68. Le cadeau du geek

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Lyana

J’hésite sur la conduite à tenir mais c’est beaucoup trop tentant pour que je passe à côté d’une telle opportunité. Théo est niché sur un escabeau trop petit qui l’oblige à lever les bras pour peindre le haut du bâti de la porte et son tee-shirt baille juste sous moi qui tiens le pot de peinture et le petit pinceau pour les retouches.

Comme je l’avais proposé à Yvette et René, je me retrouve à les aider à refaire leur salon… accompagnée de mon partenaire de fuite et de vie. L’homme de mes journées et de mes nuits. J’ai baissé la garde comme jamais et après réflexion, je ne regrette absolument pas. Ce que je vis aujourd’hui m’épanouit comme jamais je ne l’ai été. Je me découvre autrement, beaucoup moins fermée, bien plus souriante et joviale, même si pèse encore le poids d’un avenir incertain. Pas de nouvelles des Russes, Henri est furax mais ne peut pas faire grand-chose, et le procès n’a pas encore de date… Trop de choses nous empêchent d’être totalement sereins, mais nous profitons au mieux au quotidien.

Je me penche pour plonger le petit pinceau dans le seau d’eau à mes pieds pour le rincer et l’essore comme je peux avant de le glisser sous le tee-shirt de Théo pour le faire courir sur sa peau. J’ai souvenir qu’il déteste la sensation de la peinture, mais une petite blague sans le mettre vraiment mal à l’aise, ça passe, non ? Il sursaute en sentant la fraîcheur sur son ventre et lâche son propre pinceau qui rebondit sur mon épaule avant de s’écraser au sol.

— Qu’est-ce que tu es maladroit, ris-je.

— C’est toi qui me déconcentres, s’agace-t-il un peu. J’espère qu’on n’a pas sali tout le salon de René et Yvette !

— Eh, t’énerve pas, beau bougon, c’est ta faute. Tu me présentes ton ventre, ma bouche ne peut pas l’atteindre, il faut bien que je trouve un subterfuge pour te punir de me tenter, non ?

— Ta bouche est responsable, c’est ça ? Il va falloir que je me fasse justice, alors, répond-il en descendant de son escabeau pour me serrer dans ses bras et m’embrasser.

J’éloigne le pot de peinture que je tiens toujours dans ma main et laisse tomber le pinceau pour m’agripper à lui et savourer ce nouveau contact. La droguée prend sa dose, magnifique !

— On va mettre six mois à faire la pièce si à chaque fois, ça finit pareil qu’hier.

C’est-à-dire nus, sur le canapé, l’un dans l’autre, et manquant de se faire griller par les propriétaires qui rentraient des courses.

— Cela ne me pose aucun problème, s’esclaffe-t-il en me serrant encore plus contre lui.

— Tu ne vérifies même pas si je t’ai fait une trace de peinture ? Je me rappelle de la première fois où toi et moi on a côtoyé la peinture, tu étais de moins bonne humeur !

— Je crois que c’est parce qu’il y avait moins de bisous, répond-il en vérifiant son ventre néanmoins. Et moins de bêtises !

— Si je te dis que te voir couvert de peinture est l’un de mes fantasmes, tu feras un effort ?

Il n’hésite qu’un quart de seconde avant de répondre en plongeant ses yeux dans les miens.

— Pour toi, je suis prêt à tout, ma Chérie, même à l’impossible.

— Donc si je fais ça, murmuré-je en récupérant de la peinture sur mon épaule avec mon index avant de l’approcher de sa joue, tu me laisses faire, vraiment ?

Il se tend immédiatement mais ne bouge pas et ne fait rien pour m’empêcher de m’approcher. Il se contente de hocher la tête, le regard brûlant de désir pour moi.

— Tu as de la chance que j’aie arrêté d’être une vilaine, ris-je en posant le bout de mon index sur mon nez. Mais… ça, ça veut dire que tu ne pourras pas m’embrasser sans avoir de peinture sur le visage. Quel dommage !

— J’aime quand tu es vilaine. Et je peux toujours t’embrasser, je ne peux pas m’en passer.

Il se penche et parvient à poser ses lèvres sur les miennes en évitant soigneusement mon nez pour m’embrasser. Cependant je finis par venir frotter mon nez contre le sien avant qu’il recule un peu brusquement.

— Encore ta faute, tu m’as dit que tu aimais quand j’étais vilaine.

— Toi, je vais te punir si tu continues à faire des bêtises comme ça ! Tu vas encore te prendre la fessée, je te préviens !

