32. Des informations, des orgasmes, une récolte fructueuse

10 minutes de lecture

Lyana

Le moment que nous passons à Honfleur est si agréable que nous décidons de le prolonger. Nous avons cependant quitté la plage une bonne demi-heure pour aller acheter de quoi dîner sur le sable et regarder le coucher du soleil. Le temps s’est un peu rafraîchi à présent, mais la nuit est agréable et nous nous sommes suffisamment éloignés de l’entrée de la plage pour ne pas être dérangés par les lumières du Havre que l’on peut apercevoir en face, comme si la ville flottait sur la Manche. De ce fait, allongés tous les deux sur une couverture, sur le sable, Guizmo entre nous, nous observons le ciel étoilé dans un silence quasi religieux depuis une bonne vingtaine de minutes. Nous ne sommes malheureusement qu’au tout début des Perséides et les étoiles filantes se font encore très rares, mais j’adore observer cet infini quasi inconnu. Je me sens toute petite, insignifiante, face à ce ciel, et mes problèmes me semblent futiles.

Je me surprends, en revanche, à me dire que revenir ici à la mi-Août pourrait être sympa. Avec Théo. Allô ? Moi, avec mon voisin, dans un mois ? Impossible. Pavel m’aura fait trucider bien avant ça si je ne récupère pas les infos qu’il désire. Et pourquoi avec Théo ? Bon sang, il est en train de me faire tourner la tête, lui… Pourquoi est-ce qu’il m’a dit qu’il voulait plus, aussi ? Pourquoi m’avouer qu’il s’est attaché ? Je ne vais pas pouvoir détourner éternellement la conversation en lui proposant du sexe, d’autant plus que… moi aussi, je me suis attachée. Trop, d’ailleurs. Cette mission n’en devient que plus difficile, et une partie de moi a envie de fuir à toutes jambes, de m’éloigner de lui parce que ça pue, tout ça. L’autre, en revanche, est installée bien trop confortablement contre l’épaule de mon amant, son bras autour de moi et son torse qui se soulève lentement au rythme de sa respiration pour avoir envie de fuir.

— J’ai toujours adoré regarder les étoiles, murmuré-je finalement. Ma… famille d’accueil m’a emmenée dans un observatoire pour mes dix ans, je crois que c’est le plus beau souvenir de ma vie.

— Moi aussi, j’adore. Mais en ce qui me concerne, c’est un peu différent. Je m’imagine m’envoler et naviguer entre chacun de ces systèmes planétaires et rencontrer plein de peuples différents, des créatures dignes des films Star Wars. Tout ça pour m’évader de ce quotidien qui n’est pas toujours à la hauteur. Sauf peut-être depuis que je t’ai rencontrée, Lyana. Toi aussi, tu me fais voir des étoiles.

— Pitié, dis-moi que tu ne me compares pas à Chewbacca, quand même ? ris-je en me redressant pour plonger mes yeux dans les siens malgré la pénombre.

— Non, toi tu es la Princesse Lyana, et je suis le gars un peu paumé et décalé qui réussit à la séduire. Chewbacca, niveau poilu, c’est plutôt Guizmo, me répond-il en déposant un nouveau baiser sur mes lèvres. Ce serait bien qu’on remporte la guerre et qu’on puisse être à un point où on peut envisager un avenir, d’ailleurs, soupire-t-il, le ton rêveur témoignant de tout son désir de faire évoluer notre relation.

C’est gênant… parce que je sais que ça n’arrivera jamais. Et ça m’attriste, parce que c’est quelque chose qui pourrait me tenter. J’ai déjà dû partir en mission sur une longue période, me mettre un gars dans la poche, coucher avec lui et le mettre en confiance, mais jamais, ô grand jamais, je n’ai ressenti ce que je ressens pour Théo. Ce dernier rodéo avant de quitter l’organisation va laisser des traces et elles ne seront pas agréables à vivre, je le sens.

— Guizmo est plus mignon que Chewbacca, quand même, souris-je. Et puis… remporter une guerre est un travail de longue haleine, il y a de nombreuses batailles à gagner pour y parvenir, il faut savoir être patient.

— Oh regarde ! Une étoile filante ! Il faut faire un vœu ! s’écrie-t-il tout à coup en pointant son doigt vers le ciel. Moi, je sais ce que je veux. Que chaque jour à l’avenir soit aussi agréable que cette belle journée en ta compagnie.

— Eh bien, je te souhaite que ton vœu se réalise, soupiré-je en me réinstallant pour observer le ciel. Les miens n’ont jamais été entendus.

