40. Le bon moment de l'espionne

8 minutes de lecture

Lyana

Je soupire de contentement sans oser ouvrir les yeux. Les réveils sont bien plus agréables quand on les partage à deux, c’est définitif. Lâcher prise avec Théo était sans doute la meilleure et la pire idée possible, mais profiter du temps que nous avons ensemble ne me déplaît pas. Je sais que c’est un CDD, qu’il prendra fin sous peu, mais en attendant, avoir la sensation d’être appréciée, respectée et choyée ne me fait pas de mal, bien au contraire. Alors, évidemment, nous passons pas mal de temps au lit, ou tout du moins beaucoup de moments nus et imbriqués l’un dans l’autre, mais je sens et je sais que Théo ne s’intéresse pas à moi uniquement pour le cul. Enfin, une partie de moi l’espère et en a besoin. J’ai passé bien trop d’années à n’être valorisée que pour mon physique et mes compétences au lit, alors je savoure cette tendresse et cet intérêt plus que je ne le devrais.

J’ouvre finalement les yeux et tombe sur le visage endormi de mon partenaire. J’ai l’impression qu’il a un petit sourire aux lèvres, et sa bouille adorable et ses cheveux en bataille sur l’oreiller me font fondre davantage encore. Il est vraiment trop mignon et je ne peux m’empêcher de déposer un léger baiser sur ses lèvres. Théo resserre ses bras autour de moi et je savoure l’étau rassurant dans lequel il m’enferme. Moi qui ne suis absolument pas du genre câline, j’avoue que j’ai du mal à résister à tout ça quand il s’agit de lui. C’est dingue comme j’ai l’impression d’être une toute autre femme en sa présence. Et ça me fait peur aussi. Je me perds un peu dans tout ça et me demande qui je suis vraiment. Est-ce que la vraie moi, c’est la séductrice capable de tout pour arriver à ses fins ? Ou l’amante passionnée et câline que je me révèle être auprès de lui ?

Bon sang, je me pose déjà bien trop de questions pour un réveil, et je referme les yeux avec l’espoir de me rendormir. Ce qui est peine perdue maintenant que Morphée m’a lâchement abandonnée.

Je me retourne doucement vers ma table de chevet en entendant mon téléphone vibrer sur le bois et soupire en voyant que j’ai un mail de Pavel. Comme souvent ces derniers temps, il m’envoie un mail très professionnel, au cas où Théo tomberait sur mon téléphone. Il me rappelle que l’horloge tourne et qu’il faut que je me dépêche. Oui, je fais traîner les choses. Cela fait une semaine qu’il m’a demandé de me renseigner sur ce fameux Mikhail et je n’ai encore rien fait. Je ne veux pas éveiller les soupçons de Théo, et je ne veux pas que la mission se termine. J’ai envie que le temps s’arrête. Une petite brèche spatio-temporelle serait très appréciée, là, histoire de vivre et revivre la même journée encore et encore. Un petit déjeuner à deux, une balade dans la forêt avec Guizmo, un déjeuner coquin qui se termine par un orgasme sur le plan de travail de la cuisine… Un après-midi à lézarder sur les transats, à se badigeonner de crème solaire l’un et l’autre et à se caresser… Une douche jouissive, un dîner dans la bonne humeur, un film qu’on ne suit que d’un œil, trop occupés à se bécoter… Ça, ce serait le pied. Je veux bien vivre cette journée encore et encore.

Je soupire et réponds à Pavel que j’y travaille quand Théo me fait sursauter en déposant un baiser dans mon cou. Je repose brusquement mon téléphone sur la table de nuit et souris en sentant son érection pressée contre mes fesses.

— Bonjour, beau voisin…

— Bonjour, tu ne dors donc jamais ? Je n’arrive jamais à me réveiller avant toi.

— J’ai le sommeil léger, et j’aime te regarder dormir, dis-je sans réfléchir avant de rire, mal à l’aise. Merde, tu vas me prendre pour une folle, désolée.

— C’est quoi qui te plaît ? La bave qui coule le long de ma bouche ? Mes ronflements ? Mon air bête quand je suis endormi ?

— Non, mais… tu as l’air beaucoup plus apaisé quand tu dors ou quand on fait des bêtises tous les deux, moins sur tes gardes…

Sa main qui caressait mon ventre, remontant jusque sous ma poitrine, s’arrête un instant à mes propos, mais il reprend vite contenance avant de me répondre.

— C’est normal, quand je ferme les yeux, je rêve de toi et plus rien ne peut m’arriver. Alors que quand je les ouvre, tu n’es plus là et tout de suite, je vais moins bien. Tu vois, c’est toi qui m’apaises.

Ou c’est juste que ton esprit est trop occupé à autre chose pour penser à ta situation… Oui, bon, ça peut être moi, du coup. Joli détournement.

— J’ai pourtant l’impression d’être excitante plus qu’apaisante, plaisanté-je en frottant mes fesses contre sa hampe bandée.

— Ah ça, j’aurais du mal à le nier ! répond-il alors que ses mains remontent sous mon tee-shirt pour s’emparer de mes seins nus.

— T’es increvable, c’est fou, ris-je en me tournant légèrement pour l’embrasser. Je te préviens, c’est juste câlins, ce matin. Sinon, on va encore passer la matinée au lit et je vais encore prendre du retard sur mon boulot. Pas de weekend pour les indépendants, tu sais ?

— Oui, juste câlins, comme d’habitude, grogne-t-il en frottant sa barbe dans mon cou. Je n’avais rien d’autre en tête !

