n'avait plus de batterie depuis le matin. Je pris mon ordinateur et je regardai mes mails. Ils m'avaient tous répondu. Même Chuck que j'avais remercié pour sa vidéo. Je sortis de ma chambre et je frappai à la porte de Brian. Mon père ouvrit la porte et il me sourit. Brian avait des papiers en main, qui laissa sur son lit. Mon père nous laissa tranquille.

-Je voulais savoir si tu voulais faire quelque chose de particulier cet après-midi.
-J'ai un vieux pote que je dois voir. 
-Oh.
-Oh quoi ? 
-Je voulais retourner faire du cheval.
-Tu as refusé de remonter ce matin, rétorqua-t-il en levant un sourcil.
-Ce matin, c'était ce matin. J'aurai aimé qu'on aille en ville aussi. Mais c'est pas grave. Je vais te laisser.
-Tu es horripilante comme fille. Tu veux venir avec moi, dis-le tout de suite. Je voulais voir un pote pour savoir si on pouvait se faire une soirée dans la semaine. Tu sais que j'ai promis à Tatie Suzie de faire un truc avec Pim.
-Elle s'appelle vraiment Pim ?
-Pimprenelle. Ses parents devaient être sous métamphet' lors de sa naissance je pense. Bref. Elle se fait appeler Pim. Je voulais juste savoir qui était encore dans le coin. Tu peux venir mais je ne veux pas que tu me fasses honte alors.. fais-toi toute petite et n'ouvre pas la bouche. Tout le monde va savoir que tu es une étrangère.
-Une étrangère ? Je suis..
-Californienne. Tu viens d'un autre État, donc tu es une étrangère. CQFD.
-Tu n'as rien démontré du tout. 
-C'est suffisant pour les gens d'ici. Alors, évite de faire ta madame je sais tout sur tout. Et va mettre un manteau ou une doudoune si tu as. C'est mieux. Tu seras plus passe-partout. 
Je pris une veste en laine tricotée. Je l'adorai. Je me l'étais offerte l'an dernier, du moins, mon père me l'avait offerte. J'avais été la choisir avec Sophie et sa mère. Je pris un bonnet qui allait avec. J'étais passe-partout. Brian m'attendait dans la voiture. Quand il me vit entrer, il leva les yeux au ciel.
-Passe-partout avec une veste à 700$. T'es sérieuse ? 
-Elle en a coûté que 300 déjà et, franchement, si je dois me.. grimer pour sortir, je ne vois pas l'intérêt.
-Pour te grimer.. faudrait déjà que tu te maquilles.. et c'est pas gagné. 
Il démarra la voiture et sortit de la propriété. 
-Pourquoi t'es méchant comme ça avec moi, je t'ai rien fait et tu n'arrêtes pas de me critiquer ? Comme ça, tout à coup. Je ne comprends pas.
-Noël est passé. J'ai épuisé mon crédit de gentillesse, apparemment.
-C'est à cause de ce que t'a dit mon père ? En fait c'était quoi ces papiers ?
-Ça ne te regarde en rien et ça n'a rien à voir, répondit-il sèchement.
-Tu pourrais au moins faire semblant de m'apprécier. Tu vois le minimum de politesse.

Il ne dit rien mais il conduisait brusquement. Il y avait quelque chose qui n'allait pas. Je le voyais distinctement. Mais je ne comptais pas l'harceler ad vitam æternam. Il freina sans crier gare et il se tourna vers moi. Différentes émotions passaient dans ses yeux mais c'était surtout une grande colère que je pouvais voir.
-Je suis désolé. Je suis entrain de passer mes nerfs sur toi, mais tu n'as rien à voir là-dedans.
Il redémarra en trombe. Brian venait de s'excuser ? J'avais l'impression que le Brian de Los Angeles était loin derrière nous. 
-Qu'est-ce qu'il y a ? Je peux peut-être t'aider ? 
-Tu peux retourner dans le passé et empêcher mon géniteur de m'écrire une lettre 9 ans après m'avoir abandonné ? 
-Il a fait ça ? 
-Oui. Il l'a envoyé dans notre ancienne maison.. enfin je devrai dire ma maison maintenant que ton père me l'a achetée. 
-Tu veux dire que mon père l'avait pendant tout ce temps et qu'il ne t'a rien dit ?
-Il ne voulait pas gâcher mon Noël.
-Tu l'as lue ?
-Non. Il me l'a donné avant que tu débarques dans ma chambre mais.. je n'arrive pas. À l'ouvrir.
-Tu veux que je le fasse ? Que je l'ouvre ?
Brian se tut. Il avait les mains crispées sur le volant.
-Je ne suis pas vraiment de ta famille. Enfin.. mon père et moi, on a jamais connu ton père. Si tu veux que je la lise ou que mon père la lise et qu'on te fasse un rapport, on peut le faire. Penses-y au moins. Ce serait peut-être.. moins difficile.
Il expira bruyamment et il se gara près de l'église de Crowell. Avant de sortir de la voiture, il ferma les yeux et respira. Quand il releva la tête, il allait mieux et avait repris un visage stoïque. Il m'emmena dans un café et dès qu'il passa l'entrée j'entendis des exclamations.
-Miller ! 
Il y avait un groupe de notre âge. Ils connaissaient tous Brian, le serraient contre lui et moi j'étais en retrait.
-Je vous présente Sarah, et vous n'avez qu'à vous présenter vous même. 
Ils étaient.. affectueux, c'est le moins qu'on puisse dire. Du moins pour les garçons, les filles, elles, me regardèrent d'un air étrange, un peu comme si j'étais sur leur territoire. J'étais une espèce à part apparemment. Ils avaient des chopes de bière avec eux. Je me laissai tomber sur une chaise. La serveuse n'était pas beaucoup plus âgée et quand elle vit Brian, ses yeux s'agrandirent Je la vis tirer sur sa chemise et remettre ses cheveux en place. Elle était sérieuse ? J'avais envie de rire. Elle ramena les verres vides et Brian la regarda à peine.
-Attendez, vous pouvez nous.. Sky ? C'est toi ? 
-J'ai cru que tu n'allais pas me reconnaître.
Brian se leva et la prit dans ses bras. Il lui caressa même le visage. Mon voisin de droite se pencha vers moi pour me dire qu'ils étaient sortis ensemble. Ça ne m'étonnait même pas en réalité. Elle était grande, mince et blonde. Tout à fait le style de Brian. Elle ramena une chope à chacun d'entre nous alors que nous n'avions rien demandé. Apparemment dans ce patelin, les mineurs avaient le droit de boire. 
-Je paye ma tournée.. si je retrouve mon argent , rit Brian de concert avec ses amis.
-Je mettrai ça sur ta note, dit la fameuse Sky. 
-Je t'adore Sky. Mon portefeuille est dans ma voiture. J'ai dû le laisser tomber. Je te rembourse juste après.
-Tu es là pour longtemps ? l'interrogea une fille brune cadavérique.
-Non, jusqu'au 30. 
-Tu restes même pas pour le 31, bouda la fille qui venait de parler.
-Non, je vais à Aspen avec Sarah. Mais ne fais pas cette tête. Il nous reste quelques jours, on a le temps de rattraper le temps perdu. Je pensais pas que vous alliez tous rester ici pour les vacances, mais c'est vraiment cool de...
-On a pas tous les moyens de partir, tu sais.