Je voulais une vie simple, loin de la Mafia. Je voulais que mon père réussisse à s’en extraire et vienne me récupérer pour m’élever. Et je voulais que ma mère revienne. Si le dernier me paraissait stupide quand je l’ai fait, il n’en était pas moins ce que je rêvais le plus au monde. Les deux autres me semblaient plus réalisables, sauf que mon paternel adorait travailler pour les méchants et n’avait aucune envie de les quitter. Je me demande tous les jours ce que ma mère a bien pu lui trouver et ce qu’elle fichait avec lui, honnêtement.

— Il faut continuer à y croire, tu sais ? Tu devrais en faire un quand même. Tu l’as vue, l’étoile filante, non ?

— Non, c’est toi que je regardais, et je suis désolée de te dire ça, mais tu ne brilles pas dans le noir, ris-je.

— Promis, je ne brille pas, mais je ne file pas non plus, c’est ça l’avantage. Je suis trop bien avec toi dans mes bras. J’ai un peu l’impression de revivre après une longue période où je me suis trop replié sur moi-même. Tout ça parce que des fois, je suis trop attaché à certains principes.

— On est tous attachés à nos principes. c’est ce qui nous régit et nous rassure, non ? Et se protéger en se repliant sur soi… C’est naturel, je crois. Tu sais que j’ai l’impression que tu me parles en langage codé ? Je ne sais rien de toi et de ta vie, alors je ne fais qu’imaginer, c’est bizarre.

Il reste un instant silencieux et alors que je pense qu’il ne va pas me répondre, il reprend la parole d’une voix douce et un peu sourde.

— Disons que j’ai eu la folie de croire que je pouvais changer le monde et réparer des injustices. Pour ces idées un peu folles, et comme je n’ai pas de famille, j’ai pris le risque de dénoncer des choses qui n’ont pas plu à certaines personnes et… cela a un peu bouleversé ma vie. Je ne peux pas t’en dire plus, tu sais, mais sache que je suis du côté des gentils sur ce coup-là. Et que j’espère que bientôt, je n’en paierai plus les conséquences et que je pourrai reprendre une vie normale.

Je ne réponds pas immédiatement, ne sachant pas quoi dire au vu de ce que je sais de tout ça. J’aimerais avoir la répartie idéale pour le pousser à m’en dire davantage, mais j’hésite, honnêtement.

— Pas toujours facile de vouloir faire le bien… ou d’être du bon côté, tenté-je avant d’abandonner l’idée d’aller plus loin. Et si on rentrait ? Je commence à être fatiguée.

— Oh déjà ? Je t’ennuie avec mes petits soucis personnels, bafouille-t-il, gêné. Bien sûr qu’on peut rentrer. Tu veux que je conduise ou ça va ?

— Non, non, tu ne m’ennuies pas du tout, voyons ! Si tu veux en parler, on en parle. Au contraire. C’est juste que je ne veux pas paraître trop curieuse ou intrusive. Je veux bien que tu conduises, si ça ne te dérange pas…

— J’en ai déjà trop dit, soupire-t-il en se levant avant de me tendre la main pour m’aider à en faire de même. Venez Princesse, votre carrosse vous attend. Il faudra qu’on revienne, cette journée à la plage restera un excellent souvenir pour moi.

J’acquiesce en attrapant sa main pour me lever à mon tour et replie la couverture tandis que Guizmo aboie en courant partout autour de nous.

— Je suis une tombe, promis, souris-je alors que nous prenons le chemin inverse de tout à l’heure pour regagner le parking.

Nous restons silencieux durant cette petite marche alors que mon Chewbacca profite de cette dernière balade avant d’être enfermé en voiture. Il n’y a plus personne sur la plage, et je me demande si les flics qui surveillent Théo sont encore là. En tout cas, ils sont discrets. Pavel m’a envoyé des photos d’eux, mais je peine à les trouver chaque fois que nous sortons. Ils sont plutôt doués. Et je crois que la Mafia a du talent aussi, parce qu’ils ne doivent rien avoir trouvé sur moi. Ou alors, ils savent qui je suis et veulent me prendre sur le fait ? Je ne sais pas, je ne sais plus et j’essaie de faire fi de tout ça pour ce soir. Pour le moment, en tout cas.

Le trajet retour est un peu long, il faut dire que nous ne sommes pas tout près de la plage, mais nous papotons de tout et de rien et je suis contente qu’il n’embraye pas encore sur notre relation. Je suis vraiment mal à l’aise par rapport à tout ça. Théo est quelqu’un de gentil et je n’ai aucune envie de lui faire du mal, même si j’ai l’impression qu’il est trop tard pour ça.

