La boue à la surface d'une rivière

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À la fin de la journée alors que je filais en dehors du lycée, Sophie me rattrapa.

-Sarah, j'ai appelé John pour qu'il vienne te chercher au lycée à la fin des cours, je lui ai dit que tu n'allais pas bien. Je sais qu'avec ce qu'il s'est passé hier, tu es en froid avec ton père, mais là, ce n'est pas le moment. 
-Merci. Attends deux secondes.

Je venais de voir Paul, il était entouré de son équipe, dont Brian. Je marchai vers lui, j'ignorai mon quasi-frère. Je sortis les clefs de voiture de mon sac.
-Paul ! Tu peux ramener la voiture de mon oncle du côté de chez moi ? Mon père vient me chercher et je ne veux pas la laisser ici. 
-Tu plaisantes ?! Évidemment que je veux conduire ce bolide. Je le gare où ? 
-Chez moi si j'ai de la place, sinon devant dans la rue, y'a pas de souci. Merci Paul, je te revaudrai ça.
-Par une petite fellation, se mit à rire un gars derrière. 
Paul se retourna d'un geste et allait répliquer mais je le devançais.
-Absolument. Comment tu as deviné ? Il faut dire que j'ai pris des cours pour ça, avec ta mère. Et en plus, grâce à elle, je suis devenue une pute de luxe, mes tarifs sont beaucoup trop élevés pour un lycéen, mais bon, vu la voiture onéreuse dans laquelle tu roules, tu dois savoir ce que c'est.. le tapin de luxe.
-Attends, répète un peu ça, commença à s'énerver le gars qui devait faire 2 fois ma taille et ma corpulence.
-Ta. Mère. Est. Une... répétai-je en articulant
-Okaaaaay !!!!! lâcha Brian. McAllister est montée à bloc à ce que je vois. Ton père est arrivé Sarah. Tu devrais y aller. Tout de suite.

-Mais.. fit le garçon.
-Laisse tomber Stew. Elle est shootée aux antalgiques, elle ne sait pas ce qu'elle dit. 
-Je.. commençai-je mais je m'arrêtai en voyant le regard noir de Brian. Oui, il a raison. Excuse-moi Stew. En plus, j'adore ta mère. Elle a toujours été super gentille avec moi quand on était en primaire. Je suis désolée. Mais, ne sous-entends pas que je suis une pute. Jamais. Tu n'aimerais pas que tout le monde pense que tu as un micro-pénis. Moi je ne veux pas qu'on pense que je suis une pute. C'est tout. Merci Paul.

Je tournai les talons pour rejoindre Sophie qui parlait avec mon père. Ce dernier me fixait d'un air inquiet. Je souhaitai une bonne soirée à Sophie et je montai dans la voiture de mon père. Il ne dit rien pendant un long moment. Il ne voulait pas parler avant moi, je m'en doutais bien.
-Je suis désolée. J'ai déconné hier et en plus de ça j'ai abusé de la confiance que tu avais en moi. J'ai bu et j'ai repris le volant, c'était inconscient. C'est juste que.. pour une fois j'avais l'impression d'être une autre et en fait, j'ai été blessé que tu préfères aller à un match de Brian plutôt que de rester avec moi. Alors je suis partie à Santa Monica pour me changer les idées, toute seule. J'ai déconné, vraiment, et je m'en veux autant que je me suis amusée. Les photos ont été postées sur les réseaux sociaux et maintenant tout le monde pense que je suis une fêtarde et une fille vulgaire et facile alors que ce n'est pas vrai. Tu avais raison quand tu m'as dit que je devais déterminer maintenant la personne que je voulais être. Je ne veux pas être une fille comme ça. Une fille avec une mauvaise réputation et maintenant c'est trop tard. En partie à cause de Brian en plus. Je sais pas quoi faire Papa.
Mon père s'arrêta sur une place de parking.
-Tu vas relever la tête. Et je parlerai à Brian. Tu as fait une connerie, certes, mais je vois que tu es désolée et je te pardonne. Ça ne veut pas dire que j'oublie pour autant. Tu es toujours privée de sortie et punie. Je ne fais pas ça pour te brimer Sarah. Mais pour que tu comprennes que chaque acte à des conséquences. 
-J'ai surtout un putain de mauvais karma.
-Aussi, se mit à rire mon père. Mais crois-en mon expérience de lycée. Un buzz au lycée, ça part aussi vite que c'est venu. Demain, quelqu'un aura fait autre chose et plus personne ne parlera de toi. Alors tu vas relever la tête et faire comme si de rien était. Tu sais ce qu'on dit ? Les rumeurs, quand on les ignore, ne sont plus que de la boue à la surface d'une rivière. Elles ne tardent pas à disparaître.

-Je t'aime Papa.
-Et moi, je t'aime encore plus.

Mon père redémarra et me ramena à la maison. Ma belle-mère n'était pas là, mais son fils dernier né était entrain de faire de la peinture. Quand Brian rentra, mon père me demanda d'emmener Tom ailleurs, mais j'écoutai leur conversation depuis le couloir. Mon père était entrain de lui demander des comptes pour la sale rumeur à mon propos. 
-Il faut que tu comprennes quelque chose Brian. Ce qui arrive à Sarah rejaillit forcément à un moment donné sur toi. Que vous le vouliez ou non, ta mère et moi nous formons une famille et je ne peux pas tolérer qu'il arrive quelque chose à ma fille, devant toi, sans que tu réagisses.
-Attends deux secondes John. Ta fille m'a agressée dans les couloirs, en me griffant et me traitant de connard parce que quelqu'un a eu la brillante idée d'afficher ses photos en mode pétasse dans un bar dans le lycée. Je n'ai rien à voir avec ça. Et je ne veux pas avoir à me mêler à ça. Parce que j'ai essayé d'enlever ses photos et tout ce que j'ai récolté c'est de me faire cogner, encore une fois par ta magnifique progéniture. Alors j'arrête les frais. Elle s'est comportée comme une connasse, laisse la en assumer les conséquences pour une fois. Il faut qu'elle grandisse John. Et elle n'y arrivera pas si tu la couves.
-Tout le monde n'a pas eu la vie difficile que tu as eu Brian, et on ne devient pas un adulte du..
-Si. On devient adulte du jour au lendemain. Mon géniteur m'a empêché d'avoir une enfance normale.J'ai cessé d'être un enfant toutes les fois où j'ai du prendre soin de ma famille alors que ce n'était pas à moi de le faire. Je suis peut-être devenu indépendant trop vite, je ne dis pas le contraire. Mais il est temps que ta fille le devienne. On a tous les deux vécu des expériences difficiles mais moi je ne réagis pas comme elle. J'apprends de mes erreurs et là c'est ce qu'il lui arrive.Qui plus est, j'en ai assez de toujours prendre pour elle. J'ai une vie propre.
-Je ne dis pas le contraire Brian, mais il faut que tu comprennes une chose. C'est mon rôle de prendre soin de ta mère, de ton frère et de toi. Tu n'as plus besoin de te faire du souci pour eux, tu peux être comme tous les jeunes de ton âge. Avec la même insouciance. Tu peux te reposer sur moi autant que tu le veux, ça ne me dérange absolument pas. Mais je veux pouvoir compter sur toi de la même manière. Je comprends parfaitement ce que tu veux me dire avec Sarah mais, elle n'a pas ta force et elle a toujours eu du mal à se défendre elle-même. Je te demande juste de veiller à ce que cette rumeur insultante cesse. Je te demande juste de la contredire si elle t'arrive aux oreilles. C'est tout, pas de péter les dents de toute personne qui la prononcera. Tu peux faire ça pour moi ? 
Il y eut un silence et j'essayais de ne pas faire de bruit
-Oui. Je peux le faire. Mais je le fais pour toi John pas pour elle. Parce qu'en dépit de ma relation chaotique avec ta fille, j'ai beaucoup d'affection pour toi.
-Moi aussi je t'aime Brian et je te remercie pour ce que tu vas faire.

Je descendis les escaliers au moment où lui les montait pour ne pas me faire repérer en plein délit d'espionnage. Il agissait comme si je n'étais pas là. Il passa à côté de moi sans me regarder.
-Papa.. 
-Tu as agressé Brian dans les couloirs ? 
Je baissai les yeux. J'étais dans la mouise.

-Je pensais que c'était lui qui avait mis les affiches.

-Tu vas aller t'excuser immédiatement et je ne veux pas savoir, ajouta-t-il froidement alors que j'allais protester. Je ne veux pas savoir tes griefs contre lui.

Je grommelai et je remontai les escaliers, j'allai frapper à la porte de sa chambre quand je vis qu'elle était entrouverte. Brian était entrain de parler avec son iPad et ses écouteurs sur les oreilles.