Brian se tourna vers le garçon assis à deux chaises de moi. Il avait un air pincé et revêche qui creusait son visage. 
-Je veux dire, les Miller ont toujours eu les moyens de faire pleins de trucs, mais y'en a d'autres qui n'ont pas vos moyens, je veux dire pour aller à Aspen ou en Californie. Bouger loin de chez soi.
-Je ne disais pas le contraire Jay.
-Ah ouais ? On n'a pas tous des millions sur un compte en banque pour aller faire nos petites vacances un peu partout aux Etats-Unis.
-Ce n'est pas le cas, je n'ai jamais été ailleurs qu'à Crowell, qu'à San Francisco, où je suis né et où j'ai habité une partie de mon enfance, et à Los Angeles où j'habite maintenant. Ça fait deux États. Et je n'ai pas de millions sur un compte en banque, arrête de dire des conneries. Je m'étonnais seulement du fait que vous soyez tous là alors que ce n'était pas le cas l'an dernier. Tu étais à Boston l'an dernier, chez ta grand-mère.
-Ma grand-mère est morte, y'a 3 mois.
Brian fit une tête pas possible.
-Je ne le savais pas.
-C'est normal, toi tu es là pour tes vacances. T'en as rien à foutre de nous le reste de l'année. Tu reviens en grand seigneur chaque année et tu nous payes des tournées au bar, tu t'envoies en l'air.. Tu repars aussi vite dans ton château mais tu n'as aucune idée de ce qu'on vit ici à l'année. Tu crois que t'es l'un des nôtres, mais c'est pas le cas. Tu ne vis pas ici au quotidien. Toi tu sais que tes espoirs et tes rêves pourront un jour se réaliser. Ouvre les yeux putain. T'es pas comme nous. Toi t'as un avenir, alors que nous on ne bougera jamais d'ici.
-Oh. Et c'est de ma faute ? Tu sais par quoi je suis passé et tu oses me mettre sur le dos tous les problèmes du monde ? C'est pas de ma faute si ta mère s'est barrée en vous laissant des dettes, Jay. C'est pas de ma faute si ma mère a décidé de s'installer en Californie parce qu'elle ne voulait pas rester ici toute sa vie. Tu veux savoir pourquoi j'aurai un avenir ? C'est pas parce que mes grands-parents ont une propriété. C'est parce que j'ai des notes excellentes parce qu'au lieu de m'apitoyer sur mon sort, je bosse. Je vais décrocher une bourse d'études et j'irai à l'université. Voilà comment on s'en sort Jay. Et si toi, tu préfères fumer de la marijuana au lieu de t'appliquer au lycée, c'est pas de ma faute. Moi, je ne grille pas mes neurones. 
Brian se leva et chercha dans ses poches. Je savais qu'il cherchait s'il avait pas de la monnaie quelque part. Je pris mon portefeuille, je me levai, je sortis un billet de 50 pour payer. La conversation prenait une tournure que je n'aurais pas imaginé.