Il ne reste que dix kilomètres lorsque je profite de ma position de passagère pour déboutonner le pantalon de mon voisin et glisser ma main dedans. Le regard presque étonné qu’il me lance me fait sourire, tout comme sa mâchoire qui se contracte lorsque j’enserre sa hampe entre mes doigts. Je passe donc le reste du trajet à le branler doucement, préparant le terrain pour la suite de la nuit. Et c’est purement égoïste. J’ai juste envie de lui, de profiter de ce “nous” bancal. La mission passe au second plan, même si j’ai un objectif précis cette nuit. Je n’oublie pas que Pavel m’a collé la pression, malheureusement.

Guizmo étant dans le coffre, je sors de la voiture une fois que nous sommes arrivés plutôt que de poursuivre mes caresses. Comme lors de notre dernière sortie, je le dépose à la maison, mais n’attends pas l’invitation de mon voisin pour me joindre à lui. Je me glisse entre lui et sa porte pendant qu’il l’ouvre et l’embrasse à pleine bouche. Nous mettons une éternité à monter dans sa chambre, puisqu’il m’arrête en bas des marches pour me déshabiller et me lécher de la plus divine des manières, me poussant à lui rendre la pareille sur le palier du premier étage. Nous finissons d’ailleurs sous la douche, et je ne sais même pas si la décision a été prise pour nous laver après nos baignades dans l’eau salée ou parce que lui comme moi apprécions le sexe sous le jet d’eau chaude. Toujours est-il que peu importe les raisons, le principal reste le plaisir partagé et l’orgasme qui me coupe littéralement les jambes, obligeant mon amant à me soutenir. J’ai l’impression que chaque étreinte fait grimper le plaisir crescendo, c’est dingue. Et qu’elles nous rapprochent toujours un peu plus aussi. Pour preuve, nous passons ensuite un moment à nous caresser et nous embrasser. On n’économise pas l’eau, mais le moment en vaut la peine.

Je pourrais rentrer chez moi, mais je me laisse faire lorsqu’il m’entraîne dans sa chambre. Je crois que lui et moi pourrions repartir pour un tour, mais nous nous couchons l’un contre l’autre et nous câlinons comme je ne l’ai jamais été. Je lutte d’ailleurs contre le sommeil, j’essaie de tenir le coup alors que je n’ai qu’une envie, tomber dans les bras de Morphée.

Théo met un petit moment à s’endormir et je patiente encore un peu avant de me lever doucement. Sa chambre est plutôt vide, il n’y a qu’une armoire et un fauteuil en plus du lit et des tables de chevet, alors je sors de la pièce et descends les escaliers avec l’objectif de trouver son téléphone. Allez savoir pourquoi j’ai trouvé logique de le déshabiller en bas… Mais, au moins, je devrais l’entendre s’il se lève. Je récupère donc son pantalon et m’installe sur le canapé en en sortant son mobile. Je grimace en constatant qu’il y a un code sur le téléphone et tente de me souvenir de la date d’anniversaire de Théo que j’ai vue dans le dossier que m’a confié Pavel. J’ai vraiment une mémoire de poisson rouge, c’est terrible. Je sais qu’il est du mois d’octobre, mais j’ai un doute sur le jour, alors j’y vais au feeling, me plantant forcément. Pas le treize mais le vingt-trois. Vingt-trois dix. Bingo !

Il n’y a pas grand-chose dans son téléphone. Seulement quelques numéros enregistrés que je note sur mon propre téléphone, récupéré dans mon sac. Dire que j’ai failli le déposer chez moi… J’ai eu une petite lueur de lucidité dans l’excitation du moment. Le numéro qui l’a appelé ce matin est anonyme et c’est la poisse. Cependant ce gros bêta a laissé sa boîte mail connectée, alors je peux en changer le mot de passe pour pouvoir m’y connecter dès demain matin depuis chez moi. Ok, la journée a été bonne niveau infos, c’est parfait. Ne me reste plus qu’à regarder un peu dans la bibliothèque bien fournie en livres. J’ai repéré des pochettes et un tas de papiers sur l’une des étagères, et je me mets à feuilleter le tout en prenant garde à les laisser dans l’ordre. Il n’y a malheureusement rien de très intéressant de ce côté-là. Je n’ai toujours pas le nom de son indic, mais j’espère bien pouvoir compter sur cette adresse mail pour le trouver. Je n’échoue jamais, hors de question que ça commence aujourd’hui, non ? C’est ma liberté qui est en jeu...

Annotations

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0