45. L'heure du choix

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Théo

Tout est calme et silencieux. Je reste cependant toujours sans bouger, Guizmo affalé sur moi. Ce n’est pas plus mal, ce petit temps où je peux me retrouver avec moi-même et réfléchir à tout ce qu’il s’est passé. Il y a des journées qui valent des années, et celle-ci en fait partie. Quand je pense que ça avait si bien commencé, avec une perspective de sexe en plein air avec une femme tellement belle que je me pensais le plus heureux des hommes. Et là, me voilà enfermé dans un placard, et la princesse s’est transformée en agente du KGB avec la mission de m’extirper des informations. Et moi, j’ai le cœur en miettes. Comment j’ai pu être aussi aveugle que ça ?

Guizmo, comme s’il sentait mon énervement et mon stress, me lèche la main et cette marque d’attention me fait du bien. J’essaie d’analyser ce que Lyana m’a dit avant de partir et je n’arrive toujours pas à la comprendre. Elle dit qu’elle m’aime, que je suis son premier amour même, et en même temps, elle a avoué avoir transmis des informations à ses chefs en Russie. Comment peut-on faire les deux ? Et pourquoi est-ce que je n’arrive pas à lui pardonner ? Pourquoi est-ce que ça me fait si mal ? Il faut que j’arrête de me poser des questions ou alors, je vais devenir fou.

Et maintenant que tout le monde est parti, je dois me décider sur ce que je vais faire. Il n’y a que deux options, je pense. Soit je joue la carte de la sécurité et j’attends l’arrivée de la police. Et je sais que les taupes au sein de leurs services vont finir par me retrouver et me dénoncer, ce qui me mènera à la mort. Soit, je prends le risque de faire confiance à Lyana et de m’enfuir comme elle me l’a suggéré. Et là, je peux être tué à n’importe quel moment. Le choix n’est vraiment pas facile car je suis déchiré entre l’envie de tout arrêter, d’en finir parce que la trahison de Lyana m’a fait un mal de chien et le désir de vivre pour continuer mon combat, pour espérer comprendre et pardonner à la femme que j’aime et que j’ai toujours envie de retrouver.

— Allez, Guizmo, on va sortir du placard. Il y a trop de fantômes ici, on sera mieux à l’extérieur.

J’ouvre la porte et suis rassuré de voir que nous sommes bien seuls dans la chambre de Lyana. Guizmo se précipite en bas et je l’entends aboyer à l’arrière de la maison, une porte ayant dû rester ouverte. Je ne le rejoins pas immédiatement mais fouille un moment dans la chambre de la rousse pour essayer de découvrir la vérité. Malheureusement, il n’y a pas grand-chose, quelques vêtements, quelques affaires, mais rien d’exceptionnel. Si je veux savoir, je crois qu’il faut que je fasse ce qu’elle m’a conseillé. Cela lui laissera une chance de s’expliquer si on parvient à se retrouver. Est-ce que pour tout ce qu’on a vécu, je ne lui dois pas ça ?

Guizmo s’est arrêté d’aboyer et je le retrouve dans la cuisine de Lyana. Il me regarde comme s’il voulait me parler et me conseiller.

— Tu en penses quoi, toi ? On fait ce que ta maîtresse a dit ou alors on court, on se sauve et on se réfugie chez les flics ?

Il me répond par un aboiement, remue la queue et se met devant la véranda, prêt à sortir. Je me demande si c’est un hasard ou bien s’il est vraiment en train de me montrer la voie.

— Tu veux qu’on aille à la voiture et qu’on attende des nouvelles de Lyana, c’est ça ?

Encore un aboiement. Sa tête est tournée vers moi et sa queue fait un ballet impressionnant.

— Ouais, tu n’es pas objectif, toi. Bref, attends un peu, je vais préparer quelques affaires et j’arrive. On va voir s’il y a vraiment une voiture et on avisera après, d’accord ?

Le Husky se couche devant la porte et j’ai vraiment l’impression d’avoir une conversation avec lui, qu’il me comprend et qu’on communique. C’est fou ce qui se joue avec lui alors que je n’étais pas très chien avant de le connaître. Je retourne chez moi et constate qu’il y a du désordre mais que finalement, peu de choses ont été vraiment cassées. Je me prépare un petit sac, prends quelques croquettes chez Lyana et fonce vers le parking en passant aussi discrètement que possible sous les arbres du parc, où est censée être garée la voiture. Guizmo est vraiment attentionné à mon égard, ou en tous cas, c’est l’impression qu’il me donne et je commence vraiment à m’attacher énormément à cet animal capable d’exprimer plus d’émotions que beaucoup d’humains. Ou plus que les mafieux qui ne pensent qu’à leurs profits.

Je ne croise le chemin de personne et arrive à l’école sans encombre. J’active la clé à distance et vois dans les lumières de la nuit des clignotants qui s’allument. Je m’avance avec précaution et constate que Lyana ne m’a pas menti sur ce sujet. Il s’agit d’une petite Peugeot blanche et j’ouvre la porte arrière pour Guizmo qui ne se fait pas prier pour sauter sur la banquette et s’y coucher confortablement. Je m’installe sur le siège conducteur et réfléchis à nouveau à mes options. J’ouvre la boîte à gants comme indiqué sur le plan qu’elle m’a confié. Il y a une adresse à Honfleur et une enveloppe avec quelques centaines d’euros. Tout est vraiment prêt pour avoir une voie de sortie sécurisée, c’est fou. Il y a même l’itinéraire à suivre pour éviter les contrôles routiers, je pense.