Mais bien sûr, on y croit tous. J’essaie de le frustrer un peu, et de me frustrer par la même occasion, parce qu’on passe notre temps imbriqués l’un dans l’autre et, aussi agréable soient ces moments, j’ai peur qu’il soit vite lassé. Ou moi, d’ailleurs. Parce que je n’ai jamais couché aussi longtemps avec le même homme, soyons honnêtes.

— Ah oui ? Vraiment ? ris-je en soulevant légèrement ma jambe pour attraper son sexe que j’emprisonne entre mes cuisses.

Ouais, on repassera pour la frustration, je plaide coupable.

— Oui, vraiment. Juste des câlins comme ça, affirme-t-il en se positionnant entre mes lèvres sans toutefois me pénétrer. Il te reste des préservatifs ?

— On n’est plus sur du câlin soft s’il faut une capote, gloussé-je en récupérant malgré tout un petit sachet dans la table de nuit.

Je me redresse le temps de le lui enfiler avant de me réinstaller dans la position initiale. Théo ne tarde pas à se nicher dans mon antre et je savoure toutes les sensations qui m’assaillent durant cette étreinte à la fois douce et passionnée. Une fois encore, nous nous entraînons mutuellement lentement mais sûrement vers un nouvel orgasme qui me laisse suffisamment sur le carreau pour que je me rendorme alors que nous nous câlinons tous les deux.

Quand je me réveille, j’entends la douche couler et constate que cette fois, il s’est réveillé avant moi. Je récupère mon téléphone et finis mon mail au boss et suis surprise de voir mon amant, en serviette, s’installer à mes côtés, le regard curieux en direction de mon mobile. Je réfléchis un quart de seconde à ce que je pourrais lui dire et y vois une brêche… Enfin, je l’espère.

— Désolée, c’est un vieil ami déprimé, grimacé-je en espérant qu’il soit curieux sur ce point. Je ne me vois pas trop laisser ses messages de côté et ne pas essayer de le réconforter...

— Un vieil ami ? Genre, un de tes ex ou alors un vieux con trop ridé pour prétendre à quoi que ce soit avec toi ?

Bingo… Il va falloir la jouer fine, maintenant...

— Un vieil ami du lycée. J’ai pas souvenir qu’on se soit rapproché, il était très amoureux d’une fille avec qui il a passé des années, elle vient de le larguer, le pauvre.

— Et pourquoi il t’écrit ? Il veut se consoler avec toi ?

— Non, il me demande si je suis toujours en contact avec un autre garçon, il est devenu avocat et comme la fille veut la garde des trois enfants, il a besoin d’un coup de main. Mais je doute qu’il puisse l’avoir, déjà ado, Mikhail avait quelques problèmes de drogue, lui dis-je en levant les yeux de mon téléphone pour l’observer.

— Comment tu as dit qu’il s’appelait ? me demande-t-il, troublé.

— Mikhail. C’est bizarre comme prénom, non ? Je crois que ses parents venaient de Bulgarie ou un truc dans le genre, je ne me souviens pas bien. Toujours est-il qu’on l’appelait Mika, c’était plus facile. Vraiment bizarre, Mikhail…

J’ai la sensation qu’il m’écoute à peine lorsque je lui réponds, et je pense bien avoir finalement, vu sa réaction, touché du doigt la résolution de la mission… Théo reste perdu dans ses pensées quelques secondes avant de détourner le regard et de reprendre la parole.

— Je ne crois pas que ce soit bulgare. Ça sonne plutôt russe, non ? En tout cas, c’est bien de l’aider, mais ce serait mieux de me faire un câlin, non ?

— Je ne sais pas. Pour le pays, je veux dire, souris-je en tentant de masquer mon malaise. Pour le reste, je suis d’accord.

Je dépose mon téléphone sur ma table de chevet et lui grimpe littéralement dessus pour le serrer contre moi. Je déteste l’avoir mis dans cet état, je sens qu’il est totalement déstabilisé et ça me fait de la peine. La Lyana de Russie doit se foutre de moi, quand on me voit en version petite fleur fragile et empathique…

— Livraison spéciale de câlins, glissé-je à son oreille avant de la mordiller.

— Ah, il suffit vraiment de demander. Mais si on veut manger ce midi, il faut que j’aille faire des courses. N’écoute pas ce que dit mon corps, là, mais ce que dit ma bouche plutôt, rit-il en montrant son érection.

— Bien sûr qu’il suffit de demander, je ne suis pas sans cœur ! Enfin, je ne crois pas… Tu es sûr que les courses ne peuvent pas attendre, parce qu’à cause de toi, continué-je en murmurant à son oreille tout en venant onduler contre son érection, j’ai très envie que ce câlin parte en vrille comme au réveil…

— Les courses attendront. Je ne peux pas résister à une jolie petite diablesse comme toi, répond-il d’une voix rauque alors que son sexe s’humidifie déjà sous l’effet de mes caresses tandis que je coulisse sur lui.

Si la brèche temporelle pouvait se mettre en route maintenant, s’il vous plaît ? Il faut vraiment que j’arrête les films de science fiction, mais l’espoir fait vivre… Cette nouvelle partie de jambes en l’air a au moins le mérite de faire taire mon cerveau qui se pose mille et une questions et hésite quant à la suite des événements. C’est terrible d’être dans cette situation, mais j’imagine que je l’ai bien mérité. Ça m’apprendra à m’enticher de ma cible… J’ai l’impression que toutes les solutions sont mauvaises et qu’aucune ne me satisfera. Sans doute parce que c’est bel et bien le cas. Alors Carpe Diem, je vais commencer par jouir et on verra la suite plus tard.

Annotations

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0