-Non, je dois t'avouer que je suis vraiment de mauvaise humeur à cause de McAllister. Je viens à moitié de me faire passer un savon par son père. Donc.. je t'écoute. Ah. Oui je vois. Je vois même très bien. 
Il rejeta sa tête dans ses oreillers.
-Sérieusement Cathy, faut arrêter de me faire des trucs pareils. Tu t'imagines pas à quel point.. non mais oui je le sais. Mais c'est mal. Ne gémis pas comme ça, s'il-te-plait. Évidemment que ça m'excite. Je veux dire, ça exciterait n'importe quel hétéro. J'ai l'impression de tromper ma copine en faisant ça. On ne couche pas ensemble, je sais.. mais c'est tout comme.

J'ouvris la porte et il releva les yeux vers moi. Il me fusilla du regard et coupa le micro de son côté.
-Sérieusement, McAllister, faudrait que tu apprennes à frapper. Qu'est-ce que tu veux ?
-Apparemment je dois venir te présenter mes excuses, mais je te laisse en mode Skype Porno avec Cathy. Tu diras à mon père que je l'ai fait et que tu les as acceptés.
-Sinon ? 
-Sinon je lui dis que.. et bien que tu as sous-entendu que je m'étais faite troncher par un inconnu dans un bar et que quand ton pote m'a traitée de pute tu n'as rien dit.
-J'ai empêché Stew de te casser la gueule, je considère que j'ai fait ma part, voir plus que ma part. Alors lâche-moi la grappe avec ça. Sors de ma chambre parce que là je compte me faire une séance d'onanisme et que je ne veux pas que tu sois là, même si c'est probablement la première fois que tu verras un attribut viril en réalité.
-Tu es un abruti. Et pour ta gouverne, ton attribut de mauviette, tu peux te l'astiquer autant que tu le veux, ça n'augmentera pas sa taille pour autant. Les filles parlent beaucoup dans les vestiaires, tu devrais le savoir, non ? 
Je me rendis dans ma chambre sous les éclats de rire de Brian, je ne savais pas ce qui pouvait le faire rire autant.
-Hey McAllister ! me lança-t-il alors que j'allais fermer la porte. Tu commences à avoir de la répartie. C'est bien. Continue, tu arriveras peut-être à te défendre par toi-même la prochaine fois sans une intervention de ton papounet.
Il claqua sa porte. C'était un abruti. Voilà ce que c'était. Je faisais tranquillement mes devoirs quand mon père frappa et s'assit sur mon fauteuil. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas fait ça. Il l'avait fait pour me dire qu'il avait rencontré une femme super bien et qu'il voulait l'inviter à dîner à la maison et que si je pouvais lui laisser la maison ce serait cool. Il l'avait fait pour m'annoncer que c'était du sérieux et qu'il voulait me la présenter. Il l'avait encore fait pour me demander ce que je pensais du fait qu'il se remarie avec cette femme qu'il avait rencontré depuis peu mais dont il était fou amoureux. Mon père avait quelque chose d'important à me dire.
-Je voulais te rendre ton téléphone. J'aime pouvoir te joindre ou que tu puisses me joindre en cas de problème. Je te fais confiance.
-Qu'est-ce que tu as ? Tu n'es pas venu juste pour me dire ça, je le sais.
-Je voulais te parler de Noël, en fait.
Il prenait des pincettes. Je me tournai vers lui un quart de seconde, il n'avait pas du tout envie de rire et il avait cette petite moue sir le visage. Il voulait me faire accepter quelque chose que je ne voulais pas. Je me tournai complètement vers lui. Je voulais le voir en face, quand il m'annoncerait que quelque chose allait clocher avec Noël.

Il me fallut toute ma force de persuasion pour ne pas exploser pendant le dîner. Je ne parlai pas, je baissai la tête mais quand Mary me demanda comment s'était passée la journée, j'éclatai.
-À vrai dire, elle avait plutôt bien commencé, jusqu'à ce que tout le monde au lycée me traite comme si j'étais une catin et que des mecs me proposent de passer de bons moments eux et je pense que l'apothéose a été quand Papa m'a annoncé ce qu'on ferait à Noël.
-Sarah, arrête..
-Non je n'arrêterai pas Papa. Je pensais qu'on était une famille mais si vous prenez vos décisions sans nous consulter ce n'est plus une famille, c'est une.. oligarchie.
-Mais Sarah, où as-tu vu que dans une famille, tous les membres avaient des voix à parts égales ? me demanda Mary en levant un sourcil. Ce n'est pas une démocratie une famille. Et même si ça l'était, c'est toujours ton père ou moi qui prendrions les décisions.
-Avec mon père, on a toujours fait ça, on partage tout. Je peux comprendre que Tom soit encore petit mais Brian et moi devrions avoir voix au chapitre. Nous sommes à la fin de notre adolescence, nous sommes de jeunes adultes. En plus.. on parle de Noël !! Pas d'un anniversaire ! On a chacun des traditions mais je crois que la moindre des choses c'était d'en parler ensemble. Parce que je trouve injuste que nous devions aller chez tes parents pour Noël.
-C'est pas la mort Sarah, intervint Brian. Noël au Texas, c'est juste fabuleux. Y'a de la neige partout et le 24 décembre, on va couper notre propre sapin dans la forêt et on peut faire du cheval.

-Je ne dis pas le contraire Brian, dis-je en secouant la tête. Mais depuis ma plus tendre enfance, on va à Aspen pour les vacances de Noël, dans le chalet familial. Le jour de Noël, avant d'ouvrir les cadeaux, je vais skier ou faire du snowboard, ensuite je bois du chocolat chaud. On ouvre les cadeaux et ensuite on retourne skier. C'est Aspen quoi ! 
-Attendez.. Aspen ? Sans déconner ? Tu as un chalet là-bas John ? s'exclama Brian, ébaubi.
-Hum. Oui, je l'ai hérité de mon grand-père maternel à sa mort...
-C'est un énorme chalet. Genre le Roi des Chalets.. des tonnes de cham..
-Nous allions toujours là-bas mon frère et moi pour les vacances d'hiver, m'interrompit mon père. Il se trouve que la famille de ma femme aussi, tant et si bien que le grand-père de Sarah a acheté lui aussi là-bas il y a plusieurs dizaines d'années. Avant qu'il ne divorce d'avec sa femme. Après mon mariage et même après le décès d'Elena nous passions nos vacances là-bas et Noël avec les grands-parents de Sarah. Du moins avant que ton grand-père Evans ne se remarie avec une ancienne camarade de classe d'Éric. Ta Grand-Mère ne l'a pas digéré et Éric non plus d'ailleurs.
-C'est un détail ça. Et puis de toute façon, comme Eli est là, je ne pense pas que Grand-Mère voudrait se joindre à nous. Mais c'est le principe qui est en jeu. Vous n'avez pas pensé que mon Noël serait gâché si on allait pas à Aspen. Vous pensez sûrement que je suis égoïste, mais on est une nouvelle famille et... j'ai renoncé à mon Thanksgiving !! Je ne dis pas que j'ai pas aimé, loin de là, mais j'ai l'impression que je suis la seule qui fait des efforts pour les autres et qu'on en fait jamais pour moi. C'est pratiquement la seule fois de l'année que je vois mon Grand-Père Evans. Vous voyez, vous m'auriez dit qu'on ne allait pas à Aspen pour rester ici et se faire une nouvelle.. tradition parce qu'on est une nouvelle famille, j'aurai été attristée, certes, mais pas autant que là. Parce qu'on est absorbé par le côté Miller de la famille McAllister-Miller. Je ne trouve pas ça normal. C'est tout ce que j'avais à dire. En plus Grand-Père sera déçu mais bon...

-J'ai déjà prévenu ton grand-père Evans et il n'y voyait aucun inconvénient. Pas plus qu'Eric ou Elijah. Ma mère avait l'intention d'aller chez James et sa femme pour une fois à Noël.
-Donc tu as tout fait dans mon dos. Merci Papa, j'apprécie mais je te rappelle qu'ils ont des liens sanguins avec moi et pas avec toi quand même.

Mon père ouvrit grand les yeux. Je l'avais peiné mais il m'avait peiné encore plus en capitulant aussi vite sur Noël.

