27. Le jeu du cuistot et de la sirène

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Théo


Cette femme est vraiment un mystère complet pour moi. Un jour, elle m’attire dans son lit, le lendemain, elle me rejette en me disant que ce n’était que du cul, qu’une nuit, ça suffit et les jours d’après, elle recommence à me chauffer et à me draguer. Je suis un peu perdu et j’hésite vraiment sur la conduite à tenir, entre répondre à ses avances et garder mes distances. Et ma situation ne m’aide pas à faire les bons choix. J’ai envie de me laisser aller à la tentation, de répondre à tout ce qu’elle semble vouloir m’offrir, même si ce n’est que du sexe car d’une part, je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir rester ici, et d’autre part, si les Russes me retrouvent, je n’aurai plus de cœur qui bat à faire souffrir. Mais une autre partie de moi garde l’espoir de me sortir de cette situation, de prendre un nouveau départ, et franchement, si je pouvais le faire avec elle, est-ce que je serais malheureux ? Loin de là.

Je l’observe s’éloigner vers la plage et sens encore sur mes lèvres la chaleur et la douceur des siennes. Le contact a été bref, furtif, mais il m’a bouleversé plus que je ne voudrais l’admettre. J’ai eu envie de la saisir et de me coller contre elle, mais déjà elle s’est échappée et m’a laissé planté là à l’admirer se diriger avec grâce vers l’eau du lac. Qu’elle est jolie, cette femme ! Je crois que jamais encore, je n’avais pu apprécier et approcher une telle beauté. Elle a de longues jambes qui n’en finissent pas malgré sa taille raisonnable. Ses cuisses sont bien galbées et ses fesses rondes et moulées dans son bas de bikini. Je me souviens de la sensation quand je les ai serrées entre mes mains et cette simple pensée finit de totalement m’exciter, ce qui est encore renforcé par la cambrure de son dos et ses cheveux roux, attachés en queue de cheval, qui soulignent la délicatesse de ses traits et l’élégance de tout son être. Lorsqu’elle jette un œil rieur vers moi pour voir si je la suis ou pas, je me sens faible et cède, incapable de résister à l’appel qu’elle me lance inconsciemment. Je m’élance à sa suite en essayant d’oublier que si je fais craquer les barrières que je me suis fixées, il ne faut pas que je m’attende à autre chose que du sexe. Mais bon, si c’est du niveau de la dernière fois, ça vaut bien la peine de cœur qui va suivre non ?

Lorsque je la rattrape, elle est déjà à moitié dans l’eau et s’est arrêtée pour laisser son corps s’habituer à la fraîcheur du liquide qui arrive juste en dessous de ses fesses. Je fais comme elle et essaie de ne porter mon regard que vers l’horizon où le soleil commence seulement à baisser et non vers le corps de la somptueuse sirène à mes côtés. Il fait encore chaud et c’est agréable de pouvoir aller nager.

— Eh bien, je te croyais plus aventureuse que ça, me moqué-je avant de plonger dans l’eau en faisant attention toutefois à ne pas trop l’éclabousser au passage.

Je sens l’eau glisser le long de mon corps alors que je m’étire au maximum et commence à faire quelques mouvements pour accélérer le rythme. Je m’éloigne de ma partenaire dans un mouvement fluide et retrouve cette liberté que j’adore quand je nage. Le corps ne pèse plus rien et, comme à chaque fois, je me laisse porter par mon élan, oubliant tout ce qui m’entoure. Je ferme les yeux et vogue dans cette eau pure et fraîche quand tout à coup, je sens une main saisir ma cheville et me retenir. Pris de panique, je me débats et parviens à me libérer avant d’entendre le rire cristallin de Lyana qui s’est redressée et m’observe, amusée de ma réaction.

— Qu’est-ce qui t’amuse comme ça ? Tu m’as surpris, c’est tout.