-Tu vois ce que je disais et en plus tu laisses ta copine payer ? Même les principes fondamentaux de la galanterie, ça te passe au dessus maintenant. Pourquoi tu en aurais besoin ? 
-Je ne répondrai pas à ça, tu es déchiré, je le vois d'ici. Sarah, je suis désolé, je ne voulais pas t'infliger ça. On s'en va. 
Brian était attristé. Ça se voyait. Il sortit sans m'attendre. Je fixai le gars Jay. Brian avait raison, il avait un voile devant les yeux. Alcool ou quelque chose de moins avouable ? Je ne pouvais pas le dire.
-Je ne suis pas la copine de Brian. Je suis la fille de son beau-père et il se faisait une joie de me présenter à vous parce qu'il vous adore. Vous pouvez garder la monnaie mademoiselle.
Je tournai les talons et je sortis à mon tour. Du moins j'essayai parce que Brian venait de rentrer de nouveau. Apparemment, il voulait en découdre. 
-Pour ta gouverne James, j'appelle Jeremy toutes les semaines pour prendre de vos nouvelles et il ne m'a pas mentionné que ta grand-mère était morte, probablement parce qu'il s'attendait à ce que tu le fasses toi-même. C'est facile, je trouve, de me reprocher de ne pas donner de tes nouvelles, mais ça marche dans les deux sens tête de nœud. 
-Moi je suis une tête de nœud ? s'écria le garçon en se redressant. 
-Absolument. T'es un toxico doublé d'une triple buse. Tu penses que dans 50 ans tu seras toujours là ? Ce sera pas le cas, on te retrouvera mort dans le caniveau avant. À force de se conduire comme une connard, on devient un connard, vieux. 

Brian ne s'attendait probablement pas à ce que le mec lui saute dessus et qu'il le frappe d'un direct dans le nez. En tout cas, moi, je ne m'y attendais pas. Du sang coulait de sa narine. Il releva la tête.
-Y'a un an, tu n'étais pas comme ça. T'es devenu une loque et j'ai honte d'être ton ami, continua Brian sur sa lancée avec un ton narquois.
Il se prit un autre coup et il ne répliqua pas. 
-Même frapper, tu le fais comme une merde. 
Brian se prit un autre coup qui le fit tomber au sol. Il ne se défendait pas. Je ne comprenais pas pourquoi. Quand Jay essaya de lui donner un coup alors qu'il était au sol, j'essayai d'intervenir mais il me repoussa brusquement contre une table. Je me rattrapai avec ma main strappée. Je poussai un petit cri de douleur. C'est à ce moment là que les amis de Brian qui devaient être trop surpris du spectacle, se réveillèrent et décidèrent d'intervenir en aidant Brian à se relever et en les séparant. Il allait avoir un coquard. 
-Tu te sens mieux ? Tu viendras me présenter des excuses quand tu te seras pas totalement stone.
-Et pourquoi je viendrai te présenter des excuses ? En quel honneur ?
-Je me souviens encore..
-Mais de quoi tu parles ? Lâche moi putain Jer', j'arrive à me tenir debout tout seul. 
-De cette époque où nos parents ont déserté la vie parentale Jay, poursuivit Brian sur sa lancée. Ta mère est partie un 31 juillet, on avait 7 ans. Tu as passé le reste de l'été chez mes grands-parents. Tu pleurais toutes les nuits et j'étais là pour toi. Et l'année d'après, quand mon père est parti, c'était moi qui pleurais toutes les nuits et je t'appelais tous les jours, quelque soit le décalage horaire. Tant et si bien que ton père a fini par t'acheter un portable parce que je le réveillais toutes les nuits. Et quand je suis revenu ici pour Noël, il suffisait que je t'appelle pour que tu montes sur ton vélo pour venir me remonter le moral. Je me souviens de cette époque où on se remontait le moral l'un l'autre. C'est pour ça que tu resteras toujours mon ami et que tu peux me frapper autant que tu veux pour te défouler. Si c'est ce dont tu as besoin pour aller mieux, j'encaisserai chaque coup que tu me donneras pour toi Jay. On y va Sarah.

J'encaisserai les coups pour toi, Jay. J'étais encore sous le choc. Moi si un de mes amis venaient de me mettre une dérouillée pareille, je n'aurais pas réagi comme ça. Brian venait de me donner une véritable leçon d'amitié. Il pissait le sang. Je lui tendis un mouchoir qu'il accepta de bonne grâce. Nous traversâmes pour rejoindre la voiture. J'entendis une voix et quand je me retournai, je vis le Jay traverser devant une voiture qui klaxonna. Il monta dans une vieille voiture et il démarra. Brian était ému. 
-Je vais conduire, j'ai mon permis Brian.
Il hocha la tête et prit la place du mort. Il ne dit rien. 
-Tu aurais du fond de teint dans ton sac ? Ou de la poudre ?
-Non, je n'en mets jamais. Attends, tu aurais mis du fond de teint ?
-Ouais. Je sais me maquiller. 
Je commençai à m'étouffer de rire et il ne tarda pas à émettre un petit rire.
-Quand j'avais 11 ans, je passais mon temps à me battre. Et une fois, Martin m'a trouvé avec un coquard. Il m'a mis du fond de teint de ma mère. Elle n'a rien vu du tout. Mais rien du tout. Il faut dire qu'elle travaillait souvent à cette époque, on ne se voyait pas beaucoup. Depuis, je sais le faire tout seul. Ça m'a sauvé la vie quelques fois. Je vais devoir assumer là. 
-Je peux aller piquer du fond de teint à ta mère si tu veux. Vous devez avoir une carnation pareille de toute façon. Tu vas dans ma chambre et je reviens. 
-Tu ferais ça ? 
-Pourquoi je ne le ferai pas ? 
Brian haussa des épaules.
-Il t'a fait mal quand il t'a poussé n'est-ce pas ?
-Ce n'est rien. Je prends à droite ou à gauche.
-À gauche. 