-Ce n'est pas une décision prise à la légère Sarah. Il semble naturel de..
-Je suis d'accord avec Sarah.
Je me tournai vers Brian qui venait d'interrompre mon père. Il s'était reculé un peu et avait posé sa cuiller.
-Si on peut encore voter, ça ne me dérange pas d'aller à Aspen pour Noël, dit-il. Je sais qu'on passe normalement toutes nos vacances au Texas, mais.. on est plus tout seul maman. Faut prendre en considération l'avis des McAllister.
Je ne savais pas à quoi jouait Brian. Il était d'accord avec moi ? Je m'en préoccuperais plus tard.
-C'est très gentil de ta part John d'avoir cédé à ma mère, continua Brian. On sait tous les deux qu'elle a les moyens de te faire céder, mais c'est vrai qu'on a une seule famille dans la vie. On ne sait jamais de quoi demain est fait et si Sarah a envie de passer du temps avec la sienne, ça me parait normal.
-Tom, tu tombes de fatigue, intervint mon père. Tu devrais aller te coucher, je vais venir te border.
-Mais..
-Tom, ne proteste pas. Va te coucher, fit sa mère. Je..
Le téléphone de la maison sonna et Mary se leva. Elle décrocha et elle se mit à sourire quelques secondes après.
-Vous êtes adorable Éric. Je vous le passe, il est là. John ? C'est ton beau-frère.
Ma belle-mère retourna à sa place pendant que mon père prenait le combiné de ses mains.
-Hum hum. Quel hôpital tu dis ? Ah oui. Je la connais. Copine de fac. Oui. Oui. Tu es grave mec. Tu es pire que James à la belle époque... Sérieusement, évite de dire que tu es de ma famille si tu veux te taper.. ah. Merde. Okay. C'est pour que je te donne l'autorisation de t'envoyer en l'air avec la pédiatre de ta fille que tu m'as appelé ? Je t'écoute.. Okay. Je te rappelle depuis mon bureau dans 3 minutes.
Mon père raccrocha et me regarda en souriant.
-Giulia va bien. Il y a plus de peur que de mal. Il faut que je monte. Merci de nous avoir donné votre avis sur Noël, mais je ne compte pas revenir sur notre décision, mais c'était bien essayé. Vraiment. 

J'allais répliquer mais je savais que mon oncle attendait. Par contre, je quittai la table à mon tour et je montai à l'étage. Je savais que Brian avait envie de parler à sa mère. D'ailleurs, j'avais à peine tourner le dos que je les entendis se mettre à parler rapidement en français. J'attendis Brian dans sa chambre. Je voulais lui parler. J'ouvris sa fenêtre pour aérer et je regardai les étoiles. On les voyait assez bien. Je m'assis dans le pouf de Brian et je pris le livre qui était au sol près d'une tasse vide. C'était le premier tome de The Mortal Instrument de Cassandra Clare. Je commençai la lecture et je vis un marque page en cuir dedans. Il était vraiment beau.

-C'est mon oncle qui me l'a offert, répondit Brian, preuve que j'avais encore parlé à voix haute. Qu'est-ce que tu fais là ? ajouta-t-il en s'asseyant sur le rebord de sa fenêtre.
-Pourquoi tu as pris ma défense ? Pourquoi ? Dis-le moi, lui ordonnai-je.
-Parce que j'ai envie d'aller à Aspen depuis que j'ai commencé le collège. J'en ai absolument rien à faire que tu sois en famille ou pas à Noël. Tu m'as convaincue quand tu as parlé d'Aspen. L'une des meilleures stations de ski de tous les États-Unis. Je pense qu'on devrait faire front ensemble, si on veut y aller.
-Je suis d'accord. Mon père est le maillon faible. Si on arrive à le convaincre, il insinuera le doute chez ta mère. 
-Ma mère est hyper têtue. Elle va camper sur ses positions. Tu sais quoi ? Je propose qu'on ne leur adresse plus la parole jusqu'à ce qu'ils acceptent

-Tu es machiavélique Brian.
-Ma mère m'aime plus que tout au monde et si je lui fais la gueule, elle s'en voudra. Et quand elle s'en veut, elle me donne tout ce que je veux et je te signale que ton père fait pareil avec toi. Il faut juste les culpabiliser à mort. Utilise tes oncles à ton avantage. Moi, je ne peux pas et..
Tom entra dans la chambre de Brian sans frapper et Brian lui fit signe de venir près de lui. Le petit garçon courut presque vers son frère qui le souleva pour le prendre sur ses genoux.
-Va te coucher chouchou.
-John m'a dit qu'il venait me border mais il ne l'a pas fait.
-Il va venir Tom. John respecte toujours sa parole. Il viendra même si tu dors.
-J'ai un peu mal au cœur Brian. Je crois que je suis malade.
-Ah bon ? Tu as l'air d'aller très bien comme ça.
-Je crois que je suis trop malade pour aller à l'école demain. 

Brian sourit à son frère. Il le posa au sol et ferma la fenêtre. Il le souleva dans ses bras et le ramena dans sa chambre. Je les suivis. Je restai sur le pallier.
-Tu vas me dire pourquoi tu ne veux pas aller à l'école ? Je ne te disputerai pas, j'en ai pas les moyens, tu sais. 
-Je suis malade.
-Tom. Tu peux me dire la vérité. Je ne vais pas le répéter à Maman.
-Et je ne le répèterai pas à Papa, dis-je doucement en fermant la porte derrière moi.
Tom était mal à l'aise et il finit par exploser.
-Y'a un gars qui embête les plus petits. Il est au collège et il m'a dit aujourd'hui que demain si je lui apportais pas d'argent, il me casserait les dents. Et je ne veux pas qu'il me casse les dents.Et il a dit que si j'en parlais à quelqu'un, il me casserait les deux bras aussi, répondit le garçon en pleurant franchement.
J'étais horrifiée, mais cela ne m'empêcha pas de m'asseoir de l'autre côté du lit de Tom et de le prendre dans mes bras pour le consoler. Je jetai un regard à Brian. Il était furieux. Il redressa la tête de son petit frère et essuya ses larmes.
-Tommy... arrête de pleurer, s'il-te-plaît. Écoute moi bien, Thomas. Je suis ton grand frère. Je ne laisserai personne, je dis bien personne te faire du mal. Alors tu vas me dire son nom et je vais m'en occuper. Tu n'as rien à craindre.
-Il a poussé Marjorie dans les escaliers et elle a le poignet cassé maintenant, sanglota le garçon. Il va te pousser et après tu pourras plus jouer au basket. Je ne veux.. pas.. que.. tu.. sois.. blessé..
-Tom, je vais m'en occuper et il ne fera plus jamais de mal à un plus petit que lui. Je n'ai pas peur des collégiens. Je suis plus grand et je suis plus fort que lui. Donne-moi son nom. 
Tom essuya ses larmes avec son pyjama et donna le nom et la classe de l'individu qui allait probablement perdre la vie de la main de Brian.
-Corbett ? hoquetai-je. C'est pas un gars de ton équipe, ça par hasard ?
-Je vais vérifier ça tout de suite. Tom. Je veux que tu oublies cette histoire, elle est réglée. Et si à l'avenir, quelqu'un t'embête à l'école ou embête l'un de tes amis, je veux que tu viennes me le dire tout de suite ou que tu le dises à ta maîtresse. C'est très grave si tu ne le fais pas. Il n'a pas le droit de t'embêter et s'il le fait, il pourrait avoir des problèmes avec la justice, tu comprends ? Sarah, tu peux rester avec lui un moment ?

J'acquiesçai vivement et je m'installai avec le petit garçon dans les bras pendant que Brian sortait de la pièce avec le poing serré.
-Tu sais quoi Tom ? Je vais te lire une histoire. Tu connais le Sorcier et la Marmite barboteuse ? 
-Non.
-Ok. « Il était une fois un vieux sorcier bienveillant qui utilisait sa magie avec sagesse et générosité pour le plus grand profit de ses voisins. Plutôt que de révéler la véritable source de ses pouvoirs, il prétendait que ses potions, charmes et antidotes jaillissaient tels quels de son petit chaudron qu'il appelait sa marmite de chance. À des kilomètres à la ronde, les gens venaient le voir pour lui exposer leurs ennuis et le sorcier était ravi d'y porter remède en remuant quelque chose dans sa marmite. »(1)
Tom s'endormit avant la fin et je l'embrassai sur le dessus du crâne. J'allai directement dans la chambre de Brian.

-Je voulais juste te signifier que ton frère venait de s'endormir et..