En réalité, j’ai cru un instant que la mafia m’avait retrouvé et qu’ils allaient me régler mon compte en me noyant, mais je ne vais pas lui avouer ça, jamais elle ne me croirait.

— Rien, juste ta réaction. Ne t’inquiète pas, il n’y a pas de pieuvre dans le lac pour t’attraper et te couler. Juste moi.

La “pieuvre”, c’est un peu ce qui me fait peur, mais c’est vrai que couler avec elle sera plus agréable.

— Moqueuse ! Tu es une vraie sirène, je ne t’ai même pas entendue plonger dans l’eau !

— C’est le talent, que veux-tu, rit-elle en se plantant devant moi. Je ne chante pas comme une sirène, par contre, il vaut mieux éviter ça.

J’attrape ses hanches et les caresse doucement, plongeant mon regard dans ses magnifiques yeux émeraude.

— Je ne sais pas, peut-être que ça me charmerait quand même ?

— Oh non, crois-moi, tu fuirais à grandes enjambées, Théo, et ce n’est pas du tout ce dont j’ai envie, sourit-elle en passant sa main dans mes cheveux.

— Tu sais que ce serait mieux d’arrêter tout ça si tu ne veux pas que je t’embrasse ? demandé-je en me rapprochant néanmoins d’elle.

— Eh bien… peut-être que je n’ai pas envie d’arrêter, en fait. La question, c’est de savoir ce dont toi tu as envie, cher voisin.

— Pour être honnête, je ne sais pas, Lyana. Si c’est juste une nuit que tu veux de moi, je pense que ce serait mieux de ne pas faire de bêtises, mais tu n’as pas l’air décidée à vouloir m’offrir plus et je crois que je suis prêt à baisser mes exigences.

— C’est quand même fou, généralement ce sont les hommes qui ne veulent pas s’impliquer dans une relation, non ? Je… Pourquoi vouloir plus ?

— Peut-être que je suis à un point dans ma vie où le sexe ne me suffit plus ? expliqué-je en rompant le lien avant de plonger à nouveau.

Je la contourne en nageant et retourne jusqu’au rivage sans qu’elle ne cherche à me retenir, cette fois. Je me couche sur le sable pour me sécher un peu alors qu’elle reste un long moment supplémentaire dans l’eau, à tel point que je me demande si je l’ai vexée ou si elle attend que je vienne la rejoindre. Mais alors que je décide de me relever pour retourner dans l’eau, elle oriente sa nage vers moi et se redresse en arrivant au bord. L’eau coule le long de ses cheveux, sur sa peau, et avec la lumière orangée du soleil qui baisse à l’horizon, j’ai l’impression de voir une créature de feu se rapprocher de moi.

— Je vais pouvoir me mettre aux saucisses. Tu as faim ?

— J’espérais que tu aies déjà commencé. Je suis affamée, moi, me répond-elle en frissonnant.

— C’était plus intéressant de te regarder nager, j’avoue. Tu as froid ? Viens avec moi à côté du barbecue, ça te réchauffera, indiqué-je en me dirigeant vers le brasier qui a l’air prêt à accueillir la viande.

— Je te suis. Ou alors…

Elle me sourit avant de me contourner et de me sauter sur le dos, m’obligeant à attraper ses cuisses pour qu’elle ne tombe pas.

— Mais ! m’esclaffé-je en pliant un peu le dos. Tu penses abuser de ma gentillesse comme ça, toi ?

Je fais mine de râler, mais j’avoue que j’adore retrouver cette proximité physique entre elle et moi. Elle m’entoure le cou de ses bras tandis que Guizmo, discret jusqu’à présent, saute autour de nous et aboie. Je dépose un baiser discret sur sa peau en m’élançant tel un cheval fou au galop vers l’endroit où nous allons pouvoir prendre notre petit dîner.

— Je n’abuse jamais, et ça n’a pas l’air de te déplaire, me dit-elle en descendant finalement pour se coller près du barbecue.