Je le ramenai chez ses grands-parents et je garai la voiture. Il fila dans ma chambre après m'avoir indiqué dans quelle chambre logeait sa mère. J'y allai et je vis l'un des livres de mon père sur la table de nuit. J'entrai dans la salle de bains.
-Qu'est-ce que tu fais là Choupi ?
-Je.. j'ai plus de mascara, je voulais piquer celui de Mary. D'ailleurs, je vais prendre toute la trousse, comme ça pas de souci. 
-Je vais le porter.. tu vas..
-Non ! C'est bon. Pourquoi tu prends ton manteau comme ça ? Tu vas où ?
-L'une des amies de Penny a des problèmes cardiaques, je vais aller voir ses scans.
-Okay, toujours prêt, comme un Scout, plaisantai-je. 
Mon père me sourit, passa sa main dans mes cheveux et me demanda s'il pouvait sortir comme ça. Je posai la trousse sur le lit et prit une brosse à manteau pour enlever les quelques saletés que je voyais. 
-Tu sais Papa. Mary a adoré le collier. Elle a même dit que je pouvais lui piquer ses bijoux sauf celui-là. Tu as fait fort. Tu seras le premier que j'emmènerai dans ma Jaguar.
-Elle arrive chez le concessionnaire le vendredi juste avant la rentrée. On ira la chercher quand tu reviendras le samedi.
-Tu sais que je vais avoir la plus belle voiture du lycée ?
-C'était le but ma chérie. Sinon, je t'aurai acheté une Renault 16 ma chérie.
Une quoi ? Je n'avais pas tout compris mais cela fit rire mon père. Une fois débarrassée de lui, je filai dans ma chambre où je trouvais Brian entrain de fouiller dans mon ordinateur.
-Je peux savoir ce que tu es entrain de faire ?
-J'envoie un mail à Marc pour lui dire que tu adorerais lui faire des papouilles dans un endroit insolite. Comme dans une cave, attachée et lui te parlant avec un fort accent russe. 
-Tu te fous de ma gueule.
Il tourna mon ordinateur et je vis qu'il avait ouvert l'application mail et qu'il avait commencé à écrire un mail à Marc. 
-Oh le con ! m'écriai-je. 
-J'ai presque terminé.. envoyé. Voilà. Merci pour le fond de teint.
Je lui lançai la trousse dessus et je regardai ce qu'il avait envoyé. 

Marc, 
Salut, c'est Brian et comme Sarah n'est pas encore revenue, je lui pique son ordinateur pour lui faire une frayeur, je sais que quand je lui montrerai, elle va flipper, rien qu'en voyant ton nom et ça va être amusant. 
Enfin bref, il semblerait que toi et moi sommes partis sur des mauvaises bases, en partie à cause de la demoiselle d'ailleurs. Mais comme on va passer quelques temps ensemble, semble-t-il, je pense qu'on devrait remettre les choses au clair. Alors je vais tout de suite commencer. 
1/ Je ne suis pas intéressé par Sarah et ça l'a vraiment blessée que tu penses qu'elle et moi avons une liaison. Ce qui m'emmène à mon second point.
2/Si j'avais voulu coucher avec elle : Depuis le temps qu'on vit ensemble, vu le nombre de fois où on s'est vu en sous-vêtement ou autre ça serait fait. Depuis belle lurette.
3/Si tu la fais souffrir, il est probable que tu sois obligé de changer de carrière, commence à penser à un plan B.

Brian T. Miller.

-Tu as vraiment écrit ça ?
-Ouais, de toute évidence. Tu aurais préféré que je lui envoie un mail de ta part ? Ça donne quoi ?
Je levai les yeux et je regardai Brian, il avait un pinceau à la main et il avait pratiquement réussi à faire disparaître les marques. Mais c'était pas terrible.

-Attends.
Je posai mon ordinateur. Si tu la fais souffrir. Pourquoi Brian menaçait Marc ? Mon bonheur lui importait-il vraiment ? Je pris un peu de fond de teint sur ma main et je l'étalai sur le bleu naissant de Brian. J'en profitai pour détailler son visage, ce que je n'avais jamais fait. Il avait un visage assez ovale mais sa mâchoire ressortait, c'était sûrement dû au fait qu'il ne s'était pas rasé depuis deux jours et qu'il avait de la barbe. Ses pommettes que j'étais entrain de maquiller étaient saillantes et ses joues étaient creuses. 
-Ferme tes yeux, tu me déconcentres.
-Pourquoi ? demanda-t-il. Je te bouleverse à ce point ?
Il avait les mêmes yeux en amande que tous les Miller que j'avais pu croiser. Le coin externe de leur iris était plus foncée, le reste était bleu acier. Et il avait des cils fournis, un peu comme une fille. Je me demandai si on lui en avait déjà fait la remarque. Mais pour le moment ses sourcils droits étaient levés en une moue interrogative un peu narquoise.