— La fessée ? Vraiment ? J’ai hâte, gloussé-je en allant récupérer mon téléphone. Ah, j’ai un mail de Sacha qui me demande de l’appeler. La fessée peut attendre ?

— Elle n’en sera que plus terrible ! A toi de voir combien de temps tu es prête à attendre !

Honnêtement, l’idée d’une petite partie de jambes en l’air me tente beaucoup, et je me dis que Sacha pourrait attendre… mais une partie de moi a repris ses vieux réflexes. Ou ils se sont amplifiés, plutôt, et je me dis que nous pourrions très bien être en danger. La dernière fois qu’il m’a contactée… Alors, tant pis pour la fessée, tant pis pour le sexe, il va falloir attendre un moment. Je dépose un baiser sur la joue de Théo et sors sur la terrasse pour appeler le geek qui nous a sauvé les miches, la dernière fois.

— Salut, beau geek ! Rassure-moi, je ne vais pas me faire tirer dessus dans la minute à venir ? Parce que je suis tranquille et je n’ai aucune envie de bouger.

— Je t’appelle pour te donner quelques infos. Et te dire que j’ai repris du service. Je vais à nouveau pouvoir craquer des systèmes avec mon nouveau patron.

— Qui est le nouveau gourou de cette secte de cinglés ? soupiré-je. Tu aurais mieux fait d’en profiter pour te barrer de toute cette merde.

— Tu sais, j’ai mis Guram, mon fils, en sécurité, mais j’ai besoin de l’argent, moi. Dans le pays, il n’y a rien à gagner à part ça et il faut bien vivre. Quand j’aurai assez de fric, je partirai. Mais en attendant… Et le nouveau gourou comme tu dis, c’est un gars de Sibérie. Il a repris le business et fait le ménage.

— D’accord… Et il vaut quoi, ce gars ? Est-ce que… Est-ce ça craint pour mon cul ?

— Alors, déjà, il est marié et très coincé sur le côté cul, donc tu ne risques pas de passer à la casserole comme avec l’ancien, c’est déjà bon signe, non ?

— C’est mieux que rien. Coincé du cul ? Je l’aime déjà bien, ris-je. Mais… quand tu dis qu’il fait le ménage, ça veut dire quoi, au juste ? lui demandé-je alors que Théo vient s’asseoir à côté de moi en déposant un verre de jus de fruits devant moi.

— Ça veut dire que ton ami Sacha t’a enlevée des fichiers et que tu n’apparais plus dans nos listings de membres avec une carte Gold. Et en plus, le gourou a indiqué à Ruspharma que l’on ne pouvait plus rien faire dans l’histoire. Éliminer les cibles ne va pas terminer l’affaire et il aime être efficace, le nouveau chef. Pas de perte de temps avec des projets impossibles à réussir. En gros, c’est comme si tu n’avais jamais fait partie de notre groupe et que ta dernière mission était achevée. On dit merci qui ?

Je mets un temps à intégrer ses propos. Est-ce que tout ceci est vraiment terminé ? Si je ne suis pas trop bête ou trop choquée pour bien comprendre tout ce qu’il dit ?

— Attends… tu veux dire que… que Théo ne risque plus rien, et que je ne fais officiellement plus partie de la Mafia ?

— Ah non, ce n’est pas exactement ça. Théo, je ne peux pas garantir que ces enfoirés de Ruspharma ne vont rien tenter contre lui, désolé, ma Belle. Je ne suis pas Dieu non plus. Mais toi, tu es tout à fait libre oui. Et il se pourrait même que dans l’opération, tu aies eu un petit versement de la part de Pavel à titre posthume sur ton compte en banque pour t’aider à repartir sur une nouvelle vie. Je te devais bien ça après ce qu’il s’est passé alors que tu me faisais confiance.

Je suis libre… J’ai du mal à y croire. Et une partie de moi se réjouit comme jamais je n’ai été heureuse. Mais il reste encore l’épée de Damoclès sur la tête de Théo. Il va falloir que nous restions sur nos gardes, mais bon courage à celui ou celle qui voudrait nous trouver.

— Tu m’enverras ton numéro de compte, je n’ai pas besoin de cet argent, mais s’il peut te permettre de te barrer de ce groupe et de t’occuper de ton fils, ça m’ira très bien.

— Ah non, j’aurais trop l’impression que tu me paies pour un service alors que je veux te faire un cadeau. Tu me le revaudras dans d’autres circonstances, je suis sûr. Tu vas réussir à vivre sans nous, alors ?

