53. Faire confiance à son cœur

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Théo

Je frappe à la porte et attends qu’on me réponde. Je pense que ce n’est pas une bonne idée, mais je m’en fous. Il faut que je le fasse, sinon, je m’en voudrais de ne pas avoir tenté. Voyant qu’il n’y a pas de réponse, je tape à nouveau un peu plus fort et finalement, la porte s’entrouvre sur une Suzie à moitié réveillée. Je constate que derrière la blonde à peine vêtue d’un tee-shirt qui ne lui recouvre que le haut du corps, Lyana est sur le qui-vive et ne se relaxe que quand elle constate que ce n’est que moi. Je n’ai pas réfléchi, mais c’est vrai qu’avec mon approche, j’ai failli me prendre une balle entre les deux yeux.

— Suzie, je suis désolé de te déranger à cette heure-ci, mais j’ai besoin de ton téléphone, expliqué-je alors qu’elle ouvre un peu plus la porte et s’appuie contre le chambranle.

— Son téléphone ? Pour quoi faire ? me demande Lyana en approchant.

— Ben, pour contacter sa maîtresse, voyons ! ricane Suzie en allant récupérer son mobile sur la table de nuit.

— Suzie, si un jour je cherche une maîtresse, je crois que je sais où j’irai, répliqué-je en la montrant alors qu’elle se penche, dévoilant ses fesses nues. Mais là, je dois appeler une personne en qui j’ai toute confiance et je n’ai plus de téléphone et le tien n’est pas surveillé, je pense. J’ai besoin d’échanger sur ce que j’ai appris pour savoir ce que je dois faire, ajouté-je en me tournant vers Lyana qui me regarde toujours avec cet air suspicieux qui montre à quel point elle veut me protéger. Ou se protéger elle-même ?

— Pour ton information, Serge est au courant et m’a laissée partir. Et si tu veux appeler ton cousin, ne lui dis pas où nous sommes et ne lui parle pas de Suzie, je ne veux pas qu’elle soit davantage impliquée là-dedans, s’il te plaît. Si tu ne le fais pas pour moi, fais-le pour elle.

— Ne t’inquiète pas, je ne suis pas débile non plus. Et si tu ne veux pas qu’elle risque sa vie, pourquoi elle reste ici avec nous ? C’est pas une bonne idée, si ?

— Parce qu’elle est foutrement têtue, soupire Lyana en approchant pour me tendre un vieux téléphone. Utilise celui-ci, au moins, les flics ne pourront pas remonter jusqu’à elle.

— Oh Lyana, dès qu’un beau mec invente un stratagème pour obtenir mon numéro, il faut que tu me casses mon coup, se moque Suzie en retournant s’installer sur son lit.

— Merci Lyana, je te le ramène plus tard.

Elle referme la porte devant moi et je retourne dans ma chambre pour composer le numéro d’Henri qui, je l’espère, va m’aider à me décider.

— Salut Henri, c’est moi, dis-je sans donner mon nom.

— Tiens, t’es toujours en vie, toi, tu me rassures ! Comment ça va ?

— Désolé de te déranger à cette heure-ci. Tu dormais ? Je te réveille ?

— On s’en fout de tout ça. Alors, t’es où ? Comment ça se passe ?

— Je suis en sécurité pour l’instant, tu n’as pas à t’inquiéter pour ça. Par contre, j’ai besoin de tes conseils. Et pas ceux du flic, enfin, pas que, mais ceux du seul ami qu’il me reste et de la seule personne qui peut comprendre ma situation.

— Ok… Je t’écoute, dis-moi tout.

— Tu en es où dans ce que tu sais sur ma situation, là ?

Je préfère lui laisser la parole afin de ne pas faire d’impair et me donner un peu de temps pour rassembler mes pensées et voir comment je vais lui présenter ma situation.

— Serge m’a dit que ta dulcinée t’avait fait sortir en douce et qu’elle allait te rejoindre. Ça en est où ?

— Eh bien, elle est là, oui. Enfin, je ne l’appellerais pas ma dulcinée. On est plutôt en froid après ce qu’elle m’a appris.