Brian me fit signe de me taire. Il était au téléphone.
-Tu as surtout intérêt à régler la situation avec ton petit frère Corbett.. De la rigolade ? Tu verras si il rigolera toujours quand j'en parlerai à ma mère et qu'elle portera plainte pour harcèlement scolaire et pour extorsion sur mineur... Ah non. Non... Il n'a que 8 ans et il s'en rend malade. Oui. Très bien. Je savais que je pouvais compter sur toi. On se voit demain. Tom s'est endormi donc ? me demanda-t-il tout en raccrochant
-Oui. Mais tu ne crois pas..
-Je m'en suis chargé. Si ça ne marche pas, je préviendrai les parents. Mais pas avant. Corbett va s'en occuper. J'ai confiance en lui. Écoute, je sais qu'on parlait de Noël mais l'histoire de Tom m'a scié les jambes, j'ai besoin de repos. Passe une bonne nuit Sarah.
Il se mit debout et attendit à côté de la porte que je sorte et il referma doucement la porte. J'étais un peu secouée. Je croisai mon père qui sortait de la chambre de Tom.
-Tout va bien ? me demanda-t-il.
-Hum.. oui. Enfin.. je suis un peu fâchée contre toi pour Noël. Tu n'aurais pas dû capituler.
-Je ne l'ai pas fait. C'est pour ça que j'ai demandé à ton grand-père ce qu'il en pensait, et à tes oncles aussi. Et ce sont eux qui m'ont rappelé que désormais, il n'y avait pas que toi et moi Sarah. La vie ne peut pas être exactement comme avant. Ce sont eux qui m'ont dit d'aller dans la famille de ma femme pour Noël. Tu peux leur demander si tu veux. J'ai vraiment hésité et c'est parce que j'ai leur soutien que j'ai accepté qu'on aille à Noël chez eux. Tu peux m'en vouloir autant que tu veux, ça ne changera pas. Pas la peine de comploter avec Brian.
-Je ne..
-Tu viens de sortir de sa chambre. C'est forcément pour comploter. Tu veux venir regarder un film avec moi ? 
-Je suis fatiguée, je vais prendre un livre je pense. Brian m'a passé une de ses trilogies, je suppose que c'est à durée limitée, il faut que je la termine. Bonne nuit Papa. 
Je posai mes lèvres sur la joue piquante de mon père et je m'enfermai dans ma chambre. Tom, victime de racket ? Je n'arrivais pas à y croire. Je n'arrivais pas non plus à croire que Brian allait en rester là et laisser son pote s'en occuper. Il était vraiment fumasse.

Le lendemain, alors que je descendais pour prendre mon petit déjeuner, je vis Brian prêt à partir. 
-Vraiment maman, disait-il. Je vais aller conduire Tom, il faut que je parte plus tôt, j'ai des livres à rendre à la bibliothèque du lycée, je préfère y aller avant les cours et c'est sur mon chemin.
-Tu veux comploter avec ton frère pour mon cadeau de Noël, avoue.
-Si c'était le cas, je ne te le dirai pas Maman chérie. Toooom ? Tu as 3 minutes pour être dans la Batmobile ! 
Avais-je déjà précisé que Brian appelait sa voiture noire, la Batmobile ? Tom dévala les escaliers, embrassa sa mère, prit son goûter et courut vers la voiture de Brian en hurlant « Nananananananananananana, BATMAAAAAAN ». Mary pouffa de rire, embrassa son fils aîné et sembla remarquer ma présence.
-Salut Sarah ! Bien dormi ? En fait, je voulais te dire que j'ai réfléchi à ce que vous avez dit hier Brian et toi. J'ai discuté avec lui aussi et je suis désolée parce que tu avais raison. Tu es une presqu'adulte. Dans deux ans tu seras majeure, dans 5 ans,  tu pourras acheter de l'alcool et tu seras déjà à la fac. J'ai tendance à croire que Brian et toi êtes des enfants mais ce n'est pas le cas. Nous aurions dû en discuter en famille.
-J'ai exprimé mon point de vue, de toute façon quoi qu'il arrive, c'est trop tard, mon père me l'a dit.
-En fait, Sarah, tu sais pour le gynéco.. j'ai eu un rendez-vous pour toi sur l'heure du midi, aujourd'hui. Je passe te prendre ou tu y vas avec la voiture de ton oncle ?
-Je préfèrerai que tu m'accompagnes.
-Sarah ? C'est quoi le problème avec Brian ? Il a emmené son frère à l'école.. la dernière fois qu'il l'a fait, c'était à San Francisco et.. enfin.. c'est quoi le problème ?
-Ça ne sera pas gratuit.
-Je te demande pardon ? 
-Je veux que tu me laisses sécher les cours de l'après-midi pour aller faire du shopping avec toi. 
-Et si je refuse.
-Je vais en cours. Je te laisse jusqu'à ce midi pour me donner ta réponse. 

Je pris mon sac de cours et pris deux pommes et une banane que j'avais l'intention de manger en guise de petit déjeuner. Je m'arrêtai en chemin chez Starbucks pour acheter deux muffins et un grand café. Quitte à être obèse, autant l'être dans les règles de l'art. Alors que j'attendais dans la file, je vis deux filles du lycée pas très loin de moi. Je baissais les yeux pour ne pas qu'elle me remarque.

-En fait, tu sais la fille qui s'est affichée la honte hier au lycée. 
Je relevai la tête.. Mon père avait tort, les rumeurs ne partaient pas aussi vite.
-Ah oui Sarah McAllister ? On était ensemble en primaire. La pauvre. C'était vraiment dégueulasse de faire ça à quelqu'un. 
-Dégueulasse ? Enfin.. il parait qu'elle sort avec Paul McDust.
-N'importe quoi !! 
-Quelqu'un les a vus dans sa voiture et ils étaient entrain de s'embrasser. Si ça c'est pas dégueulasse de piquer le mec d'une autre ? Et puis il a pris sa défense hier d'après ce qu'on dit. Preuve qu'ils sont très proches... Pam m'a dit que c'est la copine de Paul qui a voulu se venger et comme les photos étaient sur Facebook.. elle les a fait imprimer par le club du journal du lycée.
-Je suis désolée Clara. Je ne crois pas que ça justifie quoi que ce soit. On met tous des photos débiles sur Facebook, parce que ça fait parti de la vie privée. On n'a pas à les diffuser comme ça pour humilier une personne. 
-Enfin.. Facebook est un réseau social. Si elle était consentante pour mettre les photos, ça veut dire qu'elle acceptait leur diffusion sur internet.
-J'ai vu ses photos sur mon fil d'actu, ce n'est pas elle qui les a mise. Mais des amis à elle. En tout cas, si je la vois, je lui dirai qu'elle a mon soutien indéfectible. En plus, c'est toujours à la fille qu'on s'en prend. Même si c'était vrai cette rumeur, ce dont je doute, je crois que celui qui devrait se prendre les coups c'est Paul. C'est lui qui donne un coup de canif dans le contrat.

Quand elles passèrent à côté de moi, la fille qui était avec moi en primaire s'arrêta et elle me sourit.
-Salut Sarah ! Je voulais te dire que c'est vraiment immonde ce qu'on t'a fait hier au lycée et je ne suis pas la seule à le penser.
-Merci Betsy, c'est très gentil. En fait, Clara, c'est ça ton nom ? Je ne sors pas avec Paul McDust, c'est l'un de mes amis d'enfance et on est venu au lycée ensemble parce qu'il était à pieds et que j'ai eu pitié de lui. Si Paul a pris ma défense c'est parce que je suis son amie et que je sors avec son frère. Si je vous le dis bien sûr, c'est pour enlever tout malentendu, je n'aime pas que ma vie privée soit étalée à la vue de tous. Mais je suis contente que tu m'aies appris que c'était un coup de Chris et la raison de cet acharnement contre moi. Je vais m'empresser de régler cela avec elle. 
-Tu sors avec Marc McDust ? 
Elle ne me croyait pas. Je pris mon téléphone et lui montrai le selfie de nous deux à la fête foraine. Elle ouvrit grand les yeux. Quand elles partirent, j'étais hyper remontée. J'allais péter des dents de Chris. Je sortis du Starbucks. J'allais croquer dans mon muffin, mais sa simple vue me dégoûta. Je relevai les yeux. Je vis un SDF à l'autre bout de la rue avec ses sacs et son chariot. Je le voyais souvent par là. Je me dirigeai vers lui.

-Bonjour monsieur ! Est-ce que vous voulez mes muffins ? Je les ai acheté mais finalement je n'en ai pas envie. Ce serait dommage de les jeter...

Il leva ses yeux vers moi. Je ne savais pas trop si c'était de la tristesse ou du plaisir parce qu'un autre être humain venait de lui parler ou un mélange des deux que je pouvais lire dans ses yeux. Je lui tendis aussi mon café et je partis avant qu'il ne puisse me remercier. Je remontai en voiture, j'avais fait une bonne action. J'avais été dévastée la veille par les affiches mais dans le fond.. je savais que je n'avais rien fait de mal. J'ai été dans un bar avec des.. amis, c'était tout ! Je m'étais amusée. Peu importait le jugement des autres. J'allais tenter d'être en paix avec moi-même et comme m'avait dit mon père, ça finirait par se tasser à un moment donné. Quand j'arrivai au lycée, je restai un moment donné dans ma voiture. J'étais terrorisée. J'inspirai et je pris mon courage à deux mains. Je me rendis directement vers la machine à café. J'en avalai une gorgée mais j'avais un peu l'estomac noué. J'avais un cours d'algèbre. Sophie n'était toujours pas là, je ne comprenais pas. Est-ce qu'elle était malade ? Elle arriva en retard avec un mot. Elle n'était pas de bonne humeur, elle n'avait pas dû entendre son réveil. Elle s'assit non pas à sa place habituelle mais à une place plus près pour ne pas gêner plus de cours. Elle me jeta un regard qui voulait me dire qu'elle me raconterait plus tard. À la fin du cours, le prof lui demanda de rester. J'allais l'attendre près de la grande fenêtre de l'escalier. Je m'assis sur le rebord. J'avais toujours l'estomac noué mais autant passé deux heures sans manger, ça pouvait le faire mais pas quatre. Je pris la banane et je commençai à la croquer.