-Tu as les mêmes yeux que ta mère et comme on est entrain de faire quelque chose de pas très bien, j'ai l'impression qu'elle me regarde. Voilà pourquoi. Tu veux paraître comme neuf ou pas ?
Il ferma les yeux et je repris un peu de matière que j'étirai. Comment faisait-il pour ne pas avoir de petits boutons et une peau aussi lisse ? Je lui demandai. 
-Juste une alimentation équilibrée. Beaucoup de légumes et de fruits. Je prends soin de ma peau, répondit-il. Et comme ma mère n'a jamais eu de filles, elle teste ses trucs de beauté sur moi. Du moins, elle le faisait. Elle me fait ses grands yeux de chat là.. je ne sais pas si elle te l'a fait encore. Tom fait la même chose quand il veut quelque chose.
-Je vois oui.

-Le nombre de fois où elle m'a demandé de tester des produits.. c'est inhumain presque. La seule fois où j'ai eu un semblant d'acné, quand j'avais 12 ans, j'ai fini chez le dermatologue. 
-C'est vrai ? 
-Je te le promets et depuis, je mets de la crème pour le visage matin et soir. Elle me fait des masques au concombre hydratant et des gommages quand elle arrive à me choper suffisamment longtemps ce qui n'est pas arrivé depuis que vous êtes partis à Seattle... J'ai parfois l'impression d'être émasculé avec ma mère sérieux.
-Je trouve cool qu'elle prenne soin de toi. Et puis t'es pas le seul à mettre de la crème. Je suis certaine que mon oncle Elijah le fait aussi. 
-Ton oncle gay. Voilà qui me rassure sur ma virilité.
-Mon oncle est très viril et puis, il est bisexuel. Et mon père aussi met de la crème sur son visage. Tu ne trouves pas que mon père est viril ?
-Je ne savais pas pour John. Et c'était une plaisanterie pour ton oncle. Les hommes des cavernes ne s'occupent pas d'eux, pas les hommes modernes et..
Ma porte s'ouvrit sur Mary. Elle allait parler mais elle se retint. Elle referma la porte et elle la rouvrit quelques secondes plus tard.

-Brian. Est-ce que tu es gay ? lui demanda-t-elle très sérieusement. Parce que tu sais que tu es mon fils chéri et que je t'aimerai même si tu couchais avec un mec. Ça ne changerait pas l'opinion que j'ai de toi et je t'aimerai toujours.
-Non ! s'exclama Brian en plissant son nez. Je ne suis pas gay ! 
-J'ai de quoi me poser des questions, tu es entrain de te faire maquiller là ! 
-Sarah.. s'entrainait.
-Oui. Je voulais juste.. Non ça ne sert à rien de mentir Brian. En fait, on voulait faire une photo tous les deux et comme j'ai lu dans le dernier magazine que tu as laissé traîner à la maison qu'il fallait toujours se maquiller pour avoir un effet bonne mine.. on a juste voulu essayer. 
-Mes chéris.. vous êtes jeunes, ce genre de conseils ne sont pas adaptés pour des gens dont la peau est naturellement brillante et tonique. 
-Brillante.. de sébum ? demandai-je, la faisant sourire. Et puis..
-On voulait se filmer Maman. J'ai l'intention de me remettre à faire des vidéos. Je voulais que Sarah accentue certains de mes traits pour la caméra. Pour faire des essais. Et on.. on essaye de faire connaissance autrement qu'à l'horizontale.
Je le frappai avec un oreiller et il éclata de rire.
-Toi, tu dois vraiment arrêter de traîner avec mon frère, soupira Mary.Tu es perverti maintenant. 

Elle sortit de la chambre.
-Que du feu, je te l'avais bien dit ! Elle a rien vu. Je pense que ça devrait suffire. Et en fait, couleur prune, dit-il en se levant et en s'étirant.
-Couleur.. prune ?
-Oui, pour tes yeux. Si tu veux les faire ressortir, il faut que tu mettes la couleur prune. Je ne sais pas exactement à quoi ça correspond comme couleur mais ma mère dit toujours que la couleur prune fait ressortir les yeux verts. J'étais entrain d'y penser en te regardant. Tu as de grands yeux verts, c'est un de tes atouts, tu devrais les mettre en valeur. 
Il ouvrit la porte et se tourna vers moi une dernière fois. 
-Et puis.. tu connais l'expression de Mirabeau, n'est-ce pas ?
Il débita une phrase en français très rapidement et je le regardai de manière étrange, j'avais juste compris.. yeux.