J’hésite à continuer et à lui révéler ce que je sais, mais si je ne le fais pas, ça ne servait à rien de l’appeler.

— En fait, elle a confirmé aux Russes l’identité de mon contact en Russie, mais elle s’en veut. Et… elle dit qu’elle m’aime et qu’elle veut m’aider à m’en sortir, maintenant. J’ai envie de la croire, Henri.

— Ouais, ben évite de réfléchir avec ta queue, Théo. Elle est dans le camp adverse, je te rappelle. Elle a déjà réussi à entourlouper Serge, j’aimerais autant que tu ne tombes pas dans le panneau, toi aussi.

— Elle est en train de risquer sa vie pour moi, Henri. Ça n'est pas rien, ça !

Je m’emporte un peu car je ne l’appelle pas pour qu’il juge Lyana. En même temps, je le comprends et ma réaction est une preuve en soi qu’elle a déjà réussi à me convaincre sur ses sentiments à mon encontre.

— Ah oui ? Et qu’est-ce qui te dit que ça ne fait pas encore partie du plan ?

— Mon cœur, Henri. Rien d’autre. J’en ai la conviction profonde, même si, comme toi, mon cerveau me dit que je suis un con. Tu n’as pas ça, toi ? Enfin, ce n’est peut-être pas ton cœur, mais ton instinct. Je lui fais confiance là-dessus, mais maintenant, ça me met dans une situation compliquée. Encore plus que celle où j’étais avant.

— Et tu attends quoi de moi, là, en fait ? Je dois te conseiller sur quoi, au juste ?

— Elle veut me protéger et me dit que vous n’en êtes pas capables. Elle n’a pas tort vu qu’ils ont réussi à me coller leur espionne chez moi sans même que vous ne vous en rendiez compte. Et si elle n’avait pas été là, je serais aux mains des russes à l’heure actuelle. Bref, tu crois que je suis plus en sécurité avec elle jusqu’au procès ou que je suis complètement fou ?

— Tu serais plus en sécurité avec nous si elle nous donnait les noms de ses contacts chez les flics, grommelle-t-il. Je sais qu’on a des vendus, et ta localisation et tout ce qui touche à ton dossier sont des infos auxquelles peu de personnes ont accès… Honnêtement, je ne sais pas, Théo… Elle a vendu ses complices à Serge quand elle l’a vu aujourd’hui, mais… ça n’excuse pas tout.

— Et si tu y mets du tien, tu crois pas que ça pourrait marcher ? Tu fais en sorte que même les flics ne nous trouvent pas, ça nous fait gagner du temps. Et je te tiens au courant de nos faits et gestes à chaque fois que je peux. Si vous ne nous trouvez pas et que eux restent aussi dans le flou, on pourra tenir jusqu’au procès. Et je pourrai témoigner. Après, advienne que pourra.

— Pourquoi tu me fais confiance, à moi ?

— Parce que Priscillia m’a dit que tu étais quelqu’un de bien. Parce que tu aurais déjà pu me trahir et que tu ne l’as pas fait. Et parce que j’ai décidé de faire confiance à mon instinct aussi.

— Tu penses vraiment que tu peux avoir confiance en elle ? me demande-t-il alors que le silence s’était fait à l’autre bout du fil.

— Je crois surtout que si je ne peux pas lui faire confiance, je ne sais pas si ma vie vaut la peine d’être vécue, Henri. Avec elle, je vis vraiment. Avec elle, je respire. Sans elle, c’est comme si j’étais déjà mort. Je ne sais pas si je vais réussir à lui pardonner ce qu’elle a fait, je ne sais pas si je vais pouvoir oublier tout ce qu’elle m’a raconté sur ses agissements passés. Mais ce que je sais, c’est que si elle n’est pas là, je n’ai aucune envie de survivre. Loin d’elle, j’ai juste envie de laisser les Russes m’assassiner. C’est suffisant, tu ne crois pas ?