-Tu as vu ??? La fêtarde aime la banane, tu sens qu'elle a de l'expérience.
-Je te demande pardon ? 
La voix de Brian avait claqué et le mec s'était retourné un peu effrayé.
-On va mettre les choses au clair. Ce qui était amusant hier, ne l'est plus aujourd'hui, alors dégage. 
Le garçon avait descendu les escaliers tout aussi vite. Qu'est-ce qui venait de se passer ? Brian avait pris ma défense ? Il descendit les quelques marches qui nous séparaient. 
-Ma mère ne m'a pas cru ce matin, j'aimerai qu'on s'en tienne à la version officielle.
-Tom allait bien quand tu l'as déposé ?
-J'ai eu une discussion avec le frère de Corbett. Il ne posera plus jamais les yeux sur Tom ou sur un plus jeune que lui.
-C'est bien. Il y a autre chose ? 
-Non. Pas que je sache. En fait, bonne idée pour remonter ton capital sympathie d'offrir ton café à un clodo. 
-Je.. quoi ? Comment tu le sais ? 
-Tu oublies qu'on est dans l'ère du numérique. Et avec le numérique, les ennemis d'hier peuvent devenir les amis de d'aujourd'hui.

Il s'éloigna avec un petit sourire sur les lèvres. Je me levai du rebord de la fenêtre où je m'étais assise.
-Attends.. c'est toi qui a fait ça ? 
Il s'arrêta et il se tourna totalement. Je vis le même air que je voyais parfois sur le visage de son petit frère. Un air.. espiègle. Il posa sa main sur la rambarde de l'escalier. 
-Moi ? T'aider ? Pour qui tu me prends Troll Snot ? Pour un bon samaritain ? Je constate seulement que tu n'es pas autant une victime que tu le crois. J'ai promis à ton père de faire cesser les racontars salaces à ton sujet, pas de te faire une nouvelle réputation.
-Merci Brian, lâchai-je. Je te le revaudrai un jour.
-Je ne le fais pas pour toi. Mais pour ton père. Je préfère que ce soit lui qui ait une dette envers moi. Question d'opportunité. 
Il descendit les escaliers mais je l'interpellai de nouveau.
-Brian ! Attends ! Je crois que c'est Chris qui a posté les photos, parce qu'elle croit que je sors secrètement avec Paul. Tu pourrais faire quelque chose s'il-te-plaît ? 
-Sa majesté la Queen Sarah aurait-elle besoin d'aide ? 
Le visage entier de Brian se détendit et ses lèvres se retroussèrent en un grand sourire amusé qui dévoila ses dents. C'est fou comme il ressemblait à son grand-père comme ça.
-Oui. Je n'y arriverai pas toute seule. Avant elles m'ignoraient et ça m'allait très bien. Depuis que tu sors avec Alexandra, j'ai l'impression qu'elle me prend pour une menace. Ce qui est ridicule, tu en conviendras, mais.. j'aimerai tellement retrouver ma vie d'avant.
-J'y gagne quoi ? Non. Ne réponds pas. J'aurai le droit de te demander quelque chose, un jour. Que ce soit demain, dans 1 an, dans 20 ans. Et tu seras obligée de le faire sans poser de question. 
-Pas de dissimulation de crime ou pas de truc à caractère sexuel.
-Je suis d'accord avec la non dissimulation de crime. Mais pas avec le truc à caractère sexuel.
-Si tu me demandes de faire quelque chose de sexuel avec toi ou avec un de tes potes, sans mon consentement, c'est considéré comme du viol. Donc ça tombe dans la catégorie des crimes.
-Oui mais si pour une raison ou pour une autre, j'ai besoin que tu dragues un mec, je veux que tu le fasses.
-Ça n'inclut pas de sexe nécessairement.
-Certes. Mais si je te demande d'embrasser quelqu'un fille ou garçon, ça rentre dans le pacte.
-Okay. Alexandra et les Alexandrinettes arrêtent de m'emmerder et je rajoute Sophie dans le pacte. Elles la laissent tranquilles. 
Brian me tendit la main pour que je la serre. Il avait une poignée de main assez forte. Mon père disait toujours que la personnalité d'une personne se sentait dans sa poignée de main. Il me lâcha et il dévala les escaliers. J'avais l'impression d'avoir passé un pacte avec le diable. Sophie me rejoignit peu de temps après.

-Alors ? Tu ne t'es pas réveillée ? 
-J'ai eu trop de mal à émerger ce matin. Je t'explique, on a eu une coupure de courant à la maison et mon réveil.. bah je me suis réveillée en sursaut, j'ai regardé mon portable. J'ai sauté dans la douche, je me suis limite habillée dans les escaliers. En tout cas, j'ai mis mes chaussures et mon jean dans la voiture de mon père. Il était encore plus en retard que moi, c'est pour dire. Il faut que j'aille à la cafèt, j'ai vraiment la dalle, j'ai pas eu le temps de manger, j'étais trop en retard, je pourrais avaler un éléphant ! 
-So ? 
Je n'avais pas vu Cameron arriver. Je faillis lever les yeux au ciel. Il ne pouvait pas nous laisser deux secondes toutes les deux ? 
-Tiens, j'ai été te chercher deux muffins et.. hum.. une bouteille de jus de fruit, je me suis dit que tu n'avais peut-être pas eu le temps de manger avant de partir, vu que tu es arrivée en retard.
-Tu es trop chou Cam'.
Elle l'attira à elle et elle l'embrassa. Je levai les yeux et je vis Paul qui commençait à descendre les escaliers. Il s'arrêta à mon niveau.
-Tu pourrais dire à Marc que je n'ai rien à voir dans l'histoire d'hier ? Parce qu'il ne me croit pas du tout et qu'il est à deux doigts de prendre l'avion pour venir me, je cite "botter le cul à moi et ma bande". Fin de citation.
-Je vais l'appeler tout de suite. 
J'appelai Marc et je tombai sur son répondeur. Salut Marc, c'est Sarah.. Je ne sais pas ce que tu as entendu dire, mais quoi qu'il arrive, n'en veut pas à ton frère, je ne dis pas ça pour le protéger ou quoi que ce soit, mais il a vraiment agi de manière cool et chevaleresque. Il faut que j'y aille, Sophie me fait des grands signes, bisous, je t'aime.
-Voilà, tu es satisfait ?
Paul était juste devant moi. Il me sourit et me remercia avant de partir. Sophie le regarda descendre les escaliers. Je l'avais regardé pendant que je laissais un message à Marc et elle avait regardé Cam et Paul à tour de rôle. Est-ce qu'elle hésitait entre les deux ? Il fallait que je lui demande dès qu'on aurait une minute seules.
-Sarah ? 
Je tournai les yeux vers Cameron. Il me tendit l'une de mes barres céréales préférées en me disant que c'était la dernière à la cafèt et qu'il l'avait prise pour moi parce qu'il savait que je les aimais. Cameron était gentil. En fait, ça me faisait un peu flipper. Il était adorable. Il était Sophie en masculin. C'était tout à fait le genre de Sophie de me prendre la dernière barre de céréales de la cafétéria.
-Merci beaucoup Cameron. C'est gentil.

Il rosit. Sophie embrassa de nouveau son petit ami. Et je décidai de les laisser tous les deux. C'est alors que je la vis.. Chris. La copine bombasse de Paul. Elle me fixa et plissa des yeux. Elle fit une remarque et Alexandra se retourna avant de rire.