— Non, ça me plaît trop pour ma santé mentale, au contraire, avoué-je. J’ai l’impression de perdre tous mes moyens quand je suis avec toi. Tu dois me trouver pathétique.

— Non… tu es loin d’être pathétique, Théo. Bon, tu les mets à cuire, ces saucisses, avant qu’on ne meure de faim ?

— Tout ce que tu veux, belle Lyana.

Je souris et m’exécute en les mettant à chauffer, provoquant un léger grésillement qui s’accompagne de cette odeur si reconnaissable de la saucisse grillée. Je l’observe et je suis déçu de voir qu’elle préfère s’occuper de son chien que de rester avec moi pendant que je fais chauffer notre repas. Qu’est-ce que ça m’énerve d’être ainsi à la merci d’un simple regard ou sourire de sa part ! Il suffit qu’elle détourne deux secondes son attention de Guizmo pour que les battements de mon cœur s’accélèrent. Dans quoi est-ce que je suis en train de me lancer, moi ? Je suis si en manque que ça qu’il suffit qu’une voisine un peu sexy s’installe à côté de chez moi pour me retrouver tel un adolescent boutonneux devant une star de la télé ?

Quand c’est prêt, je les retire du feu et les dépose sur une assiette avant de l’appeler.

— À table ! Même les jolies femmes doivent arrêter de s’occuper de leur monstre et venir me tenir compagnie !

— Il était temps ! Qu’est-ce que ça sent bon, j’adore, s'extasie Lyana en sortant salade et boissons de sa petite glacière. Qu’est-ce que tu veux boire ?

— Tu sais, moi, de l’eau, ça me va, dis-je, ne voulant pas perdre mes moyens plus que ça n’est déjà le cas.

— Bien, va pour de l’eau. C’est moi qui conduis, tu sais ?

— Tu as autre chose ?

— J’ai du rosé. L’épicier m’a dit qu’il était sucré et très bon… Sinon, jus d’orange.

— Si tu en prends aussi, va pour le rosé. Avec la viande et la salade, ça ira bien. Et ça me rappellera les vacances dans le sud où j’allais avant que… Enfin, avant, quoi.

— Je suis allée une fois en vacances dans le sud, il faisait beaucoup trop chaud pour moi, rit-elle en remplissant deux gobelets après avoir ouvert la bouteille. Et puis, l’accent chantant, c’est mignon cinq minutes, moi, ça me tapait sur le système.

— Tu y étais pour les vacances ? Toute seule ? ne puis-je m’empêcher d’ajouter.

— Non, quand j’étais plus jeune. Avec ma famille d’accueil, si je peux dire… Bref. Santé ?

— Santé ! A la jolie femme qui me fait passer une superbe soirée !

— Au moins ça ! A toi et à nous, à cette soirée agréable et sans prise de tête. Ça valait le coup de revenir ici, non ?

— Tout dépend si ça finit comme la dernière fois, rétorqué-je en essayant de deviner sa réaction.

— Tu veux dire… toi qui fais du boudin ? Si tu pouvais éviter, ce serait cool, j’avoue, sourit-elle.

— Aujourd’hui, c’est saucisse, pas boudin, ça devrait aller. Et excuse-moi si je suis susceptible, parfois. C’est juste qu’avec toi, j’ai du mal à savoir comment me positionner. J’hésite entre tout te donner et m’éloigner de toi pour me protéger et ne pas souffrir. J’ai peur de… ne pas être à la hauteur de quelqu’un d’aussi exceptionnel que toi, si je veux être honnête. Et que tu me fasses plaisir par pitié ou parce que, pour l’instant, il n’y a rien de mieux autour, mais qu’à la moindre occasion, tu me jettes comme si je n’avais jamais existé. Je crois que je ne sais pas faire que du cul…

— Je ne couche pas par pitié, moi. Si je couche avec toi, c’est que j’en ai envie. Si je passe du temps avec toi, c’est que ça me fait plaisir. Et si je te dis que tu me plais, c’est que je le pense. C’est peut-être un peu pour ça que j’ai tendance à fuir, d’ailleurs, soupire-t-elle en me tendant la salade.