— C’est surtout inquiétant, soupire Henri. Tu nous ferais bien une petite déprime, mon garçon. Il y a des familles qui comptent sur toi pour faire condamner les assassins de leurs proches, quand même. Si tu penses que c’est mieux de rester avec cette mafieuse, l’ami te dit que tu es cinglé mais adulte, le flic te dit que c’est une mauvaise idée. Dans tous les cas, je ferai le nécessaire pour que tu t’en sortes.

— Merci Henri. Je te tiens au courant dès que je peux. Et si tu cherches à coincer son boss, il s’appelle Pavel. Je sais que ce n’est pas une grosse information, mais c’est déjà ça. Bonne nuit, Henri.

— Essaie d’en apprendre un peu plus sur tout ça, ce sera un juste retour des choses. N’hésite pas à m’appeler et fais attention à toi.

Je raccroche et m’effondre dans mon lit comme si je venais de faire l’effort le plus intense de toute ma vie. J’ai pris ma décision, mais je ne sais pas encore comment vraiment l’assumer. Je ne sais pas combien de temps je reste ainsi mais je suis surpris lorsque j’entends qu’on frappe à ma porte. Je regarde par l'œilleton et vois que c’est Lyana qui est venue me retrouver. Je lui ouvre et la fais entrer.

— Tu t’inquiétais ?

— Oui, non, je ne sais pas… Je voulais savoir comment tu allais, et… avoir l’avis d’Henri, je crois.

— Il n’était pas d’accord avec moi, si tu veux tout savoir. Mais je… je lui ai dit que j’allais te faire confiance, Lyana. Parce que… juste parce que…

— Parce que ? Tu n’as pas vraiment d’autre choix, j’imagine, soupire-t-elle.

— Non, ce n’est pas ça. C’est parce que je t’aime. Quoi que tu aies fait, je t’aime. Et quand on aime, il faut savoir pardonner, non ? Je ne sais pas si je vais y arriver, mais il faut essayer. Ce serait tellement bête de ne pas aller au bout de notre histoire…

— Prends le temps qu’il te faut… Tant que tu es en sécurité, c’est… Enfin, j’allais dire que c’est l’essentiel, mais ça arrive à égalité avec le pardon. Je sais que je ne te mérite pas, mais tu me manques quand même.

— Oui, donne-moi du temps, mais j’ai envie de te faire confiance et d’essayer à nouveau avec toi. Toi aussi, tu me manques… énormément. Et tant pis si tu me trahis à nouveau, au moins, j’aurais essayé et je n’aurais rien à me reprocher.

— Je n’ai aucune envie de te trahir, Théo… Et je ferai en sorte que tu comprennes que je ne te veux aucun mal et que tu peux me faire réellement confiance.

— Je crois qu’il y a un moyen pour m’aider à comprendre, dis-je doucement en m’approchant d’elle.

Je l’enlace et l’attire contre moi, sa tête vient immédiatement se poser dans mon cou et nous nous serrons l’un contre l’autre, retrouvant enfin cette proximité charnelle qui nous a apporté tant de plaisir récemment mais qui, à cet instant, nous donne surtout l’occasion de nous trouver et de nous réconforter.

— Et si tu restais avec moi, cette nuit ? Juste pour ne pas que je sois seul, je ne veux que ça. Te sentir à mes côtés. Oublier qu’on est dans un hôtel pour nous cacher du monde et juste passer un moment à deux. Vu l’heure, le reste de la nuit sera court, mais… j’ai besoin de toi, finis-je par avouer.

— Tout ce que tu veux, beau voisin. Je reste avec plaisir.

Je l’attire sur le lit et me couche derrière elle. Je me demande si c’est une bonne idée, mais le bien que ça me fait de pouvoir la toucher et la caresser alors qu’elle se love contre mon torse est un plaisir qui m’avait trop manqué et qui me fait oublier toute peur ou tout regret que je pourrais avoir à ainsi céder à mes instincts. Je ne sais pas si c’est le fait de se retrouver avec moi, mais elle s’endort rapidement, alors que, comme un addict, je prends ma dose d’elle et cela me rend heureux.

— Je t’aime, Lyana, soufflé-je doucement à son oreille avant de m’installer confortablement pour dormir. Prouve-moi que je ne me trompe pas et que je peux te faire confiance.

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