-Non, je ne connais pas. Je ne sais pas si j'ai tout compris vu que tu as encore parlé en français.
-Pose sur moi tes beaux yeux, qui portent dans mon âme, l'ivresse du bonheur, répéta-t-il
-C'est comme ça que tu as réussi à mettre Alexandra dans ton lit avoue, tu as débité tes phrases en français ? C'est toujours sexy quand on entend quelqu'un parler une langue étrangère.
-Ah ? Tu trouves que je suis sexy ?
-Bien sûr que non ! hoquetai-je en rougissant.
-Dis ce que tu veux McAllister, je suis sûr que dans ton for intérieur, tu me trouves hot. Et que si j'étais pas le beau-fils de ton père, tu arracherais mes vêtements et tu me violerais. 
-Oh non, si tu n'étais pas le beau-fils de mon père, ça voudrait dire qu'il n'aurait jamais épousé ta mère, ce qui signifie que tu n'aurais jamais été dans mon lycée, donc je ne t'aurai jamais rencontré. C'est ça la vérité et en plus de ça.. je préfère les blonds. 
-Tu me vexes, c'est pas beau les blonds. C'est fade. 
-Va dire ça à Brad Pitt dans Rencontre avec Joe Black.
-Pfffff.
-À Chad Michael Murray, à Garret Hedlund continuai-je sur ma lancée.
-Ils sont châtains foncés. Pas blond.
-Mike Vogel.
-Quoi ? Le mec de Under the Dome ?
-Oui, il est hot. Et y'a aussi Nicolaj Coster-Waldau... Jamie Lannister ? précisai-je.
Brian fit la moue et leva ses deux sourcils.
-Je sais qui il est.  Et des gens de notre âge, pas des ancêtres ?
-Bah Alex Pettyfer !

-Dumbo ?! Arrête il a des oreilles en chou-fleur ! éclata Brian de rire.
-T'as aucun goût Brian. 
-Bien sûr que si. Je me trouve juste plus beau qu'Alex Pettyfer, c'est tout.
-Et arrogant. Attends, je vais demander à ta mère, tu vas voir.
Je passai devant lui. et je descendis les escaliers. J'appelai Mary. Elle était avec son frère et sa belle-sœur. J'entendais Brian derrière moi.
-Brian est entrain de dire que Brad Pitt dans Rencontre avec Joe Black est fade, Mary. 
-Tu as aucun goût Brian, répondit sa mère en continuant sa broderie.
Je le narguai et je m'assis à côté de sa mère. Depuis quand elle brodait ? Savaient-ils tous, tout faire dans cette famille ? 
-Sarah était entrain de dire que les bruns étaient moches.
-Non mais quel menteur ! J'ai dit que je préférai les blonds. Il est juste vexé parce que je lui ai dit qu'il était pas mon genre et que môssieur pense qu'il est LE genre universel. 
-Ne te fais pas de souci Sarah, me répondit Natalia, Martin pense la même chose, ce n'est pas la peine de se prendre la tête, il suffit juste d'acquiescer une fois, après ils arrêtent.
-Tu ne trouves pas que je suis beau Talia ?
Son mari la regarda d'une telle manière que Natalia rougit. 
-Je crois que ta beauté ne vient pas de ton physique mon chéri. Je crois que.. c'est l'intelligence que je vois dans ton regard qui te rend beau, et ton air espiègle. C'est ta personnalité qui anime tes traits. Par exemple quand tu ris aux éclats, tu fais une grimace absolument affreuse. La première fois que j'ai vu, j'ai halluciné. Mais maintenant je trouve ça beau. C'est sûrement parce que je t'aime alors je ne vois plus tes défauts.
Martin lui sortit un remerciement en espagnol et embrassa tendrement sa femme. 
-Donc, reprit l'oncle de Brian. Je suis beau parce que je suis un comique intelligent. Or, femme qui rit, à moitié dans ton lit. Donc.. je suis content. 
Sa femme se tapa le front et Martin tapa dans la main de son neveu.

-Je ne crois pas que ça marche comme ça, intervint Brian. Je sais qu'il y a ce concept de beauté intérieure, de personnalité, je suis bien d'accord. Mais je crois que la beauté est en grande partie une question de confiance et d'affirmation de soi.. Je crois que c'est mon droit le plus fondamental de me trouver pas trop mal et de tout faire pour me mettre en valeur quand je me coiffe, quand je m'habille pour paraître au maximum de mes capacités physiques actuelles. Sans être pour autant narcissique, quand je me regarde dans le miroir, je me trouve beau. Pas pour les autres, mais juste pour moi. 
-T'es un maniaque du contrôle vestimentaire, c'est tout, rétorquai-je.
-Oui, mais je ne vois pas où est le problème.
-Pour toi, la beauté est dans le contrôle parfait de ton apparence ? Tu ne crois pas qu'on peut être beau naturellement, en étant juste soi ? Il faut nécessairement user d'artifices ? arguai-je.
-Ce n'est pas nécessaire d'avoir des artifices pour se donner un style dans lequel on se sent bien et dans lequel on se trouve beau.
-Tu sous-entends qu'il faut un style particulier de vêtements pour paraître à son avantage et être beau. Que pour être beau, il faut avoir un style. Donc tout est apparence pour toi. 
-Je.. peut-être que je m'exprime mal Sarah. Ce que je veux dire, c'est que quand on se sent soi-même beau, ça rejaillit forcément sur l'extérieur. Et se trouver beau, c'est une marque flagrante de confiance en soi. Et quand on a confiance en soi, on s'aime, et quand on s'aime, on est plus heureux. Ce que je veux dire c'est que la beauté est une somme de critère et qu'il ne faut pas s'arrêter à une chose en particulier. C'est un ensemble. Après si tu te sens beau ou belle dans une combinaison en lycra orange fluo avec des bottes vertes prairies et un chapeau à plumes, si tu es heureux comme ça.. pourquoi changer ?
-Tu dis tout et son contraire. Tu dis d'une part que la beauté intérieure ne compte pas pour ensuite dire que le bonheur est tout ce qui compte pour être beau, sans aucun critère. 
-Tu déformes tout ce que je dis.
-Je ne suis juste pas d'accord avec toi. Je considère que la personnalité de quelqu'un est plus importante que son physique.
-Tu trouves que Marc est moche ? 
-Pardon ? 
-Si tu devais cataloguer Marc dans une catégorie bien définie. Entre laid, moche, passable, normal, normal plus, beau, divin. Tu le mettrais où ? en ce qui me concerne, je le mets dans les normal-normal plus mais toi ? Tu vas le trouver divin, n'est-ce pas ? Sinon tu ne sortirais pas avec lui. La beauté est subjective. Mais il y a des critères qui plaisent selon les âges et selon l'éducation et la culture. Et selon les personnes. Moi je me trouve beau, tout simplement et si on me demande ,je dirai la même chose.Si j'en avais la possibilité, il y a très peu de choses que je changerai chez moi parce que je m'aime tel que je suis. Mais je suis sûr que tu ne peux pas comprendre Sarah.
-Ah ?