— Tu veux dire que tu es comme moi ? Quand ça commence à devenir plus sérieux, tu recules ? On n’est pas sauvés si c’est ça.

— Je n’ai jamais eu de relation sérieuse, Théo, pour être honnête avec toi. Je… je ne veux pas m’attacher aux gens, en fait. Dans ma situation, c’est inutile et dangereux. Enfin, tu vois, quoi… Quand tu te retrouves sans parents alors que tu n’es même pas adulte, que tu perds tous tes repères, tu comprends que tu ne dois compter que sur toi et te protéger…

Je réfléchis un instant à ses propos puis, comme si un déclic se produisait dans mon cerveau, j’émets la proposition qui vient de naître dans mon cerveau un peu embrumé par le désir que je ressens pour elle.

— Ecoute, je n’ai pas envie d’un simple coup d’un soir. C’est pas un CDD ou un intérim qui m’intéresse, mais je comprends ta difficulté à t’engager. Je suis un peu dans la même situation. Est-ce qu’un CSDI t’intéresserait ?

— Un CSDI ? rit-elle. Qu’est-ce que tu entends par là, au juste ?

— Un Contrat Sexe à Durée Indéterminée. On fait l’amour tant qu’on veut, aussi longtemps qu’on veut, et le jour où on veut ou doit passer à autre chose, on donne un petit préavis à l’autre, c’est plus classe, et on le rompt en se quittant bon amis. Pas d’engagement sur la durée, mais obligation de plaisir tant que ça dure. C’est pas la meilleure idée du monde, ça ?

— Est-ce que tu te rends compte qu’en gros, tu me proposes qu’on soit sex-friends ? Et qu’au final, c’est… juste du cul ?

— Eh bien, ça c’est pour répondre à ta demande, non ? Toi, c’est le côté sexe qui t’intéresse, et moi, le côté friends. Quoique… le côté sexe ne m’embête pas du tout. C’est un bon deal, non ?

— Oui, oui, effectivement, c’est un deal intéressant, sourit-elle. Très bien, pourquoi pas, cher voisin.

— Un contrat, il faut le signer normalement. Par contre, c’est dommage, j’ai oublié mon stylo… commencé-je en me penchant sur elle. Je crois qu’il va falloir le conclure d’une autre façon.

Je passe ma main derrière sa nuque et attire sa tête contre la mienne avant de m’emparer de sa bouche avec une autorité et assurance que je suis loin de ressentir au fond de moi. Je m’attends à ce qu’elle me rejette à tout moment et qu’elle me dise que tout ça était une blague mais elle m’enlace avec une envie qui transparaît dans tous ses gestes et nos lèvres se rejoignent dans un baiser qui fait intensément monter la température et nous laisse tout essoufflés.

— Tu as une façon particulière de signer les contrats, mais j’aime ça. Beaucoup, même. Et si on finissait de manger rapidement ? Je crois que rien ne vaut l’application rapide d’un contrat, je ne suis pas très fan du délai de rétractation…

— Oui, dépêchons-nous, il faut appliquer le contrat et le mettre à l’épreuve de nos désirs pour voir s’il tient le choc face à la mise en pratique répétée. Tu es sûre que cette proposition te convient vraiment ? demandé-je, pris d’un ultime doute.

— Pourquoi est-ce que ça ne me conviendrait pas ? Arrête de te poser des questions et lâche prise, ce contrat promet des moments très agréables, non ?

Elle a raison. Pourquoi je continue à me poser des questions ? La vie m’offre une chance de profiter de mon quotidien auprès d’une femme magnifique. Ce serait vraiment con de ne pas la saisir. Et tant pis pour les conséquences.

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