61. Bataille au fond du bois

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Théo

Oh putain. Il ne m’a pas raté, le con. J’ai l’impression que tout mon dos me fait mal et je ne parviens pas à reprendre mon souffle. Tout ça parce que j’ai essayé de défendre Lyana contre ce grand blond bien musclé. J’essaie de me relever mais l’autre me maintient au sol pendant que celui qui doit être Pavel discute avec Lyana. Enfin, discuter, c’est un bien grand mot. Il est en train de lui crier dessus et elle répond sur le même ton. J’ai l’impression que ça va mal finir, tout ça, mais tout à coup, la brute se calme et c’est comme si tout son corps se relâchait. J’ai un fol espoir que tout va s’arranger mais c’est l’ordre de me tuer qui sort de sa bouche. Pas un regard vers moi. Cet homme est froid. Cet homme est dur. Cet homme est un monstre.

— Non ! crie brusquement Lyana en se relevant. Ne fais pas ça, je t’en prie !

Pavel parvient néanmoins à la maintenir bloquée contre le capot. Le gars qui s’occupe de moi porte son arme à ma tempe et attend une confirmation de son chef qui est en train d’échanger en russe avec Lyana. Il a l’air de beaucoup s’amuser des réactions de la rousse et éclate de rire à la fin d’un nouvel échange, puis il se tourne vers moi et prononce dans un français très accentué mais compréhensible malgré les R roulés à outrance :

— Monsieur Simonet, je crois que vous êtes mal tombé avec une voisine comme ça. Vous savez ce qu’elle vient de me proposer ?

Je vois que Lyana essaie de se débattre sous sa poigne pour l’empêcher de parler, mais elle ne parvient pas à se dégager. Un vrai pro, ce Russe qui continue à s’amuser de la situation.

— Elle m’a indiqué qu’elle s’offrait à moi jusqu’à la fin de ses jours si je vous laissais la vie sauve. Quel marché, n’est-ce pas ? Son corps délicieux rien que pour moi juste pour sauver votre cul. Elle est marrante, non ?

— Ce n’est pas drôle, laissez la tranquille. Tuez-moi et qu’on en finisse. C’est ça que vous voulez de toute façon.

— Ah mais oui, ne vous inquiétez pas pour ça ! On va y arriver ! C’est ça qui est drôle car non seulement vous allez mourir mais en plus, je récupère la femme fatale !

Après avoir accentué ces deux mots qu’il prononce parfaitement comme dans un film, il ajoute des paroles en russe à l’intention de son compère qui éclate de rire à son tour. C’est le moment que choisit Lyana pour s’appuyer sur la voiture et balancer ses jambes en arrière, frappant ainsi Pavel dans l’entrejambe. Le Russe se plie de douleur mais parvient à ne pas lâcher sa proie, par contre, le gars qui est à mes côtés a complètement détourné son attention de moi et commence à lever son arme vers Lyana pour venir en aide à son chef. Une occasion comme ça, il faut que je la saisisse et je bondis à mon tour, tête en avant que je lance contre le menton de mon agresseur.

Le choc est terrible et je n’y suis pas allé de main morte. J’ai mal au front, je vois un peu des étoiles, mais j’ai réussi à faire tomber le colosse qui a lâché son arme. Je n’écoute que la fureur qui est en moi et je me jette sur lui pour lui asséner des coups de poings au visage afin de continuer à bénéficier de l’effet de surprise qui est total pour l’instant. Derrière moi, j’entends des bruits de lutte et des cris mais je préfère ne pas trop y prêter attention afin de ne pas me faire surprendre par le gars que je suis en train d’assommer. Tout à coup, des coups de feu éclatent et je sens une douleur vive me lacérer le flanc. Heureusement que le gars sous moi est inconscient car je pense que c’est une balle qui vient de me toucher.

Je passe ma main sur mon ventre et sens le sang qui commence à couler. Mes sessions de formation aux premiers soins me reviennent en tête immédiatement. Sur ce type de blessure, il faut surtout éviter la perte de sang et comprimer la plaie. J’arrache le tee-shirt du russe qui est sonné sous moi et utilise le tissu pour le porter sur mon flanc et j’appuie aussi fort que je peux, malgré la douleur intense que je ressens.

J’essaie de voir ce qu’il se passe de l’autre côté de la voiture, mais ne distingue rien et j’ai trop mal pour me relever. Il n’y a plus de bruit depuis les coups de feu et je me demande ce qu’il en est. Lyana est-elle morte ? Si c’est le cas, ce sera bientôt mon tour et je me suis battu pour rien. Je cherche à trouver l’arme de l’autre Russe dans l’obscurité mais ne la trouve pas. Il commence à gémir un peu et à bouger, se réveillant déjà, mais je n’ai plus la force ni l’énergie de lui remettre des coups. L’adrénaline est retombée et je me dis que c’est fini. Heureusement pour moi, c’est Lyana qui déboule à mes côtés et, sans pitié, tire sur le type et l’achève.