Je levai le sourcil et je l'enjoignis de continuer.
-Je crois que votre problème à vous les filles, c'est que vous voyez toujours vos défauts avant de voir vos atouts et vous voulez toujours essayer de ressembler à.. 
-Parce que tu ne veux ressembler à personne par hasard ?
-Pas à quelqu'un qui est hors de ma portée question physique. Je ne dis pas que je ne m'inspire pas, mais j'essaye de toujours voir par rapport à ce que je suis. Et en l'occurrence, je me suis jamais caché du fait que mon modèle masculin, c'est Martin. Il l'a toujours été. Je voulais lui ressembler quand j'étais petit. J'avais même demandé à ma grand-mère de me tricoter exactement le même pull que lui.
-C'était drôle, les gens te prenaient pour mon fils. J'avais 18 ans, j'étais avec Brian et les gens me demandaient comment si c'était pas trop dur d'être un papa aussi jeune. Tu te souviens Mary ?
-Je m'en souviens. Mais pour toi, qu'est-ce que la beauté, Sarah ? 
-Je l'ai dit Mary, je suis assez d'accord avec vous Natalia. La personnalité d'une personne fait sa beauté. Objectivement parlant, je trouve que Sophie est plus belle que Chris, par exemple. Parce que Sophie est d'une gentillesse exemplaire. Elle n'hésite pas à aider son prochain, peu importe qui s'est. C'est une belle personne.
Brian leva les yeux au ciel.
-Et toi ? Tu te trouves plus belle que Chris ? 
-Non.
-Et bien tu as tort, selon tes critères, rétorqua Brian en se levant. Parce que tu es bien plus gentille et douce que Chris. Et si la beauté devait être une question de gentillesse, je serai vraiment laid et moi je ne considère pas que je le suis. Donc la beauté uniquement fondée sur la personnalité et la gentillesse, c'est de la connerie. Un jour, tu devrais te regarder dans un miroir et au lieu de lister ce qui ne va pas selon toi pour être dans la catégorie belle, regarde ce qui te plaît et réfléchis à un moyen de le mettre en valeur pour cacher ce qui ne te plaît pas. Si tu arrives à trouver bien sûr, parce que d'après ce que je comprends et ce que je sais, il n'y a pas grand chose que tu aimes chez toi. Je vais refaire du thé.
Je le regardai partir. Je ne savais pas quoi dire. J'étais effarée et comme bloquée. Quand il revint, il riait.
-Je crois qu'on est entrain de vider la réserve de thé de grand-mère. Je t'ai ramené une tasse Sarah. 
Il me la tendit et je le remerciai d'un hochement de tête. Pourquoi lui avais-je dit que je ne m'aimais pas ? C'était cet endroit. Je le savais. Clairement, on se laissait aller à la confidence. Je restai silencieuse pendant que les autres parlaient. J'y repensais encore au dîner, alors qu'ils étaient tous entrain de rire. Je souriais mais je n'écoutais pas. Mon père me regardait d'un œil perçant un peu inquiet et il tourna les yeux vers Brian. Il l'observa lui aussi.