Avant de partir et de me lancer dans cette folle aventure, je sors mon téléphone que je rallume. Même si Lyana m’a dit de ne pas l’utiliser, il faut que je prévienne Henri. Je compose son numéro et il me répond immédiatement. Au bruit qu’il y a, je pense qu’il doit être sur l’autoroute.

— Bonsoir Henri. C’est Théo.

— Ah, t’es toujours en vie ! J’ai essayé de t’appeler je ne sais combien de fois. Tout va bien ?

— Ouais, j’ai décidé de me cacher et de disparaître des radars un moment. Je serai plus en sécurité comme ça. Vu comment vous m’avez protégé jusqu’à maintenant, on ne peut pas dire que ce soit une réussite.

— Wow, attends, qu’est-ce que tu racontes, là ? Disparaître des radars ? Tu penses vraiment que c’est une bonne idée ? Je te signale que tu es encore en vie, et que sans nous, je doute que ce serait le cas.

— Ouais, mais vous m’avez quand même mis dans une maison avec l’espionne qui était chargée de me surveiller. On fait mieux, niveau protection, non ? Bref, c’est décidé, je vais dans l’underground. Ne cherche pas à me retrouver, ce sera mieux pour tout le monde, je pense.

— Attends… Je te demande pardon ? C’est quoi cette histoire ? L’espionne chargée de te surveiller ?

Merde. J’ai gaffé là s’il n’était pas au courant. Je ne veux pas non plus enfoncer Lyana car elle m’a sauvé la vie en partant avec les méchants. Même si elle n’a pas été réglo avec moi, il ne faut pas que je fasse pire que mieux.

— Oui, Lyana était à la botte des Russes et vous n’avez rien vu. Heureusement qu’elle a une conscience, car c’est grâce à elle que je suis encore en vie. Pas grâce à vous. Elle s’est sacrifiée pour me sauver, tu comprends pourquoi je ne peux plus vous faire confiance.

— Bordel, je savais que cette rouquine puait, gronde-t-il à l’autre bout du fil. Je t’avais dit de te méfier, et toi tu la colles dans ton pieu, c’est pas possible. Tu ne peux pas partir, Théo, il faut que tu restes et qu’on te planque ailleurs !

— Tu comprends rien ! Je t’ai dit qu’elle m’a sauvé la vie ! Et elle m’a dit qu’il y avait des taupes chez vous. J’ai pas confiance. Je t’ai juste appelé pour te prévenir parce que je sais que toi, tu es réglo. Je te ferai signe quand j’aurai trouvé une nouvelle planque. Promis.

— Tu fais n’importe quoi, là ! Je t’interdis de faire ça ! Taupe ou pas, je sais ce que je fais !

— Ecoute, Henri, j’ai déjà trop tardé là. Ne t’en fais pour moi, je vais m’en sortir. Et on va couler cette entreprise de pourris. Mais là, il faut que tu me fasses confiance. A partir de maintenant, je vais être incognito. Ni toi, ni les Russes ne pourront me retrouver.

— Non mais écoute-toi un peu, Jason Bourne. Tu crois quoi, que tu peux disparaître comme ça ? Tu n’as pas la moindre idée de ce que les Russes sont capables de faire. Et des moyens des flics pour te retrouver.

— Je prends le risque Henri. Merci de te préoccuper de moi. A plus.

Je raccroche et éteins à nouveau mon téléphone. Je retire la puce et la jette sur le parking. Ça y est, le choix est fait et je n’ai plus les moyens de faire demi-tour. Je ne sais pas si c’est une pure folie ou si c’était ce qu’il fallait faire, ce que je sais, c’est que j’espère que Lyana ne m’a pas tendu un nouveau piège. Je ne crois pas car le plus simple pour elle aurait été de me laisser capturer par ce Dimitri qui lui faisait si peur. Après, peut-être que la situation est encore plus complexe que je ne l’imagine et qu’il y a d’autres enjeux que je ne peux voir pour le moment. C’est peut-être un moyen de m’extorquer d’autres informations ou de me mettre la pression pour retrouver Mikhail. Je ne veux pas croire en tant de malice de la part de la jolie rousse qui m’a tant apporté, mais je me suis déjà trompé une fois, qui me dit que je ne suis pas en train de faire la même erreur à nouveau ?

Quand je démarre et prends la petite départementale indiquée sur mon plan, je me dis que je suis peut-être en train de me diriger tout droit dans la gueule du loup. Mais un regard vers le Husky à mes côtés me rassure. Si je vais rencontrer le grand méchant loup, au moins, je n’y vais pas sans argument et j’espère bien que c’est moi qui vais dévorer mon ennemi. Je vais tout faire pour, c’est sûr, parce que je suis un combattant. J’ai choisi de me battre le jour où j’ai dénoncé Ruspharma, je vais continuer à le faire maintenant que les attaques s’intensifient. C’est mon destin et je ne peux pas y échapper.

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