-Tu as un problème Alexandra peut-être ? 
-Je peux savoir pourquoi tu me parles ? me demanda la jolie rousse en penchant la tête sur le côté.
-Tu me regardes et tu ris, alors je te demande si tu as un problème quelconque.
-Non. Tu me fais juste rire. Je veux dire, je ne pensais pas qu'après ce qu'il t'était arrivée hier, tu oserais encore te pointer au lycée. Je veux dire, tous les lycées ont une meuf qui couche avec tout le monde, qui aurait pu croire que c'était toi.
-Dit la fille qui s'est fait passer dessus par la moitié de l'équipe de foot de l'an dernier.
-Je suis peut-être sorti avec trois garçons, mais moi au moins, je ne me fais pas d'argent avec. Je veux dire, tu dois être une nympho pour faire la pute comme ça, parce que tu n'es pas pauvre. Ce n'est pas une nécessité pour toi. Je me demande ce que penserait Marc de tout ça, à moins que.. Ahhhhh ouuui, je viens de comprendre. Tu es la pute de Marc McDust. Je me disais aussi, comment il pourrait sortir avec une fille qui a des boutons d'acné, qui a une culotte de cheval et les cheveux gras. Sans oublier aucun style.
-En même temps, continua Chris, elle est laide, elle est grosse, elle n'a aucun talent particulier, elle est quelconque. Mis à part pour le sexe, où on se met dans le noir la plupart du temps, qui peut s'intéresser à elle ? Je ne vois même pas pourquoi on perd notre temps. On devrait aller à notre entrainement Alex.
Elles tournèrent le dos comme si je n'étais pas là et elles partirent avant qu'un seul mot ne sorte de ma bouche. Elles étaient cruelles. Je relevai la tête et je partis en sens inverse la tête haute. Personne ne nous avait entendu. C'était pas de l'humiliation, juste de la méchanceté. J'avais envie de pleurer. Mon téléphone sonna. C'était Mary.
-Oui ? 
-Tout va bien Sarah ? 
-Non pas trop, mais ce n'est pas grave, qu'est-ce qu'il y a ? 
-J'allais te dire que je refusais ton chantage, mais tu n'as pas l'air d'aller bien du tout ma chérie. Je vais venir te chercher pour ton rendez-vous et je te garde avec moi. Encore des soucis avec la petite amie de Brian ? 
Je.. Comment pouvait-elle savoir ? Apparemment, je mis trop de temps à répondre puisque ma belle-mère soupira d'un air agacé.
-Il va falloir que je mette les choses au clair avec mon fils.
-Ne lui dis rien, s'il-te-plaît, ça ne ferait qu'aggraver les choses, il m'a promis de s'en occuper, je crois que Brian est beaucoup de choses mais je suis certaine qu'il a de l'honneur. Il va le faire. 
-Soit, mais si elle recommence, tu me le dis. Je ne laisserai pas ma fille se faire martyriser par une petite conne de cheerleader. 
Ma fille. Elle n'avait pas remarqué sûrement mais cela me chamboula. Ma fille. Elle me considérait vraiment comme un membre de sa famille, ce n'était pas seulement une figure de style qu'elle employait juste pour me faire plaisir ou faire plaisir à mon père.
-En fait, pour Brian.. je crois, je crois qu'il avait juste vraiment envie de raccompagner Tom.

Je vis Brian dans les couloirs, je l'arrêtai par le bras et je prononçai un "C'est ta mère" pour qu'il comprenne que c'était elle au téléphone. Je mis mon téléphone en haut-parleur.

-J'ai entendu Tom lui dire hier qu'il voulait faire plus de trucs avec lui, ajoutai-je. Je crois qu'il veut juste devenir un meilleur grand frère. 
-Ça me rassure ce que tu me dis. J'ai parfaitement confiance en Brian, mais j'ai eu l'impression qu'il ne me disait pas la vérité. Je crois que mon radar à mensonge est un peu détraqué. C'est moi ou tu m'as mise en haut-parleur ? 
-Oui j'ai posé le téléphone dans mon casier, le temps de prendre mes livres de cours. Il faut que j'y aille, bises Mary.
-Bisou ma chérie.
Je raccrochai et je regardai Brian d'un air triomphant. Il était soulagé. Il hocha la tête pour me remercier. Pendant le cours d'histoire où la prof nous passa encore un film, j'en profitai pour finir le brouillon de l'une de mes dissertations. Même Sophie faisait autre chose. Elle dessinait sur une page. Elle me regarda et elle me la passa. J'avais oublié que Sophie dessinait bien. Elle avait fait une caricature d'Alexandra, accentuant ses traits et ses lèvres. Elle avait l'air d'une salope en micro-jupe. Je lui redonnais pour qu'elle le colorie. Elle passa les deux heures d'histoire à faire des dessins. À la fin du cours, elle me tendit le dessin d'Alexandra. On ne pouvait pas louper que c'était elle. Cela me fit sourire. Je rangeai l'original dans mon classeur.
-Sophie, tu pourras ramener ma voiture à la maison ou chez toi ? Je ne suis pas là cet après-midi.
-Oui, bien sûr. Passe moi les clefs, de toute façon ce soir, je dors chez toi.
-Ah ? Je suis punie, tu sais..
-Oui, je sais mais je suis toute seule chez moi pendant deux jours et mon père a peur, je ne sais pas que j'invite Cam pour passer une nuit de folie, je pense. Enfin bref, il a téléphoné à ton père pour savoir si je pouvais rester chez vous. Et il a accepté. Je vais passer chercher des affaires chez moi et je vous attendrai à la Casa McAllister. 
-J'ai vraiment vraiment hâte. Bon après-midi So'.
Mary m'attendait devant le lycée. Elle était entrain de parler à Brian. Elle lui embrassa la joue quand elle me vit arriver et il se retourna.
-Sophie reste dormir à la maison, disait Mary. Tu pourrais voir avec elle à quelle heure tu comptes rentrer après les cours ? Vu qu'on ne sait pas à quelle heure on revient à la maison..
-Je vais voir avec elle. Salut Maman.
Okay. J'avais envie de lui dire que j'étais là moi aussi mais de toute évidence, cela ne l'aurait pas intéresser. Je montai dans la voiture de Mary. 
-Je suis contente que tu aies accepté de me prendre avec toi. Même si on ne fait pas une journée shopping, ça me va. De changer d'air. En fait, j'ai vraiment aimé le stage à la rédac'. J'aimerais bien refaire un stage chez toi à l'occasion.

Elle me lança un sourire absolument adorable. 
-Moi aussi j'adorerais. Tu reviens comme tu veux. Le rendez-vous est dans 15 minutes, je vais rester dans la voiture, à moins que tu ne veuilles que je vienne avec toi.
-Je ne sais pas. Tu pourrais pas juste m'accompagner dans la salle d'attente ?
-Okay ma chérie. C'est comme tu veux.

Il y avait des femmes enceintes dans la salle d'attente. Mary, très sociable, commença à faire la discussion avec sa voisine. Sarah McAllister ? Elle avait pris rendez-vous à mon nom. C'était très prévenant. Je la regardai d'un air un peu paniqué, mais elle se leva et elle entra avec moi. Elle salua le monsieur. Il avait l'air.. plutôt normal. Il me posa des questions gentilles et quand il me demanda si j'avais déjà eu des rapports sexuels, Mary décida que c'était le moment pour nous laisser tous seuls. C'était assez étrange de parler comme ça à un inconnu mais il me rassura sur le secret professionnel. Il me faisait penser à mon médecin de famille, c'est peut-être pour ça que Mary m'avait emmenée le voir. Mary m'attendait dans la salle d'attente, j'avais l'ordonnance à la main. Elle s'arrêta dans une pharmacie et me tendit le sachet.
-Si j'étais toi, je la prendrais le soir. Il faut que ce soit à heure fixe, mets un rappel sur ton téléphone. Et comme je te l'ai dit, ça ne te protègera pas. Bon.. on va déjeuner ? Qu'est-ce que tu veux ? 
-Si je te dis que j'ai envie d'un hamburger avec des frites mais comme je ne veux pas avoir des artères pourries ? 
-L'un de mes amis tient un restaurant français sans prétention qui fait de la cuisine familiale typiquement française le midi, si tu veux.
-Ouuui ! J'adore la cuisine française. Ça me donne faim. Sérieux.

Sans prétention. C'était le mot. C'était une sorte de bistrot et il y avait beaucoup de monde dedans, je ne savais pas comment nous allions pouvoir avoir une place. C'était sans compter sur les relations de ma belle-mère. On nous installa immédiatement. Je regardai le menu. Je pris une salade périgourdine et Mary une salade niçoise. C'était.. délicieux et il y avait une assez grande quantité.
-Ton ami est français ? 
-Oui tout à fait. On s'est rencontrés quand j'avais 18 ans. Alors Sarah, c'est quoi le problème avec la copine de Brian ? 
-C'est à cause de cette rumeur d'hier, rien de particulier, c'est juste que c'est lassant à la longue. Mais j'ai décidé de passer outre. Je prends ça comme une épreuve. J'ai décidé que j'allais changer en mieux. Je vais arrêter de décevoir mon père. C'était très dur à entendre quand il me l'a dit. Vraiment très dur. C'est mon devoir d'être.. parfaite aux yeux de mon père. Je veux dire... Je n'ai pas de frère et sœur, c'est un peu comme si tous ses espoirs reposaient sur moi. Il s'attend à ce que je sois parfaite, tu vois ? Il s'attend à ce que je sois une petite fille modèle, même s'il est rarement là. Encore que depuis que tu es mariée avec lui, je le vois vraiment souvent. Mais.. c'est assez pesant comme situation. Je veux dire, l'autre jour, je sais que j'aurai dû rentrer plus tôt et prévenir, je le sais, mais il ne me laisse jamais rien faire de travers et sa punition était disproportionnée.
-Je vais être honnête avec toi parce que tu l'es avec moi. Si j'avais été dans ta situation, ce n'est pas à 23h que je t'aurai appelée mais à 19. Je ne crois pas que tu puisses lui en vouloir d'avoir confisqué ton ordinateur. Il a refusé de prendre ton téléphone alors que franchement.. un iPhone 6 ? Autant te dire qu'il ne t'a rien confisqué du tout. Tu es rentrée en ayant bu, j'ai bien compris que l'odeur qu'a senti ton père venait d'un verre renversé sur tes vêtements mais quoi qu'il arrive.. tu avais bu, alors que tu es mineure et tu as repris le volant alors qu'il te suffisait de nous dire la vérité, nous serions venus tous les deux te chercher mais tu as préféré la dissimulation.
Je baissai les yeux vers la fin de ma salade. 
-Ton père n'attend pas que tu sois parfaite, pas du tout. Il attend juste que tu sois honnête avec lui. Lors de la fête organisée par Brian, c'était la même chose. Quand tu sais que tu fais des choses que ton père n'appréciera pas.. au lieu de le cacher à tout prix, tu ferais mieux de lui dire directement. C'est tout. Tu veux être parfaite ? Montre lui que tu assumes tes erreurs.