-Tu sais Brian. Au lieu de mettre du fond de teint sur tes bleus, tu ferais mieux de mettre de l'arnica.
Tout le monde arrêta de parler et regarda Brian et je devins toute rouge. Il me regarda et il sourit à mon père.
-Le fond de teint c'est plus.. fashion.
-C'est pas ce qui va empêcher un hématome de se former. Tu me montreras ça tout à l'heure.
-Comment tu as pu remarquer un hématome qui est à peine formé ? 
-C'est mon métier. Et si tu savais ce qu'on voit parfois aux Urgences en terme de camouflage de bleu, tu es un amateur mon petit et tant mieux.
-Je peux savoir ce que tu as encore fait Brian ? demanda Mary.
-J'ai rien fait.
-Comme toujours bien évidemment, rétorqua sèchement Mary.
-Il n'a rien fait justement et..
On sonna à la porte et comme par hasard Martin se leva précipitamment comme pour s'échapper.
-Brian ? C'est pour toi..
Martin revint et il y avait le gars de tout à l'heure. Jay. Il avait l'air hyper penaud et il était dégrisé manifestement. Il retira son bonnet plein de neige et il passa une main dans ses cheveux jaune paille. 
-James Parkson ! Comment vas-tu mon garçon ? Viens joins-toi à nous, fit le Colonel en se levant et en souriant.
-Non non Colonel, je voulais juste parler à Brian mais je vais revenir plus tard.
-C'est bon, j'arrive.
Brian se leva mais le Colonel le retint par le bras.
-Junior. Prends une chaise et joins-toi à nous. Tom, va chercher une assiette et des couverts pour notre invité. 
Le garçon se retrouva assis entre Mary et le Colonel, juste en face de Brian.
-Puisque tu es là, Junior, tu pourras sûrement me dire pourquoi Brian a des bleus sur le visage et je sais que tu ne me mentiras pas.
Le garçon rougit et il baissa les yeux. 
-Maman arrête d'harceler Jay, stoplait.
-Je suis désolée de me faire du souci pour toi Brian. 
-C'est de ma faute Mme Miller.
-McAllister maintenant, le rectifia Brian. Et.. ferme-la Jay. Tu n'as pas à lui répondre. 
Mary allait parler mais mon père posa sa main sur la sienne et il lui fit signe d'arrêter. Il avait regardé la main de Jay; Il avait compris.
-Si c'est de ma faute parce que c'est moi qui l'ai frappé parce que... Je suis venu lui faire mes excuses. Je vais partir maintenant.
Il se leva rapidement et quitta la pièce et Brian le suivit tout aussi vite en fusillant sa mère du regard. Mary se tourna vers moi.
-Tu aurais dû me le dire.
-Probablement, mais ce n'était pas à moi de le faire. Je ne m'immisce pas dans les disputes de fratries, même si elles ne sont pas sanguines. Si Brian avait jugé bon de t'en parler, il l'aurait fait.
Quand ils revinrent, le garçon était toujours penaud mais beaucoup moins. Brian avait retiré le fond de teint. Il n'en avait plus besoin après tout. Ils se tenaient l'un l'autre. Mary soupira, leva les yeux au ciel et servit à Jay un monticule de salade de pommes de terre.

-Tu m'as l'air.. famélique. Je dois aller botter les fesses de Littlebee? 
-Je suis désolé mais je ne comprends plus rien, c'est quoi ton prénom ? Jay ? James ? Junior ? Et c'est qui Littlebee ? Je suis perdue.
-James, c'est mon prénom. Mais comme mon père s'appelle aussi James, tout le monde m'appelle Junior, sauf Brian qui m'appelle Jay depuis.. qu'on est tout petit. Il aimait pas Junior à l'époque.

-J'aime toujours pas. Et le surnom de son père c'est Littlebee. Parce que sa mère venait de Boston.
-N'importe quoi, fit Martin. On l'a appelé Littlebee parce qu'il avait trouvé une ruche sauvage quand on était gosse. Rien à voir avec Boston. D'ailleurs, j'ai appris pour ta grand-mère Junior. Tu présenteras mes condoléances à ton père si je ne le vois pas avant toi.
-Je le ferai. Je ne crois pas que je serai capable d'avaler tout ça Mme McAllister. 
-Bien sûr que si. Regarde comme tu es maigre ! À chaque fois que je te vois, tu me fais tort. 
Il avala tout de même le monticule que Mary lui avait servi. Elle lui demanda comment se passait le lycée et s'il savait ce qu'il allait faire après.
-Oh. Je n'y pense pas. J'essaye déjà d'avoir mon année, répondit-il d'un ton un peu aigre. 
-Tu sais que si tu as envie de venir à la maison en Californie, tu nous appelles et on te fait venir ? N'hésite pas Junior surtout. Je serai ravie de t'avoir à la maison. Tu ne l'as jamais fait mais maintenant que tu es presque un homme, tu peux traverser le Texas tout seul, je pense. 
-C'est très gentil Mme McAllister. 
Ils étaient tous gentils avec lui alors que moi, il me laissait indifférente. Il m'avait poussée et il n'avait jugé bon de me faire des excuses, je ne voyais pas pourquoi je devrai être indulgente. À la fin du repas, je montai dans ma chambre pour me brosser les dents et prendre un livre pour lire dans le salon. En redescendant, je croisai les deux garçons.
-Hum.. Sarah, c'est ça ?
-Oui.
-Je voulais te présenter mes excuses, je n'aurai pas dû te pousser, tout à l'heure.

-Non, en effet. 
-Je suis désolé.
-C'est bon. Je ne t'en veux pas.
J'avais dit ça parce que Brian me regardait d'un air froid et que je n'avais pas envie de me prendre la tête. Cette journée avait été riche en émotion. J'avais hâte d'être un peu au calme. Je demandai à mon père de me masser le poignet et je m'assis auprès de lui sur le canapé. Brian était avec son ami. Tom était couché et moi, je me faisais dorloter par mon père. Mme Miller tricotait, Martin et Natalia avaient disparu comme par hasard. Mary était dans les bras de son père, un peu comme moi dans les bras du mien d'ailleurs. Ils parlaient de l'amie de Mme Miller que mon père avait examiné. Je m'endormis alors que mon père disait qu'il se renseignerait sur le cardiologue qu'elle avait été voir et qu'il prendrait contact avec lui dès qu'il ne sera plus en vacances pour s'assurer qu'elle serait bien prise en charge, puisqu'il ne connaissait pas ce médecin. Je m'endormis en pensant que mon père était quand même quelqu'un de bien et que j'étais fière de lui.


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