L'Errant

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Il y a cinq évènements importants dans la vie d’un Errant.

Le premier consiste à être choisi par le familier d’un Errant, comme élève de ce dernier.

J’avais moins d’une dizaine d’années, lorsque Miarée(1), la chouette hulotte de l’Errant, me choisit. J’abandonnais, mes parents, mes frères et sœurs, mes amis, la maison dans laquelle j’étais né, tout ce que je connaissais et mon nom, pour suivre l’Errant.

Le second consiste à être choisi par le familier, qui devient le vôtre.

J’allais sur mes quinze ans quand au sortir d’une forêt, une très jeune chienne se présenta à nous comme mon familier. Mon maître fut surpris, car il est exceptionnel qu’un familier soit un animal domestique, mais elle communiquait par télépathie, il s’agissait donc bien de mon familier. Elle nous informa qu’elle a pour nom, Oushka. Elle est toujours à mon côté.

Le troisième consiste à recevoir son bâton d’Errant.

C’est au cours de ma vingt-troisième année que mon maître grava la dernière rune, sur le bâton qu’il avait sculpté pour moi. Comme le veut la tradition, il me le remit à un carrefour. Puis alors que Miarée perchée sur l’épaule, il se dirigea vers l’ouest, Oushka et moi mîmes le cap à l’est.

Le quatrième est sa première prestation.

La mienne eut lieu quatre jours après avoir reçu mon bâton. Dans un village de deux à trois centaines de personnes, dès le premier soir, j’obtins un certain succès en contant “La reine Jupila et les licornes”.

La cinquième consiste à enseigner à un élève.

Une première fois Oushka avait sélectionné un jeune pourvu des qualités de conteur et d’une étincelle de magie. Ce fut notre unique désaccord, car pour ma part, j’estimais qu’amoureux, il n’aurait jamais acquis le détachement et la sérénité nécessaires à la vie d’Errant. Il sera un excellent conteur, mais jamais un Errant, tranchais-je.

Quelques années plus tard, elle en choisit un autre, que j’approuvais. Plusieurs années nous cheminèrent en trio. Puis un midi alors que nous déjeunions tous trois, un mainate se posa sur la tête de mon élève. Leloui est certainement le familier le plus impertinent et le plus bavard qui ait jamais existé.

Sur le bâton que je m’apprête à lui remettre, je viens de graver la rune ᛗ afin qu’il soit volubile, que sa mémoire ne connaisse pas de défaillance et que s’ouvre son troisième œil.

Je lui confierais également mon trésor, n’imaginez pas qu’il s’agisse d’une fortune. C’est beaucoup plus.

Il y a bien longtemps, alors que cela faisait quelque temps que j’errais dans le pays d’où je viens. Lorsque mon auditoire – qui, après que j’eus conté “La chute de l’empire Tropol” – se révéla composé d’une pléiade d’érudits, je devins leur auditeur pendant cinq jours. Le quatrième l’un d’eux me remit une tablette, en pierre de lave, découverte dans les ruines d’une ville du monde d’avant. Il s’agit d’une pierre magique dans laquelle Ulep Jgeaaēl – qui semble avoir été un poète célèbre de l’ancien monde – a consigné la geste d’Areu voleur de vies. C’était la découverte de cette pierre qui les avait réunis, elle confirmait ce que relataient onze tablettes précédemment découvertes en divers lieux de la planète. Ils débattaient d’un possible lien entre la disparition d’Areu et la chute de la fille d’Opale.

Pour les conteurs, Errants ou sédentaires, comme pour les érudits sa valeur est inestimable. Il serait fort regrettable qu’après ma mort – laquelle approche – elle soit trouvée par une personne dépourvue d’intérêt pour les récits historiques et autres (2), car elle pourrait fort bien être intégrée à un mur, voire servir de cale à une roue de chariot ou à un meuble branlant.

À la prochaine intersection, Leloui et le nouvel Errant partiront vers le levant, Oushka et moi vers le couchant.

¤¤¤

Notes :

1) Les Errants désignent toutes les créatures par leur nature ou leur fonction. Ils abandonnent leur identité et ne peuvent côtoyer des êtres dont ils connaîtraient le nom. La seule exception concerne les familiers qui sont toujours désignés par le nom sous lequel ils se sont présentés à leur Errant.

2) rappel : Les dix-sept pierres magiques ne communiquent qu’avec ceux qui ont la volonté de partager leurs contenus.

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