— Lyana ? Tu vas bien ?

— Mieux que toi, apparemment, grimace-t-elle en s’accroupissant à mes côtés. Je suis désolée. Comment tu te sens ?

— Non, ça va. J’ai dû être effleuré par une balle, ça va aller. Les Russes sont… morts ?

— C’était eux ou nous, Théo. Pavel est… était sans pitié. Tu peux te lever ? me demande-t-elle en me tendant la main.

— Ça devrait aller, oui.

J’accepte sa main et me lève avec son aide. Je regarde le corps qui est à proximité et frissonne.

— Tu le connaissais aussi, lui ? C’est qui ?

— Vassili… C’était le bras droit de Pavel. Un enfoiré de première. Je t’assure que le monde est bien mieux sans lui. Ce type violait des femmes sans aucune pitié. Entre autres choses.

— Et on fait quoi, là maintenant ? On laisse tout comme ça ? On cache les corps ? On se barre avec leur voiture ? Peut-être qu’il faut que je prévienne Henri, non ?

— Je… je n’en sais rien, souffle Lyana en ouvrant la portière pour laisser sortir Guizmo qui vient se frotter contre ma jambe. Henri peut-être, oui. Mais… on ne doit pas s’attarder ici, ils ont sans doute prévenu les autres qu’ils nous suivaient.

— Notre voiture est foutue. Si on veut partir, il faut prendre la leur. Mais avant, je vais appeler Henri avec un de leur téléphone. Ça te va ?

— Oui, oui, fais ce que tu veux…

Je me penche vers le corps de Vassili et en ressors un téléphone qui, heureusement, n’est pas verrouillé. Je compose le numéro d’Henri, fébrile et un peu dégouté d’avoir dérobé le téléphone d’un mort.

— Oui, Henri, c’est moi. On a besoin de toi. On n’est pas loin du Monastère et on vient de se faire agresser par la Mafia. On a réussi à éliminer un des chefs avec son bras droit. Et là, il faut que tu interviennes pour nettoyer tout ça avant que la presse ne s’en mêle. Je peux compter sur toi ?

Je ne lui ai pas laissé le temps de réagir et j’ai balancé toutes les infos comme elles venaient. La situation est urgente et je n’ai que lui qui peut intervenir.

— OK, calme-toi déjà, je n’ai pas compris la moitié de ce que tu viens de me dire… J’ai besoin de la localisation exacte, et… éliminer ? Tu as tué des mafieux ?

— Ils nous ont tendu un guet-apens, oui et je me suis retrouvé avec une arme sur la tempe, mais grâce à Lyana, on a réussi à s’en sortir. Je pense que les deux sont morts mais je ne suis pas sûr… Par contre, on va continuer à fuir au cas où ils seraient encore sur nos traces. Cela fait déjà deux groupes qui s’attaquent à nous… J’ai peur qu’ils nous retrouvent, Henri. Tu peux faire quelque chose ? Pour la localisation, tu cherches le Monastère qui se trouve à côté de Bayeux, tu sais, celui qui propose des retraites ? Et avec la localisation de ce téléphone, ça devrait te faciliter la tâche.

— Je vais voir ce que je peux faire, mais… bon sang, vous étiez obligés de les buter ? Quelle idée !

— C’était eux ou nous, Henri… Et de toute façon, ça fera deux mafieux de moins. Je suis sûr que vous allez les trouver dans vos bases de données, ils ont vraiment l’air de deux pas beaux.

— Bon, soupire-t-il. Tirez-vous, je vais voir ça avec mon supérieur. Et préviens-moi quand vous arrivez à votre prochain point de chute.

— On fera ça. Encore merci, Henri.

Je raccroche et balance le téléphone sur le corps de Vassili avant de rejoindre Lyana qui s’est installée dans la voiture des Russes. Elle a ouvert une valise avec des documents qu’elle parcourt rapidement avant de la refermer et de la déposer près de notre voiture. Quand elle remonte, elle me regarde, inquiète.

— T’inquiète, ça va, lui dis-je malgré la douleur que je ressens au ventre. Je suis solide. J’ai prévenu Henri, on peut y aller.

— Tu es sûr ? Tu es quand même blanc comme un linge…

— Oui, fonce avant qu’on nous retrouve. Et qu’on s’éloigne de ces deux brutes…

— Ils ne pourront pas nous faire grand-chose, ces deux-là, marmonne-t-elle en démarrant sur les chapeaux de roue.

Tu m’étonnes que je suis blanc comme un linge avec tout ce que je viens de vivre. J’ai failli me faire buter, j’ai assisté à deux exécutions par la femme que j’aime, je me suis pris une balle et là, on fuit aussi vite qu’on le peut pour éviter que d’autres mafieux ne nous retrouvent. Je crois que je ne vais pas laisser un bon commentaire pour cette retraite qui est tout sauf reposante !

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