Elle avait raison. Comme d'habitude. Je profitais qu'elle aille aux toilettes pour appeler mon père. Je tombai sur lui. C'était étrange. 
-Salut Papa ! 
-Sarah ? Il y a un souci.
-Non pas du tout, je voulais juste te remercier..
-Pourquoi ? Pour t'avoir puni ? C'est ironique ? Parce que je n'ai..
-Non. De m'aimer de manière inconditionnelle et te toujours me pardonner quelque soient les conneries que je fais. Je voulais juste te dire que je voulais redevenir la fille honnête que j'ai été et que je ne te décevrai plus.
-Okay ma chérie. Passe moi ta belle-mère maintenant. 
-Je..
-Tu es censée être en cours, j'imagine que tu es avec Mary...
-Oui, mais elle s'est levée pour aller aux.. attends, elle arrive. Mary, c'est Papa au tel.
Elle prit mon téléphone des mains.
-Bonjour mon amour, oui. Oui. Non. Je passerai, se mit-elle à rire. Bisou je t'aime. Bon. Ton père sait que tu fais l'école buissonnière mais vu que tu es avec moi, il s'en moque. Tu viens ? 
-On a pas pris de dessert ? 
-Chérie. On va aller sur la terrasse d'un grand hôtel pour ça. 
Je devais avouer que l'idée de Mary était tout à fait excellente. Elle entra dans l'hôtel et demanda une table. On aurait cru qu'elle avait ça tout sa vie. C'était probablement le cas d'ailleurs. Elle se mit à rire en voyant ma tête. Elle m'avoua qu'elle faisait souvent cela avant quand son fils aîné aimait encore trainer avec sa mère. 
-Alors.. dis-moi tout Sarah ? Où voulais-tu faire du shopping ? 
-Je ne sais pas trop.
-J'aurai besoin de passer à la boutique de lingerie, j'ai vu une parure superbe en passant ce matin. Après on peut aller où tu veux. 

À vrai dire, je voulais juste passer du temps loin du lycée, ma belle-mère l'avait bien compris. Elle m'emmena dans les grandes boutiques de la ville. Elle essaya des tonnes d'habits, j'essayai des tonnes d'habits et nous nous prenions en photo. J'avais reçu plusieurs notifications sur Facebook et Instagram. Apparemment ma belle-mère s'amusait à publier nos plus belles photos. Je savais qu'elle faisait ça pour inonder mon mur et le fil d'actualité de tout le monde. 
-Tu sais quoi Sarah ? Choisis n'importe quoi dans la boutique et je te l'offre.
-Hum.. on est chez Hermès, pas chez Forever 21. Ça va te coûter une..
-Sarah. Choisis n'importe quoi dans la boutique et je te l'offre. Je suis une femme indépendante, je gagne mon propre argent et je le dépense comme bon me semble. D'ailleurs je vais m'acheter un foulard en soie, alors.. dis-moi, je ne connaissais pas ce bracelet ?
Elle regarda le bracelet offert par Chuck. Je rosis.
-Oh, je vois, le mystérieux petit ami.. Il te fait de beaux cadeaux.
-Ce n'est pas.. c'est pas le mystérieux petit ami, c'est un échange avec Chuck.. je veux dire Charles. Vu qu'il a mon chèche, je lui ai passé pour un concert et il me l'a pas rendu, parait que c'est devenu son nouveau grigri, enfin bref, comme je lui ai dit que j'y tenais, il m'a passé son bracelet en gage. S'il l'abîme, je peux le garder.
-Le chèche qu'on avait acheté la dernière fois ? Il ne vaut certainement pas ce bracelet.
-Oui je sais, j'ai gagné au change, non ? ce foulard est beau.
Il était bleu avec des motifs psychédéliques dessus.
-C'est un Twilly, tu peux le nouer partout. Autour de ton cou, autour d'un chignon, en bandeau. Tu sais quoi ? On devrait en prendre chacune un. Qu'est-ce que tu penses ?
-J'adorerai mais..
-Pas de mais. Et puis, il ne coûte que 150$ pièce.
-J'adore le "que"

Ma belle-mère se mit à rire et elle m'embrassa sur la tempe en me disant que j'étais mignonne. J'étais quand même super contente qu'elle m'en achète un. Elle passa à la boutique de lingerie et elle me demanda ce que j'en pensais. Je n'arrivais pas à détacher mes yeux de son corps. Elle était vraiment parfaite. Elle n'avait pas de cellulite, elle était très mince selon mes critères mais avait quand même des seins et des fesses.

-Quand on pense que tu as eu des enfants, c'est un truc de fou.
-Ce truc de fou, ça s'appelle un coach privé très aimablement payé par mon frère après mes grossesses. 
-Sérieux ? Moi je l'aurai mal pris.
-Je l'ai mal pris lors de la naissance de Brian. Cependant j'ai rapidement vu l'intérêt, j'ai repris ma ligne pré-grossesse en quelques mois seulement. Alors, il s'est senti obligé de le faire aussi après la naissance de Tom. 
-Brian adore son oncle.
-Il s'est beaucoup occupé de lui après le départ d'Alessandro.
-C'est étrange d'avoir un prénom à consonance italienne alors qu'on est d'origine française.
-La grand-mère de Brian a épousé un américain d'origine italienne. Il ne te l'avait pas dit ?
-Non, il l'a omis. 
-C'est typique de Brian. Il ne ment pas, il omet des informations volontairement pour ne garder que ce qui a de l'intérêt pour lui au moment où il en parle. J'imagine que tu ne sais pas qu'il ne s'appelle pas Miller n'est-ce pas ? 
-Pardon ? 
-Le vrai nom de Brian. C'est Miller Teobaldo et non Miller. Il n'y a que Tom qui n'a pas le nom de son père. Et quand il nous a quittés.. Brian ne voulait plus entendre parler de lui. Il ne se fait jamais appeler par son nom de famille en entier. 
Hum.. c'était intéressant. Je me demandais si j'allais m'en servir contre lui.
-Il ne parle jamais de son père, dis-je.
-Il s'est senti trahi. Ça a été un choc pour lui et il ne veut pas rappeler à Tom que son père est parti quelques heures avant sa naissance, qu'il pense que c'est de sa faute à lui s'il est parti. 
Mary tourna la tête et regarda le ciel. Elle était triste. Je m'en voulus tout à coup de la rendre comme ça. Je lui pris le bras, alors que nous remontions la rue.
-Je comprends que tu n'aies pas envie de parler de ton ex. C'était indélicat de ma part. Je te prie d'accepter mes excuses.
-Ce n'est rien. Vraiment. Tiens, notre photo en mode diva a fait des merveilles ! 
Je regardai le téléphone de Mary. Je levai un sourcil. Brian avait commenté une photo où nous étions toutes les deux en 3/4 face. Moi avec une robe de chez Saint Laurent et Mary, splendide en Versace (2)
-Ça change du style Petit Bateau ?! Il a vraiment écrit ça ? m'étranglai-je à moitié.
J'eus une envie de meurtre. Je pris mon téléphone, direction Facebook. J'aimai automatiquement toutes les photos que ma belle-mère avait posté et je changeai ma photo de profil pour celle où nous portions chacune un chapeau à long bord, des lunettes de soleil de la boutique Chanel. Je fis ça uniquement pour faire chier Brian. Je le savais mais je trouvais ça.. grisant d'imaginer sa tête quand il verrait sa mère avec moi. J'allai vers la photo qu'il avait commenté. Je vis qu'une tripotée de personnes aimait ce commentaire dont Alexandra. Pourquoi j'étais amie avec cette fille sur Facebook déjà ? C'était sans compter sur les amis et collègues de Mary et de mon père. Ma belle-mère avait taggé mon père dessus en écrivant : Journée Shopping de Luxe - PS : John, ne regarde pas ton compte en banque. J'éclatai de rire. Et je répondis en commentaire. Mais que cela ne te dispense pas de m'offrir un autre cadeau, John ;).