— Je pourrais avoir besoin de toi, une fois le procès passé. Qui sait… Toi qui es doué en informatique, moi qui bosse dans le graphisme, on pourrait former un beau duo. Et puis, je pourrais avoir besoin de toi pour de nouveaux papiers, si avec Théo on décide de vraiment partir se planquer ailleurs. Nos noms ont déjà dû sortir du bureau de Pavel, peut-être qu’il vaudrait mieux qu’on reparte sur des bases saines en attendant le procès. Et, crois-moi, tu dois être le seul qui va me manquer, ris-je. La vie en France est pas mal, tu devrais y réfléchir.

— Ah non, la France, ce n’est pas pour moi. Si je me barre, je vais direct aux Etats-Unis, moi ! Bon, je te laisse, ma Biche, porte toi bien et donne de tes nouvelles de temps en temps !

— Prends soin de toi, Sacha. Et de ton fils. Merci pour tout. Et toi aussi, donne-moi des nouvelles.

Je raccroche et garde le silence un moment, le regard perdu vers l’horizon et la mer qui s’étend à perte de vue, et finis par me secouer. Je suis libre, j’ai l’impression d’avoir une nouvelle chance, qu’une seconde vie s’offre à moi.

— Tu as devant toi une femme qui n’a plus aucun lien avec la Mafia, beau colocataire, dis-je alors que la joie s’entend même dans ma voix.

— Quoi ? Comment c’est possible, ça ? Ce n’était pas un gars de la Mafia qui t’appelait, là ? me demande-t-il, incrédule.

— Si, ris-je en m’asseyant à califourchon sur ses genoux. Mais… c’est mon couteau suisse, celui qui m’aide et me donne des nouvelles de l’organisation. C’est lui qui m’a prévenu qu’ils arrivaient, quand on était à Honfleur… Bref. Tu sais que Pavel dirigeait le groupe. A sa mort, un petit nouveau a pris le pouvoir. Sacha a effacé mes traces dans les dossiers, et le nouveau boss a envoyé bouler Ruspharma en leur disant de se démerder.

— Tu rigoles, non ? Tu es vraiment sûre qu’ils ne vont plus rien te demander ? Tu es libre de chez libre ? Pour de vrai ?

— D’après Sacha, c’est le cas. Et je lui fais confiance. Je… Bon sang, je vais enfin pouvoir tourner la page, je n’arrive pas à y croire, m’extasié-je avant de l’embrasser fougueusement.

— Il faut fêter ça, me dit-il, quand je le laisse enfin respirer. Je suis tellement content pour toi. Et pour nous, ça fait au moins une menace de moins…

— Il faut qu’on reste vigilants, mais effectivement, on va pouvoir… vivre. Et je te propose qu’on commence à vraiment vivre au premier étage, au lit, nus et en sueur.

Je me lève rapidement et rentre à l’intérieur. Je suis à peine arrivée au bas des marches que je sens Théo se coller contre mon dos. Ses mains glissent sous mon tee-shirt et m’empêchent d’avancer davantage tandis que sa bouche se pose dans mon cou. Je finis par me dérober et l’entraîne à ma suite dans l’escalier, recevant au passage cette fessée promise qui me fait rire plus qu’autre chose. En un rien de temps, nous nous retrouvons étalés sur le lit à nous embrasser et nous caresser, à chercher à prendre le dessus sur l’autre, à gagner la première manche. Pour autant, je crois que nous sommes tous les deux aussi impatients l’un que l’autre de passer à l’étape supérieure, parce qu’il ne nous faut pas bien longtemps pour que je me retrouve à quatre pattes avec un homme en forme agenouillé derrière moi. Un mec qui abuse clairement de la position plutôt dominante pour m’offrir une nouvelle punition bien agréable. C’est fou comme le sexe avec lui est indescriptiblement bon. J’ai la sensation que chaque fois que nous nous retrouvons tous les deux dans ce genre de situations, nous soudons davantage encore notre amour. Ce truc si puissant que je ne pensais jamais ressentir et sans lequel je ne me vois plus vivre maintenant que j’y ai goûté.

Je suis libre comme jamais je ne l’ai été, et ce n’est pas seulement parce que je n’ai plus la Mafia comme employeur. J’ai trouvé l’homme qui me permet d’être moi-même, celle que je veux être, bien loin de mes années d’entourloupes. Pour rien au monde je ne veux redevenir celle que j’étais lors de notre rencontre. J’ai découvert la vraie “moi” grâce à Théo, mon si beau voisin, et c’est cette personne que je serai avec lui et grâce à lui.

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