En rentrant chez nous, je vis la voiture de mon oncle garée. Avant même de pousser la porte, j'entendis la musique latino. Sophie était entrain de rire, je l'entendais depuis la cuisine. Elle hurlait de rire plus exactement. Elle débarqua dans le couloir. Elle avait du chocolat sur le visage.
-Salut ! Vous êtes rentrées !
-Hum, So', tu as de l'œuf dans les cheveux. 
-Ah.. oui. On faisait des cookies avec Brian. Et c'est parti en vrille.
J'entendis le rire de Brian et ce dernier arriva. Il avait de la farine sur lui.. Il s'essuya les mains sur son T-shirt et il fit tourner sa mère sur elle-même.
-Danse avec moi. Y para qué llorar, ¿Pa' qué? Si duele una pena, se olvida (3)
Brian.. chantait en espagnol ? C'était quoi ce délire. Il entraina sa mère dans une salsa dans le couloir. Ça se voyait qu'ils avaient l'habitude de le faire parce que Mary jeta son manteau dans le couloir pendant qu'il la faisait tourner. Sophie m'entraina à son tour mais comme ni elle ni moi ne savions danser la salsa, nous nous contentâmes de danser l'une avec l'autre au son de la musique. À la fin de la chanson, je m'éclatai sur le canapé en riant. J'observai Mary et son fils. Ils avaient collé leurs nez. Je faisais ça enfant avec ma mère.
-En fait, Sarah, finit par me dire Brian. Plus personne ne parle de toi au lycée. Le buzz, Sarah danse sur des tables dans un bar est terminé. Il a été remplacé par Julian Humbs, qui a embrassé sa copine et ils sont tous les deux restés coincé par leurs appareils dentaires pendant 1h.
-Les pauvres...
-Il n'a pas tout dit, commença à rire Sophie. Ils étaient tous les deux entrain de.. disons qu'ils n'étaient pas dans une position à leur avantage.. dans le placard à balai et le concierge les a chopé pendant qu'ils essayaient difficilement de remettre la culotte de sa copine.
Brian éclata de rire. 
-Erreur de débutant, faut jamais se planquer dans le placard à balai. Ils sont vraiment trop cons.
-Tu as l'air bien renseigné sur la question Brian Miller, constata sa mère en levant un sourcil.
-Je te rappelle que tu es déjà venue me chercher chez le proviseur pour pire que ça. 
-Tu parles du jour où tu n'as rien trouvé de mieux que de rentrer dans le vestiaire des filles pour étudier leur anatomie pour le cours de science ? Ou celui où tu as couru nu comme un ver à travers le stade de rugby pour honorer un pari ?
-Je parlais du jour où j'ai étudié personnellement les caractères sexuels secondaires chez la femme dans le laboratoire de chimie.
-Ah oui, la neige fondue sur les seins de Katie Closter. Comment oublier ça. En effet. Je crois que le pire dans cette histoire c'est quand plus d'avoir tripoté sa fille, tu as collé ton poing dans la figure du père, ajouta Mary en retirant ses escarpins vertigineux.
-Il avait dit que j'étais mal élevé. Ce qui est totalement faux. Je suis très bien élevé, je ne mets juste pas à profit mon éducation dans certaines circonstances. Bref, c'est parce qu'il a clairement dit que tu étais une mauvaise mère et que des gosses comme moi on devrait les enfermer parce que j'étais, je ne sais pas.. une sorte de prédateur sexuel.. C'est pour ça que je l'ai frappé. Et puis bon, sa fille a trouvé ça héroïque, selon ses propres termes. Katie. Hum.. elle était vraiment douée cette fille.
-Ce genre de détails Brian, je préfère pas les connaitre.. Personne ne veut connaitre ce genre de détails.
-Je suis sûr que ça aurait intéressé John.
-C'est à cause de cette.. solidarité masculine; Moi tant que tu n'attrapes pas le VIH, ta vie sexuelle ne m'intéresse pas. Mets toi ça dans le crâne. Je vais faire à dîner. Tu as un entrainement ce soir Brian ?

-Non. Exceptionnellement, la femme du coach est sur le point d'accoucher.. alors.. non. Tu crois que..
-Oui. Ce serait bien de faire un cadeau et..
J'entrainai Sophie dans ma chambre et je lui racontai ma journée. Depuis la crasse faite par Alexandra à notre virée shopping.
-Moi, elles m'ont ignorée. Après, il faut dire que Cam' ne m'a pas laissée une minute de libre parce que tu n'étais pas là et qu'il ne voulait pas me laisser toute seule.
-Ça devient sérieux entre vous.
-Je l'aime beaucoup. Je ne crois pas que je suis amoureuse de lui mais j'ai beaucoup d'affection pour lui. Il est tellement.. comme moi. C'est effarant. Je ne pensais pas que je trouverai quelqu'un qui me ressemble autant. On aime les mêmes choses et il a toujours une discussion passionnante. En fait, pourquoi tu portes toujours le bracelet de Chuck ?
-Honnêtement ? Je suis tellement douée que je risque de le perdre et j'aurais jamais les moyens de lui acheter un autre. Et puis.. ça me rappelle tous les jours que si j'avais un problème je pourrais l'appeler et qu'il prendrait le premier avion pour venir. Comme Ray. Après, tu as raison. Je devrais le retirer.
-Je ne dis pas ça pour ça. C'est juste que si un jour Marc se rend compte que tu portes le bracelet d'un autre. Ça pourrait créer des problèmes dans ton couple.
-J'en ai conscience. 
En fait pas tant que ça. Elle avait raison. Je ne voulais pas raconter mon histoire avec les garçons à Marc ou à qui que ce soit pour le moment. Je regardai le bracelet, le retirai et le mis avec les bijoux de ma mère, dans la boîte que je sauvegarderai s'il y avait un incendie, autrement dit. Je me sentais un peu nue sans. Mon père rentra à temps pour le dîner. Après le dessert, mon père nous regarda avec sérieux.
-Bon, les filles, je sais qu'on a jamais fait ça mais comme Sarah est punie et que théoriquement, elle n'avait pas le droit de recevoir de visite, Sophie, j'apprécierai que tu dormes dans la chambre d'amis du haut et non dans sa chambre. En plus tu seras plus à l'aise. Tu pourras mettre tes affaires dans les placards.
-Si je commence à mettre mes affaires dans les placards John, ça va devenir ma chambre.
-Tu es déjà chez toi ici, Sophie, alors que tu aies ta propre chambre ne me choquerait même plus.
-Hum.. tu veux que Sophie dorme dans la nursery ? hoquetai-je.
-L'ancienne nursery qui est devenu une chambre d'amis, il y a quoi.. 3 ans ? J'adore quand ma fille débarque comme ça. Sinon tu peux prendre celle du bas. C'est comme tu veux, tu choisis. 
-Celle du haut, ce sera parfait. Merci encore de m'accueillir John. 
-C'est naturel. Tu n'es pas ma seconde fille pour rien. Et je sais que Nicholas aurait fait la même chose pour moi. 
-Mais.. protestai-je. Votre chambre est reliée à..
-Hum.. Sarah. Le côté de la chambre d'amis est bouché et on a laissé la porte dans notre chambre uniquement parce que cette pièce est susceptible de redevenir une nursery un jour. Et arrête de bouder, c'est inélégant chez une jeune femme.
-Sophie et moi on a encore des devoirs à faire pour demain. Est-ce que je peux récupérer mon ordinateur ?
-Dans mon bureau, sur le dessus. 
Je poussai la porte du bureau de mon père et de l'ancienne nursery. En effet, elle était devenue une chambre d'amis. Je me rappelais maintenant. Mon père avait fait faire les travaux pendant que j'étais partie en vacances à la plage. Mais c'est vrai que dans mon esprit, cette pièce était restée la même. Je refermai la porte et je retournai auprès de ma meilleure amie qui parlait avec mon père de Nicholas et de sa rédemption. Elle avait l'air tellement plus heureuse et épanouie. On sonna à la porte et j'allai ouvrir. C'était la dernière personne au monde que je m'attendais à voir et pourtant.. il était là, devant notre porte, à m'ouvrir les bras et à me sourire comme si j'étais la plus belle créature du monde.

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(1)Extrait de: J.K. Rowling. « Les Contes de Beedle le Barde. » iBooks. 
(2) Pour le look de Sarah  : http://www.net-a-porter.com/fr/fr/product/592487  et pour celui de Mary : http://www.net-a-porter.com/fr/fr/product/594141
(3)Extrait de Vivir mi vida de Marc Anthony.


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